Dans le guide intitulé La budgétisation sensible au genre, que nous avons publié en 2015, nous avons choisi d'explorer une thématique promue par les organisations internationales dans le cadre des politiques de développement. Nous avons été surpris de constater que cette démarche était balbutiante en France, alors que nos administrations locales sont bien plus installées dans le paysage institutionnel et qu'elles sont dotées de moyens humains et financiers plus importants.
C'est de façon proactive que nous avons choisi de travailler sur cette thématique, d'abord en organisant une formation sur la budgétisation sensible au genre à destination des personnels et des élus des collectivités territoriales, puis en en donnant une forme de capitalisation au travers de la publication de ce guide pratique. Je tiens à saluer la coautrice de ce guide, Isabelle Gueguen, du cabinet coopératif (SCOP) Perfégal, qui a travaillé avec nous sur cette thématique.
En ce qui concerne le nombre de collectivités territoriales françaises qui se sont emparées de cette thématique, c'est, pour l'instant, je le répète, une démarche balbutiante. Quelques collectivités territoriales ont engagé des politiques volontaristes en matière d'égalité femmes-hommes, en essayant de le faire selon une approche intégrée.
Je reviens sur la différence entre « approche spécifique » et « approche intégrée ».
L'approche spécifique consiste à conduire des actions à destination des femmes. Il s'agit d'actions dont l'objectif est de corriger les inégalités entre femmes et hommes. L'approche intégrée vise à intégrer en permanence au raisonnement et à la conduite des politiques publiques une attention aux inégalités entre femmes et hommes. Autrement dit, quand lors de la construction d'une politique publique, je vais m'interroger sur ses éventuelles conséquences, ses externalités positives ou négatives en matière d'égalité entre les femmes et les hommes.
Plusieurs collectivités essaient, depuis quelques années, de s'engager dans cette démarche. Actuellement, à ma connaissance, trois collectivités en France ont fait part de leur volonté de mettre en place la budgétisation sensible au genre. Il ne s'agit pas, pour moi, de donner une liste exhaustive, mais je citerai la ville de Paris, qui semble vouloir aller dans ce sens, la ville de Montreuil, qui a également fait part de sa volonté de tester la budgétisation sensible au genre, au moins sur une partie de son budget municipal, et la ville de Bordeaux, qui réfléchit à la mise en oeuvre d'une telle démarche.
Pour l'instant, nous en sommes au stade du projet. Il est important de noter que les évolutions récentes du cadre législatif représentent une opportunité pour les collectivités territoriales de s'emparer de cette thématique et, en premier lieu, des thématiques d'égalité femmes-hommes au sens large puisque la loi du 4 août 2014 pour l'égalité réelle entre les femmes et les hommes, en son article 1er dispose que « L'État et les collectivités territoriales, ainsi que leurs établissements publics, mettent en oeuvre une politique pour l'égalité entre les femmes et les hommes selon une approche intégrée ». C'est une première base.
L'article 61 de cette même loi représente également une opportunité puisqu'il prévoit que toutes les collectivités territoriales de plus de 20 000 habitants présentent, devant leur organe délibérant, préalablement aux débats sur le projet de budget, un rapport sur la situation en matière d'égalité entre les femmes et les hommes.
Je ne suis pas juriste, mais il y a, dans le décret d'application, un passage qui laisse entrevoir la possibilité, un jour, d'une démarche de budgétisation sensible au genre puisqu'il est indiqué que « Le rapport recense les ressources mobilisées à cet effet », c'est-à-dire les ressources mobilisées en matière d'égalité entre les femmes et les hommes.
Donc, même si le budget sensible au genre ou ses avatars ne sont pas mentionnés en tant que tels, il semble qu'il y ait, dans l'esprit du législateur, une ouverture sur la thématique du budget sensible au genre.
Vous avez évoqué tout à l'heure, madame la présidente, votre audition de la semaine prochaine sur la fiscalité. Pour notre part, nous considérons le budget sensible au genre comme étant l'analyse des dépenses de la puissance publique, et donc notamment des collectivités territoriales, mais nous nous interrogeons aussi sur les recettes. S'interroger sur l'imposition au niveau national rentre, à nos yeux, dans le cadre d'une démarche de budget sensible au genre. Je pense notamment à l'impact de l'impôt sur le revenu, en France, sur le travail des femmes.