Intervention de Denys Robiliard

Réunion du 5 octobre 2016 à 11h30
Comité d'évaluation et de contrôle des politiques publiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDenys Robiliard :

Merci à nos rapporteurs de revenir vers nous deux ans après la publication de leur premier rapport.

Sur le plan méthodologique, je constate que vous avez essentiellement entendu les administrations et les associations qui participent à la mise en oeuvre du dispositif. C'est évidemment essentiel, mais je pense qu'il serait également important d'entendre les associations qui n'y participent pas mais qui s'intéressent à la question. Certaines peuvent accompagner les demandeurs d'asile dans certains cas, mais elles n'interviennent pas directement dans la gestion du dispositif. Des associations telles que « France Terre d'Asile » portent un regard critique sur ce qui est fait, mais trop souvent, le prisme de la gestion induit certaines réponses. Les réponses sont différentes lorsque l'on interroge Amnesty international ou la Cimade, qui ne participent pas à la gestion de cette partie du dispositif. Ces associations avaient été entendues pour votre rapport initial, je pense qu'il aurait été intéressant de les entendre à nouveau sur un dispositif modifié par la loi de 2015.

Ayant reçu le rapport sur table, ma lecture en est nécessairement cursive. La procédure européenne est inadaptée au nombre de demandeurs d'asile en 2015. Le processus de Dublin, qui confie aux pays par lesquels les demandeurs d'asile accèdent au territoire européen la mission d'examiner les demandes, concentre les problèmes dans ces pays. C'est invraisemblable. Cela reporte sur l'Italie et la Grèce l'essentiel du poids de cette crise. Nous voyons bien que la répartition est extrêmement difficile, puisque les propositions de M. Juncker ont été refusées, notamment par des pays de l'Est de l'Europe.

Nous constatons donc l'inadaptation du règlement « Dublin » sans que l'Union européenne ne puisse proposer autre chose, compte tenu des désaccords entre ses membres. Avez-vous une vision prospective dans ce domaine ? Dans quelle direction faut-il s'orienter ?

S'agissant ensuite des engagements pris par la France pour la relocalisation d'un certain nombre de réfugiés – donc de personnes identifiées comme ayant besoin d'une protection, qu'il s'agisse du statut de réfugié ou d'une protection subsidiaire – vous nous avez annoncé que la France était l'un des premiers acteurs. Dans ce cas, je suis très inquiet ! Il faut relocaliser 160 000 personnes en Europe, et nous en avons accueilli 1 650 depuis 2015, alors que nous nous sommes engagés à en recevoir 30 000. À l'évidence, nous ne sommes pas à la hauteur du problème.

Je ne prétends pas que les choses soient simples, bien qu'à ma connaissance, si des positions de principe sont brandies, il n'y a pas de difficultés concrètes dans les villes où sont accueillis les réfugiés.

Je n'aime pas la notion de « pays sûr », qui me semble porter une atteinte excessive aux dispositions de la Convention de Genève. Quoi qu'il en soit, la divergence d'appréciation sur la situation de l'Afghanistan est invraisemblable. L'Allemagne ne peut considérer que c'est uniquement de l'immigration économique. Je ne détiens pas la solution, mais un travail rapide est indispensable car les demandeurs d'asile arrivent.

Aux pages 21 et 22 de votre rapport, vous donnez une interprétation de l'article L. 744-1 du CESEDA que je ne partage pas. Vous écrivez : « Avant le passage du demandeur d'asile en guichet unique, l'article L. 744-1 (…) prévoit à présent un premier accueil. » La loi prévoit l'obligation, pour les demandeurs d'asile, de faire enregistrer la demande dans les trois jours ouvrés. Pour tenir les délais légaux, on fait jouer au pré-accueil le rôle de sas. Avant, les demandeurs d'asile passaient en préfecture et obtenaient un rendez-vous des mois plus tard, et les délais n'étaient pas tenus. Aujourd'hui, au lieu de reconnaître que les délais ne sont pas tenus, il est demandé d'aller voir une association ou une PADA pour pré-accueillir, ce qui permet de ne pas tenir le délai à la préfecture, puisqu'on y présente les demandeurs d'asile que lorsqu'il y a du temps pour les recevoir. On joue sur les mots, et il n'est pas bon que le rapport adopte la présentation de l'administration de ce point de vue.

Très concrètement, nous ne sommes pas en mesure de tenir ce délai. C'est un problème de moyens, et les moyens que nous nous donnons pour appliquer la loi sont ceux qui permettent la réduction des délais de gestion des demandes d'asile pour tenir l'objectif de neuf mois qui a été assigné. La pratique utilisée relève des délais cachés que vous pointez en page 22. L'interprétation de l'article L. 744-1 du CESEDA ne me semble pas permettre une telle pratique.

Pour terminer sur une note positive, je pense que la gestion du droit des étrangers est vraiment un domaine dans lequel nous avons intérêt à donner des moyens aux administrations, en particulier l'OFPRA, la CNDA et l'OFII, parce que c'est ce qui permet de tenir les délais et de réduire les frais. La réduction des délais de l'OFPRA en période d'augmentation de la demande, sans perte de qualité, est un très beau résultat. Toutefois, l'entretien au cours duquel l'étranger pouvait être assisté est un point important. Je note que 80 000 décisions ont été prises, tandis que 50 000 entretiens ont été réalisés. Il n'y a pas d'entretien lors des procédures accélérées, mais je voudrais être sûr que les 30 000 cas dans lesquels il n'y a pas eu d'entretien ne posent pas de problème. Cela me semble un point relativement mineur, mais qui doit être creusé, parce que l'entretien et l'entretien assisté permettent d'améliorer la qualité de l'appréciation du dossier d'un requérant, et donc de savoir s'il a besoin ou non d'une protection internationale ou d'une protection subsidiaire.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion