Pour répondre à votre question, madame Hobert, nous connaissons très bien l'action de Thérèse Rabatel à Lyon. Même si nous avons avant tout une vocation francilienne, nous suivons tout ce qui se passe sur le territoire national, quelle que soit la collectivité territoriale concernée, pour savoir ce qui se fait et s'inspirer des bonnes pratiques.
Je n'ai pas cité Lyon qui a, en effet, une politique proactive en matière d'égalité femmes-hommes, mais qui, à ma connaissance, n'a pas mis en oeuvre une démarche de budgétisation sensible au genre ou du moins étiquetée comme telle.
En ce qui concerne le vocable, nous avons nous-mêmes choisi d'intituler notre guide La budgétisation sensible au genre, par amour pour la langue française, pour ne pas faire du gender budgeting. Mais je suis d'accord avec vous en ce qui concerne la difficulté de promouvoir une thématique qui n'est pas forcément évidente, avec, de surcroît, un intitulé plutôt intimidant.
Cela fait deux ans que j'y réfléchis, mais je n'ai toujours pas trouvé la solution. Cela étant, je ne suis pas communicant. « Analyser le budget sous l'angle de l'égalité » ou « en chaussant des lunettes de genre » : toutes ces formules sont trop longues et pas assez percutantes, sans compter que le mot « genre » est devenu un épouvantail… La difficulté de trouver le bon vocable constitue sans doute un frein à la mise en oeuvre d'une telle logique.
En ce qui concerne le périmètre, monsieur Premat, compte tenu de l'expérience que je peux avoir avec les collectivités territoriales que nous accompagnons, j'aurais tendance à dire que l'égalité femmes-hommes est souvent un « impensé » dans la définition des politiques publiques. Pourtant, les femmes représentent 50 % de la population. L'égalité femmes-hommes demeure dans « l'angle mort » des décideurs, mais aussi de ceux qui les aident à mettre en oeuvre les politiques publiques, tant au niveau administratif qu'au niveau politique. Plus que la question du périmètre, je crois que nous avons encore de grands progrès à faire, dans un premier temps, en ce qui concerne l'exploration de ce champ, c'est-à-dire pour rendre visibles les inégalités et les impacts que peuvent avoir les politiques publiques en matière d'égalité femmes-hommes.
Nous avons publié un premier guide pratique, intitulé Pour convaincre du bien-fondé des politiques locales d'égalité, dans lequel nous essayions de montrer, par des cas pratiques, comment une politique locale – cela pourrait être aussi le cas pour une politique nationale –, si elle n'a pas été pensée en gardant à l'esprit les inégalités entre femmes et hommes, pouvait contribuer à amplifier les inégalités.
Il peut s'agir, par exemple, d'un dispositif d'aide à la création d'entreprises, qui cible un secteur donné de l'économie où le taux de création d'entreprises par les femmes est proche de zéro. Il n'est pas volontaire de la part des décideurs d'en exclure mécaniquement les femmes ou de faire en sorte qu'elles soient sous-représentées dans l'attribution de cette aide. En réalité, il s'agit seulement de vérifier l'angle mort et ce qu'il s'y passe. Ensuite, ce sera aux décideurs d'arbitrer in fine ce qu'ils choisiront de faire. Pour moi, il s'agit juste de rendre visible, d'objectiver les inégalités qui pourraient être renforcées par une politique publique.
Un dernier exemple sur cette thématique : on sait aujourd'hui que la pratique sportive féminine est en moyenne inférieure à la pratique sportive masculine. Quand on analyse pratiquement n'importe quel budget d'une collectivité territoriale en matière de sport, qu'on prend en compte les subventions attribuées aux clubs et aux associations sportives, les coûts directs générés par les équipements mis à la disposition de ces associations, et les coûts indirects, par exemple, en termes de ressources humaines dédiées à l'entretien de ces installations, on arrive quasiment toujours, au doigt mouillé, au même résultat : 70 ou 80 % du budget vont aux hommes qui pratiquent le sport.