La séance est ouverte.
La séance est ouverte à quinze heures.
La parole est à M. Jean-Pierre Decool, rapporteur de la commission des affaires sociales.
Monsieur le président, madame la secrétaire d’État chargée des personnes âgées et de l’autonomie, madame la présidente de la commission des affaires sociales, mes chers collègues, pour l’année 2016, le Premier ministre a décidé d’attribuer le label « Grande cause nationale » au collectif d’associations « Adoptons les comportements qui sauvent ». Promouvoir ces comportements, ces gestes qui sauvent, c’est tout l’enjeu de la proposition de loi que j’ai l’honneur de défendre devant vous aujourd’hui.
Près de 50 000 personnes meurent chaque année inopinément, victimes d’un arrêt cardiaque. Ce chiffre n’est pas une fatalité. En effet, prises en charge dans les minutes qui suivent l’accident, ces personnes pourraient être sauvées. On estime le taux de survie à 35 % lorsque la victime est défibrillée. Chaque minute perdue, c’est 10 % de chances de survie en moins. C’est pourquoi il est nécessaire d’assurer une plus grande sensibilisation aux gestes de premier secours, ainsi qu’une plus grande implantation de défibrillateurs sur tout le territoire. C’est bien là un enjeu de santé publique. Mon collègue Alex Türk, sénateur du Nord, et moi-même avons donc déposé conjointement, dans nos assemblées respectives, cette proposition de loi relative au défibrillateur cardiaque.
Le texte adopté par la commission des affaires sociales mercredi dernier n’a retenu que l’une de nos propositions, celle figurant à l’article 2. Celui-ci prévoit la formation obligatoire des jeunes en milieu scolaire aux gestes de premier secours, en indiquant expressément que l’usage d’un défibrillateur y est inclus. Ce point est important, car il ne suffit pas de diffuser des appareils ; il faut également sensibiliser la population à leur maniement. En effet, bien que le défibrillateur cardiaque automatisé soit facile d’utilisation et employable par tous, dans l’urgence de la situation, certaines personnes peuvent perdre leurs moyens, et ce d’autant plus qu’elles n’ont jamais fait usage de ce matériel.
Depuis 1961, la Norvège enseigne à ses élèves de sept à seize ans les gestes élémentaires de survie. Le résultat est là, puisque 95 % de la population est formée aux gestes de premier secours ! Dans notre pays, seuls 40 % des Français seraient formés aux gestes qui sauvent, selon la Croix-Rouge. Notre marge de progression est donc considérable. L’exemple norvégien démontre qu’une formation précoce à la prise en charge de l’arrêt cardiaque permettrait une plus grande sensibilisation à l’âge adulte. Nous devons nous en inspirer.
La loi du 13 août 2004 de modernisation de la sécurité civile précise déjà que « tout élève bénéficie, dans le cadre de sa scolarité obligatoire, d’une sensibilisation à la prévention des risques et aux missions des services de secours, ainsi que d’un apprentissage des gestes élémentaires de premier secours ». Cette ambition est certes louable, mais le format est contraignant, puisque la formation ne peut être assurée que par des organismes habilités ou des associations agréées. Toutes les personnes auditionnées nous ont confirmé que, dans les faits, l’objectif n’avait pas été atteint. Il est donc apparu qu’une initiation courte, d’une à deux heures environ, était suffisante pour faire acquérir aux enfants les gestes qui sauvent, sans remise de diplôme. Par conséquent, il faut parler non plus de formation, mais bien d’initiation – différence sémantique importante.
Cette initiation auprès des enfants est d’autant plus importante que ceux-ci peuvent, à leur tour, sensibiliser leur entourage. J’en veux pour preuve une évaluation récente menée auprès d’un groupe d’enfants de douze ans qui ont suivi une initiation d’une heure aux gestes qui sauvent. Trois mois après, les enfants avaient mémorisé les recommandations, et chacun d’entre eux avait sensibilisé huit à dix personnes autour de lui. Un organisme européen, le Conseil européen de réanimation, affirme que les enfants sont réceptifs aux instructions, qu’ils apprennent facilement à aider les autres, et qu’ « un enfant n’oubliera jamais comment sauver une vie »..
Nos concitoyens peuvent être les premiers à sauver des vies, avant même l’arrivée des secours. En moyenne, les pompiers arrivent sur les lieux dix minutes après l’accident cardiaque. Pour le SAMU ou le SMUR, il faut parfois attendre jusqu’à vingt minutes. Puisque nous savons que les cinq premières minutes sont cruciales pour la survie de la personne, nous ne devons pas hésiter à adopter cet article, qui vise à renforcer l’initiation de nos concitoyens aux gestes qui sauvent. Cependant, une meilleure gestion de l’arrêt cardiaque passe aussi par une action globale. La formation aux gestes qui sauvent est nécessaire, mais non suffisante, si l’équipement n’existe pas. Je propose donc de rétablir l’article 1er et l’article 3 de la proposition de loi initiale.
Un amendement vise ainsi à renforcer les sanctions en cas de vol et à créer un délit en cas d’acte de vandalisme contre des objets nécessaires à la sécurité ou à la santé des personnes et des lieux, notamment les défibrillateurs cardiaques automatisés. Rendre les défibrillateurs plus accessibles est le grand intérêt de notre dispositif, mais cela peut, malheureusement, entraîner des comportements répréhensibles.
La première rédaction proposée en commission des affaires sociales a suscité des discussions animées parmi nos collègues, qui trouvaient les sanctions très sévères. J’ai entendu les remarques des uns et des autres, et c’est pourquoi je vous présente aujourd’hui une rédaction corrigée.
Je propose désormais d’aggraver les peines en cas de vol et de punir d’une amende, assortie d’un travail d’intérêt général, toute personne qui se livrerait à un acte de vandalisme contre ces appareils.
Si j’insiste fortement sur ce point, c’est parce qu’il n’existe à ce jour, dans notre code pénal, aucune sanction pour ces actes de vandalisme. Il faut y remédier. La question n’est pas anecdotique, puisqu’un appareil dégradé sera inutilisable et ne pourra donc pas sauver de vies.
L’article 3, que je souhaite également rétablir, impose l’équipement en défibrillateurs dans certains locaux. À ce jour, on compterait entre 120 000 et 150 000 défibrillateurs cardiaques automatisés répartis sur tout le territoire français. Cependant, comme il n’existe aucune obligation légale d’en disposer, leur implantation repose sur un choix volontaire des collectivités territoriales, des associations ou des acteurs privés. Pour un meilleur maillage territorial de notre réseau de défibrillateurs, je propose que les entreprises de plus de 50 salariés et les locaux commerciaux de plus de 1 000 mètres carrés en soient pourvus.
Il en sera de même pour les établissements recevant du public, qu’il s’agisse de salles de spectacles, d’équipements sportifs ou d’administrations. Les immeubles d’habitation à usage collectif pourraient également en être équipés. Cette disposition paraît d’autant plus importante que 70 % des arrêts cardiaques se produisent au domicile des personnes. Je laisse toutefois au pouvoir réglementaire le soin de fixer des seuils et des conditions d’application.
Je tiens à souligner que, dès 2007, l’Académie nationale de médecine avait préconisé une plus grande diffusion des défibrillateurs automatisés externes dans les lieux publics, les lieux de travail, les lieux à forte densité résidentielle et les centres commerciaux. S’agissant du lieu de travail, il est pour le moins paradoxal que l’employeur ait une obligation générale de mise en sécurité de ses salariés et que l’entreprise doive disposer d’un matériel de premier secours, sans que la présence d’un défibrillateur soit pour autant obligatoire.
Deux départements pilotes, le Nord et la Côte-d’Or, ont mené des politiques volontaristes et ont choisi de diffuser largement des défibrillateurs dans des endroits stratégiques pour accroître le nombre de vies sauvées. C’est un pari réussi, puisque les taux de survie à la suite d’un arrêt cardiaque y sont supérieurs à la moyenne. Je souhaite, une nouvelle fois, saluer l’excellent travail effectué dans le Nord, en partenariat avec le sénateur Alex Türk et l’ancienne sénatrice, Sylvie Desmarescaux. Ils ont utilisé leur réserve parlementaire pour aider certaines communes à acquérir des défibrillateurs, la réserve parlementaire contribuant pour moitié à l’achat de ces matériels. Ainsi, depuis 2006, ce sont plus de 1 800 appareils qui ont été implantés sur le territoire de plus de 450 communes. Un véritable réseau a été mis en place, associé à une sensibilisation aux gestes de premier secours.
J’espère que leur idée fera de nombreux émules parmi les parlementaires présents aujourd’hui. C’est bien la preuve de l’intérêt de la présence d’un tel équipement, et de la sensibilisation qui va avec ! Étendons ces pratiques au territoire national ! Tel est le sens de cette proposition de loi.
Pour finir, je souhaite saluer l’évolution des propositions présentées en commission ce matin, dont nous allons bientôt débattre.
La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée des personnes âgées et de l’autonomie.
Monsieur le président, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les députés, chaque année, entre 30 000 et 60 000 personnes sont victimes d’une mort subite dans notre pays. Ces morts pourraient être évitées, si les bons gestes de premiers secours étaient prodigués avant l’intervention des secours médicaux. C’est précisément pendant ce laps de temps nécessaire à l’arrivée des secours que l’état d’une victime s’aggrave ou que le décès intervient. C’est donc pendant ce temps-là qu’il faut agir.
Toute personne témoin d’un arrêt cardiaque doit savoir initier la chaîne de survie. Cette chaîne, formée de quatre maillons, procure aux victimes d’urgences médicales les meilleures chances de survie : tout d’abord, l’appel rapide aux services de secours et de soins d’urgence ; puis le massage cardiaque, rapidement entrepris ; ensuite, une défibrillation précoce à l’aide d’un défibrillateur automatisé externe ; enfin, l’arrivée rapide de soins médicalisés, rendus possibles grâce à l’appel au SAMU.
Des efforts importants ont été mis en oeuvre ces dernières années pour former le public à cette chaîne de survie. La loi du 9 août 2004, relative à la politique de santé publique, a notamment prévu la délivrance d’un cours d’apprentissage sur les premiers gestes de secours aux élèves des collèges et des lycées. Par ailleurs, la loi du 13 août 2004 de modernisation de la sécurité civile prévoit que chaque élève bénéficie, dans le cadre de sa scolarité obligatoire, d’une sensibilisation à la prévention des risques et aux missions des services de secours, ainsi que d’un apprentissage des gestes élémentaires de premiers secours. Enfin, le décret du 11 janvier 2006 prévoit qu’à l’issue du collège, au plus tard, les jeunes disposent de l’attestation de formation, qui inclut notamment l’usage d’un défibrillateur automatisé externe.
Malgré nos efforts, il reste du chemin à parcourir pour mieux former le public, et en particulier les jeunes, aux gestes élémentaires de premiers secours. C’est donc une priorité pour le Gouvernement. Si 49 % des Français ont suivi une formation aux premiers secours, seuls 29 % ont bénéficié du certificat de compétences de sécurité civile « Prévention et secours civiques de niveau 1 ». Nous sommes loin derrière nos voisins européens, puisque, à titre d’exemple, 80 % des Allemands et des Autrichiens sont formés. Pour améliorer la formation, le ministère de l’éducation nationale est pleinement mobilisé, puisque 7 000 formateurs en prévention et secours civiques de niveau 1 assurent actuellement la formation de 30 % d’élèves et de personnels de l’éducation. Afin d’augmenter ce pourcentage, il est envisagé de faire passer le nombre de formateurs à 10 000.
Par ailleurs, le cadre réglementaire de l’apprentissage des gestes de premiers secours existe. Grâce à nos efforts, le nombre de personnes formées augmente régulièrement, notamment chez les jeunes. Il faut continuer dans cette voie, en favorisant partout les initiatives visant à promouvoir l’appropriation de ces gestes par la population. La tendance est là : il nous faut amplifier nos efforts. L’ajout dans cette proposition de loi d’un article redondant, qui ne fait que rappeler des dispositions déjà en vigueur, ne nous semble pas utile. C’est la raison pour laquelle le Gouvernement proposera tout à l’heure la suppression de l’article 2.
En revanche, s’agissant de l’utilisation du défibrillateur cardiaque, c’est un sujet sur lequel le Gouvernement et la ministre des affaires sociales et de la santé ont la conviction qu’il nous faut avancer. Depuis le décret du 4 mai 2007 relatif à l’utilisation des défibrillateurs automatisés externes par des personnes non médecins, « toute personne, même non médecin, est habilitée à utiliser un défibrillateur automatisé externe ». Il convient désormais d’encourager leur installation dans les lieux recevant du public.
Si des initiatives locales ont été prises pour installer des défibrillateurs, force est de constater qu’elles demeurent encore insuffisantes et manquent parfois de cohérence.
Nous proposons donc d’établir une obligation d’installation d’un défibrillateur automatisé externe ciblée sur certains établissements recevant du public, sans préjudice de la décision individuelle d’installation d’un DAE par toute personne le jugeant opportun.
