Je souhaite revenir sur le contexte de cette crise migratoire durable, pour autant que le terme de crise soit approprié, car nous sommes au début d'un long chemin.
Le nombre de demandes d'asile présentées dans l'Union européenne s'est élevé à 1,3 million en 2015, soit une progression de 123 % par rapport à 2014. Six pays ont été responsables de l'examen de plus de 80 % des premières demandes : l'Allemagne (35 %), la Hongrie (14 %), la Suède (12 %), l'Autriche (7 %), l'Italie (7 %) et la France (6 %). L'augmentation des demandes d'asile en France est forte, mais il faut souligner que d'autres pays ont connu une progression beaucoup plus élevée. Ainsi le nombre de demandes d'asile a augmenté de 800 % en Finlande, de 300 % en Hongrie et de 230 % en Autriche.
Pour 2015, en France les premières demandes étaient en forte hausse (30,5 %), et les demandes de réexamen en hausse modérée (2 %). En 2016, l'augmentation des demandes d'asile se poursuit, avec 54 480 demandes de janvier à août, ce qui traduit une hausse de 19 % par rapport à la même période en 2015. Le nombre de premières demandes augmente de 26 %, mais surtout, un élément inquiétant est constaté : l'explosion des demandes de réexamen, avec une progression de 46 %, et plus de 5 400 demandes déjà déposées en 2016.
Autre donnée préoccupante : la demande de protection a explosé en 2015 dans les départements français d'Amérique, avec 3 700 dossiers enregistrés (+ 66 %). L'administration et les associations connaissent une situation très difficile en Guyane, avec une grande majorité de personnes en provenance d'Haïti, mais aussi de Syrie. La Guadeloupe et la Martinique sont aussi très concernées par les arrivées de personnes migrantes.
D'où viennent ces migrants ? En 2015, les primo-demandeurs d'asile les plus nombreux provenaient du Soudan, de Syrie, du Kosovo, du Bangladesh, d'Haïti et de République démocratique du Congo. Cependant, des flux historiques de demandeurs étaient en baisse, comme ceux provenant du Sri Lanka et de Russie. L'OFPRA a en revanche examiné des demandes d'origine nouvelle, comme celles de la communauté des Rohingyas de Birmanie ou des Sahraouis résidant dans les camps de Tindouf en Algérie.
En 2016, les principaux pays d'origine des demandeurs d'asile sont l'Afghanistan (3 669 demandes hors mineurs accompagnants), Haïti (3 451) et le Soudan (3 372 personnes). Les nationalités les plus représentées ensuite sont l'Albanie, la Syrie et la République démocratique du Congo.
En 2015, l'OFPRA a rendu 80 000 décisions, avec un taux de protection de 22,9 % (contre 16,9 % en 2014). Les demandes examinées en procédure prioritaire ont été admises avec un taux de 13,8 % (contre 6 % en 2014). Le taux d'admission des demandes de réexamen est resté très bas (3 %). Il faut noter une évolution très significative : le taux de protection est passé de 22,9 % en 2015 à plus de 36 % en 2016.
En 2015, les principaux pays de provenance des réfugiés étaient l'Irak, le Soudan, la Syrie, le Soudan et la Guinée, et les principales nationalités bénéficiaires de la protection subsidiaire étaient la Syrie, l'Albanie, le Centrafrique et l'Afghanistan.
En 2016, le taux de reconnaissance constaté sur les huit premiers mois est de 36,7 %. Il s'agit d'une proportion inédite de personnes ayant un besoin de protection manifeste. Cette évolution, si elle se poursuit, rapprocherait la France d'autres pays européens pour lesquels une grande proportion de demandeurs d'asile émane de zones de guerres ou de conflit : Irak, Afghanistan, Syrie, Érythrée, Somalie.
Venons-en au mécanisme de « relocalisation » adopté par l'Union européenne. Il porte sur 160 000 demandeurs d'asile, et prévoit que leur demande soit traitée par d'autres États que ceux où ils sont arrivés, par dérogation au règlement Dublin.
La France doit à ce titre accueillir, sur deux ans, 30 750 demandeurs d'asile. Le processus a été long à se mettre en place, mais les choses fonctionnent maintenant : 1 650 personnes ont déjà été accueillies, et 700 le seront en octobre. C'est un processus complexe, pour autant notre pays est à ce jour le premier contributeur au mécanisme.
L'accord entre l'Union européenne et la Turquie sur la question migratoire, entré en vigueur le 20 mars 2016, prévoit la réinstallation en France de 6 000 personnes d'ici 2017 : 3 000 personnes vulnérables ont déjà été accueillies en provenance du Liban, et 1 000 de Jordanie et d'Égypte.
Une forte augmentation des mouvements de migration secondaire a été observée ces derniers mois, avec l'arrivée en France de personnes déboutées dans d'autres pays de l'Union européenne, comme l'Allemagne, l'Italie et la Hongrie. 240 000 personnes ont été déboutées en Allemagne depuis 2015, dont un certain nombre vient déposer une nouvelle demande en France.
L'Allemagne rejette les demandes de protection de personnes venues d'Afghanistan, les considérant comme des migrants économiques, mais ne peut que se heurter à des difficultés pour l'éloignement de ces déboutés. La divergence entre la position prise par le gouvernement allemand et celle de la France quant au besoin de protection des Afghans pose de façon aiguë la question de l'harmonisation européenne de la politique de l'asile. La conséquence de cette divergence est l'accueil par notre pays de nombreux Afghans sous le régime de la protection subsidiaire.