La réunion commence à onze heures trente-cinq.
Mes chers collègues, l'article 146-3 de notre Règlement prévoit que les rapporteurs du Comité d'évaluation et de contrôle des politiques publiques présentent un rapport de suivi de la mise en oeuvre de leurs conclusions.
C'est sur le fondement de cet article que nous allons aujourd'hui examiner le rapport de suivi de l'évaluation de la politique d'accueil des demandeurs d'asile. Cette évaluation nous avait été présentée en avril 2014.
Nos deux rapporteurs sont : Jeanine Dubié, pour la majorité, et Arnaud Richard pour l'opposition. Madame et monsieur les rapporteurs, vous avez la parole.
Notre rapport de 2014 comportait vingt propositions visant à remédier aux dysfonctionnements d'un système « embolisé ». Ces propositions renforçaient également les droits des demandeurs d'asile, en lien avec la transposition en droit interne de deux directives européennes de 2013.
Conformément à l'article 146-3 du règlement de l'Assemblée nationale, nous vous présentons aujourd'hui un rapport de suivi qui dresse le bilan des changements intervenus à la suite de l'entrée en vigueur de la loi du 29 juillet 2015 réformant le droit d'asile.
La mise en oeuvre de cette importante réforme s'est effectuée dans un contexte de crise migratoire, la plus importante survenue depuis la Seconde Guerre mondiale selon les données de l'Organisation internationale pour les migrations (OIM) et de l'Organisation des Nations Unies. Plus d'un million de migrants sont arrivés en Europe en 2015. La moitié de ces migrants fuyaient la guerre en Syrie, 21 % venaient d'Afghanistan et 9 % d'Irak.
Notre système de l'asile, qui a été redimensionné pour faire face aux besoins constatés en 2013 et 2014 et pour raccourcir le délai de traitement de la demande d'asile, se trouve donc à nouveau « engorgé » sous l'afflux des personnes et des situations à prendre en compte.
Nous considérons que la mise en oeuvre de la loi est un processus bien enclenché, et nous avons constaté que des améliorations sont régulièrement apportées au dispositif d'accueil. Plus généralement, il aurait été impossible de faire face au nombre de demandes actuellement constaté si la loi n'avait pas été adoptée.
À notre avis, la loi ne nécessite pas de mesures complémentaires, sous réserve d'une clarification que nous expliquerons. Toutefois, appliquer la loi et les délais d'examen qu'elle prévoit impose de porter une grande attention aux moyens humains.
Nous estimons que les réformes d'ampleur qu'il est nécessaire d'adopter se situent plutôt au niveau européen. Nous n'avons abordé ces questions que sous l'angle du mécanisme « Dublin », qui fonctionne très mal depuis son origine, et nous laissons à la mission d'information de la commission des lois le soin d'aborder l'ensemble des questions liées à l'application du droit européen.
La loi du 29 juillet 2015 a introduit plusieurs mesures renforçant l'efficacité des procédures d'introduction de la demande d'asile. Elles satisfont à de nombreuses propositions que nous avions faites en 2014.
Ainsi, l'accueil des demandeurs d'asile a été simplifié par la réunion en un même lieu, le guichet unique, des personnels chargés de l'enregistrement – les agents des services de l'asile des préfectures – et de ceux chargés de l'orientation et la prise en charge – les agents de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII).
De même, l'exigence de la domiciliation préalable du demandeur, qui était source de retards dans certaines régions, a été supprimée.
La validité de l'attestation de demande d'asile délivrée par la préfecture a été étendue jusqu'à neuf mois pour une procédure normale et six mois pour une procédure accélérée, ce qui évite au demandeur d'asile de multiplier les passages en préfecture. Rappelons que nous avions demandé que la durée de l'autorisation de séjour soit calquée sur celle de l'instruction et soit automatiquement caduque dès lors que le demandeur est débouté ou le réexamen rejeté.
L'allocation pour demandeur d'asile a été familialisée et est versée au moyen d'une carte. La détection de la vulnérabilité est confiée à l'OFII.
S'agissant des délais, nous avons noté une amélioration, mais elle est variable selon les préfectures : de trois à dix jours à Nanterre, un à quinze jours à Lyon, dix jours à Orléans, trois mois en Seine-Saint-Denis et à Paris. La situation s'est donc améliorée dans un grand nombre de préfectures par rapport au système antérieur, mais elle est très difficile dans quelques guichets uniques. En particulier, en région parisienne, comme le dénoncent les associations, le délai d'attente a été « externalisé », ce qui cause des tensions et des violences aux abords de certaines plateformes d'accueil.
Une amélioration a été apportée avec la possibilité pour les plates-formes d'accueil (PADA) d'Île-de-France d'attribuer des convocations pour tous les guichets uniques de la région et non plus pour celui du seul département où se trouve le demandeur.
La situation s'améliorera réellement avec la mise en oeuvre de l'orientation directive des demandeurs d'asile sur l'ensemble du territoire, changement considérable qui commence à s'accomplir mais qui rencontre des difficultés liées aux habitudes. Il suppose que les travailleurs sociaux ayant accès aux personnes dans les centres d'accueil et d'orientation parviennent à les convaincre que leur demande d'asile aura autant de chances d'aboutir en région qu'en Île-de-France, et que leur situation sera meilleure pendant la procédure et par la suite, s'ils sont reconnus comme réfugiés.
Je souhaite revenir sur le contexte de cette crise migratoire durable, pour autant que le terme de crise soit approprié, car nous sommes au début d'un long chemin.
Le nombre de demandes d'asile présentées dans l'Union européenne s'est élevé à 1,3 million en 2015, soit une progression de 123 % par rapport à 2014. Six pays ont été responsables de l'examen de plus de 80 % des premières demandes : l'Allemagne (35 %), la Hongrie (14 %), la Suède (12 %), l'Autriche (7 %), l'Italie (7 %) et la France (6 %). L'augmentation des demandes d'asile en France est forte, mais il faut souligner que d'autres pays ont connu une progression beaucoup plus élevée. Ainsi le nombre de demandes d'asile a augmenté de 800 % en Finlande, de 300 % en Hongrie et de 230 % en Autriche.
