Mais, en cas de trouble à l’ordre public, il est évident, je viens de le rappeler, que nous disposons déjà de tous les textes de nature à qualifier pénalement les choses.
L’exigence de précision de la loi pénale n’a pas été établie à des fins d’esthétisme juridique. Elle a pour but de protéger de l’arbitraire en limitant les marges d’interprétation laissées à la seule appréciation du juge. Elle constitue, à ce titre, l’un des piliers de notre République. Elle est aussi, dans la pratique, un point de référence utile autant qu’indispensable aux magistrats pour leur permettre de rendre un verdict juste et efficace.
Où s’arrête le propos acceptable ? Où commence celui qui doit être condamné et sévèrement sanctionné ? Rien ne l’indique dans votre proposition de loi. Vous avez, parmi d’autres exemples, évoqué la question de l’égalité entre les hommes et les femmes, qui tient à coeur à notre majorité : nous lui avons consacré de nombreuses avancées, récemment, dans une belle loi. Devrait-on considérer, au nom de ce principe, qu’un juge pourrait décider d’empêcher, demain, les femmes et les hommes d’être séparés dans les synagogues, où nous étions hier nombreux à venir entendre la prière pour la République française, à l’occasion de Kippour ?
Certains discours politiques, dont je n’approuve pas personnellement qu’ils soient prononcés dans des lieux de culte, pourraient également, au moyen du texte que vous proposez, être aisément assimilés à un prêche subversif pour peu qu’ils paraissent à tel ou tel magistrat plus ou moins contraires aux valeurs de notre démocratie.
Le 14/10/2016 à 22:44, laïc a dit :
"Devrait-on considérer, au nom de ce principe, qu’un juge pourrait décider d’empêcher, demain, les femmes et les hommes d’être séparés dans les synagogues, où nous étions hier nombreux à venir entendre la prière pour la République française, à l’occasion de Kippour ?"
Une synagogue est un lieu privé, et séparer les hommes des femmes pour des raisons privées, s'il n'y a pas de plaintes de la part d'une femme ou d'un homme ainsi séparé, reste tout à fait possible, car il n'y a pas de lois interdisant de séparer les hommes des femmes pour des raisons privées et acceptées autant par les hommes que les femmes. En revanche, appeler à séparer les hommes des femmes dans l'espace public, par exemple à l'école ou les universités, et ce quels que soient la confession des citoyens qui devront être ainsi séparés, voilà qui serait de la transgression de la loi caractérisée.
En effet, l'article 35 de la loi de 1905 indique : " contient une provocation directe à résister à l'exécution des lois" . Or, la loi de 1881, dans ses articles 23 et 24 dit : " Seront punis des peines prévues à l'alinéa précédent ceux qui, par ces mêmes moyens, auront provoqué à la haine ou à la violence à l'égard d'une personne ou d'un groupe de personnes à raison de leur sexe..."
Comme les appels à la séparation des sexes peuvent être considérés comme des provocations à la haine sexuelle (car rien ne justifie la séparation des sexes dans l'espace public, sinon une vision haineuse des hommes par rapport aux femmes, et inversement), cet appel religieux tombe sous le coup de l'article 35 de la loi de 1905.
Voilà comment il faut procéder pour savoir si une prédication est subversive ou non. Il faut toujours regarder si l'appel entre ou non en contradiction avec une loi laïque, dire précisément en quoi la prédication attente à la loi, et l'orateur peut alors être poursuivi au nom de l'article 24 de la loi de 1881.
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