Intervention de Jeroen Decuyper

Réunion du 28 septembre 2016 à 16h30
Délégation de l'assemblée nationale aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes

Jeroen Decuyper, attaché à l'Institut pour l'égalité de femmes et des hommes de Belgique :

Je vous remercie de m'avoir invité pour parler de nos travaux devant la Délégation aux droits des femmes.

Avant d'expliquer la méthode du gender budgeting utilisée en Belgique, je vais évoquer le contexte dans lequel cette méthode a été adoptée.

La loi du 12 janvier 2007 relative au gender mainstreaming (approche intégrée de l'égalité) oblige à intégrer la dimension de genre dans l'ensemble des politiques : mesures, préparation de budgets ou actions en vue d'éviter ou de corriger d'éventuelles inégalités entre les femmes et les hommes.

Elle prévoit aussi des obligations spécifiques, par exemple, l'obligation de ventiler par sexe les statistiques collectées ou produites par les administrations, l'intégration de la dimension de genre dans les marchés publics, dans les subsides, le gender budgeting, un « test genre » sur les propositions de loi etc.

L'objectif premier de cette loi est de prendre en compte la situation éventuellement différente des femmes et des hommes, ce que nous appelons chez nous « la dimension de genre », dans toutes les actions. Auparavant, seules les actions spécifiques avaient pour but de promouvoir l'égalité. La loi gender mainstreaming vise à ce que toutes les autres actions entreprises par le Gouvernement prennent aussi en compte la dimension de genre.

C'est dans ce contexte qu'il faut appréhender la méthode belge fédérale du gender budgeting. Il y a différentes approches dans ce domaine. Chez nous, l'objectif n'est pas de savoir exactement quelles sommes vont aux femmes et aux hommes ou d'arriver à une distribution équilibrée à 100 % entre femmes et hommes. Nous n'en sommes pas à ce stade. Nous avons voulu faire du gender budgeting un instrument pour soutenir le gender mainstreaming et stimuler la prise en compte de la dimension de genre dans toutes les actions qui demandent un budget.

Quel est le cadre pour faire du gender budgeting ? Il y a d'abord, comme je viens de le dire, la loi relative au gender mainstreaming, dont l'article 2, paragraphe 1, dispose que le Gouvernement doit prévoir l'indication de la dimension de genre dans l'ensemble des préparations de budgets. L'article 2, paragraphe 2, impose l'obligation d'identifier les crédits relatifs aux actions visant à réaliser l'égalité entre les femmes et les hommes dans une note de genre annexée à chaque projet de budget.

En gros, ces crédits relatifs aux actions visant à réaliser l'égalité entre les femmes et les hommes sont destinés aux actions spécifiques. Cet élément a été inscrit dans la loi. C'était une demande des associations de femmes, qui voulaient avoir des informations en la matière.

La loi est de portée générale. Une circulaire relative au gender budgeting a été élaborée en 2010. Il s'agit d'une circulaire générale destinée à tous les services publics fédéraux, qui détermine la méthode et la procédure à utiliser pour mettre en oeuvre la loi. Il y a, en outre, une circulaire annuelle élaborée par le service public fédéral Budget et contrôle de la gestion, qui l'envoie chaque année à tous les services budgétaires des différents services publics, avec des instructions pour l'élaboration du budget. À partir de 2008, suite à l'adoption de la loi de 2007, cette circulaire indiquait déjà l'obligation de faire du gender budgeting.

Depuis 2010, avec l'adoption de la circulaire relative au gender budgeting, la circulaire concernant le budget a intégré un paragraphe sur le gender budgeting à l'intention des services Budget et contrôle de gestion.

La méthode que nous utilisons au niveau fédéral belge consiste en une catégorisation des crédits par les gestionnaires de dossiers pour stimuler une réflexion par rapport à la dimension de genre. Ce n'est pas pour quantifier ou analyser que nous faisons du gender budgeting, mais pour stimuler l'attention portée à la dimension de genre dans les projets qui demandent un budget.

Il y a donc un lien avec les budgets, mais surtout avec les dossiers qui y sont associés. Avec notre méthode, nous essayons d'influencer la mise en oeuvre de ces dossiers. Cela passe par l'obligation de classer les crédits dans une des trois catégories que je vais évoquer.

Dans la première catégorie, on classe les crédits dont les dossiers ne présentent pas vraiment de dimension de genre et ne peuvent avoir aucun impact sur la situation respective des femmes et des hommes. Il s'agit de crédits de nature plutôt technique.