Pour 2015, en France les premières demandes étaient en forte hausse (30,5 %), et les demandes de réexamen en hausse modérée (2 %). En 2016, l'augmentation des demandes d'asile se poursuit, avec 54 480 demandes de janvier à août, ce qui traduit une hausse de 19 % par rapport à la même période en 2015. Le nombre de premières demandes augmente de 26 %, mais surtout, un élément inquiétant est constaté : l'explosion des demandes de réexamen, avec une progression de 46 %, et plus de 5 400 demandes déjà déposées en 2016.
Autre donnée préoccupante : la demande de protection a explosé en 2015 dans les départements français d'Amérique, avec 3 700 dossiers enregistrés (+ 66 %). L'administration et les associations connaissent une situation très difficile en Guyane, avec une grande majorité de personnes en provenance d'Haïti, mais aussi de Syrie. La Guadeloupe et la Martinique sont aussi très concernées par les arrivées de personnes migrantes.
D'où viennent ces migrants ? En 2015, les primo-demandeurs d'asile les plus nombreux provenaient du Soudan, de Syrie, du Kosovo, du Bangladesh, d'Haïti et de République démocratique du Congo. Cependant, des flux historiques de demandeurs étaient en baisse, comme ceux provenant du Sri Lanka et de Russie. L'OFPRA a en revanche examiné des demandes d'origine nouvelle, comme celles de la communauté des Rohingyas de Birmanie ou des Sahraouis résidant dans les camps de Tindouf en Algérie.
En 2016, les principaux pays d'origine des demandeurs d'asile sont l'Afghanistan (3 669 demandes hors mineurs accompagnants), Haïti (3 451) et le Soudan (3 372 personnes). Les nationalités les plus représentées ensuite sont l'Albanie, la Syrie et la République démocratique du Congo.
En 2015, l'OFPRA a rendu 80 000 décisions, avec un taux de protection de 22,9 % (contre 16,9 % en 2014). Les demandes examinées en procédure prioritaire ont été admises avec un taux de 13,8 % (contre 6 % en 2014). Le taux d'admission des demandes de réexamen est resté très bas (3 %). Il faut noter une évolution très significative : le taux de protection est passé de 22,9 % en 2015 à plus de 36 % en 2016.
En 2015, les principaux pays de provenance des réfugiés étaient l'Irak, le Soudan, la Syrie, le Soudan et la Guinée, et les principales nationalités bénéficiaires de la protection subsidiaire étaient la Syrie, l'Albanie, le Centrafrique et l'Afghanistan.
En 2016, le taux de reconnaissance constaté sur les huit premiers mois est de 36,7 %. Il s'agit d'une proportion inédite de personnes ayant un besoin de protection manifeste. Cette évolution, si elle se poursuit, rapprocherait la France d'autres pays européens pour lesquels une grande proportion de demandeurs d'asile émane de zones de guerres ou de conflit : Irak, Afghanistan, Syrie, Érythrée, Somalie.
Venons-en au mécanisme de « relocalisation » adopté par l'Union européenne. Il porte sur 160 000 demandeurs d'asile, et prévoit que leur demande soit traitée par d'autres États que ceux où ils sont arrivés, par dérogation au règlement Dublin.
La France doit à ce titre accueillir, sur deux ans, 30 750 demandeurs d'asile. Le processus a été long à se mettre en place, mais les choses fonctionnent maintenant : 1 650 personnes ont déjà été accueillies, et 700 le seront en octobre. C'est un processus complexe, pour autant notre pays est à ce jour le premier contributeur au mécanisme.
L'accord entre l'Union européenne et la Turquie sur la question migratoire, entré en vigueur le 20 mars 2016, prévoit la réinstallation en France de 6 000 personnes d'ici 2017 : 3 000 personnes vulnérables ont déjà été accueillies en provenance du Liban, et 1 000 de Jordanie et d'Égypte.
Une forte augmentation des mouvements de migration secondaire a été observée ces derniers mois, avec l'arrivée en France de personnes déboutées dans d'autres pays de l'Union européenne, comme l'Allemagne, l'Italie et la Hongrie. 240 000 personnes ont été déboutées en Allemagne depuis 2015, dont un certain nombre vient déposer une nouvelle demande en France.
L'Allemagne rejette les demandes de protection de personnes venues d'Afghanistan, les considérant comme des migrants économiques, mais ne peut que se heurter à des difficultés pour l'éloignement de ces déboutés. La divergence entre la position prise par le gouvernement allemand et celle de la France quant au besoin de protection des Afghans pose de façon aiguë la question de l'harmonisation européenne de la politique de l'asile. La conséquence de cette divergence est l'accueil par notre pays de nombreux Afghans sous le régime de la protection subsidiaire.
Dans le cadre de notre mission de suivi, nous nous sommes également intéressés au fonctionnement de l'OFPRA et de la CNDA.
L'activité de l'OFPRA a fortement progressé sur la période récente : plus de 80 000 décisions ont été rendues en 2015, soit 16 % de plus qu'en 2014 et plus de 113 % de progression entre 2007 et 2015. L'OFPRA a conduit plus de 46 000 entretiens personnels en 2015, au titre de l'examen des demandes d'asile. Près de 20 000 décisions d'admission ont été prises en 2015 par l'OFPRA, soit une progression de 34 % par rapport à l'année précédente.
Si des dispositions ont été prises pour accélérer le traitement des demandes, les délais de procédure restent importants en raison de l'afflux des demandeurs.
Ainsi que nous l'avions demandé en 2014, la réforme du droit d'asile a apporté des modifications de procédure bienvenues, notamment pour réduire les délais de traitement.
Une procédure accélérée se substitue à l'ancienne procédure prioritaire. Elle est utilisée d'office dans le cas des demandeurs d'asile provenant d'un pays d'origine sûr ou en cas de réexamen. Elle est également utilisée en cas de constatation, au niveau des services de la préfecture, de présentation de faux documents, de refus de prises d'empreintes, de dissimulation d'information, de demande tardive, ou de menace à l'ordre public. Elle peut aussi être mise en oeuvre à l'initiative de l'OFPRA, lors de l'examen des dossiers. Les décisions d'irrecevabilité et de clôture permettent en outre de statuer rapidement sur des demandes qui n'offrent pas de perspectives de protection. Plus de 40 % des dossiers traités au 1er semestre 2016 relevaient de la procédure accélérée, ce qui ne permet plus de traiter les dossiers en stock.
