Notre rapport de 2014 comportait vingt propositions visant à remédier aux dysfonctionnements d'un système « embolisé ». Ces propositions renforçaient également les droits des demandeurs d'asile, en lien avec la transposition en droit interne de deux directives européennes de 2013.
Conformément à l'article 146-3 du règlement de l'Assemblée nationale, nous vous présentons aujourd'hui un rapport de suivi qui dresse le bilan des changements intervenus à la suite de l'entrée en vigueur de la loi du 29 juillet 2015 réformant le droit d'asile.
La mise en oeuvre de cette importante réforme s'est effectuée dans un contexte de crise migratoire, la plus importante survenue depuis la Seconde Guerre mondiale selon les données de l'Organisation internationale pour les migrations (OIM) et de l'Organisation des Nations Unies. Plus d'un million de migrants sont arrivés en Europe en 2015. La moitié de ces migrants fuyaient la guerre en Syrie, 21 % venaient d'Afghanistan et 9 % d'Irak.
Notre système de l'asile, qui a été redimensionné pour faire face aux besoins constatés en 2013 et 2014 et pour raccourcir le délai de traitement de la demande d'asile, se trouve donc à nouveau « engorgé » sous l'afflux des personnes et des situations à prendre en compte.
Nous considérons que la mise en oeuvre de la loi est un processus bien enclenché, et nous avons constaté que des améliorations sont régulièrement apportées au dispositif d'accueil. Plus généralement, il aurait été impossible de faire face au nombre de demandes actuellement constaté si la loi n'avait pas été adoptée.
À notre avis, la loi ne nécessite pas de mesures complémentaires, sous réserve d'une clarification que nous expliquerons. Toutefois, appliquer la loi et les délais d'examen qu'elle prévoit impose de porter une grande attention aux moyens humains.
Nous estimons que les réformes d'ampleur qu'il est nécessaire d'adopter se situent plutôt au niveau européen. Nous n'avons abordé ces questions que sous l'angle du mécanisme « Dublin », qui fonctionne très mal depuis son origine, et nous laissons à la mission d'information de la commission des lois le soin d'aborder l'ensemble des questions liées à l'application du droit européen.
La loi du 29 juillet 2015 a introduit plusieurs mesures renforçant l'efficacité des procédures d'introduction de la demande d'asile. Elles satisfont à de nombreuses propositions que nous avions faites en 2014.
Ainsi, l'accueil des demandeurs d'asile a été simplifié par la réunion en un même lieu, le guichet unique, des personnels chargés de l'enregistrement – les agents des services de l'asile des préfectures – et de ceux chargés de l'orientation et la prise en charge – les agents de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII).
De même, l'exigence de la domiciliation préalable du demandeur, qui était source de retards dans certaines régions, a été supprimée.
La validité de l'attestation de demande d'asile délivrée par la préfecture a été étendue jusqu'à neuf mois pour une procédure normale et six mois pour une procédure accélérée, ce qui évite au demandeur d'asile de multiplier les passages en préfecture. Rappelons que nous avions demandé que la durée de l'autorisation de séjour soit calquée sur celle de l'instruction et soit automatiquement caduque dès lors que le demandeur est débouté ou le réexamen rejeté.
L'allocation pour demandeur d'asile a été familialisée et est versée au moyen d'une carte. La détection de la vulnérabilité est confiée à l'OFII.
S'agissant des délais, nous avons noté une amélioration, mais elle est variable selon les préfectures : de trois à dix jours à Nanterre, un à quinze jours à Lyon, dix jours à Orléans, trois mois en Seine-Saint-Denis et à Paris. La situation s'est donc améliorée dans un grand nombre de préfectures par rapport au système antérieur, mais elle est très difficile dans quelques guichets uniques. En particulier, en région parisienne, comme le dénoncent les associations, le délai d'attente a été « externalisé », ce qui cause des tensions et des violences aux abords de certaines plateformes d'accueil.
Une amélioration a été apportée avec la possibilité pour les plates-formes d'accueil (PADA) d'Île-de-France d'attribuer des convocations pour tous les guichets uniques de la région et non plus pour celui du seul département où se trouve le demandeur.
La situation s'améliorera réellement avec la mise en oeuvre de l'orientation directive des demandeurs d'asile sur l'ensemble du territoire, changement considérable qui commence à s'accomplir mais qui rencontre des difficultés liées aux habitudes. Il suppose que les travailleurs sociaux ayant accès aux personnes dans les centres d'accueil et d'orientation parviennent à les convaincre que leur demande d'asile aura autant de chances d'aboutir en région qu'en Île-de-France, et que leur situation sera meilleure pendant la procédure et par la suite, s'ils sont reconnus comme réfugiés.