L’installation des défibrillateurs automatisés externes au sein des établissements recevant du public présente un intérêt en termes de santé publique. Elle a également fait l’objet de recommandations par le Conseil Français de réanimation cardio-pulmonaire et par l’Académie de médecine, qui ont souligné l’intérêt de l’installation de ces dispositifs médicaux dans les lieux de passage fréquentés par une population importante, où statistiquement il se produira des arrêts cardiaques, et dans les lieux où le risque de mort subite est le plus important – je pense notamment aux stades ou aux équipements sportifs. L’objectif est non pas de mettre un défibrillateur à chaque coin de rue, mais de favoriser un maillage pertinent et une couverture optimale du territoire.
Par ailleurs, les défibrillateurs automatisés externes sont des dispositifs médicaux dont il convient d’assurer la maintenance. C’est un point que la proposition de loi n’abordait pas et sur lequel les débats en commission des affaires sociales ont été particulièrement intéressants. C’est la raison pour laquelle, à l’obligation d’installation d’un défibrillateur automatisé externe dans les établissements recevant du public, nous vous proposons de joindre une obligation de maintenance des appareils par les propriétaires des établissements. Ce dispositif d’urgence doit être en permanence en état de marche pour permettre de sauver des vies.
Enfin, mesdames, messieurs les députés, la question première qui se pose au moment de l’usage du défibrillateur, est celle de sa localisation précise. Pour pouvoir utiliser un défibrillateur, encore faut-il savoir où il se trouve. La constitution d’une base nationale de données relatives aux lieux d’implantation des défibrillateurs cardiaques automatisés externes sur l’ensemble du territoire est donc essentielle. Cette base doit permettre à tous de géolocaliser les défibrillateurs et de faciliter les opérations de maintenance de ces dispositifs médicaux. La base que nous vous proposons d’instaurer doit être accessible non seulement aux services de secours, mais aussi à d’autres opérateurs publics et privés, pour faciliter l’accès de la population à ces appareils en cas d’urgence. Un tel dispositif permettra de sauver des centaines de vies et de rattraper notre retard par rapport à nos voisins européens.
Mesdames, messieurs les députés, le Gouvernement apporte son soutien au texte présenté par l’opposition. Il s’agit d’un soutien certes critique, mais surtout constructif, car il concerne un problème de santé publique qui dépasse largement les clivages politiques. Je souhaite donc que nous puissions tous nous retrouver cet après-midi sur ce sujet.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, avant de développer davantage la position du groupe Les Républicains, je veux d’abord, à titre personnel, saluer le travail du député Jean-Pierre Decool, à l’origine de cette proposition de loi élaborée avec beaucoup d’écoute et d’expérience – l’expérience du terrain dont disposent les parlementaires ayant accompli des mandats locaux.
Nous allons débattre aujourd’hui d’une proposition de loi transpartisane – vous l’avez saluée, madame la secrétaire d’État –, qui sert l’intérêt général et vise à défendre une grande cause de santé publique. Elle s’inscrit dans l’esprit de la Grande cause nationale consacrée cette année aux « comportements qui sauvent », et renforce la solidarité par l’apprentissage de réflexes qui peuvent aider autrui. Nous pouvons donc raisonnablement nous attendre à un soutien de la majorité sur une problématique qui touche tous les Français sans distinction.
En effet, 50 000 personnes décèdent d’un arrêt cardiaque chaque année en France ; 95 % des arrêts sont fatals lorsqu’ils ne sont pas rapidement pris en charge par les services de secours ou, à défaut, par une personne tierce, comme c’est le plus souvent le cas dans l’espace public. Le taux de survie s’élève à seulement 5 % avec un massage cardiaque, et grimpe à 35 % quand la victime est défibrillée.
Ce week-end encore, dimanche 9 octobre, un habitant de ma circonscription a été victime d’un arrêt cardio-ventilatoire à proximité du bassin de la piscine de la ville de Gauchy. Les agents présents l’ont pris en charge tout d’abord en réalisant un massage cardiaque. À la suite d’un deuxième arrêt survenu dans la foulée, le défibrillateur automatisé externe – DAE – installé sur place a été utilisé dans l’attente des secours, et cet homme a pu être sauvé. Sans le sang-froid, la compétence de ces agents, et la présence du DAE dans le centre sportif, c’est toute une famille qui serait en deuil au moment où je vous parle.
Mais en France à l’heure actuelle, tous n’ont pas la même chance que ce monsieur. Tous les équipements sportifs et, de façon plus générale, tous les lieux fréquemment visités par le grand public ne sont pas équipés de manière égale. Selon l’endroit où parvient ce type d’accident, vous n’auriez donc pas les mêmes chances de survie que votre voisin.
Convenons-en, il serait irréaliste de croire que nous pourrions sauver toutes les victimes, mais nous avons le pouvoir d’éviter un certain nombre de ces décès prématurés, par plusieurs moyens. En tant que député, j’ai suivi l’exemple de Jean-Pierre Decool et du sénateur Alex Türk en déposant cette année plusieurs dossiers de financement de défibrillateurs cardiaques dans ma circonscription, via la réserve parlementaire. Des associations et communes en avaient exprimé le besoin et j’ai jugé normal de leur venir en aide, comme l’ont déjà fait avec succès nos collègues nordistes. Ici, au sein de cet hémicycle, nous pouvons voter des dispositions pour augmenter le nombre de défibrillateurs sur notre territoire, notamment dans les entreprises, les lieux à forte densité résidentielle, ou certains locaux commerciaux ; en un mot, dans des lieux qui accueillent un public important et où les probabilités d’accidents cardiaques sont statistiquement élevées.
Je regrette donc évidemment le choix du groupe socialiste, qui a préféré supprimer certains articles de cette proposition de loi lors du travail en commission, car les faits sont là : utiliser un défibrillateur cardiaque en cas de fibrillation ventriculaire fait grimper le taux de survie à 25 %. La mise en place d’un maillage de défibrillateurs pourrait donc sauver une personne sur quatre victimes d’un arrêt cardiaque, en France. Aujourd’hui, dans notre pays, seulement 3 à 5 % des victimes hors de leur domicile sont sauvées, contre 26 % aux États-Unis qui ont expérimenté sur leur territoire une distribution généralisée des défibrillateurs. Nous devons donc progresser !
En France, vous avez aussi, par exemple, plus de chances de survivre à un arrêt cardiaque dans un avion que dans la rue ! En moyenne, les chances sont de l’ordre de 17 % en vol, contre 3 % au sol. La présence de défibrillateurs à bord et d’un personnel formé au secourisme n’y sont pas pour rien, c’est vrai, et tous les Français ne peuvent pas forcément recevoir la même formation de sécurité. Mais vous comprendrez que c’est bien en combinant une plus forte quantité d’appareils, leur bonne répartition dans les lieux publics et une formation accrue à leur usage que l’on pourra vraiment réduire le nombre de décès prématurés. J’espère vivement que la majorité saura trouver le chemin de la raison en votant tout amendement qui pourrait contribuer à poursuivre la généralisation de l’installation de tels appareils.
Je déplore, de la même manière, que nos collègues socialistes n’aient pas jugé important de pénaliser davantage les dégradations et vols de défibrillateurs cardiaques disponibles dans les lieux publics, comme le prévoyait l’article 1er de la proposition de loi. Ce n’est, à mon sens, pas le bon signal à envoyer aux personnes malveillantes qui pourraient s’attaquer, pour une raison qui nous échappe, à ce type d’installation mise à disposition de tous. Nous ne pouvons fermer les yeux sur de tels actes lorsque des coupables ont été identifiés, voire arrêtés, par les forces de l’ordre ! Des peines ou des amendes moins élevées pourraient peut-être faire consensus sur nos bancs respectifs ; nous pourrions envisager d’autres moyens de dissuasion, mais tout, sauf l’indifférence !
Dans son élan, la majorité n’a toutefois pas supprimé la dernière mesure de cette proposition de loi, qui vise à améliorer l’utilisation des défibrillateurs cardiaques en informant mieux les plus jeunes sur le fonctionnement de ces appareils, en cas d’urgence. Les réflexes qui sauvent doivent s’apprendre le plus tôt possible. C’est pourquoi il est primordial de sensibiliser les jeunes à l’usage de défibrillateurs cardiaques au moment de leur formation initiale en milieu scolaire.
La formation à destination du grand public est une mesure dont nous pouvons nous féliciter : en cas d’accident cardiaque, au domicile ou dans la rue, les personnes qui sont près de la victime ne parviennent pas toujours à agir, par peur de mal faire ou par crainte d’aggraver l’état de santé de celui ou celle qui a besoin d’aide. Même lorsqu’un défibrillateur est à proximité, tous ne savent pas l’utiliser correctement. Là encore, nous devons agir pour que cet état de fait change le plus vite possible.
Les établissements recevant du public ont déjà l’obligation d’être équipés en défibrillateurs. Nous pouvons envisager d’étendre cet impératif aux centres de formation comme les collèges ou les lycées, dans lesquels ces installations seraient un moyen pour les jeunes de se familiariser avec les appareils. Cette sensibilisation serait un complément aux formations théoriques et pratiques pour un meilleur usage des défibrillateurs – au sein du collège, du lycée, ou ailleurs.
Étendre l’installation de défibrillateurs cardiaques et sensibiliser les Français à leur usage, c’est permettre à chacun d’aider son prochain quand la situation l’exige. C’est de solidarité nationale que nous parlons ici : chacun, en un instant, peut sauver la vie de l’un de ses proches ou de l’un de ses concitoyens. Parce qu’un accident cardiaque peut intervenir à tout moment, arriver à n’importe qui, et que les secours ne peuvent pas toujours arriver immédiatement, parce que chaque minute perdue représente 10 % de chances de survie en moins, il faut que chacun ait les moyens d’agir vite. Personne ne peut, seul, remplacer les secours. Mais dans une telle situation d’urgence, c’est à l’entourage immédiat de la victime de prendre les choses en main.
Maintenant, c’est de nous que dépend la possibilité de cette solidarité. Certains d’entre vous, en commission, ont exprimé des réserves quant au coût de l’installation et de l’entretien régulier des défibrillateurs. Ces réserves sont tout à fait compréhensibles en période de restriction budgétaire, de baisses des dotations pour les collectivités territoriales, et de difficultés de financement des associations.
Mais nous pouvons innover, imaginer par exemple une application smartphone ou un site internet, grâce auquel chaque citoyen pourrait signaler en temps réel l’état d’un défibrillateur installé à un endroit donné, indiquer s’il a été dégradé, volé, ou s’il n’est plus en état de fonctionner du fait de l’usure. Ce suivi régulier donnerait un aperçu global du nombre de défibrillateurs disponibles et faciliterait les opérations de maintenance en indiquant l’emplacement exact des appareils à remplacer. Quant à ceux qui ne disposent pas de tels outils, ils pourront demander à un proche, ou même à un élu comme le maire, de s’occuper du signalement. Ici aussi, la solidarité prime. Chacun serait appelé à se responsabiliser, à penser un peu plus aux autres et à se rendre utile au besoin. C’est cela, appartenir à une communauté nationale. Le prix de la généralisation des défibrillateurs cardiaques, de leur entretien, des formations pour les usagers, nous devons le payer. C’est le prix de nombreuses vies sauvées ; le prix à payer pour que de nombreuses familles ne soient plus séparées avant l’heure. Cela ne dépend que de nous.
Le groupe Les Républicains votera donc les amendements visant à rétablir l’esprit d’origine de ce texte et les dispositions qu’il contenait avant son passage en commission. Les députés de notre famille politique voteront cette proposition de loi.
Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.
Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, cela a été rappelé, le déploiement des défibrillateurs n’est pas une question nouvelle, mais il n’en reste pas moins un enjeu essentiel puisque 50 000 personnes meurent chaque année en France des suites d’une fibrillation cardiaque. Le rappel de ce chiffre dramatique justifie à lui seul que l’on débatte de ce sujet aujourd’hui. Je remercie Jean-Pierre Decool d’avoir défendu ce sujet et de l’avoir soumis à notre examen cet après-midi.
Depuis plusieurs années, le développement des défibrillateurs a connu un progrès considérable, qu’il convient de souligner. Désormais automatique et simple d’usage, l’appareil est utilisable par tous et le recours au défibrillateur est considéré non plus comme un acte médical, mais bel et bien comme un geste citoyen. Si l’utilité du défibrillateur n’est plus à prouver, le problème aujourd’hui réside dans l’inégale répartition sur le territoire national des instruments. L’équipement en défibrillateur entièrement automatique varie ainsi de 5 à près de 4 000 pour 100 000 habitants. Pour votre parfaite information, il y en aurait une dizaine rien qu’à l’Assemblée nationale ! Là réside toute l’iniquité : en cas d’accident cardiaque, mes chances de survie ne seront pas les mêmes à l’Assemblée nationale, dans les monts de Lacaune ou dans ma chère commune de Saint-Pierre de Trivisy.
En effet, il existe une inégalité d’accès aux défibrillateurs, et je ne parle pas de la difficulté à accéder à un hôpital dans nos régions reculées de montagne. Mais nous avons déjà évoqué ces sujets cette semaine dans le cadre de la discussion du projet de loi Montagne, en insistant d’ailleurs sur l’importance de son volet santé.
