Intervention de Harlem Désir

Réunion du 4 octobre 2016 à 16h45
Commission des affaires étrangères

Harlem Désir, secrétaire d'État auprès du ministre des Affaires étrangères et du Développement international, chargé des Affaires européennes, sur les suites du référendum britannique :

La présidente de la commission vient de le rappeler, monsieur Destot : de nombreux Britanniques se disent qu'avec un peu de recul, chacun y réfléchira à deux fois au cours de la négociation. Je pense néanmoins, comme M. Vauzelle, qu'il y a eu un vote populaire au terme d'une campagne référendaire longue – même si beaucoup d'arguments fallacieux ont été utilisés, au point que plusieurs des responsables de la campagne en faveur du Brexit ont ensuite décliné toute charge gouvernementale, certains, certes, se ravisant sans avoir pour autant les idées très claires, plusieurs semaines plus tard, sur ce que le Brexit signifiait pour leur pays. Mais le Brexit, j'y insiste, est le résultat d'un choix démocratique dont je ne pense pas qu'il soit réversible – on en reparlera éventuellement dans une ou deux générations. Il serait de très mauvaise méthode et il ne serait tout simplement pas possible d'imaginer passer outre ce vote. C'est d'ailleurs la conclusion qu'a tirée le premier ministre britannique en déclarant devant le congrès de son parti, le week-end dernier, qu'il n'y avait pas deux façons de sortir de l'Union européenne mais une seule : l'application de l'article 50 du traité sur l'Union européenne. Mme May a ainsi donné sens à la formule qu'elle répète depuis la proclamation des résultats du référendum – « Brexit means Brexit » –, considérant elle-même qu'elle avait un mandat du peuple britannique. Voilà une clarification que nous attendions.

Sans doute de nombreuses questions importantes se révéleront-elles difficiles à traiter, comme l'Écosse, l'Irlande plus encore – à la suite des accords du Vendredi Saint, un espace de libre circulation a été institué que personne ne veut remettre en question et ce sera l'un des thèmes de discussion entre le Royaume-Uni et l'Union européenne, même si, bien sûr, je ne saurais préjuger de la solution qui sera retenue.

Il se passera beaucoup de choses d'ici à la sortie effective du Royaume-Uni de l'Union européenne, mais je ne crois pas qu'on discute d'une option consistant en « l'annulation » des résultats du référendum par le biais d'un vote de la Chambre des communes. Ce n'est de toute façon pas l'état d'esprit des Britanniques. Tout le monde a compris qu'il fallait se préparer à un autre type de relation entre le Royaume-Uni et l'Union européenne que celui qui a prévalu jusqu'à présent.

Immédiatement après le référendum, le président Hollande, la chancelière Merkel et le président du conseil Renzi ont tenu à affirmer les principes que j'ai rappelés tout à l'heure afin que les autres pays de l'Union européenne les reprennent à leur compte. Il n'y aura pas de négociations séparées, pas de formule alternative à la sortie de l'UE. Nous devons nous préparer, dans l'intérêt des parties, à l'établissement de nouvelles relations entre l'Union européenne et le Royaume-Uni, celui-ci devant devenir un État tiers, même si plusieurs pays membres auront des intérêts particuliers à faire valoir. Vous avez mentionné la Pologne et les pays Baltes, notamment, pays dont de nombreux ressortissants vivent au Royaume-Uni. J'incite ces pays, comme nous, à se montrer fermes sur la liberté de circulation et sur le fait que si le Royaume-Uni souhaite avoir un accès au marché intérieur, il devra, en contrepartie, veiller à respecter les droits des citoyens membres des pays de l'UE qui viendront s'y installer pour travailler, sans oublier, évidemment, ceux qui s'y trouvent déjà. L'attention que ces pays portent à leurs citoyens installés au Royaume-Uni ne joue pas contre la fermeté dès lors qu'il est acquis qu'il n'y a pas d'autre solution, je le répète, que la sortie.

Pour ce qui est de la Bosnie-Herzégovine, aucune décision d'adhésion à l'Union européenne n'a été prise. En revanche, il a été décidé – et la France y a été totalement associée – de transmettre, à sa demande, via le Conseil des affaires générales, sa candidature pour examen par la Commission européenne. La Bosnie-Herzégovine est par conséquent dans la même situation que les autres pays des Balkans occidentaux, à savoir les six pays de cette région qui ne sont pas membres de l'Union européenne. Je rappelle que deux pays issus de l'éclatement de la Yougoslavie, la Slovénie et la Croatie, sont pour leur part devenus membres de l'UE. Les autres pays candidats provenant de la Yougoslavie sont engagés dans un processus de rapprochement avec l'Union.

Je pense que cette dernière doit définir clairement ses frontières, indiquer où s'arrêtent les élargissements possibles. Il fallait ainsi clarifier notre position – et nous l'avons fait trop tardivement – vis-à-vis de l'Ukraine qui est un pays voisin avec lequel nous devons avoir des relations de partenariat, un pays que nous aidons beaucoup, mais dont je ne crois pas qu'il ait vocation à rejoindre l'Union européenne. Ni sa situation économique ni sa situation géopolitique ni, non plus, ses relations avec la Russie ne permettent d'envisager une telle évolution qui n'apporterait aucune stabilité pour lui comme pour la région.

Nous allons devoir procéder à une clarification vis-à-vis d'un autre grand pays qui s'est vu reconnaître le statut de candidat. De nombreux États membres, en effet, ont fait savoir qu'ils ne souhaitaient pas que ce processus aille jusqu'à l'adhésion. Or le type de relations que nous entretenons et de négociations que nous menons avec ce pays procède, sur le plan formel, de la logique d'élargissement. Il s'agit de la Turquie. Si l'ouverture de chapitres de négociation ne préjuge pas de l'adhésion future – il s'agit de rapprocher les législations économiques, de coopérer en matière d'État de droit – il n'en subsiste pas moins une ambiguïté dès lors que, je le répète, de nombreux États membres ne souhaitent pas que la Turquie devienne membre de l'Union européenne. Cette question est posée depuis longtemps et beaucoup plus de chapitres de négociation ont été ouverts sous les quinquennats précédents, depuis l'ouverture des négociations, que pendant le présent quinquennat.

Or nous devons avoir le même débat au sujet des Balkans. Je ne crois pas que l'Europe sera complète et que la stabilité sera possible dans cette région si on ne lui donne pas une perspective européenne. Nous travaillons par conséquent avec ces pays pour qu'ils puissent mener à bien un certain nombre de réformes économiques, mais aussi la modernisation de leur État de droit – autant de conditions de stabilité. Le Président de la République a d'ailleurs réuni à Paris, le 4 juillet dernier, avec la chancelière Merkel et avec le président du conseil Renzi, les représentants de ces pays, dans le cadre d'un processus lancé il y a quelques années, destiné à favoriser leur intégration économique régionale, l'intégration des sociétés civiles, les échanges entre les jeunesses…

Aussi, j'y insiste, la Bosnie Herzégovine ne s'est-elle pas vu reconnaître le statut de candidat et nous n'avons pas ouvert de chapitre de négociation avec elle. Seulement, ce pays s'inscrit dans cette perspective, comme la Serbie, comme la Macédoine, comme l'Albanie…

Ce débat de nature géopolitique doit donc être exempt de toute démagogie.

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