Intervention de Georges Fenech

Réunion du 5 octobre 2016 à 10h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGeorges Fenech :

Je veux dire à Mme Nathalie Kosciusko-Morizet à quel point je partage l'objectif qu'elle poursuit, et que je salue le travail qu'elle a accompli courageusement. Cela dit, chère collègue, j'espère que vous ne m'en voudrez pas de dire aussi que je suis complètement d'accord avec les propos qu'a tenus M. Pascal Popelin tout à l'heure.

Je ne vois pas comment vous pourriez demander à des juges de s'ériger en docteurs de la foi. Qui va pouvoir émettre un avis autorisé sur tel ou tel précepte religieux ? S'il n'existe pas, dans notre droit, de définition d'une secte, il n'existe pas plus de définition d'une religion. Les seuls critères retenus par le Conseil d'État pour agréer une association cultuelle sont l'exercice d'un culte, et exclusivement d'un culte, et l'absence de trouble à l'ordre public. En cas de trouble à l'ordre public, il est évident que nous disposons déjà de textes de nature à satisfaire votre préoccupation, comme l'a dit M. Popelin.

Chacun peut croire personnellement à la supériorité de ses convictions religieuses sur l'ordre républicain, et même l'affirmer : cela relève de la liberté de croyance et vous ne pouvez, sans risquer l'arbitraire, confier aux juges le soin de déterminer si ce que vous croyez est bon ou pas. J'ai eu l'occasion de beaucoup réfléchir à ces questions lorsque je présidais la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (MIVILUDES). Peut-on interdire la doctrine des Témoins de Jéhovah, qui affirment l'imminence de l'Apocalypse et refusent les transfusions sanguines ? Non, et même des doctrines beaucoup plus radicales doivent être autorisées, par respect du principe de la liberté de croyance : certains propos peuvent, certes, tomber sous le coup de la loi, mais je crois que le texte présenté est tellement large qu'il ne permettrait à aucun juge de prendre le risque de condamner qui que ce soit sur la base de ce dispositif. Je regrette d'avoir à vous dire cela, madame Kosciusko-Morizet, mais croyez bien que je vous le dis en conscience.

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