Intervention de Nathalie Kosciusko-Morizet

Réunion du 5 octobre 2016 à 10h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaNathalie Kosciusko-Morizet, rapporteure :

Je remercie tout d'abord MM. Pierre Morel-A-L'Huissier, Olivier Marleix et Christian Kert pour leur soutien. J'aurais pu rappeler ce chiffre de l'Institut Montaigne cité par M. Christian Kert : 28 % des Français musulmans sont susceptibles d'adhérer à l'idée que la charia doit être considérée comme supérieure aux lois de la République. Cela ne peut laisser indifférent.

Vous nous dites, monsieur Popelin, que nous disposons déjà de tous les outils. Ce n'est pas le cas. J'ai cité des exemples de propos que l'on a aujourd'hui le droit de tenir, de prêcher et qui ne peuvent être sanctionnés. Les autorités que j'ai auditionnées m'en ont rapporté d'autres. Des lieux que l'on voudrait fermer, des prédicateurs que l'on voudrait interdire ne peuvent l'être, car la base légale manque et il existe un risque de contestation au tribunal. Vous faites appel à la loi de 1905. Depuis 1995, six procès ont été intentés sur le fondement de cette loi, et aucun depuis 2011. C'est dire que la loi de 1905 est peu adaptée pour faire face à la situation actuelle.

Il existe sans doute une incompréhension entre nous sur ce qu'est la cible de cette proposition de loi. Il ne s'agit pas de viser la liberté d'opinion – les gens pensent ce qu'ils veulent –, mais la liberté d'expression, au sens, qui plus est, de la prédication. Nous parlons de gens qui ont un public ou en trouvent un sur internet, y compris un public d'enfants, comme le montrent des cas récents. La liberté d'opinion permet-elle le négationnisme ? Permet-elle d'affirmer que la femme est inférieure à l'homme ? Non, la liberté d'expression a des limites. Tous ces principes sont constitutionnels et un équilibre doit être trouvé entre eux : c'est ainsi que sont organisées nos institutions. Nous avons d'un côté la liberté religieuse, la liberté d'opinion et de conscience – même si je conteste que cette proposition de loi la vise – et de l'autre les principes que j'ai rappelés, la dignité de la personne humaine, la liberté, l'égalité, qui n'ont pas moins d'importance.

Je vous confirme, monsieur Bompard, que ma loi n'a pas pour objet d'instaurer une religion officielle en France ni même d'établir une hiérarchie entre les religions. En écho aux propos de M. Georges Fenech, je souligne que nous ne parlons justement pas de religion. L'exposé des motifs vise certains courants, mais c'est à dessein que nous ne parlons pas de religion dans le texte lui-même.

Nous ne pouvons nous laisser tétaniser par un habillage religieux. Ce n'est pas parce que quelqu'un se prévaut d'une religion ou de l'interprétation d'un texte qu'il peut dire n'importe quoi, qu'il peut par exemple prêcher à des enfants que les femmes sont inférieures aux hommes, sans que nous ne fassions rien. Sinon, ce n'est pas la peine de parler de lutte contre la discrimination ; il suffira que les gens souhaitant la pratiquer se déclarent religieux. Ils le font déjà. Dans ces conditions, la lutte contre la discrimination est un faux-semblant. Or nous ne pouvons pas, dans le contexte difficile que nous connaissons, nous permettre de faire semblant.

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