Cette proposition de loi présente un intérêt certain puisqu’elle vise à pallier l’absence de stratégie de développement global des défibrillateurs de manière équitable et équilibrée sur l’ensemble du territoire national. Nous ne pouvons que regretter que, sur un sujet aussi important, la commission des affaires sociales ne soit pas parvenue à un consensus alors que certaines questions devraient transcender les clivages. J’espère que le travail en séance nous permettra d’avancer vers un tel consensus, lequel contribuera à donner un signal fort et à rendre ce dispositif efficace.
Sourires.
En effet, la suppression des articles 1er et 3 est particulièrement dommageable et affaiblit sensiblement le texte. Le renforcement des sanctions contre les détériorations des appareils médicaux externes prévu à l’article 1er envoyait un message de fermeté à nos concitoyens à l’endroit d’actes relevant d’un incivisme caractérisé. Nous comprenons les critiques à l’égard de cet article, mais nous estimons que le code pénal n’est pas suffisamment sévère sur ces sujets de protection de l’ordre public. Ainsi, même si cette peine de cinq ans de prison et cette amende de 75 000 euros peuvent relever du symbole, cela reste néanmoins important.
De la même manière, les députés du groupe UDI se sont opposés à la suppression de l’article 3. Ainsi que l’a dit notre éminent collègue rapporteur, cet article rend obligatoire l’installation de défibrillateurs dans de nombreux endroits, notamment dans les entreprises de cinquante salariés ou plus ainsi que dans les équipements commerciaux d’une superficie supérieure à 1 000 mètres carrés. Il est précisé que les défibrillateurs automatisés externes pourront être mis en commun entre ces locaux s’ils sont à proximité immédiate ou s’ils partagent un même site. Il en va de même pour les immeubles collectifs à usage principal d’habitation, ainsi que pour les établissements recevant du public.
Alors que la réactivité est essentielle dans le cas d’une fibrillation cardiaque, cette disposition vise justement à assurer le déploiement des appareils sur l’ensemble du territoire. Pour autant, plutôt qu’une implantation uniforme répondant à une norme législative stricte, nous reconnaissons qu’il faudrait imaginer des différenciations entre les zones rurales ou les zones urbaines très denses où les temps d’intervention peuvent être plus ou moins longs. L’examen, cette semaine, du projet de loi de modernisation, de développement et de protection des territoires de montagne, nous a bien fait prendre conscience des spécificités propres à chaque territoire et du besoin d’adapter les normes, ce dont nous avons donc longuement débattu ces trois derniers jours.
Il faut laisser davantage aux élus locaux le choix de prendre les mesures les plus appropriées en fonction de l’emplacement des lieux à risques, des distances à parcourir et des flux de circulation. Aujourd’hui, on assiste parfois à des paradoxes puisque seuls 15 % des stades français sont équipés d’un défibrillateur.
Le groupe UDI salue le maintien de l’article 2 réaffirmant l’obligation de formation à l’utilisation d’un défibrillateur externe automatisé. En effet, outre « l’apprentissage des gestes qui sauvent », grande cause nationale cette année, la formation doit apprendre aux citoyens à repérer les symptômes et à avoir le réflexe d’utiliser un défibrillateur cardiaque. Les études montrent que les risques de mauvaise utilisation sont faibles, mais on peut considérer que, dans un état de stress, les témoins d’un accident cardiaque peuvent perdre leurs moyens en quelques secondes.
Le taux de survie des victimes est de 85 % si un défibrillateur est utilisé dans les minutes suivant la perte de conscience, contre 3 % à 5 % à peine si l’on ne fait rien. Par ailleurs, il est essentiel d’agir dans les quatre premières minutes car, après, la perte de chance diminue de 7 % à 10 % par minute.
Au-delà de la défibrillation, nous estimons qu’il serait important de mieux former, de manière plus générale et plus systématique, l’ensemble de nos concitoyens aux premiers gestes de secourisme. À la rentrée, la ministre de l’éducation nationale a annoncé que tous les élèves de classe de troisième seront formés aux gestes de premiers secours, pendant une à deux heures.
Pour mémoire, cette mesure concernait jusqu’à présent à peine 20 % des élèves. À compter de cette année ce sont donc 1,2 million de collégiens qui devraient être sensibilisés à ces questions-là. Il s’agit d’un élément important parce que, une fois revenus chez eux, ils en parlent à leurs parents, à leur environnement familial, ce qui permet assurément d’accroître la prise de conscience collective sur la nécessaire maîtrise de ces gestes de premiers secours.
Une formation doit également être dispensée aux agents publics par les communes et, plus largement, dans les entreprises et les associations.
Mes chers collègues, nous entendons les critiques sur cette proposition de loi, notamment quant à la question de la responsabilité. À ce jour, aucune loi n’impose au maire l’installation de défibrillateurs. Ainsi, la responsabilité pénale d’un maire ne saurait être engagée que si celui-ci, ayant de sa propre initiative fait installer un défibrillateur, n’a pas suffisamment veillé à son bon fonctionnement et à son entretien.
De même, aucune obligation d’implantation du défibrillateur en entreprise n’existe actuellement. Le code du travail oblige seulement l’employeur à organiser dans son entreprise les soins d’urgence à donner aux salariés accidentés et aux malades. Conseillé par le médecin du travail, le chef d’entreprise définit les modalités d’intervention adaptées aux situations accidentelles et d’urgence médicale en fonction des risques propres à l’entreprise et en liaison avec les services extérieurs de secours d’urgence.
Il ne faudrait pas ajouter de nouvelles contraintes sans étude d’impact en termes de coût et d’organisation. Sur la question du budget, justement, il faut bien avoir à l’esprit qu’au-delà du prix de l’appareil – aux alentours de 1 700 euros en moyenne – et de sa mise en place, il existe un coût d’entretien. On a en effet démontré que l’absence de vérification régulière de l’état de l’appareil peut entraver son bon fonctionnement. Après l’installation, deux points doivent être surveillés en particulier : les batteries, dont la durée de vie varie de 1 à 5 ans, et les électrodes, sur lesquelles figure une date de péremption de 2 à 7 ans.
Enfin, outre cette proposition de loi, il conviendrait de prévoir à terme un registre recensant les différents défibrillateurs afin de connaître leurs emplacements et de prévoir un suivi de l’état de leur fonctionnement. Aujourd’hui, seules existent des applications non officielles – je pense notamment à Staying Alive – qui permettent de géolocaliser les défibrillateurs.
Je l’ai rappelé dans mon intervention : en matière de défibrillation, il faut agir vite. Aussi, si les initiatives locales permettant de localiser les appareils doivent être saluées, il faudrait mieux recueillir et rassembler ces précieuses informations.
Une fois ces remarques générales développées, les députés du groupe UDI soutiendront cette proposition de loi que l’on peut qualifier d’ambitieuse et de responsable.
Madame la secrétaire d’État, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur, chers collègues, comme l’a rappelé Dominique Orliac lors de l’examen de cette proposition de loi en commission des affaires sociales, la fibrillation – trouble du rythme cardiaque pouvant conduire à une mort subite – cause encore 50 000 décès par an dans notre pays. Je rappelle que l’absence de prise en charge dans les dix premières minutes réduit presque à néant les chances de survies sans séquelle d’un malade.
Si, en commission, on a rappelé à plusieurs reprises le cas des sportifs s’écroulant en pleine action, le groupe des radicaux de gauche garde également en mémoire les événements qui se sont déroulés ici même, dans cet hémicycle, le 23 mars 1999, alors que Michel Crépeau, ancien garde des sceaux et alors député radical de gauche, fut victime d’un arrêt cardiaque en pleine séance de questions au Gouvernement. L’Assemblée nationale n’était alors pas équipée d’un défibrillateur cardiaque. Cela dit, même si des cas d’arrêt cardiaque en public nous reviennent en mémoire, il ne faut pas oublier que la majorité d’entre-eux survient au domicile des victimes.
Avant son passage en commission, votre proposition de loi contenait quatre articles.
Le premier visait à renforcer les peines et sanctions encourues par les personnes se prêtant à des actes de détérioration d’appareils. Les députés du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste n’étaient pas enclins à voter de telles dispositions législatives dans la mesure où peu de dégradations étaient à déplorer et où, de toute façon, celles-ci étaient d’ores et déjà sanctionnées.
En revanche, les dispositions de l’article 2 visant à amplifier la sensibilisation et à rendre obligatoire la prévention des risques ainsi que l’apprentissage des gestes élémentaires de premier secours dans les programmes d’enseignement de premier et second degrés nous semblaient tout à fait pertinentes. Aussi, je vous rejoins pleinement quant à votre volonté de former au plus tôt les jeunes. En effet, quoi de plus inutile d’avoir un matériel pouvant sauver une vie si ce dernier ne saurait être utilisé correctement ?
Ces formations seront aussi intéressantes dans la mesure où nombre de personnes ont peur d’utiliser un défibrillateur cardiaque pour plusieurs raisons : non seulement parce qu’il est toujours intimidant d’utiliser un matériel qui envoie un choc électrique dans le corps d’une autre personne – qui plus est très mal en point, d’où l’émotion – mais également parce qu’elles ont peur d’aggraver l’état du malade ou d’être tenues pour responsables d’un échec de réanimation. Il sera intéressant de rappeler aux jeunes, en particulier – et à tout le monde en général ! – que s’il y a une activité cardiaque, le défibrillateur ne se déclenche pas. Il faudra également rappeler qu’une personne utilisant un défibrillateur cardiaque sur un malade lors d’une urgence ne peut être tenue pour responsable d’une aggravation de l’état de la personne sur qui le défibrillateur est utilisé.
Votre proposition initiale comprenait un article 3 qui obligeait l’installation de défibrillateurs dans de nombreux endroits, notamment dans les entreprises de cinquante salariés ou plus ainsi que dans les équipements commerciaux d’une surface supérieure à 1 000 mètres carrés.
Ainsi, vous proposiez que des défibrillateurs automatisés externes puissent être mis en commun dans ces locaux s’ils étaient à proximité immédiate ou s’ils partageaient un même site. Vous proposiez les mêmes obligations, par analogie, pour les immeubles collectifs à usage principal d’habitation, ainsi que pour les établissements recevant du public. En commission, cet article a été supprimé ce que, pour ma part, je regrette.
Les intentions de cette proposition de loi sont donc positives et louables. Reconnaissons-le, là où les défibrillateurs sont présents, il y a des chances de sauver des vies.
Monsieur le rapporteur, vous l’avez rappelé, il est prévu que chaque citoyen, dans le cadre de la « Journée défense et citoyenneté », au sein des établissements scolaires, reçoive une formation complète et pratique. Vous citez à cette fin l’article L.312-13-1 du code de l’éducation.
À ce titre, il est intéressant de voir ce qui se fait à l’étranger en matière de secourisme. Par exemple, nos voisins suisses demandent à chaque candidat qui veut passer son permis de conduire de présenter un certificat de secourisme, lequel s’obtient après une formation de 10 heures aux premiers soins, en fin de semaine ou pendant plusieurs soirées. On est loin, très loin de ce qui se fait ici, en France, lors de la « Journée défense et citoyenneté ». Nous devrions favoriser un tel apprentissage.
Par ailleurs, des formations sont dispensées par des organismes agréés et spécialisés – elles sont plus intenses et complètes que la Prévention et secours civiques de niveau 1 – PSC1 – qui contient cependant une formation à l’utilisation d’un défibrillateur automatique externe et qui fait partie du socle commun de connaissances et de compétences en référence à la connaissance des gestes de premier secours mis en place par le décret 2006-830 du 11 juillet 2006.
En fait, la question de la disposition de défibrillateurs est analogue à la disposition d’extincteurs : ces appareils peuvent permettre de sauver des vies dans un temps extrêmement court, ce qui ne peut être que bénéfique. Pour ce faire, il faut bien évidemment non seulement posséder les connaissances suffisantes pour s’en servir, mais également disposer d’un nombre suffisant de défibrillateurs.
En ce sens, l’article 3, supprimé en commission et relatif notamment à la mise en place d’un maillage territorial de défibrillateurs pour les habitations, nous semblait intéressant même si, en l’occurrence, nous estimons que ces dispositions relèvent plus du règlement que de la loi.
Cependant, le texte qui nous est proposé aujourd’hui nous satisfait sous cette forme. C’est pourquoi notre groupe soutient les dispositions comprises à l’article 2 et estime que c’est un pas important – certes pas aussi grand que ce que le groupe Les Républicains espérait – en direction d’une meilleure formation à l’usage des appareils pouvant sauver rapidement des vies.
Aussi, vous l’aurez compris, nous voterons cette proposition de loi sous sa forme actuelle.
Comme je l’ai déjà dit au nom de mon groupe en commission, je vous remercie, monsieur le rapporteur, ainsi que vos collègues, d’avoir permis à notre assemblée de débattre de la place du défibrillateur cardiaque dans la chaîne de l’urgence et, plus largement, d’ouvrir le débat sur la question sensible de la mort subite en France. Je note d’ailleurs que notre collègue Pierre Morel-A-L’Huissier, dès 2011, et plus près de nous Xavier Bertrand, en 2014, vous avaient précédé en déposant des propositions de loi relatives au défibrillateur automatisé externe. C’est une question de santé publique qui mérite toute notre attention. Sur ce sujet, la répétition n’est pas inutile : je vais m’y atteler tout de suite.