Il y a deux exemples concrets d'allocations de base : les dommages locatifs lors du départ ou les crédits prévus pour les intérêts de retard.

La deuxième catégorie concerne les crédits relatifs aux dossiers ayant pour objectif spécifique d'améliorer l'égalité entre les femmes et les hommes. En effet, la loi relative au gender mainstreaming, en effet, prévoit que soient identifiées les actions spécifiques en la matière. Il existe, par exemple, une allocation de base dépendant du service public fédéral (SPF) Affaires étrangères, intitulée « Dépenses de toute nature » en matière de gender mainstreaming. Il s'agit d'une allocation de base dont tous les dossiers qui y sont liés ont pour seul objectif la promotion de l'égalité entre les femmes et les hommes.

Ces crédits doivent être spécifiés dans une note de genre qui se présente sous la forme d'un tableau annexé à chaque projet de budget général des dépenses. Cette note de genre énumère les crédits destinés à promouvoir l'égalité entre femmes et hommes.

La troisième catégorie, la plus importante à nos yeux, englobe tous les autres crédits relatifs aux dossiers qui concernent une politique publique et qui présentent une dimension de genre, c'est-à-dire ceux qui peuvent avoir un impact sur la situation respective des femmes et des hommes.

En ce qui concerne les allocations de base, il y a, par exemple, dans le cadre du SPF Santé publique, des crédits liés aux projets pilotes en matière de drogue. C'est un projet de portée générale, qui n'a pas pour but spécifique de promouvoir l'égalité des femmes et des hommes. Cela étant, nous estimons qu'il est important de tenir compte, dans ce projet, des différences entre les femmes et les hommes.

Même chose pour les études en rapport avec la sécurité routière. En Belgique, 77 % des tués sur la route sont des hommes. Il est important, là encore, que la sensibilisation se fasse davantage en direction des hommes.

Toujours en ce qui concerne la catégorie 3, il faut, en outre, indiquer dans un commentaire genre de quelle façon on tiendra compte de la dimension de genre dans le cadre du dossier. Ce commentaire genre doit être repris dans les fiches budgétaires et être ensuite intégré dans la justification de l'allocation de base en question.

S'agissant de l'étude en rapport avec la sécurité routière, par exemple, cela reviendrait, pour justifier l'allocation de base, à intégrer dans les paramètres de l'étude les statistiques ventilées par sexe, afin de pouvoir observer et analyser les différences.

J'en viens au processus.

En premier lieu, ce sont les gestionnaires des dossiers, dans les services, qui doivent mener la réflexion sur la catégorisation, parce que ce sont eux qui vont devoir élaborer le projet. Ce sont donc eux qui doivent être sensibilisés. Lorsqu'ils font une demande de budget auprès de services Budget et Contrôle de la Gestion, ils doivent indiquer la catégorie à laquelle ils pensent que leurs crédits appartiennent et ils doivent intégrer le commentaire genre dans la justification s'ils ont identifié leurs crédits comme relevant de la catégorie 3.

Ensuite, ce sont les services du budget et de contrôle de la Gestion qui vont intégrer la catégorisation dans les fiches budgétaires, et la note de genre s'il y a des crédits de catégorie 2. Ils doivent ensuite envoyer toutes ces informations au service public fédéral du budget, qui intègre les informations dans le projet de budget général des dépenses, lequel est enfin envoyé au Parlement. En gros, dans ce tableau budgétaire, le service public fédéral du budget a rajouté une colonne dans laquelle apparaît la catégorisation de chaque allocation de base.

Pour soutenir cette action, nous avons essayé de donner des exemples dans le Manuel pour la mise en oeuvre du gender budgeting au sein de l'administration fédérale belge.

Nous avons aussi élaboré une sorte de check-list pour le commentaire genre. Dans cette liste, nous avons repris des crédits et des dossiers récurrents, comme certaines études, campagnes de communication ou subsides, et nous donnons des indications sur ce que pourrait être un commentaire de genre.

Dans le cadre de la loi que j'évoquais, chaque service public fédéral a aussi un coordinateur ou une coordinatrice gender mainstreaming. Ces personnes sont, bien entendu, des personnes ressources, qui ont aussi reçu des informations de l'Institut pour l'égalité des femmes et des hommes. Enfin, il y a l'Institut, dans le cadre duquel nous continuons à sensibiliser et informer.

Lorsque la circulaire gender budgeting est parue, nous sommes allés voir chaque service du budget de chaque service public fédéral. Nous avons fait le tour des dix-sept services publics fédéraux pour les informer de ce qui allait arriver et leur expliquer la méthode.

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