Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur, cher Jean-Pierre, mes chers collègues, 50 000 personnes qui décèdent chaque année d’une fibrillation cardiaque, c’est autant de vies que l’on pourrait sauver si les témoins des accidents pouvaient utiliser des défibrillateurs cardiaques à tout moment, en tout lieu et de manière efficace.
Actuellement en France, seulement 3 à 5 % des personnes victimes d’un accident cardiaque hors de leur domicile sont sauvées. Lorsque l’on sait que ce chiffre s’élève à 26 % aux États-Unis, on comprend que la France accuse un sérieux retard en la matière, qu’il est urgent de rattraper.
Chaque minute qui s’écoule après l’accident, les probabilités de survie chutent de 7 % à 10 % et l’usage immédiat d’un défibrillateur est alors essentiel. Je salue donc l’excellent travail de mon collègue Jean-Pierre Decool en la matière et la pugnacité dont il fait preuve pour faire progresser la France face à cet enjeu primordial de santé publique.
Les trois points clés de ce texte m’apparaissent tout à la fois indispensables et complémentaires.
L’article 1er vise à alourdir les sanctions lorsque des actes de vandalisme ou de dégradation portent atteinte aux défibrillateurs. Ces actes malveillants sont proprement inacceptables et ont des conséquences particulièrement lourdes, puisqu’ils peuvent faire perdre la vie à une personne qui, victime d’un accident, ne peut être sauvée à cause d’un défibrillateur hors d’usage. Une tolérance zéro doit s’appliquer en la matière.
En commission, il a été reproché au dispositif initial, qui proposait une peine de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende, d’être trop sévère. Si je ne partage pas ce point de vue à titre personnel, compte tenu du fait que de telles dégradations peuvent indirectement causer la mort, je salue l’effort de consensus du rapporteur, qui nous propose aujourd’hui d’adopter un amendement visant à calquer les peines sur celles applicables à la destruction d’abribus ou de bâtiment public.
L’article 2 de la proposition de loi concerne une dimension essentielle de la défibrillation cardiaque : l’utilisation concrète des appareils. Dans 70 % des cas, en effet, l’accident survient devant témoin. Or, dans deux cas sur trois, les témoins ne savent pas comment intervenir. Pourtant, nous sommes tous de potentiels témoins d’accidents cardiaques et l’utilisation des défibrillateurs est relativement simple. Quoi de plus inutile qu’un matériel que la plupart d’entre nous ne savent pas utiliser correctement ?
Notre pays accuse un sérieux retard en termes de formation aux premiers secours, puisqu’à peine 40 % de la population française y serait formée, contre 80 % chez nos voisins allemands et 95 % en Norvège. Il est urgent d’élaborer une vraie stratégie de formation à l’utilisation de ces appareils au niveau national, qui cible tout le monde, des plus jeunes aux plus âgés, au sein des établissements scolaires comme dans les organismes et associations habilités.
Le dispositif initialement proposé a pu sembler trop lourd à certains de nos collègues en commission. Les défibrillateurs étant aujourd’hui dotés d’une assistance intégrée destinée à permettre à un novice de les utiliser en cas d’urgence, il est apparu, au fil des auditions menées par notre rapporteur, qu’une initiation courte, de deux heures, était suffisante pour acquérir les premiers gestes qui sauvent. C’est le sens du dispositif de l’article 2.
Enfin, l’article 3 est tout aussi essentiel, car il vise à combler les lacunes dont souffre notre pays en termes d’installation de défibrillateurs dans certains lieux où ils sont en nombre insuffisant. Qui n’a pas déjà entendu citer le cas d’un jeune sportif s’écroulant sur le terrain, victime d’un accident cardiaque ? Or, 15 % seulement des stades français sont aujourd’hui équipés de défibrillateurs. Cela n’est pas normal.
L’Académie nationale de médecine a alerté sur la mort subite au cours des activités physiques et sportives, et préconise que la présence d’un défibrillateur soit obligatoire dans les stades et enceintes sportives. De même, elle préconise une plus grande diffusion des défibrillateurs sur les lieux de travail, ainsi que dans les locaux commerciaux importants et les lieux à forte densité résidentielle. Pour ce qui est du lieu de travail, il est assez surprenant que l’employeur soit soumis à une obligation générale de sécurité de ses salariés et que la présence de matériel de premier secours soit obligatoire, sans que celle d’un défibrillateur le soit pour autant. Quant aux lieux à forte densité résidentielle, rappelons simplement que 70 % des arrêts cardiaques ont lieu au domicile.
Nous souhaitons donc que l’article 3, supprimé en commission, qui imposait aux entreprises de plus de cinquante salariés et aux locaux commerciaux d’une superficie supérieure à 1 000 mètres carrés de se doter d’un défibrillateur cardiaque, soit rétabli. Il nous paraît par ailleurs important que les immeubles d’habitation soient également équipés de ces appareils à partir d’un certain nombre de logements.
Je conclurai par deux points. Tout d’abord, je voudrais soulever la question de la responsabilité des communes et des directeurs d’établissements publics ou sportifs et de centres commerciaux en cas de défaillance d’un défibrillateur. Une action judiciaire peut-elle aboutir à une mise en cause sur le plan administratif ou pénal ? Si tel était le cas, cela constituerait un frein à l’équipement des collectivités territoriales et des établissements publics et privés. Une réponse juridique doit donc être apportée. Je note à ce propos, madame la secrétaire d’État, que vous proposez d’instaurer une obligation de maintenance, ce qui me paraît une bonne chose.
Je tiens enfin à insister sur le fait qu’il s’agit là d’un réel enjeu de santé publique, qui doit dépasser les divisions partisanes. Cette proposition de loi est du côté de ceux qui veulent sauver des vies. Ne nous y trompons pas et unissons-nous dans l’hémicycle pour ce combat.