La mort subite représente près de 10 % des décès en France, soit 40 000 à 50 000 décès par an selon les sources. C’est dix fois plus que les accidents de la route. Elle frappe des individus en bonne santé apparente, parfois très jeunes – un décès sur dix concerne un jeune entre 1 et 22 ans.
Vous l’avez déjà dit : dans 70 % des cas, l’arrêt cardiocirculatoire survient devant un témoin. Le comportement et l’action des premiers témoins sont donc déterminants pour la survie des victimes. La panique, la peur de nuire ou la sidération sont compréhensibles lorsque l’on n’a jamais été confronté à une telle situation, car intervenir sur un arrêt cardiocirculatoire ne s’improvise pas. Pourtant, cette intervention est capitale : c’est une course contre une mort illégitime qui s’engage, et chaque minute perdue réduit de 7 % à 10 % les chances de survie de la victime.
Rappelons-nous également que près des trois quarts de ces arrêts cardiocirculatoires surviennent à domicile, contre 10 % sur la voie publique, 1 % à 2 % sur le lieu de travail et 1 % à 2 % dans une installation sportive.
La prise en charge de ces situations dramatiques a été codifiée dès les années 80. Sous l’impulsion de l’équipe du docteur Richard Cummins à Seattle en 1991, le protocole de sauvetage a été peaufiné et simplifié avant de devenir une référence internationale.
En 2007, un rapport de l’Académie de médecine sur la prise en charge extrahospitalière de l’arrêt cardiaque, puis les recommandations du Conseil français de réanimation cardiopulmonaire sur la défibrillation par un public non soignant ont tracé des pistes d’amélioration en France en insistant sur plusieurs points clés que je veux rappeler rapidement.
D’une part, comme l’a rappelé Mme la secrétaire d’État, il convenait de simplifier le message à délivrer au public, basé sur le triptyque « appeler-masser-défibriller », de privilégier désormais une initiation aux premiers secours brève, de moins d’une heure et répétée régulièrement, et de réserver une formation plus poussée à certains publics cibles.
D’autre part, l’action publique devait passer par la diffusion de défibrillateurs automatisés externes facilement accessibles dans les lieux publics, les lieux à forte densité résidentielle, les lieux de travail, les centres commerciaux et sportifs, les gares, les aéroports et les moyens de transport.
À ce propos, une étude française déjà ancienne conduite par l’équipe du professeur Jouven, expert en ces sujets, avait référencé et géolocalisé tous les arrêts cardiaques survenus sur la voie publique entre 2000 et 2010, afin de réaliser une première cartographie. Les résultats montraient que la fréquence des arrêts cardiaques dans une zone donnée n’avait pas de lien avec la densité de population, mais qu’elle était à l’inverse fortement associée à la fréquentation de ce lieu, c’est-à-dire avec le nombre de personnes qui y transitent au cours d’une journée. L’exemple des cinq principales gares parisiennes est frappant : elles occupent moins de 1 % de la surface de la capitale, mais concentrent près de 20 % du nombre total d’arrêts cardiaques. Ces gares représentent un risque cinq fois plus important que les musées, par exemple, qui sont tout autant fréquentés. Le stress pourrait être un facteur favorisant l’arrêt cardiaque.
J’en reviens aux recommandations des experts de l’Académie de médecine et du Conseil français de réanimation cardiopulmonaire. Ces derniers soulevaient également la question des lieux difficilement accessibles et nécessitant encore aujourd’hui un temps d’intervention de trente minutes ou plus. Enfin, ils soulignaient la nécessité de mettre en place une bonne signalétique, d’assurer la maintenance des défibrillateurs et d’engager des recherches importantes afin d’évaluer les stratégies mises en place.
Depuis, la réglementation a bien sûr pris en compte certaines de ces recommandations. Le décret du 4 mai 2007 a permis l’utilisation des défibrillateurs automatisés externes par des personnes n’étant pas médecins. L’arrêté du 6 novembre 2009 a prévu l’initiation du grand public à l’utilisation de ces appareils en une heure. L’arrêté du 16 août 2010 a traité de la signalisation des défibrillateurs dans les lieux publics en harmonisant les pictogrammes conformément aux recommandations internationales. Le recensement et la localisation des défibrillateurs sur le territoire français restent cependant très imparfaits. Selon les études, qui fournissent des chiffres variables et très imprécis, on peut aujourd’hui évaluer le nombre de défibrillateurs disponibles autour de 120 000.
Pour que le succès soit au rendez-vous et que nous puissions améliorer significativement le taux de survie des victimes, qui se situe actuellement en France entre 5 et 7 %, il faut appeler à l’implication et la coordination de tous les acteurs publics et privés, de l’État au travers des ministères concernés, des collectivités dont beaucoup sont prêtes – vous l’avez dit, monsieur le rapporteur –, des entreprises et de l’ensemble de nos concitoyens. Cela nécessite la réalisation d’un diagnostic précis de la situation existante, tant sur l’initiation et la formation du public aux gestes de premier secours que sur la connaissance précise du parc de défibrillateurs sur le territoire, de leur accessibilité et de tous les protocoles de maintenance. Il est impératif que les protocoles d’intervention soient établis sous la responsabilité des professionnels de l’urgence, notamment lorsqu’il s’agit de choisir le site d’implantation d’un défibrillateur.
J’ajoute un élément clé : la nécessité d’accompagner nos équipes de recherche pluridisciplinaires spécialisées sur cette question de la mort subite. Je profite de cette tribune pour saluer l’excellence de nos centres experts, avec l’équipe du professeur Jouven à Paris et celle du professeur Probst à Nantes. D’autres centres hospitalo-universitaires traitent largement des sujets de clinique génétique, notamment le CHU de Lille. Ces équipes font avancer la connaissance sur les morts subites sans étiologie ; elles dépistent et accompagnent les membres des familles à haut risque, évitant ainsi des morts que je qualifierais de « génétiquement programmées ».
Toujours sur le plan réglementaire, l’arrêté du 31 août 2012 a établi un formulaire unique de recueil des données relatives à l’installation et à l’utilisation des défibrillateurs par les équipes de secours. Ces données sont destinées à une base de données gérée par l’unité INSERM 970 du professeur Jouven à Paris.
Monsieur le rapporteur, votre proposition de loi me permet de dérouler la pelote d’un sujet particulièrement sensible. Je souhaite m’arrêter sur deux points, avant d’en venir au texte adopté en commission et aux amendements dont nous débattrons tout à l’heure.
Mon premier point concerne la mort subite des personnes pratiquant des activités physiques et sportives. Je m’appuie toujours sur les travaux de l’équipe du professeur Jouven, à Paris, et de l’Académie de médecine d’octobre 2013.
La mort subite d’un sujet jeune apparemment en bonne santé est souvent qualifiée de décès illégitime. Il faut savoir que les trois sports qui entraînent le plus grand nombre de cas de morts subites dans notre pays sont le cyclisme, pratiqué par beaucoup de Français, la course à pied et le football. L’immense majorité de ces morts subites – 95 % – concernent des hommes, dont la moitié ont moins de 45 ans, et seulement 30 ans pour les footballeurs et les basketteurs. Il y a une dizaine d’années, une étude menée à Paris par le professeur Jouven avait estimé que ces cas de morts subites concernaient huit décès pour un million. Il y en aurait aujourd’hui entre 800 et 1 000 par an.
Ces décès sont souvent liés à la complication d’une cardiopathie débutante non diagnostiquée. Dans un cas sur deux, on retrouve la notion d’efforts importants ou moyens ; dans l’autre moitié des cas, il n’y a pas eu d’effort significatif. Dans la plupart des cas, ce drame n’est pas lié au dopage, contrairement à ce qui avait été affirmé dans les médias à plusieurs reprises, bien que la recherche de substances psychoactives s’avère indispensable. En France a été créé un registre national prospectif du sportif, qui a vocation à l’exhaustivité.
Le deuxième point que je souhaite évoquer devant vous, toujours dans le cadre de la mort subite, est celui de l’autopsie médico-scientifique – à ne pas confondre avec l’autopsie médico-légale et le don d’organe –, qui est malheureusement presque en voie de disparition en France. J’exagère peut-être… En tout cas, elle est un peu tombée en désuétude. Je résumerai ici, très succinctement, les conclusions et les préconisations publiées en 2015 par un groupe de travail de l’Académie de médecine.
Le nombre des autopsies médicales est en constant déclin dans notre pays depuis la seconde moitié du XXe siècle, et les études menées sur la mort subite chez les sportifs confirment cette désaffection. L’autopsie virtuelle, souvent pratiquée, encore plus à l’étranger que dans notre pays, n’a pas encore remplacé l’autopsie dite classique, qui reste utile.
Nous savons que l’autopsie médicale systématiquement proposée aux parents dans le cadre de la mort inattendue du nourrisson est désormais bien acceptée. Il semble donc possible, dans le respect de principes éthiques, d’expliquer les bénéfices attendus de la même démarche autopsique chez l’adulte dans le but de prévenir une récidive familiale. En effet, c’est le caractère génétique héréditaire de l’affection qui doit retenir toute l’attention, et de nombreuses équipes pluridisciplinaires françaises travaillent au dépistage familial.
L’Académie de médecine recommande que ces autopsies soient pratiquées dans des centres agréés, en s’appuyant d’ores et déjà sur des centres de référence existants. Elle propose que leur financement soit assuré au titre des missions d’intérêt général et d’aide à la contractualisation – MIGAC – ou des missions d’enseignement, de recherche, de référence et d’innovation – MERRI –, et que des campagnes d’information sur leur utilité pour la santé publique soient programmées.
Pour aller vers cet objectif, il convient également de renforcer ou de recréer les équipes de médecins spécialistes et de personnels qualifiés capables de pratiquer ces autopsies dans les meilleures conditions, en respectant les critères de qualité aujourd’hui parfaitement codifiés.
Je rappelle que l’article L. 1211-2 du code de la santé publique permet de réaliser des autopsies malgré l’opposition de la personne décédée, en cas de nécessité impérieuse pour la santé publique et en l’absence d’autres procédés permettant d’obtenir une certitude diagnostique sur la cause de la mort. La loi prévoyait qu’un arrêté du ministre chargé de la santé vienne préciser les pathologies et les situations justifiant la réalisation des autopsies médicales dans ces conditions – sauf que cet arrêté n’a jamais été pris, madame la secrétaire d’État !
Il reste une difficulté que je veux souligner : celle du transport des victimes décédées vers un établissement de santé, même si le décret du 28 janvier 2011 relatif aux opérations funéraires a facilité l’organisation des opérations de transport des corps en portant le délai maximal de mise en bière à quarante-huit heures à compter du décès. La ministre des affaires sociales et de la santé, Marisol Touraine, a pris en compte cette question en prévoyant, à l’article 44 du prochain projet de loi de financement de la Sécurité sociale, que le transport des nourrissons victimes de mort subite vers les centres experts par les équipes mobiles d’urgence serait désormais considéré comme un transport sanitaire. Je salue cette initiative et je déposerai un amendement visant à étendre cette avancée au transport des victimes de mort subite au cours d’activités physiques ou sportives depuis l’installation sportive.
J’espère que ce long plaidoyer pour l’accompagnement de nos chercheurs ne vous a pas trop assommés.
Sourires.
Sourires.
J’en viens maintenant au texte de la proposition de loi. Dès l’examen en commission, notre groupe a choisi de ne retenir que l’article 2 traitant de la formation – cela afin de permettre la discussion du texte dans cet hémicycle, même si ces dispositions nous paraissent de nature purement réglementaire et non législative. Un amendement du Gouvernement examiné ce matin dans le cadre de l’article 88 de notre règlement a confirmé notre analyse, puisqu’il vise à supprimer l’article 2.
Notre groupe a déposé deux amendements identiques à ceux du Gouvernement, visant à réécrire l’article 3 supprimé en commission et à introduire un article additionnel. Ces amendements répondent à deux objectifs précis, que Mme la secrétaire d’État a déjà exposés et que je reprends rapidement.
Le premier amendement vise à insérer de nouvelles dispositions relatives à la sécurité des personnes dans le code de la construction et de l’habitation. Il prévoit de déterminer, par un décret en Conseil d’État, « les types et catégories d’établissement recevant du public qui sont tenus de s’équiper d’un défibrillateur automatisé externe visible et facile d’accès ». Il traite également de la maintenance de ces matériels.
Le deuxième amendement crée « une base de données nationale relative aux lieux d’implantation et à l’accessibilité des défibrillateurs automatisés externes sur l’ensemble du territoire ». Je n’y reviens pas. Un arrêté du ministre chargé de la santé fixera les informations à fournir par les exploitants ainsi que les modalités de leur transmission.
Un troisième amendement, que j’ai déposé avec une trentaine de collègues de mon groupe, vise à intégrer dans le code du travail l’initiation aux gestes de premiers secours dans la formation initiale et continue des travailleurs. Cette formation serait répétée périodiquement, dans des conditions à déterminer par voie réglementaire. Les services de santé au travail seraient évidemment appelés à participer à cette initiation. Soyons clairs : avec cet amendement, nous n’entendons absolument pas alourdir les obligations des entreprises, mais nous souhaitons trouver les voies et moyens d’améliorer l’appropriation par tout travailleur, qui est également un citoyen, des gestes de premiers secours dont vous avez rappelé l’importance, madame la secrétaire d’État. L’initiation à l’utilisation du défibrillateur serait intégrée chaque fois que ce matériel est disponible dans l’environnement immédiat de travail.