Les droits des demandeurs d'asile ont été renforcés. L'entretien individuel est désormais systématique, et il est transcrit et communiqué au demandeur qui le souhaite. Celui-ci peut être accompagné d'un conseil.
La liste des pays considérés comme sûrs – définis selon des critères strictement conformes à la directive du 26 juin 2013 – relève toujours du conseil d'administration de l'OFPRA, mais la loi a élargi le collège de ce conseil, et les trois personnalités qualifiées ont voix délibérative en la matière. Le conseil d'administration peut être saisi par des personnalités extérieures en vue de l'inscription ou du retrait d'un pays de la liste, notamment les présidents des commissions permanentes chargées des affaires étrangères et des lois constitutionnelles de l'Assemblée nationale et du Sénat, une association de défense des droits de l'homme, une association de défense des droits des étrangers ou des demandeurs d'asile ou une association de défense des droits des femmes ou des enfants.
La demande d'asile formulée par un étranger en rétention est également entourée de garanties. Une mesure d'éloignement ne peut être mise à exécution avant que l'Office ait statué, en tenant compte de la vulnérabilité du demandeur d'asile.
Les articles L. 723-2 et L. 723-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile permettent à l'Office de requalifier en procédure normale l'examen d'une demande d'asile d'un ressortissant d'un pays d'origine sûr, en particulier lorsque celui-ci invoque des raisons sérieuses de penser que son pays d'origine ne peut pas être considéré comme sûr en raison de sa situation personnelle et au regard des motifs de sa demande, ou si la situation particulière du demandeur le nécessite.
Si l'OFPRA a bénéficié d'importants renforts en personnel, l'évolution récente des flux migratoires ne permet plus de réduire les demandes en stock et les délais de traitement. De surcroît, 20 % des officiers de protection se trouvent à l'étranger ou en région dans le cadre de la mise en oeuvre des accords européens de relocalisation. Des personnels supplémentaires sont nécessaires pour atteindre l'objectif légal de traitement des demandes dans un délai moyen de trois mois.
En 2014, nous avions demandé une professionnalisation de la CNDA et la généralisation du caractère suspensif des recours. De fait, la loi du 29 juillet 2015 achève la réforme de la Cour engagée ces dernières années. L'introduction d'une nouvelle procédure à juge unique après audience, et d'un délai contraint de cinq mois, assorti d'une procédure accélérée de cinq semaines, vont dans le sens d'une efficacité accrue. Ainsi que nous le souhaitions, le recours suspensif devant la CNDA est étendu aux procédures accélérées.
Si le délai moyen de traitement des dossiers par la Cour a diminué de 45 % depuis 2010, il était encore d'un peu plus de sept mois à la fin de l'année 2015. 21 600 dossiers ont été traités au cours du 1er semestre 2016 dont 55 % avaient moins de six mois et 11 % plus d'un an. Dans un contexte de forte augmentation du nombre de recours, la réduction des délais de procédure est indispensable et passe par un renfort des moyens en personnel.
L'OFPRA et la CNDA ont fait des efforts, mais les délais sont encore de huit mois à l'OFPRA et de sept mois à la CNDA, ce qui aboutit à un délai de quinze mois au lieu des huit mois exigés par la loi.
En 2014, nous avions relevé l'insuffisance chronique de places dans les Centres d'accueil pour demandeurs d'asile (CADA) et le recours trop fréquent au dispositif d'accueil d'urgence (HUDA) qui ne permet pas le suivi nécessaire, surtout lorsque l'hébergement est fait à l'hôtel.
Nous avions demandé de faire des CADA le dispositif central d'hébergement des demandeurs d'asile et plaidé pour un rééquilibrage de la demande d'asile sur le territoire. Ces propositions ont été prises en compte : l'article L. 744-2 du CESEDA crée un schéma national d'accueil, et le parc de CADA comptera plus de 40 000 places en 2017, réparties sur tout le territoire métropolitain. La création de places de CAO (Centres d'accueil et d'orientation), nécessaire pour mettre à l'abri et réorienter des migrants qui campent sur certains sites, est également prévue.
Nous approuvons le principe d'une répartition équilibrée des migrants sur le territoire mais nous demandons que celle-ci soit réalisée en concertation avec les élus locaux. Il n'est plus possible que l'Île-de-France et les Hauts-de-France assument 60 % de cette politique publique.
Nous avions demandé en 2014 l'intégration des places d'HUDA dans le DN@. Celles qui sont utilisées régulièrement ont été en effet intégrées dans le DN@, mais ce n'est pas le cas des places d'hébergement d'urgence ponctuelles, environ 6 000, majoritairement constituées de nuitées hôtelières.
L'orientation directive des demandeurs d'asile vers des hébergements dédiés a été confiée à l'OFII par la loi du 29 juillet 2015. Elle permet une orientation des demandeurs d'asile vers des places vacantes sur l'ensemble du territoire. Si ceux-ci refusent la proposition qui leur est faite, ils perdent le bénéfice des conditions matérielles de l'accueil.
Le retour à Paris d'un certain nombre de demandeurs d'asile affectés en province souligne combien il est important de tenir un discours de vérité aux demandeurs d'asile. Il est important de leur indiquer que les chances de voir leur demande aboutir sont les mêmes sur tout le territoire. Le départ d'une personne pour un accueil en région suppose un travail d'explication mené dans le lieu d'hébergement provisoire, comme nous avons pu le voir à « la Boulangerie », centre d'orientation géré par Adoma à Paris.
La réforme du droit d'asile a permis d'améliorer le dispositif, et d'absorber cet afflux de nouvelles demandes. Mais il semble aujourd'hui nécessaire de calibrer les dispositifs à la hauteur du nombre de personnes à accueillir : lors de la préparation de notre rapport, l'accueil concernait 63 000 demandeurs d'asile, aujourd'hui il en concerne près de 82 000.
