Je commencerai par votre remarque sur la participation. Quand j'étais aux Nations unies, j'ai acquis une expérience très personnelle de la méthode participative qui y était utilisée en matière de genre. Mais ce que je vous dis s'applique à d'autres agences, comme, par exemple, au Haut-Commissariat des Nations unies aux réfugiés (HCR).
La formation du personnel se faisait selon une méthode appelée people-oriented Planning, soit le planning en fonction des personnes. C'est ce que vous évoquiez, à savoir une méthode participative de planification. Et c'est elle qui a ensuite donné naissance au gender mainstreaming. L'une et l'autre sont vraiment très liées. Il faut les voir toutes les deux comme des méthodologies de conduite du changement.
Cette méthode participative est très proche de l'analyse genrée (gender analysis). Elle rejoint la planification en fonction des genres, des bénéficiaires, ou en fonction de la population. Pour moi, ce sont un peu les deux faces d'une même pièce. Ce n'est pas une évolution vers quelque chose d'autre. C'est juste le constat qu'une partie de la population, globalement, est sous-représentée, sous-investie, sous-financée, etc. Il arrive d'ailleurs parfois que l'approche genre identifie un manque d'attention envers une population masculine : par exemple, le phénomène des enfants soldats ou l'échec scolaire qui touche davantage les garçons que les filles.
Passons à la transversalité à l'ONU. Avec l'assistance technique, la transversalité fait partie de la mission d'ONU Femmes. Il nous faut vraiment travailler pour que l'ONU elle-même, en tant qu'entité globale, et toutes ses agences, appliquent la transversalité et intègrent le genre dans leurs démarches, évidemment avec des focus.
Les ressources d'ONU Femmes étant très limitées pour conduire ce mandat, des priorisations s'imposent. Ces priorisations sont faites en fonction de l'impact qu'elles peuvent avoir. Ainsi, ONU Femmes s'est attachée à travailler étroitement avec le département de maintien de la paix. Il y a donc une collaboration très étroite entre ONU Femmes et le Département des opérations de maintien de la paix pour que ces opérations soient sensibles au genre et intègrent des conseillers genre, et pour que le mandat des opérations prenne en compte les besoins des civils, femmes et hommes, qui sont principalement visés dans les conflits armés. Ce travail est très étroit, dans la mesure où ce sont deux cultures différentes. Mais son impact est très important sur le mandat de paix et de sécurité des Nations unies.
Nous travaillons également étroitement avec le PNUD, l'agence des Nations Unies pour le développement. Celle-ci avait une programmation à la fois spécifique sur le genre, et transversale, et donc une longue expérience d'intégration transversale du genre, dont ont peut toutefois critiquer les résultats. Ceux-ci ne sont sans doute pas à la hauteur de l'affichage de cette priorité par le PNUD.
Je termine sur le plus important : il est toujours difficile, pour les agences onusiennes, de travailler ensemble. Mais d'une certaine façon, cela rentre dans le mandat d'ONU Femmes, qui travaille plutôt bien avec toutes les agences de terrain. Elle est présente sur le terrain, mais ses capacités sont réduites. Son personnel, déployé dans les 95 pays, est vraiment limité. La programmation se fait sur le terrain à travers l'approche intégrée de l'égalité ou mainstreaming.
ONU Femmes distribue l'argent uniquement à travers des ONG et des associations locales de terrain. Elle va donc vers le PNUD, le Fonds des Nations unies pour l'enfance (UNICEF), le Fonds des Nations unies pour la population (FNUAP), le Programme alimentaire mondial (PAM), pour intégrer de façon transversale la dimension genre. Voilà comment travaille ONU Femmes.