Intervention de Élisabeth Guigou

Réunion du 4 octobre 2016 à 16h45
Commission des affaires étrangères

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaÉlisabeth Guigou, présidente :

Nous accueillons M. le secrétaire d'État aux affaires européennes pour une audition fermée à la presse sur les suites du référendum britannique. Je rappelle que le Président de l'Assemblée nationale préside une mission d'information sur le Brexit afin d'assurer le suivi de la préparation des négociations qui vont s'ouvrir lorsque les Britanniques auront décidé d'invoquer l'article 50 du traité sur l'Union européenne, ce que Mme Theresa May a déclaré à l'occasion du congrès du parti conservateur vouloir faire en mars 2017 – voilà donc une incertitude levée parmi de nombreuses autres.

Notre mission d'information, qui s'est réunie trois fois depuis sa constitution, vous a déjà auditionné, monsieur le secrétaire d'État. J'ai néanmoins jugé utile que vous vous exprimiez aussi devant la commission des affaires étrangères, afin que ceux de ses membres qui ne participent pas à ladite mission d'information puissent vous entendre.

Je vous propose de commencer par revenir sur les conditions dans lesquelles se préparent de part et d'autre ces négociations, sur nos positions, nos exigences et les lignes rouges à ne pas franchir selon nous. S'agissant du calendrier, l'article 50 sera heureusement activé avant la fin mars 2017, ce qui permettra aux négociations d'être achevées avant les élections européennes de juin 2019. Il aurait été paradoxal, en effet, d'aborder les élections européennes avec la perspective que des députés et des commissaires européens britanniques soient désignés.

Mme May a également annoncé une grande loi d'abrogation de la loi de 1972, qui interrompra l'application en droit interne de la réglementation européenne. Concrètement, cette loi codifiera les dispositions européennes dans la loi britannique en ouvrant la voie à des amendements. Elle sera examinée dès le printemps, mais n'entrera en vigueur qu'après la sortie formelle du Royaume-Uni de l'Union. C'est un moyen pour Mme May, qui en a besoin, d'associer le Parlement britannique au processus, comme il le réclame – en particulier l'opposition.

En somme, une méthode se dessine. La ligne politique, toutefois, me semble encore très floue : il va de soi que les Britanniques tenteront de négocier le meilleur accord possible pour eux en s'efforçant d'obtenir – ce à quoi nous devons vigoureusement nous opposer – la limitation de la liberté de circulation des personnes et les avantages du marché unique, notamment le passeport financier. Comment allons-nous y réagir ?

Le Gouvernement britannique est très divisé : aux tenants d'un soft Brexit font face les partisans d'un hard Brexit, notamment le porte-parole et le ministre des affaires étrangères, qui sont prêts à mettre en cause la liberté de circulation quitte à sacrifier l'accès au marché unique – ce qui me semble être pour partie de la fanfaronnade. Comment voyez-vous les choses chez vos interlocuteurs britanniques, étant entendu que nous nous interdisons de discuter avec eux avant qu'ils n'aient invoqué l'article 50 ?

Quoi qu'il en soit, nous n'avons pas intérêt à entrer dans le débat intérieur, ni à faciliter le travail des négociateurs britanniques. Comme les autres membres de la mission présidée par M. Bartolone, je suis convaincue que nous ne pouvons pas dissocier la quatrième liberté, celle de la circulation des personnes, des autres règles de circulation dans le marché unique. Je ne partage absolument pas l'opinion exprimée par Jean Pisani-Ferry et l'institut Bruegel, et j'ai eu l'occasion de dire à mon homologue allemand, signataire de l'article en question, que je ne l'aurais pour ma part jamais signé. De même, j'ai directement fait part de mon désaccord à M. Pisani-Ferry. La semaine dernière, d'ailleurs, j'ai constaté lors d'une réunion au Bundestag avec nos collègues du Triangle de Weimar qu'une majorité de députés allemands approuve ma position, et non celle de M. Pisani-Ferry.

Vous nous direz, monsieur le secrétaire d'État, quelle forme pourra prendre l'accord de sortie du Royaume-Uni, mais aussi les accords futurs que nous conclurons avec ce pays. En effet, l'article 50 prévoit que l'accord de sortie sera négocié « en tenant compte » du statut futur du pays : tout est dans l'interprétation que l'on fait de la formule « en tenant compte ». Tout dépendra de l'unité et de la fermeté dont font preuve les Vingt-Sept : parviendrons-nous à les préserver ? À ce stade, nous sommes fermes ; le serons-nous dans la durée ?

Le sommet de Bratislava s'est traduit par l'adoption d'une feuille de route. Il faut relancer l'Union européenne, car l'expérience montre qu'il est plus difficile aux Britanniques de vouloir sortir de l'Union lorsque celle-ci avance. Brexit ou pas, il faut de toutes façons relancer le projet européen, qui était mal en point. Quelles sont donc nos perspectives, notamment économiques et sociales ? Le consensus nécessaire obtenu à Bratislava en matière de sécurité ne doit pas nous faire oublier de parler de l'union économique qui doit compléter l'union monétaire.

Enfin, quel est votre point de vue sur le renforcement de la politique de sécurité intérieure et sur la politique étrangère et de défense européenne ? Un conseil européen doit heureusement se tenir sur ces sujets avant la fin de l'année ; parviendrons-nous – car beaucoup dépend de la France en la matière – à enclencher de nouveau une dynamique positive ?

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