La situation des guichets uniques est très variable quant à la charge de travail : les statistiques réalisées pour les cinq premiers mois de 2016 montrent que certains guichets ont reçu en moyenne deux demandes d'asile par jour, alors qu'à l'autre extrême, la préfecture de Paris a traité quarante demandes d'asile par jour, puis soixante.
Des améliorations sont à l'étude pour faire face à la charge de travail, et coordonner la prise en charge des besoins d'interprétariat entre services de la préfecture et de l'OFII, par exemple. Nous avons constaté lors de notre visite à Toulouse qu'un interprète secondait les agents de la préfecture, tandis qu'à l'OFII, l'entretien se faisait par conférence téléphonique. Les choses pourraient être mieux organisées sur ce point.
L'amélioration de la situation est bien sûr liée à la meilleure répartition des demandeurs d'asile sur le territoire national. Nous soutenons cette démarche et toutes les actions engagées à cette fin par le ministère de l'intérieur.
Le marché de trois ans passé par l'OFII pour les prestations de premier accueil et d'accompagnement des demandeurs d'asile avait été calibré sur les flux de personnes constatés en 2014 et début 2015, une clause de revoyure étant fixée au 31 décembre 2016. Il sera nécessaire de réexaminer les conditions financières du marché pour certaines plateformes, en fonction de la charge qu'a représentée l'accueil cette année, dans le cadre du dialogue de gestion mené par l'OFII avec les opérateurs.
Le premier bilan de l'évaluation de la vulnérabilité fait état de plus de 1 500 avis émis par les médecins coordonnateurs au 20 juin 2016. 72 % des avis ont établi la nécessité d'un hébergement adapté, proche d'un centre hospitalier ou d'un centre de soins spécialisés. Les principales maladies dont il est fait état sont les troubles mentaux et du comportement, les maladies de l'appareil circulatoire et les maladies infectieuses.
Confier l'évaluation de la vulnérabilité à l'OFII devait avoir pour corollaire la réforme des contrôles médicaux obligatoires passés par les étrangers, afin de supprimer les examens jugés aujourd'hui injustifiés et de libérer du temps pour les médecins de l'OFII chargés d'évaluer la vulnérabilité. Or cette réforme n'a pas encore été faite. En conséquence, le redéploiement des personnels d'une mission à l'autre est plus difficile.
Les médecins de l'OFII ne peuvent examiner les personnes ni contrôler leurs analyses médicales : cette lacune permet la fraude, de manière d'autant plus incitative que la reconnaissance de vulnérabilité peut influer sur l'obtention d'un titre de séjour d'étranger malade en cas de rejet de la demande d'asile. Un décret a été préparé qui confère davantage de pouvoirs à l'OFII, il est important qu'il soit publié rapidement.
La rédaction de l'article L. 744-8 du CESEDA crée une incertitude pour le cas des demandes de réexamen. Le 3° de cet article prévoit que le bénéfice des conditions matérielles d'accueil : « peut être refusé si le demandeur présente une demande de réexamen de sa demande d'asile », la décision de refus devant prendre en compte « la vulnérabilité du demandeur ». Ce dispositif ouvre la porte à des incertitudes et encadre mal la prise de décision de l'OFII. Il a pour conséquence de nombreuses demandes de réouverture de l'allocation par des personnes déposant une demande de réexamen, la décision étant variable selon les acteurs. Il faut souligner que la dépense d'hébergement des demandeurs d'asile et de versement de l'ADA pourrait en être fortement accrue. Il serait donc souhaitable de resserrer le dispositif, ou de refuser les conditions matérielles d'accueil en cas de réexamen, comme le droit européen le permet.
L'orientation directive est pénalisée par le manque de places d'hébergements mais aussi par une gestion difficile des arrivées, et par la présence indue de déboutés ou de demandeurs d'asile ayant obtenu la protection, évaluée à 20 %.
Le problème des places d'hébergement vides, gelées pour des demandeurs d'asile relocalisés et réinstallés au titre de nos engagements européens, semble s'améliorer avec l'arrivée progressive des personnes concernées. Des places restent néanmoins inoccupées quelques semaines ce qui suscite des incompréhensions sur le terrain.
Le coût journalier moyen de places en CADA et en HUDA est contenu en dessous de vingt euros. Mais du fait de la situation de crise, l'équipement en urgence de CAO conduit à des coûts allant de vingt-cinq à plus de quarante euros, dans un contexte de sous dotation constante des programmes 303 et 177 dans les différentes lois de finances. Une meilleure anticipation des aménagements de sites permettrait de contenir les coûts, sachant que le phénomène migratoire ne va pas prendre fin à court terme.
Différentes initiatives ont été prises par des associations, récemment relayées par la ministre du logement, pour encourager la participation des citoyens à l'accueil des réfugiés. Ce moyen efficace d'intégrer les réfugiés doit se développer, mais pour être réussi, cet engagement doit être défini de manière contractuelle, limité dans le temps et complété par un suivi social.
La mise en oeuvre du règlement « Dublin » est coûteuse en temps et en moyens pour les préfectures, et son efficacité est très faible. Ainsi en 2014, seulement 470 personnes ont été transférées par les préfectures dans le pays désigné comme responsable du traitement de leur demande d'asile. Pour les six premiers mois de 2016, les préfectures ont pu transférer 449 personnes, ce qui traduit une faible amélioration. Le taux de transfert sur décision favorable de l'État membre responsable s'est élevé à 6 % en 2014, et à 9 % en 2015, ce qui est très faible.
Heureusement, les États membres ont ouvert une négociation pour réviser le règlement « Dublin III », sur la base d'une proposition présentée par la Commission européenne le 4 mai dernier, avec pour objectif d'adopter de nouveaux outils pour lutter contre les mouvements secondaires de demandeurs d'asile. Elle comporte des mesures plus restrictives, dissuasives pour des personnes tentées d'abuser de la procédure. Elle prévoit par exemple de supprimer la clause de cessation de responsabilité des États membres lorsque le demandeur a quitté leur territoire depuis plus de trois mois. Nous ne pouvons que soutenir l'adoption d'une règle claire pour les transferts « Dublin », qui serait applicable sans solliciter excessivement les services de l'asile des préfectures pour un résultat trop faible, comme c'est le cas depuis de nombreuses années.