Enfin, un amendement déposé par Mme Poletti et ses collègues sur la pratique systématisée d’un électrocardiogramme avant la délivrance d’une licence sportive me semble devoir être débattu. Il pose une vraie question, sans que je sois convaincu à ce stade de son efficacité. Nous en reparlerons.
Mes chers collègues, je suis persuadé que nous allons nous retrouver, sur tous les bancs de cet hémicycle, pour faire oeuvre utile en améliorant la prise en charge de la mort subite dans notre pays.
Vous l’avez compris : notre groupe souhaite la réécriture de cette proposition de loi. Si tel est le cas, il la soutiendra.
Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous nous retrouvons aujourd’hui autour d’une proposition de loi d’une grande qualité qui visiblement nous rassemble et qui vient répondre à une problématique importante : le traitement d’urgence des arrêts cardiaques.
En France, nous le savons, nous sommes en retard sur cet enjeu de santé publique. Aux États-Unis, le nombre de défibrillateurs installés au mètre carré est nettement supérieur à celui la France, et 26 % des personnes victimes de fibrillation hors domicile sont sauvées. Ce chiffre n’est que de 5 % en France. Selon l’étude du Reac, le registre électronique des arrêts cardiaques, le taux de survie est directement proportionnel au nombre d’appareils installés.
Je souhaite donc saluer l’excellente initiative de mon collègue Jean-Pierre Decool, qui propose un ensemble de mesures pour améliorer la prise en charge en urgence absolue d’un arrêt cardiaque : aggravation des peines pour toute dégradation d’un défibrillateur, formation à leur utilisation, obligation d’installation des appareils sur certains sites et recueil des données de localisation des appareils.
Je ne développerai pas tout ce qui a déjà été excellemment dit par les orateurs précédents. Je me limiterai à parler de mon amendement, que M. Sebaoun vient d’évoquer. Il est complémentaire de ce texte et je profite de cette discussion générale pour le présenter.
Il s’agit de rendre obligatoire la réalisation d’un électrocardiogramme – ECG – de repos pour obtenir un certificat médical de non-contre-indication au sport, afin de déceler le plus tôt possible les anomalies cardiaques, en amont d’un arrêt cardiaque. L’électrocardiogramme devra être réalisé tous les trois ans pour les sportifs de douze à vingt ans, puis tous les cinq ans pour les sportifs de vingt ans et plus.
De nombreuses cardiopathies pouvant causer des cas de morts subites pendant la pratique du sport peuvent en effet modifier l’électrocardiogramme de repos, et être décelées, alors même qu’elles sont infracliniques.
Une étude européenne réalisée en 2005 a montré que la pratique systématique de l’électrocardiogramme de repos associée à l’interrogatoire et à l’examen physique permettait de diminuer de 89 % l’incidence des morts subites chez les sportifs. La combinaison de l’interrogatoire, de l’examen physique et de l’électrocardiogramme permet de détecter 80 % des pathologies cardio-vasculaires, quand la combinaison de l’interrogatoire et de l’examen physique ne permet, elle, d’en détecter que 10 %. Certes, tout serait parfait avec un électrocardiogramme dans le cadre d’un test d’effort, mais je propose une première étape déjà très ambitieuse : 80 % à la place de 10 %, c’est déjà énorme !
Les sociétés européennes de cardiologie, depuis 2005, et la Société française de cardiologie, depuis 2009, préconisent la réalisation d’un électrocardiogramme dans le cadre de la visite médicale de non-contre-indication à la pratique d’un sport. Pour être efficace, l’électrocardiogramme doit être réalisé tous les trois ans pour les sportifs de douze à vingt ans, puis tous les cinq ans pour les sportifs de vingt ans et plus.
L’électrocardiogramme de repos associé à l’examen clinique apparaît donc comme un excellent moyen de dépistage des cardiopathies des sportifs. Pourtant aujourd’hui, le recours à l’ECG à titre préventif est loin d’être systématique en France : moins de 20 % des médecins généralistes déclarent le réaliser. En comparaison, en Italie et depuis 1970, pour tout certificat de non-contre-indication à la pratique d’un sport délivré après l’âge de douze ans, le dépistage avec anamnèse, examen clinique et ECG est obligatoire. Cela a permis une diminution de presque 90 % de l’incidence des accidents cardiaques et des morts subites chez les sportifs.
Ainsi, mon amendement propose de rendre obligatoire la réalisation d’un électrocardiogramme pour obtenir un certificat médical de non-contre-indication au sport, comme le préconise la Société française de cardiologie. J’espère vivement que nous nous retrouverons pour le voter.
Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, cette proposition de loi présentée par notre collègue Jean-Pierre Decool nous conduit à nous interroger sur l’usage et l’implantation des défibrillateurs cardiaques. Ces appareils qui sont installés depuis bientôt dix ans dans les lieux publics ou privés ont démontré leur utilité pour sauver des vies. Lors de l’examen du texte en commission, de nombreux collègues ont témoigné de moments où ils ont assisté à des interventions salvatrices. Personne ne doute aujourd’hui de leur utilité pour sauver des vies.
Si cette proposition de loi a le mérite d’ouvrir une nouvelle réflexion approfondie sur le sujet et de dresser un constat de la situation actuelle, elle permet aussi de rappeler l’état de la législation actuelle.
Nous ne partons pas de rien. Un décret du 4 mai 2007 permet à toute personne non-médecin d’utiliser un défibrillateur cardiaque, que celui-ci soit automatique ou semi-automatique et une courte sensibilisation, estimée à moins d’une heure, est recommandée pour utiliser l’appareil. Il ne s’agit donc pas d’une formation lourde. Cette sensibilisation a pour but d’initier aux trois gestes indispensables que je rappelle à mon tour : alerter, masser, défibriller. Il est fondamental de s’en souvenir les uns et les autres.
Un arrêté du 16 août 2010 détermine les modalités de signalisation afin de mieux informer de la présence d’un défibrillateur au sein d’un lieu public. L’objectif de ces mesures est de rendre rapidement accessibles et utilisables ces appareils car, cela a été largement démontré, chaque minute compte.
C’est sans nul doute un enjeu majeur de santé publique. On ne peut de ce fait que partager l’ambition de votre proposition de loi, monsieur le rapporteur. Toutefois, sa rédaction et certains articles posent problème. Je le dis sans esprit polémique, le texte n’étant ni de gauche ni de droite, j’allais dire qu’il est du centre. Non, il est vraisemblablement du centre, de gauche et de droite.
Sourires.
Je suis très oecuménique, mes chers collègues.
Dans l’article 1er, vous proposez de renforcer les peines pour toute dégradation ou vol de ces dispositifs. Vous y allez tout de même un peu fort ! Je comprends la logique de votre raisonnement. Celui qui vole ou dégrade un défibrillateur peut indirectement provoquer la mort de celui qui aurait pu être sauvé par la présence à cet endroit de cet appareil. C’est carrément – et je pèse mes mots, pour ne pas polémiquer – une accusation de crime ou d’assassinat ! Dans cette logique, vous auriez quasiment pu envisager des peines encore plus lourdes dans la mesure où celui qui dégrade ou vole l’appareil peut tuer quelqu’un, indirectement bien sûr, sans préméditation.
La législation actuelle est déjà très sévère puisqu’elle punit le vol de trois ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende. Pensez-vous vraiment que les idiots – pardonnez-moi ce terme – qui volent ou dégradent ces appareils seront freinés par l’aggravation de la peine ? Je n’en suis pas du tout convaincu. Il s’agit d’actes de malveillance condamnables et je doute fort qu’il existe une jurisprudence actuelle sur la condamnation de ces actes. Et si elle existe, je doute fort que des peines de trois ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende aient jamais été prononcées par un juge. Vous l’aurez compris, pas davantage qu’en commission, l’article 1er ne recueillera un vote favorable de notre part.
L’article 3 pose lui aussi problème. Vous voulez rendre obligatoire l’installation de défibrillateurs dans de très nombreux endroits. Dans le département du Nord par exemple, où un important travail a été mené sous l’impulsion du sénateur Alex Türk, on compte désormais 1 800 défibrillateurs dans 450 communes. C’est là un effort sans précédent qu’on ne peut qu’approuver. Vous envisagez de les généraliser dans les équipements commerciaux de plus de mille mètres carrés, dans les logements collectifs au-delà d’un certain seuil ou, à défaut, par mutualisation lorsque les logements collectifs sont réunis sur un même site ou à proximité immédiate. Vous ajoutez enfin à cette liste les établissements recevant du public.
Mais, il faut le rappeler, selon les statistiques, 80 % des arrêts cardiaques se produisent au domicile. Je ne conteste pas le fait d’accroître le nombre de défibrillateurs dans l’espace public, mais je voulais néanmoins rappeler ce chiffre.
Votre liste est longue et si on vous suivait, ce serait sûrement des dizaines, voire des centaines de milliers d’appareils qu’il faudrait installer et dont il faudrait assurer la maintenance régulière. Ce sont des investissements très lourds et nous ne pouvons vous suivre dans cette voie.
En revanche, il nous paraît essentiel de créer une base de données nationale, cela a été dit. Cela permettra de géolocaliser les appareils et de mieux assurer leur maintenance, qui est importante.
L’article 3 subira quelques modifications ; les amendements proposés permettront de démontrer que nous soutenons le développement de l’installation de défibrillateurs parce qu’ils sauvent des vies. Mais pour que ce texte soit acceptable par notre majorité, il faut quelque peu le retravailler.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur, je tiens à saluer cette excellente initiative prise par notre collègue Jean-Pierre Decool. Il signe par là son intérêt pour des questions importantes aux yeux des Français.
Qui pourrait s’opposer à ce que les jeunes Français soient mieux formés aux gestes de premiers secours, notamment à l’utilisation des défibrillateurs cardiaques ? Cette insertion dans le code de l’éducation serait d’ailleurs sans doute la seule bonne altération que celui-ci connaîtrait de tout le quinquennat.
En France, il y a 120 000 infarctus chaque année, 15 millions d’hypertendus, 10 millions de personnes souffrant d’un excès de cholestérol, 3 millions de diabétiques. La cardiologie est donc un domaine médical essentiel et doit être un champ d’investissement et d’amélioration pour l’État. À ce titre, il est absolument incompréhensible que la commission ait voulu supprimer l’article qui aggravait les peines de ceux qui vandalisent ces appareils. Comment veut-on pouvoir former une jeunesse à l’importance de ces outils quand on explique en même temps que leur dégradation n’est pas si grave ?
Vous le reconnaissez. Voilà un précédent !
Le laxisme, la culture de l’excuse, la permissivité ne devraient avoir aucune place dans les sujets qui touchent à la vie des Français. Je pense en revanche à ces associations qui engagent leurs bénévoles dans l’animation des communes du Vaucluse pour finir par faire don d’un défibrillateur à la collectivité. C’est ce civisme qu’il faut promouvoir, car il est le signe d’une sollicitude et d’un investissement qui touchent au réel.
La question de l’implantation des défibrillateurs cardiaques doit être analysée conjointement avec celle de la désertification médicale et des secours. En effet, les morts subites sont souvent annoncées par des pathologies ou des signaux que les médecins savent détecter – quand il y en a. Par ailleurs, la réactivité, et donc la proximité, des secours qui viennent en complément de l’utilisation du défibrillateur sont encore posées. Dans trop de territoires ruraux, abandonnés au profit des zones péri-urbaines, la disparition de certains SDIS ou l’absence de réponses médicales adaptées sont aussi responsables de la mortalité.
Avec les défibrillateurs, nous touchons donc à la solution d’urgence d’un sujet plus vaste, celui de nos modes de vie. Tous les congrès de cardiologie aboutissent au même constat : des générations dangereuses se préparent à ce sujet. Il est des sujets dont nous avons l’interdiction de parler : les perturbations hormonales par la médicalisation précoce de la contraception, les perturbateurs endocriniens, les effets de la corruption de la vie politique par la grande distribution dans les années 1970-1980.
Évidemment, ces choix partisans qui firent les beaux jours de toute une classe de nos dirigeants conduisent à une génération qui aura grand besoin des défibrillateurs cardiaques.
Nous devons donc prendre acte que la commission n’a pas voulu aller de pair avec les propositions de ce texte pourtant cosigné par les membres de deux groupes. Quand il s’agit de santé, il y a des lobbies qui obtiennent tout et des initiatives de bon sens qui sont brimées. Sauver des vies vaut quelquefois moins pour certains que fabriquer un homme nouveau. Les élus enracinés s’en offusquent souvent. Mon collègue Decool montre qu’ils peuvent aussi y répondre par des propositions de bon aloi. Il a tout mon soutien.
Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur, cher Jean-Pierre, mes chers collègues, 50 000 personnes qui décèdent chaque année d’une fibrillation cardiaque, c’est autant de vies que l’on pourrait sauver si les témoins des accidents pouvaient utiliser des défibrillateurs cardiaques à tout moment, en tout lieu et de manière efficace.