Plus généralement, nous sommes convaincus que le régime d'asile européen commun présente des faiblesses qu'il est nécessaire de corriger, alors que l'Union connaît un afflux massif de migrants. Il nous paraît urgent de rapprocher les régimes d'asile nationaux pour limiter davantage les mouvements secondaires de migration, et en particulier d'établir une liste commune des pays d'origine sûrs. Les objectifs proposés, visant à renforcer la protection des frontières extérieures de l'Union et à établir une meilleure répartition de la charge financière entre les États membres, doivent également être approuvés.
Nous avons essayé de traiter de ce sujet extrêmement délicat avec le regard le plus sérieux possible, loin des excès de langage qui peuvent survenir à propos de cette importante politique publique.
Je vous remercie en effet d'avoir choisi vos termes pour traiter de ce dossier qui donne lieu à tant d'instrumentalisation et de réactions dans l'opinion publique.
Merci à nos rapporteurs de revenir vers nous deux ans après la publication de leur premier rapport.
Sur le plan méthodologique, je constate que vous avez essentiellement entendu les administrations et les associations qui participent à la mise en oeuvre du dispositif. C'est évidemment essentiel, mais je pense qu'il serait également important d'entendre les associations qui n'y participent pas mais qui s'intéressent à la question. Certaines peuvent accompagner les demandeurs d'asile dans certains cas, mais elles n'interviennent pas directement dans la gestion du dispositif. Des associations telles que « France Terre d'Asile » portent un regard critique sur ce qui est fait, mais trop souvent, le prisme de la gestion induit certaines réponses. Les réponses sont différentes lorsque l'on interroge Amnesty international ou la Cimade, qui ne participent pas à la gestion de cette partie du dispositif. Ces associations avaient été entendues pour votre rapport initial, je pense qu'il aurait été intéressant de les entendre à nouveau sur un dispositif modifié par la loi de 2015.
Ayant reçu le rapport sur table, ma lecture en est nécessairement cursive. La procédure européenne est inadaptée au nombre de demandeurs d'asile en 2015. Le processus de Dublin, qui confie aux pays par lesquels les demandeurs d'asile accèdent au territoire européen la mission d'examiner les demandes, concentre les problèmes dans ces pays. C'est invraisemblable. Cela reporte sur l'Italie et la Grèce l'essentiel du poids de cette crise. Nous voyons bien que la répartition est extrêmement difficile, puisque les propositions de M. Juncker ont été refusées, notamment par des pays de l'Est de l'Europe.
Nous constatons donc l'inadaptation du règlement « Dublin » sans que l'Union européenne ne puisse proposer autre chose, compte tenu des désaccords entre ses membres. Avez-vous une vision prospective dans ce domaine ? Dans quelle direction faut-il s'orienter ?
S'agissant ensuite des engagements pris par la France pour la relocalisation d'un certain nombre de réfugiés – donc de personnes identifiées comme ayant besoin d'une protection, qu'il s'agisse du statut de réfugié ou d'une protection subsidiaire – vous nous avez annoncé que la France était l'un des premiers acteurs. Dans ce cas, je suis très inquiet ! Il faut relocaliser 160 000 personnes en Europe, et nous en avons accueilli 1 650 depuis 2015, alors que nous nous sommes engagés à en recevoir 30 000. À l'évidence, nous ne sommes pas à la hauteur du problème.
Je ne prétends pas que les choses soient simples, bien qu'à ma connaissance, si des positions de principe sont brandies, il n'y a pas de difficultés concrètes dans les villes où sont accueillis les réfugiés.
Je n'aime pas la notion de « pays sûr », qui me semble porter une atteinte excessive aux dispositions de la Convention de Genève. Quoi qu'il en soit, la divergence d'appréciation sur la situation de l'Afghanistan est invraisemblable. L'Allemagne ne peut considérer que c'est uniquement de l'immigration économique. Je ne détiens pas la solution, mais un travail rapide est indispensable car les demandeurs d'asile arrivent.
Aux pages 21 et 22 de votre rapport, vous donnez une interprétation de l'article L. 744-1 du CESEDA que je ne partage pas. Vous écrivez : « Avant le passage du demandeur d'asile en guichet unique, l'article L. 744-1 (…) prévoit à présent un premier accueil. » La loi prévoit l'obligation, pour les demandeurs d'asile, de faire enregistrer la demande dans les trois jours ouvrés. Pour tenir les délais légaux, on fait jouer au pré-accueil le rôle de sas. Avant, les demandeurs d'asile passaient en préfecture et obtenaient un rendez-vous des mois plus tard, et les délais n'étaient pas tenus. Aujourd'hui, au lieu de reconnaître que les délais ne sont pas tenus, il est demandé d'aller voir une association ou une PADA pour pré-accueillir, ce qui permet de ne pas tenir le délai à la préfecture, puisqu'on y présente les demandeurs d'asile que lorsqu'il y a du temps pour les recevoir. On joue sur les mots, et il n'est pas bon que le rapport adopte la présentation de l'administration de ce point de vue.
Très concrètement, nous ne sommes pas en mesure de tenir ce délai. C'est un problème de moyens, et les moyens que nous nous donnons pour appliquer la loi sont ceux qui permettent la réduction des délais de gestion des demandes d'asile pour tenir l'objectif de neuf mois qui a été assigné. La pratique utilisée relève des délais cachés que vous pointez en page 22. L'interprétation de l'article L. 744-1 du CESEDA ne me semble pas permettre une telle pratique.
Pour terminer sur une note positive, je pense que la gestion du droit des étrangers est vraiment un domaine dans lequel nous avons intérêt à donner des moyens aux administrations, en particulier l'OFPRA, la CNDA et l'OFII, parce que c'est ce qui permet de tenir les délais et de réduire les frais. La réduction des délais de l'OFPRA en période d'augmentation de la demande, sans perte de qualité, est un très beau résultat. Toutefois, l'entretien au cours duquel l'étranger pouvait être assisté est un point important. Je note que 80 000 décisions ont été prises, tandis que 50 000 entretiens ont été réalisés. Il n'y a pas d'entretien lors des procédures accélérées, mais je voudrais être sûr que les 30 000 cas dans lesquels il n'y a pas eu d'entretien ne posent pas de problème. Cela me semble un point relativement mineur, mais qui doit être creusé, parce que l'entretien et l'entretien assisté permettent d'améliorer la qualité de l'appréciation du dossier d'un requérant, et donc de savoir s'il a besoin ou non d'une protection internationale ou d'une protection subsidiaire.
Personne ici ne peut faire fi de l'humanisme, c'est évident. J'ai néanmoins le sentiment à vous entendre que les droits français et européen sont décalés au vu de la situation mondiale. Nous essayons de traiter correctement des personnes qui sont dans les situations que nous connaissons avec des moyens qui ne sont pas à la hauteur de ce qui est en train de se passer.
Je voudrais insister sur un point majeur : l'effet d'appel. Il y a trois jours, on nous a annoncé que 6 000 réfugiés avaient été heureusement sauvés de la noyade. Ils avaient été poussés sur des barcasses juste au-delà des limites de la Libye, puis on a téléphoné pour que quelqu'un vienne les secourir. Je comprends parfaitement que nous les secourions, je serais le premier à le faire. Il n'en demeure pas moins que ce processus est sans fin. Nous allons être dépassés par les événements. Nous ne pouvons pas éviter de poser cette question, car d'autres, avec des propositions de solutions plus radicales, les poseront tôt ou tard.
Par ailleurs, au vu des délais, est-il impensable de fusionner l'OFPRA et la CNDA pour ne plus avoir qu'une seule instance, sous autorité du juge ? Je sais que cela va choquer certains d'entre nous, mais nous pourrions accélérer les procédures.
Enfin, vous n'évoquez pas le suivi en cas de rejet des demandes d'asile. Nous savons très bien que c'est un problème majeur, car il n'y a pas vraiment de retour.
Je pense que nous sommes en décalage avec la réalité, et si nous continuons de la sorte, nous irons dans le mur.
Le pourcentage de décisions d'acceptation rendues par l'OFPRA et confirmées par la CNDA est en nette augmentation. C'est très bon signe, cela démontre que les moyens accordés à l'OFPRA ont eu de l'efficacité et que dès le premier niveau, la grande majorité des demandeurs d'asile légitimes sont identifiés et obtiennent le statut.
La durée de traitement des dossiers n'a pas progressé autant que nous le souhaiterions, ou autant que la loi le prévoit. Je me demande s'il ne serait pas utile d'indiquer également la durée médiane pour obtenir une décision, car la moyenne regroupe des situations très diverses. Certains font l'objet de procédures accélérées, tandis que pour un petit pourcentage, il n'y a toujours pas de décisions après un délai prolongé, et ces derniers n'entrent pas encore dans la moyenne. Des formules mathématiques permettent de prendre en compte les personnes qui n'ont pas été intégrées, mais un moyen assez simple d'obtenir une image fidèle est de calculer la médiane, qui permet de savoir au terme de combien de mois 50 % des demandeurs d'asile ont obtenu une réponse. Cela permettrait de comparer l'évolution d'une année à l'autre pour une bonne partie de ces personnes.
Les centres d'accueil pour demandeurs d'asile connaissent une bonne progression, puisque nous comptons 40 000 places pour 60 000 personnes à héberger. Nous allons atteindre les deux-tiers des besoins, alors que nous n'en étions qu'à la moitié. C'est une augmentation considérable. Mais pour les 20 000 personnes restantes, quel est le mode d'hébergement ? Certains d'entre eux souhaitent-ils être logés dans des CADA, ou ont-ils d'autres types de solution ?
La répartition directive sur l'ensemble du territoire, confiée à l'OFII, a-t-elle connu des difficultés particulières en certains endroits ? Lors de vos auditions, avez-vous entendu qu'en certains endroits, les personnes concernées ont tendance à se rebeller ou être mécontentes de cette modalité, pourtant bien nécessaire pour aller le plus vite possible vers une répartition équitable sur la totalité du territoire ?
Enfin, ce sont les médecins de l'OFII qui devraient déterminer quelles sont les personnes vulnérables sur le plan médical. Ce ne semble pas tout à fait réalisé à vous entendre. Pourquoi ? Est-ce une question d'effectifs ? Comment fonctionne le système actuel, sommes-nous toujours dépendants d'une décision des médecins des agences régionales de santé, qui varient beaucoup d'une région à l'autre ? À quelle date les médecins de l'OFII pourront-ils réaliser cette mission de façon égalitaire sur tout le territoire ?
Je souhaite évoquer la systématisation de la régionalisation des guichets uniques d'accueil. Dans mon département, il y avait un service social de l'OFII. Le processus de régionalisation a entraîné le transfert de ce personnel à Bordeaux. Cette régionalisation a-t-elle eu des effets sur la qualité de l'accueil et du suivi des demandeurs d'asile ?
Je serai très court, car ce sont des sujets compliqués et nous ne pouvons être spécialistes en tout. Parmi tous les demandeurs d'asile, quelle est la proportion de réfugiés politiques qui relèvent d'une vraie protection, et celle de personnes engagées dans une migration économique dans la volonté de trouver pour eux-mêmes ou leur famille un sort préférable ? Dans ma commune, nous avons vu des Afghans, forts sympathiques, mais qui étaient clairement des migrants économiques. Ils avaient fait un choix de vie pour eux-mêmes et pour leur famille.
Au vu des évolutions démographiques, j'ai l'impression que nous faisons face à une évolution qui va poser un problème au cours des vingt prochaines années, et que nous tentons de mettre des rustines – bienveillantes – mais à court terme. Il n'y a pas d'analyse globale, mais simplement le souhait de trouver des solutions à court-terme. Je crains que nous ne souffrions terriblement d'un « court-termisme » bien-pensant face à une évolution historique que nous ne savons pas appréhender collectivement, ni analyser.
Monsieur Furst, les interrogations sont peut-être encore plus importantes que vous ne le dites. Entre 2025 et 2050, l'Europe n'aura jamais été aussi peu peuplée depuis 1914, tandis que la rive sud de la Méditerranée comptera 1,5 milliard d'habitants. Les trois pays-continents les plus importants seront l'Afrique, l'Inde et la Chine. Et il ne faut pas oublier l'appel des pays vieillissants pour faire fonctionner leur outil de production et s'occuper d'une partie de la population.