Actuellement en France, seulement 3 à 5 % des personnes victimes d’un accident cardiaque hors de leur domicile sont sauvées. Lorsque l’on sait que ce chiffre s’élève à 26 % aux États-Unis, on comprend que la France accuse un sérieux retard en la matière, qu’il est urgent de rattraper.
Chaque minute qui s’écoule après l’accident, les probabilités de survie chutent de 7 % à 10 % et l’usage immédiat d’un défibrillateur est alors essentiel. Je salue donc l’excellent travail de mon collègue Jean-Pierre Decool en la matière et la pugnacité dont il fait preuve pour faire progresser la France face à cet enjeu primordial de santé publique.
Les trois points clés de ce texte m’apparaissent tout à la fois indispensables et complémentaires.
L’article 1er vise à alourdir les sanctions lorsque des actes de vandalisme ou de dégradation portent atteinte aux défibrillateurs. Ces actes malveillants sont proprement inacceptables et ont des conséquences particulièrement lourdes, puisqu’ils peuvent faire perdre la vie à une personne qui, victime d’un accident, ne peut être sauvée à cause d’un défibrillateur hors d’usage. Une tolérance zéro doit s’appliquer en la matière.
En commission, il a été reproché au dispositif initial, qui proposait une peine de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende, d’être trop sévère. Si je ne partage pas ce point de vue à titre personnel, compte tenu du fait que de telles dégradations peuvent indirectement causer la mort, je salue l’effort de consensus du rapporteur, qui nous propose aujourd’hui d’adopter un amendement visant à calquer les peines sur celles applicables à la destruction d’abribus ou de bâtiment public.
L’article 2 de la proposition de loi concerne une dimension essentielle de la défibrillation cardiaque : l’utilisation concrète des appareils. Dans 70 % des cas, en effet, l’accident survient devant témoin. Or, dans deux cas sur trois, les témoins ne savent pas comment intervenir. Pourtant, nous sommes tous de potentiels témoins d’accidents cardiaques et l’utilisation des défibrillateurs est relativement simple. Quoi de plus inutile qu’un matériel que la plupart d’entre nous ne savent pas utiliser correctement ?
Notre pays accuse un sérieux retard en termes de formation aux premiers secours, puisqu’à peine 40 % de la population française y serait formée, contre 80 % chez nos voisins allemands et 95 % en Norvège. Il est urgent d’élaborer une vraie stratégie de formation à l’utilisation de ces appareils au niveau national, qui cible tout le monde, des plus jeunes aux plus âgés, au sein des établissements scolaires comme dans les organismes et associations habilités.
Le dispositif initialement proposé a pu sembler trop lourd à certains de nos collègues en commission. Les défibrillateurs étant aujourd’hui dotés d’une assistance intégrée destinée à permettre à un novice de les utiliser en cas d’urgence, il est apparu, au fil des auditions menées par notre rapporteur, qu’une initiation courte, de deux heures, était suffisante pour acquérir les premiers gestes qui sauvent. C’est le sens du dispositif de l’article 2.
Enfin, l’article 3 est tout aussi essentiel, car il vise à combler les lacunes dont souffre notre pays en termes d’installation de défibrillateurs dans certains lieux où ils sont en nombre insuffisant. Qui n’a pas déjà entendu citer le cas d’un jeune sportif s’écroulant sur le terrain, victime d’un accident cardiaque ? Or, 15 % seulement des stades français sont aujourd’hui équipés de défibrillateurs. Cela n’est pas normal.
L’Académie nationale de médecine a alerté sur la mort subite au cours des activités physiques et sportives, et préconise que la présence d’un défibrillateur soit obligatoire dans les stades et enceintes sportives. De même, elle préconise une plus grande diffusion des défibrillateurs sur les lieux de travail, ainsi que dans les locaux commerciaux importants et les lieux à forte densité résidentielle. Pour ce qui est du lieu de travail, il est assez surprenant que l’employeur soit soumis à une obligation générale de sécurité de ses salariés et que la présence de matériel de premier secours soit obligatoire, sans que celle d’un défibrillateur le soit pour autant. Quant aux lieux à forte densité résidentielle, rappelons simplement que 70 % des arrêts cardiaques ont lieu au domicile.
Nous souhaitons donc que l’article 3, supprimé en commission, qui imposait aux entreprises de plus de cinquante salariés et aux locaux commerciaux d’une superficie supérieure à 1 000 mètres carrés de se doter d’un défibrillateur cardiaque, soit rétabli. Il nous paraît par ailleurs important que les immeubles d’habitation soient également équipés de ces appareils à partir d’un certain nombre de logements.
Je conclurai par deux points. Tout d’abord, je voudrais soulever la question de la responsabilité des communes et des directeurs d’établissements publics ou sportifs et de centres commerciaux en cas de défaillance d’un défibrillateur. Une action judiciaire peut-elle aboutir à une mise en cause sur le plan administratif ou pénal ? Si tel était le cas, cela constituerait un frein à l’équipement des collectivités territoriales et des établissements publics et privés. Une réponse juridique doit donc être apportée. Je note à ce propos, madame la secrétaire d’État, que vous proposez d’instaurer une obligation de maintenance, ce qui me paraît une bonne chose.
Je tiens enfin à insister sur le fait qu’il s’agit là d’un réel enjeu de santé publique, qui doit dépasser les divisions partisanes. Cette proposition de loi est du côté de ceux qui veulent sauver des vies. Ne nous y trompons pas et unissons-nous dans l’hémicycle pour ce combat.
J’appelle maintenant, dans le texte de la commission, les articles de la proposition de loi.
La commission a supprimé l’article 1er.
Je suis saisi d’un amendement no 3 , tendant à le rétablir. La parole est à M. Jean-Pierre Decool, rapporteur, pour le soutenir.
Cet amendement tend à rétablir l’article 1er dans une rédaction plus accessible. En effet, lors du débat en commission, les sanctions proposées en cas de vandalisme ont été jugées trop sévères. L’amendement propose donc de prévoir des peines calquées sur celles applicables à la destruction d’abribus ou de bâtiment public. La peine de travail d’intérêt général permettra également de sensibiliser l’auteur de l’infraction aux conséquences potentiellement fatales de son geste. Un défibrillateur volé, détruit ou dégradé peut en effet empêcher la réanimation d’une personne victime d’un arrêt cardiaque. Il est, sinon légitime, du moins justifié de faire en sorte que celui qui casse puisse payer.
Les actes de dégradation, de destruction ou de détérioration d’un bien appartenant à autrui et présentant ou non un caractère de danger pour les personnes, ainsi que le vol, constituent déjà des infractions sanctionnées par une peine, en vertu des articles L. 311, L. 321-1 et suivants du code pénal. La poursuite de ces infractions et la mise en oeuvre des sanctions prévues et des actions de sensibilisation à l’importance de ces dispositifs médicaux sont suffisantes. Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.
Je souscris à l’argumentation de Mme la ministre. Les articles du code pénal sont en effet très sévères envers le vol et la dégradation et me paraissent amplement suffisants. C’est notamment le cas de l’article L. 322-3, qui répond à votre préoccupation légitime, monsieur le rapporteur, de sanctionner la destruction et la dégradation d’un bien public ou d’un bien appartenant à autrui. Lorsqu’il y a charge de mission de service public, la peine peut en effet atteindre cinq ans d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende. Le code pénal pourvoit donc déjà très largement à la sanction de celui qui commettrait de tels actes.
Je ne comprends pas la position du Gouvernement sur cette disposition de la proposition de loi de M. Decool. Comme ce dernier, en effet, je considère qu’une dégradation commise sur un matériel destiné à sauver des vies diffère de celles qui viseraient un autre matériel. Outre l’exemplarité d’une peine qui pourrait être appliquée dans ce cadre, cette disposition délivrerait un message intéressant quant à l’importance de ces matériels. Comme M. Decool, je considère donc qu’il importe que nous puissions expliquer à nos concitoyens que ces matériels – en faveur desquels, du reste, au-delà des pouvoirs publics, les associations s’investissent énormément – relèvent d’un bien intouchable et que leur destruction ou leur dégradation doit exposer à de graves sanctions.
L’amendement no 3 n’est pas adopté et l’article 1er demeure supprimé.
La parole est à Mme la secrétaire d’État, pour soutenir l’amendement no 15 .
Cet amendement tend à supprimer l’article 2 de la proposition de loi, car l’obligation d’apprentissage des gestes de premiers secours avec l’usage d’un défibrillateur automatisé externe figure déjà dans un texte réglementaire.
En effet, la loi no 2004-806 du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique prévoit, en son article 48, la délivrance d’un cours d’apprentissage sur les premiers gestes de secours aux élèves des collèges et des lycées. De même, la loi no 2004-811 du 13 août 2004 de modernisation de la sécurité civile précise dans son article 5 que « tout élève bénéficie, dans le cadre de sa scolarité obligatoire, d’une sensibilisation à la prévention des risques et aux missions des services de secours ainsi que d’un apprentissage des gestes élémentaires de premiers secours ».
Enfin, le décret no 2006-41 du 11 janvier 2006 relatif à la sensibilisation à la prévention des risques, aux missions des services de secours, à la formation aux premiers secours et à l’enseignement des règles générales de sécurité prévoit qu’au plus tard à l’issue du collège, les jeunes disposent de l’attestation de formation en prévention et secours civiques de niveau 1 – PSC1 –, laquelle inclut l’usage d’un défibrillateur automatisé externe.
Le ministère de l’éducation nationale est mobilisé pour assurer la mise en oeuvre de cette obligation de formation, dont la montée en charge progressive est à noter. Actuellement, 7 000 formateurs en prévention et secours civiques de niveau 1 (PSC1) assurent la formation de 30 % d’élèves et de personnels de l’éducation. Afin d’augmenter ce pourcentage, il est envisagé de passer à environ 10 000 formateurs. Afin d’assurer les formations des formateurs au PSC1, l’objectif est d’accroître le nombre de formateurs, le portant de 200 actuellement sur tout le territoire à 300 ou 350.
Cet amendement du Gouvernement, qui a pour objet la suppression de l’article 2, a été rédigé et modifié à la suite des remarques entendues lors de la première réunion de la commission et aurait pu permettre de trouver un terrain d’entente. La formation aux gestes de premiers secours diffère en effet selon les académies et dépend naturellement de la disponibilité des formateurs. Le texte que j’ai proposé tendait non pas à former des enfants à quelque chose du type PSC1 et en leur remettant un diplôme, mais à rendre obligatoire une brève initiation, d’une durée d’une heure, destinée à sensibiliser aux gestes qui sauvent et pouvant être dispensée par les professeurs.
C’est en effet une mesure simple et de bon sens et je pense que nous aurions pu trouver un bon terrain d’entente sur ce point.
Nous avons souligné en commission que l’ensemble des propositions de M. le rapporteur, légitimes dans leur esprit, relevaient en fait du domaine réglementaire, et non pas législatif.
Pour répondre spécifiquement aux propos qu’il vient de tenir, j’évoquerai le décret du 11 juillet 2006, qui intègre la notion du « porter secours » au socle commun des connaissances et compétences enseignées à l’école. L’arrêté du 24 juillet 2007 fixe le référentiel national des compétences du PSC1, sur lequel je ne reviendrai pas. Comme l’a dit Mme la ministre, le ministère de l’éducation nationale est engagé en faveur de l’accroissement du nombre de formateurs et de formations au sein des établissements. Il me semble donc discutable de revenir sur une ligne qui satisfait déjà l’intention du rapporteur. C’est la raison pour laquelle nous soutiendrons le Gouvernement.
La commission a supprimé l’article 3.
Je suis saisi de quatre amendements, nos 6 , 16 , 10 et 8 , tendant à le rétablir dans différentes rédactions, et pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements nos 16 et 10 sont identiques.
La parole est à M. Jean-Pierre Decool, rapporteur, pour soutenir l’amendement no 6 .
Cet amendement tend à l’implantation de défibrillateurs dans les lieux publics ou privés, où elle n’est actuellement pas obligatoire. Je le répète, en effet : pour chaque minute qui s’écoule après un arrêt cardiaque, les probabilités de survie chutent de 7 % à 10 %. Si la défibrillation intervient plus de douze minutes après la perte de conscience, la victime a peu de chances de survivre, d’où l’intérêt de diffuser les défibrillateurs dans des endroits stratégiques, en particulier les établissements de plus de cinquante salariés et les locaux commerciaux.
Dès 2007, l’Académie nationale de médecine avait préconisé une plus grande diffusion des défibrillateurs automatisés externes dans les lieux publics, les lieux de travail, les lieux à forte densité résidentielle et les centres commerciaux.
Pour ce qui est du lieu de travail, il est pour le moins paradoxal que l’employeur ait une obligation générale de mise en sécurité de ses salariés et que l’entreprise doive disposer d’un matériel de premier secours, sans que la présence d’un défibrillateur soit pour autant obligatoire.
La parole est à Mme la secrétaire d’État, pour soutenir l’amendement no 16 .
Nous proposons de rétablir un article 3 établissant une obligation d’installation d’un défibrillateur automatisé externe – DAE –pour certains établissements recevant du public, sans préjudice de la décision individuelle d’installation d’un DAE par toute personne le jugeant opportun.