Au Japon, nous voyons la limite de la robotisation. On peut intellectuellement imaginer qu'un robot vienne faire une série de piqûres, mais cela ne fonctionne pas, il suffit de constater les inquiétudes des responsables politiques japonais confrontés au vieillissement de leur population. Eux se demandent d'où ils peuvent faire venir des immigrés.
Oui, mais je vous invite à intégrer les conséquences du vieillissement. L'Allemagne, qui est au début de ce processus, n'agit pas uniquement pour se conformer à un engagement moral, mais aussi pour répondre à ses besoins.
Vous raisonnez sur un temps court ! Je souhaitais apporter ces précisions car je suis sûr que lors de la prochaine législature, un certain nombre de rapports devront être faits sur cette question de la démographie, afin de prévoir les mouvements qui vont en résulter.
Je ne pourrais pas ne pas citer celui qui fut député de ma circonscription avant Pierre Cardo, Michel Rocard. Devant des militants et amis de la Cimade, il a déclaré en 1990 : « La France ne peut accueillir toute la misère du monde, mais elle doit savoir en prendre fidèlement sa part. » La fin de la phrase est rarement prononcée.
Cette phrase était lumineuse à l'époque, elle l'est toujours. Pour répondre à notre collègue Furst, 65 % des demandeurs d'asile sont déboutés. Nous ne sommes donc pas dans la situation qu'il décrit.
M. Denys Robiliard nous interroge sur la méthodologie. Nous avons pris en compte les personnes qui jouent un rôle opérationnel. Nous n'avons peut-être pas entendu tout le monde, mais nous avons recueilli et analysé plusieurs contributions écrites. Le sujet est suffisamment délicat pour ne pas reprendre exactement et dans leur totalité tous les propos qui ont été exprimés.
S'agissant des PADA, et de l'interprétation par l'administration de l'article L. 744-1 du CESEDA, beaucoup de préfectures font plutôt bien les choses. Surtout, la concentration des demandeurs d'asile en Île-de-France et dans les Hauts-de-France rend le problème très compliqué dans ces deux grandes régions.
Le processus de Dublin est évidemment un enjeu crucial pour l'Europe, mais il requiert une réponse collective. Il nous faut des normes communes qui mettent en pratique, de manière efficace, les mesures de solidarité et de partage des responsabilités. Nous espérons que les négociations sur le prochain règlement « Dublin » seront rapides.
Même si le Gouvernement a fait des efforts comme dans peu d'autres administrations ces dernières années, il faudra donner encore plus de moyens à la CNDA, à l'OFPRA et à l'OFII. Donner des moyens aux structures tout au long de la chaîne de la demande d'asile est une dépense publique pertinente.
Très certainement, la réforme adoptée par la loi de 2014, à laquelle notre rapport a contribué, n'était pas configurée pour répondre à la crise qui est survenue en 2015 et 2016. Heureusement que cette loi avait été adoptée, mais elle n'était pas en mesure de répondre à cet afflux important dû à la situation politique, en particulier dans le continent africain.
Monsieur Myard, vous dites la même chose : les moyens ne sont pas encore à la hauteur, et il faut certainement changer de paradigme pour que cette politique publique soit encore plus efficace. S'agissant de votre proposition consistant à fusionner la CNDA et l'OFPRA, nous avons besoin d'une juridiction, c'est donc délicat.
Quant au suivi en cas de rejet, nous ne sommes pas très efficaces en cette matière, mais nous ne sommes pas les seuls dans ce cas. Nous ne sommes pas moins bons qu'avant, et nous avons développé des procédures de retour au pays beaucoup plus opérationnelles.
Chacun doit bien avoir conscience que même si les médias rapportent des choses qui peuvent inquiéter, la France a pris une part somme toute extrêmement faible du problème par rapport à ce que nos voisins et amis allemands ont pu choisir de faire. C'est une réalité. Les Allemands ont accueilli près d'un million de personnes en un an et demi, alors que nous avons à gérer 30 000 à 40 000 personnes de plus que les années précédentes. Ayons cela bien en tête, car dans la mesure où nous en sommes au début du chemin, les ennuis sont peut-être devant nous.
Je vous invite à consulter la rubrique « Les décodeurs » du site lemonde.fr. Si l'on rapporte le nombre de personnes accueillies en fonction de la population, nous nous situons à la neuvième position en Europe, derrière la Hongrie, la Suède, l'Autriche et l'Allemagne, notamment. Cela permet de relativiser les choses.
Monsieur Robiliard, nous avons effectivement soulevé les difficultés rencontrées par les associations et nous avons remarqué que les délais sont cachés, cela figure en page 32 de notre rapport. Comme les associations ont du mal à obtenir un rendez-vous au guichet unique de la préfecture des personnes peuvent rester trois ou quatre mois sans être prises en charge, et sans bénéficier de l'allocation pour demandeur d'asile.
Cela pose des problèmes de violence, car pour accéder aux guichets, il y a parfois des files de deux cents personnes. La puissance publique a donc en effet un travail à accomplir avec ces associations pour améliorer cet état de fait.
Monsieur Touraine, vous savez que l'on peut faire dire ce que l'on veut aux chiffres. Utiliser la médiane est en effet une idée intéressante. Nous avons rédigé ce rapport dans un délai très court, et les chiffres mériteraient probablement une analyse un peu plus approfondie.
Nous avons bien sûr constaté une augmentation significative du nombre de places en CADA – leur nombre a presque doublé, et nous ne sommes pas encore arrivés au bout du dispositif – mais comme nous souhaitons que l'hébergement en CADA et en HUDA soit le mode principal d'hébergement, car il permet un accompagnement social qui nous apparaît essentiel, il faut continuer à construire des places. Il nous faudra encore une ou deux années pour atteindre un niveau satisfaisant. D'autant que les hébergements en hôtel ne sont plus financés dans beaucoup de régions. Cela oblige à trouver des places nouvelles.
Le dispositif d'évaluation de la vulnérabilité est analysé dans notre rapport. Les missions des médecins de l'OFII n'ont pas été revues, ils sont donc toujours en partie absorbés par des tâches aujourd'hui jugées peu utiles. Ce sont bien les médecins de l'OFII, pas les médecins de l'ARS, qui doivent détecter la vulnérabilité. Ils statuent parfois sur certificat médical alors qu'un contrôle par le médecin serait parfois nécessaire. L'OFII doit se réorganiser pour libérer du temps à ses médecins, voire en recruter.
S'agissant enfin de la question du regroupement familial, soulevée par notre collègue Furst, je signale à nouveau la rubrique « Les décodeurs » du site lemonde.fr. où il est rappelé que le regroupement familial a concerné moins de 12 000 personnes en 2015, et ce chiffre est stable depuis ces dernières années. Ce sont les données de l'OFPRA.
Le mot de crise migratoire n'est pas parfaitement adapté. Nous sommes aujourd'hui confrontés à une situation qui va s'installer. Au-delà des migrants économiques, les changements climatiques imposent des mouvements migratoires. C'est pourquoi nous insistons : tant sur la politique de l'asile que sur la politique migratoire – nous distinguons bien les deux – l'Europe doit se saisir du sujet. Nous devons avoir une approche européenne de ces deux sujets, pour traiter dignement ces personnes quand elles arrivent chez nous, et pour travailler avec l'Europe sur les moyens de développer de l'activité dans leur pays d'origine, en matière de logements, de routes, d'infrastructures, pour que ces personnes puissent vivre décemment dans leur pays d'origine. Le niveau européen est pertinent, et nous nous honorerions tous à agir en ce sens. J'espère que les années qui viennent nous permettront de connaître une avancée en la matière.
Je vous remercie de l'attention que vous avez portée à nos travaux. Monsieur le président, ces missions d'évaluation des politiques publiques sont fort intéressantes, et j'espère qu'elles seront confortées lors des prochaines législatures.
Sur le sujet délicat de l'éloignement, je précise que nous éloignons 20 000 personnes tous les ans, de manière continue, depuis une dizaine d'années. Il n'y a pas de pic en fonction des majorités.
Ne sont exercées que 7,5 % des obligations de quitter le territoire français (OQTF). L'éloignement est souvent empêché par des moyens juridiques : recours ; demandes de titres de séjour en qualité d'étranger malade – d'où l'importance de confier cette procédure à l'OFII et de s'assurer de son application rigoureuse – ; impossibilité d'éloigner une personne quand un membre de sa famille obtient un titre de séjour.
Il existe évidemment des biais juridiques, mais la publication du décret dont nous venons de parler devrait accélérer les choses. Je ne suis pas certain que le ministère de la santé ait été très amène pour aider à la sortie de ce décret, ce que l'on ne peut que regretter.
Monsieur le président, je tiens à vous dire que c'est un plaisir de travailler avec mes collègues de l'opposition (sourires)… De la future opposition ! Excusez mon erreur, j'ai pensé à Danièle Hoffman-Rispal, avec qui j'ai commencé ce travail lors de la précédente législature, lorsqu'elle était dans l'opposition !
Je pense que les travaux du Comité d'évaluation et de contrôle devront être amplifiés lors de la prochaine législature, comme la fonction de contrôle et d'évaluation des politiques publiques à laquelle nous sommes très attachés. Il serait sage de cesser les gesticulations et les projets de loi qui ne sont que des écrans de fumée afin de donner du grain à moudre à l'opinion publique et aux médias, au moins lors des quelques mois suivants l'élection du président de la République.
Je suis persuadé, et pas seulement compte tenu de la qualité du personnel de l'Assemblée qui travaille à l'évaluation des politiques publiques, que c'est le travail prioritaire de l'Assemblée du non-cumul. Aujourd'hui, nos compatriotes ne sont pas contre l'impôt, ils veulent en avoir pour leur argent. Ils ne sont pas contre la démocratie, ils veulent des preuves de ce qu'elle leur offre pour découvrir ce nouveau temps dans lequel nous sommes entrés.
Je suis persuadé qu'au cours de la prochaine législature, le CEC qui est apparu sous la présidence de Bernard Accoyer et que nous avons contribué à renforcer jouera un rôle croissant.
Il faudra également donner plus de place à l'examen de la loi de règlement. Tous se battent pour obtenir du temps de parole lors de la discussion des différentes missions budgétaires lors de l'examen du projet de loi de finances, alors qu'il serait beaucoup plus intéressant de démontrer quels objectifs ont été atteints.
Sur ce sujet des réfugiés, vous avez employé des mots choisis. Nous voyons comme il peut très vite créer des crispations. Le problème est devant nous : les réfugiés climatiques, et d'autres raisons de migrations, beaucoup plus lourdes. Alors que les médias diffusent dans le monde entier les images des nouveaux critères de bonheur, notamment en termes d'éducation et de santé, comment éviter que les citoyens qui n'y ont pas accès tentent d'y parvenir ?
Nous avons dit de la question des retraites qu'elle allait concerner plusieurs gouvernements, je suis persuadé que le sujet qui nous occupe aujourd'hui concernera beaucoup de gouvernements, d'ici aux années 2070 et 2080.
Il est évident, quelles que soient les réactions épidermiques de précampagne électorale, que nous ne pourrons pas répondre à ce problème simplement avec des barbelés et des murs. Le travail de M. Jean-Louis Borloo pour l'électrification de l'Afrique compte autant que les différents sujets dont nous avons traité aujourd'hui.
Le Comité autorise la publication du rapport de suivi de l'évaluation de la politique d'accueil des demandeurs d'asile.
Il en vient ensuite à la nomination de deux rapporteurs.
Avant de lever la séance, il nous appartient de désigner deux rapporteurs.
Notre Comité va en effet réaliser une évaluation de la politique publique en faveur de l'égalité entre les femmes et les hommes. Cette évaluation fait l'objet d'une consultation citoyenne qui a débuté hier et qui se déroulera jusqu'au 17 octobre. Je vous propose de nommer Sébastien Denaja et Guy Geoffroy rapporteurs de cette évaluation.
Il n'y a pas d'opposition ? Il en est ainsi décidé.
Le Comité désigne MM. Sébastien Denaja et Guy Geoffroy rapporteurs de l'évaluation de la politique publique en faveur de l'égalité entre les femmes et les hommes.
La réunion se termine à treize heures cinq.