L’installation de DAE au sein des ERP – établissements recevant du public –, modulée selon la catégorie et la capacité d’accueil des ERP, présente un intérêt certain en termes de santé publique. Elle a fait l’objet de recommandations par le Conseil français de réanimation cardio-pulmonaire et par l’Académie de médecine, qui ont souligné l’intérêt d’installer ces dispositifs médicaux dans les lieux de passage fréquentés par une population importante et dans les lieux où le risque de mort subite est le plus important, comme les stades, les équipements sportifs, etc. Le décret d’application pourra ainsi viser les centres commerciaux, les administrations ou les enceintes sportives.
Par ailleurs, les DAE sont des dispositifs médicaux dont il convient d’assurer la maintenance ; je l’ai rappelé lors de la discussion générale. À l’obligation d’installation d’un DAE dans les ERP est ainsi logiquement jointe une obligation de maintenance des appareils par les propriétaires des établissements. Parallèlement, un décret clarifiant le concept d’exploitant est en cours de préparation, permettant ainsi de rendre obligatoire la maintenance pour toute personne qui a fait le choix de s’équiper d’un défibrillateur.
La parole est à M. Renaud Gauquelin, pour soutenir l’amendement identique no 10 .
Il faut que ces appareils, qui sauvent effectivement plusieurs milliers de vies humaines, soient installés au bon endroit et que les gens soient bien formés et surtout régulièrement reformés ; c’est toute la difficulté de ce sujet. Le présent amendement a pour objet de placer ces appareils conformément aux recommandations de gens plus compétents que nous, à savoir le Conseil français de réanimation cardio-pulmonaire et l’Académie de médecine, qui ont listé un certain nombre d’endroits.
L’un de nos collègues évoquait tout à l’heure les gares, où le brassage des gens est extrêmement important et où le risque de mort subite est beaucoup plus important. Cela concerne également, bien évidemment, les stades et les équipements sportifs, ainsi que les centres commerciaux. Il s’agit donc d’inscrire dans ce projet de loi tout à fait intéressant un dispositif garantissant une réelle efficacité de nos mesures.
La parole est à M. Jean-Pierre Decool, pour soutenir l’amendement no 8 .
Le présent amendement a pour objet la présence de défibrillateurs dans les établissements recevant du public. Leur implantation dans les lieux publics ou privés n’est actuellement pas obligatoire. Pour chaque minute qui s’écoule après un arrêt cardiaque, les probabilités de survie chutent de 7 à 10 %. Dès 2007, l’Académie nationale de médecine avait préconisé une plus grande diffusion des défibrillateurs automatisés externes dans les lieux publics, les lieux de travail, les lieux à forte densité résidentielle et les centres commerciaux.
Concernant l’amendement no 10 , l’avis du Gouvernement est évidemment favorable puisque cet amendement est identique à celui qu’il a déposé. Quant aux amendements nos 6 et 8 , je demande à M. Decool d’en envisager le retrait ; à défaut, l’avis sera défavorable puisque nous proposons justement, par l’amendement gouvernemental, le rétablissement de l’article 3 qui institue une obligation d’installation de défibrillateurs automatisés externes dans certains établissements recevant du public, sans préjudice de la décision individuelle d’installation d’un DAE par toute personne le jugeant opportun. Un décret en Conseil d’État fixera les types et catégories d’établissements.
Monsieur le rapporteur, accédez-vous à la demande de Mme la secrétaire d’État ?
Pour répondre à votre proposition, madame la secrétaire d’État, je retire l’amendement no 8 .
L’amendement no 8 est retiré.
Je ne convaincrai probablement pas le rapporteur ; néanmoins, concernant son amendement no 6 , celui-ci propose d’installer des défibrillateurs dans toutes les entreprises de plus de cinquante salariés – cela fait beaucoup d’entreprises en France ! – et dans l’ensemble des locaux commerciaux d’une superficie supérieure à 1 000 mètres carrés.
Prenons un exemple simple : une surface commerciale de 1 000 mètres carrés qui voit passer très peu de monde. Elle occupe 1 000 mètres carrés parce qu’elle vend je ne sais quelles fournitures exceptionnelles et de volume important. Comme l’a rappelé le rapporteur, c’est le flux de transit qui compte ; c’est la densité de personnes au même endroit, au même moment, qui maximalise le risque, et non pas la surface.
Je suis d’accord avec lui sur les surfaces commerciales d’alimentation. Nous avons d’ailleurs interrogé le groupe Auchan : celui-ci, dans l’ensemble de ses hypermarchés ou de ses très grandes surfaces, met un défibrillateur à disposition de ses équipes de sécurité et du public. En revanche, pour une petite surface ou pour une surface commerciale importante qui ne verrait passer que peu de monde, l’intérêt me paraît discutable. C’est donc bien la cartographie précise des besoins de notre population qui répondra à votre souhait, monsieur le rapporteur.
L’amendement no 6 n’est pas adopté.
La parole est à M. Jean-Pierre Decool, rapporteur, pour soutenir l’amendement no 7 , portant article additionnel après l’article 3.
À plusieurs reprises, il a été rappelé que 70 % des arrêts cardiaques survenaient au domicile. Partant de ce constat, je propose que les immeubles collectifs à usage principal d’habitation comportant un nombre de logements supérieur à un seuil qui serait défini en Conseil d’État soient équipés d’un défibrillateur automatisé externe accessible. C’est à l’endroit où existe la plus forte probabilité d’arrêts cardiaques qu’il faut répondre à cette attente et améliorer la chance de survie.
Le Gouvernement vient de vous proposer un amendement visant à établir une obligation d’installation d’un défibrillateur automatisé externe dans certains établissements recevant du public : cette disposition permettra d’améliorer le maillage du territoire en privilégiant l’installation dans des lieux accessibles à tous et à toute heure.
Il est vrai que de nombreux arrêts cardiaques ont lieu au domicile des personnes et que la question de l’installation dans les immeubles d’une certaine capacité pourrait être étudiée. Néanmoins, l’adoption d’une telle disposition ne peut se faire sans concertation préalable avec les acteurs du secteur tels que les associations de bailleurs privés ou publics et les associations de propriétaires ou de locataires.
J’insiste sur la nécessité d’une concertation en raison des coûts d’installation d’un défibrillateur : 2 500 euros en moyenne, puis entre 150 et 200 euros tous les deux ans pour leur entretien. De plus, la mise en place d’une telle obligation aurait nécessité de prévoir une date d’entrée en vigueur différée dans le temps.
Enfin, une telle obligation ne peut être instituée en faisant uniquement référence aux nombres de logements sans prise en compte de l’environnement existant, de son caractère urbain, de la proximité ou non avec un établissement recevant du public disposant d’un défibrillateur. C’est pourquoi, monsieur le rapporteur, je vous demanderais de retirer cet amendement ; à défaut, l’avis serait défavorable.
L’amendement no 7 n’est pas adopté.
Nous proposons la constitution d’une base nationale de données relatives aux lieux d’implantation des défibrillateurs cardiaques automatisés externes dans l’ensemble du territoire. Cela est essentiel pour deux raisons : tout d’abord, elle permet à tous, en particulier aux services d’aide médicale urgente et aux centres de traitement des appels des services d’incendie et de secours, de géolocaliser les défibrillateurs automatisés externes à proximité du lieu d’un arrêt cardiaque, permettant ainsi à la personne qui appelle ces services d’utiliser le défibrillateur conjointement aux gestes de secours. Elle facilite par ailleurs les opérations de maintenance de ces dispositifs médicaux. La base nationale doit être accessible aux opérateurs publics et privés pour faciliter l’accès de la population à ces appareils en cas d’urgence.
Le présent amendement, qui est identique, répond à la problématique soulevée depuis longtemps par les professionnels et par tous ceux qui s’occupent de prévenir la mort subite en France. Il arrive aujourd’hui et j’avoue que je suis heureux, si nous votons ce texte, de la constitution de cette base de données nationale.
La parole est à M. Jean-Pierre Decool, pour soutenir l’amendement no 11 .
Je retire le présent amendement puisqu’il figure dans le rapport. C’était une proposition que j’avais d’ailleurs faite dans ma première rédaction d’octobre 2015. Je suis absolument favorable aux amendements qui ont été présentés car il est difficile de connaître le nombre exact de défibrillateurs implantés sur le territoire. Cette base de données permettra le développement d’applications mobiles sur les smartphones : c’est une excellente proposition.
L’amendement no 11 est retiré.
Je souhaite signaler que l’intérêt d’une base de données sur ce sujet est de pouvoir être accessible à tous, en tout endroit. Si je me trouve dans un endroit et que je croise une personne ayant besoin d’un défibrillateur, je dois immédiatement savoir où trouver ce défibrillateur.
Un outil permet de le faire : le smartphone. Il faut donc disposer d’une application pour cela. Or cette application existe : elle s’appelle Staying alive. C’est une association qui la gère. Elle est évolutive – quand vous voyez un défibrillateur, vous pouvez le signaler dans l’application – et assez complète.
J’aimerais donc savoir ce que cette base de données apportera par rapport à cette application, qu’il faut peut-être faire un peu mieux connaître. Combien coûtera-t-elle ? J’aimerais en savoir un peu plus sur ce dispositif : il ne faudrait pas qu’il apporte de la lourdeur administrative alors qu’existe déjà un outil très performant et très pratique.
Il ne faut pas confondre les deux : une base de données exhaustive recensant tant ce qui existe dans le territoire que les trous qu’il faudra combler, d’une part, et une application qui utilise cette base de données, d’autre part. Quand la base de données sera complète, l’application sera hyper performante. Mais aujourd’hui, l’application existante comporte des trous très évidents et soulève les questions dont nous avons débattu – lieux de travail, lieux publics, zones éloignées des secours, etc. Tout cela doit d’abord être colligé dans une base de données ; vous en êtes d’accord. Ensuite, cette application – ou une autre – prendra tout son sens, même s’il est déjà efficace qu’elle existe.
La parole est à Mme Bérengère Poletti, pour soutenir l’amendement no 1 .
J’ai déjà évoqué cet amendement lors de mon intervention dans la discussion générale. J’ai été alertée sur ce sujet par le centre médico-sportif de ma circonscription. Ce sont ses personnels qui m’ont expliqué qu’il est obligatoire dans certains pays de réaliser un électrocardiogramme avant d’obtenir un certificat de non-contre-indication au sport. En Italie, où cette pratique est obligatoire, elle permet un dépistage tout à fait intéressant et le nombre d’accidents a considérablement diminué.
Mon collègue Jean-Pierre Door, qui est cardiologue, m’a dit qu’elle ne permettait pas de tout dépister : il faudrait pouvoir faire un électrocardiogramme d’effort. Il est vrai que si on pouvait faire à tous ceux qui veulent pratiquer un sport un électrocardiogramme d’effort, on serait quasiment exhaustif mais leur faire systématiquement un électrocardiogramme de repos constituerait déjà une première étape un peu moins coûteuse et néanmoins assez ambitieuse. Cela est d’ailleurs demandé par la Société française de cardiologie et son homologue européenne. Cette première étape serait une base pour progresser par la suite et serait assez complémentaire des mesures que nous examinons en ce moment. Ce serait une bonne prévention en amont et je pense que nous ferions oeuvre utile en votant cet amendement.
La commission a émis un avis favorable à cet amendement lors de sa réunion de ce matin.
La réforme du certificat médical attestant de l’absence de contre-indication à la pratique sportive a été permise par l’article 219 de la loi de modernisation de notre système de santé du 26 janvier 2016, modifiant l’article L. 231-2 du code du sport. Le décret 2016-1157 du 24 août 2016 prévoit que la présentation d’un certificat médical est exigée lors de la première demande d’une licence ainsi que lors de son renouvellement tous les trois ans.
S’appuyant sur les recommandations des sociétés savantes, votre proposition, qui précise le contenu de l’examen, relève de la définition des bonnes pratiques professionnelles et non pas du niveau législatif. C’est pour cela que j’émets un avis défavorable.
Si ce matin, la commission étant réunie au titre de l’article 88 – nous étions deux, Jean-Pierre Decool et moi –, notre groupe a laissé la commission adopter cet amendement, c’est que nous souhaitions que le débat ait lieu. Madame Poletti, Jean-Pierre Door, mon collègue à plus d’un titre, vous a quand même donné des éléments qui devraient vous faire réfléchir.
J’ai moi-même à cette tribune soulevé la question de la mort subite des sportifs – entre 800 et 1 000 par an – mais la systématisation de l’électrocardiogramme se heurte à diverses difficultés.
La première est un problème de lecture. Il n’est pas si évident que cela de lire correctement un électrocardiogramme. C’est avec modestie que je vous dis cela. Détecter des anomalies significatives n’est pas si simple, y compris pour des cardiologues. Je pourrais vous parler de QT long ou de syndrome de Brugada et autres choses aussi exotiques qui posent vraiment des difficultés dans la lecture de cet examen. Je suis certain que beaucoup de nos collègues généralistes adresseraient leurs patients à un cardiologue. Or comme vous le savez, il n’y a pas de cardiologues partout sur notre territoire, ce qui poserait une première difficulté.
La seconde difficulté, madame Poletti, c’est que, comme vous l’a fait remarquer notre collègue Door, les médecins réserveraient leur réponse jusqu’à la réalisation d’examens complémentaires – électrocardiogramme d’effort, Holter ECG sur vingt-quatre heures, échocardiographie, scintigraphie myocardique si l’homme présente des facteurs de risque et a plus de quarante ans. L’échelle des peines, si j’ose dire, serait considérable.
Je crois donc que si la réalisation d’un électrocardiogramme peut être utile, elle doit être laissée à l’appréciation des professionnels ; le systématiser me paraît une difficulté dont il faut être conscient.
Je suis un peu étonnée par les arguments de M. Sebaoun – je devrais dire le docteur Sebaoun.
Premièrement, je ne vois pas pourquoi les Italiens pourraient le faire et pas nous. Ils ont eu bons résultats : cela veut dire que ces bons résultats sont à notre portée.
Vous êtes en train de m’expliquer qu’il ne faut surtout pas aller voir ce qu’on n’a pas envie de voir. Il suffit de ne rien faire et comme ça on ne soulève pas de problème. Je pense à l’inverse que cela permettrait de se donner les moyens de traiter le problème : pourquoi pas une consultation chez un cardiologue si le généraliste n’est pas sûr de l’interprétation ? Refuser de pratiquer un examen parce qu’on craint de ne pas avoir le personnel capable de l’interpréter, je trouve que ce n’est pas correct.
Il s’agirait de moi ou de membres de ma famille ou de mon entourage, je voudrais que le problème soit dépisté parce que c’est ce qui me permettrait de me battre pour essayer de comprendre et c’est pourquoi je ne peux pas entendre les arguments développés par M. Sebaoun. Il faut se donner les moyens, par un examen simple…
Mais si ! Un ECG de repos est facile à faire. Je ne parle pas d’ECG d’effort. On trouve facilement des électrocardiographes et désormais grâce à internet, on peut transmettre les résultats aisément à des spécialistes pour qu’ils les interprètent. Franchement vos arguments ne me convainquent pas du tout.
Je vous rappelle que dans cet hémicycle nous sommes tous et toutes des députés et uniquement des députés.
La parole est à M. Michel Issindou.
Je voudrais venir au secours de mon collègue Gérard Sebaoun. J’ai tendance à lui faire confiance, vu sa profession, même s’il est député ici et non pas médecin – j’ai bien compris – quand il dit qu’il n’y a pas de garantie absolue. Certaines personnes meurent parfois subitement en pratiquant un sport alors que l’électrocardiogramme n’avait pas permis de détecter chez eux de malformation cardiaque. Je ne suis donc pas sûr que cela soit absolument efficace.
Je voudrais aussi rappeler certaines contraintes même si Mme Poletti va me rétorquer que chaque vie est précieuse et doit être sauvée. C’est vrai mais ce sont quand même chaque année des millions de pratiquants qui devraient aller passer un électrocardiogramme tous les ans…
…chez un cardiologue ou un généraliste alors qu’on sait combien il est difficile de trouver des généralistes et peut-être aussi des cardiologues.
Puis vous me pardonnerez de poser la question triviale du coût : avez-vous chiffré le coût d’une telle mesure ? J’imagine qu’il serait assez considérable pour la Sécurité sociale étant donné le nombre de personnes qu’il faudrait régulièrement examiner pour un résultat qui n’est pas absolument garanti.
Je pense donc que cet amendement n’aura pas notre aval, madame Poletti, aussi bonne soit votre intention.
Cet amendement me gêne en raison de la problématique des secteurs ruraux que j’ai rappelée tout à l’heure. Pour un habitant de Lacaune qui voudrait pratiquer le rugby, par exemple, l’hôpital ou le cardiologue le plus proche est à Castres, à plus de cinquante kilomètres. Pour un certain nombre de parents, c’est un coût, sans compter qu’il faut du temps pour prendre rendez-vous.
Je partage la volonté des auteurs de cet amendement mais parfois le mieux est l’ennemi du bien. Cela pourrait se révéler discriminant pour un certain nombre de familles rurales alors que nous sommes tous d’accord pour dire que pratiquer un sport est pour les enfants, pour les jeunes, pour les adultes, particulièrement important et bon pour la santé. Telle est ma crainte. Je ne parle même pas de la question du coût ni de la difficulté d’obtenir des rendez-vous.
Il faut certes sensibiliser le médecin généraliste à la nécessité en cas de doute de renvoyer l’enfant, l’adolescent ou l’adulte vers un cardiologue mais systématiser un tel examen risquerait, je le crains, de constituer un obstacle supplémentaire à la pratique sportive pour les jeunes en milieu rural.
Je précise que j’ai moi aussi laissé mon stéthoscope à la porte de ce noble établissement !
Madame Poletti, j’entends tout à fait vos arguments fort humanistes mais il s’agit là d’un sujet de santé publique. Vous proposez un dépistage de masse – et Dieu sait si le dosage du PSA ou la mammographie de masse sont remis en question actuellement !
La plupart des certificats médicaux – 99 % – sont délivrés par des généralistes. Le rôle d’un généraliste est d’examiner puis de faire tel ou tel examen paraclinique en fonction de l’examen clinique et non pas à titre systématique. Les arguments que vous avancez sont tout à fait intéressants mais dans le cadre d’un dépistage de masse cela me paraît inapplicable. Je confirme que la lecture d’un électrocardiogramme provoque souvent de vrais débats, y compris entre cardiologues.
Surtout on risque de rassurer faussement des gamins en leur disant que tout va très bien alors que l’électrocardiogramme de base ne permet de dépister que moins de 10 % des malformations graves. On sait que le Holter, l’électrocardiogramme d’effort et la rythmologie cardiaque, actuellement en pleine explosion, permettent de dépister l’immense majorité des malformations rythmiques alors que l’électrocardiogramme de repos n’en dépiste qu’un nombre extrêmement faible, notamment chez l’enfant.
J’ai donc peur que cela ait l’effet contraire à celui recherché : on risque de rassurer des gamins qui vont augmenter leur effort, persuadés d’être en parfaite santé. J’ai eu vent de l’expérience italienne mais à ma connaissance, le nombre de cas et la durée sont insuffisants pour qu’elle soit scientifiquement valable.
L’amendement no 1 n’est pas adopté.
Il n’y a pas de montagne dans mon département de l’Aisne, seulement quelques terrils dans le bassin minier des Hauts-de-France, mais c’est avec grand plaisir que je défends l’amendement de ma collègue Sophie Dion.
On l’a dit, plus de 50 000 personnes décèdent chaque année en France d’un arrêt cardiaque et la rapidité d’intervention est vitale. La question se pose naturellement avec plus d’acuité lorsque l’arrêt cardiaque survient en montagne. L’amendement de ma collègue concerne les équipements et terrains qui peuvent accueillir des touristes, notamment les refuges de montagne. Il serait pertinent de les équiper d’un défibrillateur puisque le coeur est davantage mis à l’épreuve en montagne et que certains touristes ne sont pas toujours suffisamment entraînés pour les efforts demandés par la randonnée et d’autres sports, notamment d’hiver. Un quart des interventions des médecins d’urgence en montagne sont liées à des accidents cardio-vasculaires. C’est la deuxième cause d’accident en montagne.
L’amendement vise donc à insérer dans la partie législative du code du tourisme un article rendant obligatoire l’installation d’un défibrillateur automatisé dans chaque refuge.
Cet amendement a été repoussé par la commission, mais au moment où vient d’avoir lieu un grand débat sur la montagne, je le crois judicieux. En effet, les personnes qui fréquentent les refuges sont des sportifs et l’éloignement rend encore plus vitale la nécessité de répondre rapidement à l’incident cardiaque. La commission repousse l’amendement, mais à titre personnel, j’y suis favorable.
L’amendement no 2 , repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.
Il vise à compléter deux articles du code du travail pour y introduire une initiation aux gestes de premiers secours, non pour alourdir le cahier des charges des entreprises, mais parce que dans le moment citoyen que nous connaissons, après les attentats meurtriers qu’a subis notre pays, nous sommes tous sensibilisés à la nécessité d’apprendre à nos enfants et à chaque citoyen les gestes de premiers secours.
L’entreprise pourrait être un lieu d’acquisition de ces savoirs de base. D’après les spécialistes, moins d’une heure suffit. C’est pourquoi, avec une trentaine de collègues, nous avons déposé cet amendement dont je sais par avance que le Gouvernement ne pense pas que du bien.
Sourires.
Cet amendement a été adopté par la commission. Il prévoit une formation initiale et continue aux gestes de premiers secours pour les travailleurs. Avis favorable.
Défavorable.
En miroir du précédent débat, je vais pouvoir vous renvoyer les arguments que j’ai entendus tout à l’heure : nous aurions trop peu de médecins, trop peu de cardiologues… En l’occurrence, les services de santé au travail sont débordés. On n’arrive pas à recruter de médecins du travail. Ceux-ci n’arrivent déjà pas à faire leur travail de base. Et vous proposez, monsieur Sebaoun, qu’ils aillent faire de la formation aux premiers secours dans toutes les entreprises… Je vous renvoie le compliment : l’intention est bonne, humaniste, mais les services concernés sont dans l’incapacité de pouvoir fournir ce travail.
Un mot avant de retirer cet amendement, puisque je sais que le ministère du travail, plus directement concerné que le ministère des affaires sociales, que représente ici Mme Boistard, y est défavorable pour plusieurs raisons.
Cet amendement aurait été présenté au moment de l’examen du projet de loi travail, mais j’avoue ne pas l’avoir vu dans la masse des amendements déposés, puisque nous n’avons pas débattu au fond.
Sourires.
En outre, j’entends l’argument de Mme Poletti. Vous savez que je me suis beaucoup exprimé sur la santé au travail lorsque nous en avons débattu en commission. Cependant, si vous lisez mon amendement, vous verrez que je proposais une simple initiation. J’avais même imaginé un sous-amendement, pour que le mot « initiation » apparaisse. Néanmoins, pour ne pas alourdir la conscience gouvernementale, je retire mon amendement.
L’amendement no 12 est retiré.
Cet article prévoyait un gage, puisque la proposition de loi occasionnait des dépenses nouvelles. Plusieurs de ses articles ayant été supprimés après l’adoption d’amendements du Gouvernement, celui-ci n’a plus d’objet et je voterai donc contre.
L’article 4 n’est pas adopté.
Dans les explications de vote, la parole est à M. Philippe Folliot, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
Si j’ai bien compris, nous allons voter dans un bel unanimisme cette proposition de loi, ce qui est très bien. Dans une période difficile, tourmentée, alors qu’on met toujours en avant ce qui nous oppose et ce qui nous divise, il est bon de parvenir à un consensus sur un tel sujet. Nos concitoyens auraient du mal à comprendre que nous nous opposions sur ce texte.
Je remercie M. le rapporteur parce que c’est lui qui a pris l’initiative et qui a défendu cette proposition ; c’est lui qui a convaincu son groupe et je remercie M. le président Jacob, ainsi que le groupe Les Républicains, d’avoir inscrit ce texte à l’ordre du jour de leur journée réservée. Nous allons faire progresser la santé publique dans notre pays afin qu’il y ait moins de victimes d’arrêts cardiaques.
Je vois deux avancées intéressantes dans ce texte : le déploiement dans les lieux accueillant un public nombreux – il paraît en effet paradoxal que dans les stades il y ait des extincteurs partout et pas de défibrillateurs – et la constitution d’une base de données permettant de savoir où se trouve le défibrillateur le plus proche.
Je terminerai en insistant sur la nécessité de corriger les inégalités entre secteur urbain et secteur rural. C’est l’une des préoccupations auxquelles répond ce texte. L’égalité parfaite n’existe pas, mais je me félicite que ce texte puisse être adopté.
La parole est à M. Gérard Sebaoun, pour le groupe socialiste, écologiste et républicain.
Nous voterons cette proposition de loi ainsi réécrite. Moi aussi, je voudrais remercier le rapporteur et ses collègues d’avoir permis à l’Assemblée de discuter de cette proposition de loi. Je remercie aussi ceux qui, comme M. Morel-A-L’Huissier ou Xavier Bertrand en 2014, ont ouvert cette discussion, non seulement sur les défibrillateurs cardiaques, mais sur la mort subite et la nécessité de mieux la connaître et la prévenir dans notre pays. Je me suis permis, à la tribune, d’évoquer deux sujets que je rappelle très vite : la mort subite du sportif, sachant que les équipes de recherche souhaitent avancer dans ce domaine, et l’autopsie, qui malheureusement est tombée en désuétude et mériterait de revenir en usage. Tous les spécialistes nous disent qu’elle est très utile pour leurs recherches.
Merci, monsieur Decool. Un dernier mot : j’espère que vous vous ferez le porte-parole de cette assemblée pour dire au Sénat de voter ce texte dans les mêmes termes.
Je voudrais féliciter Jean-Pierre Decool pour ce travail de longue haleine qu’il a mené en consultant plusieurs professionnels et en recueillant les avis pleins de bon sens d’élus locaux ou d’associations d’acteurs économiques.
Je regrette que certains aspects de la proposition aient été supprimés, comme ce qui touchait à la sanction en cas de détérioration ou de vol d’un défibrillateur. Il est dommage de ne pas se doter d’un arsenal qui permettrait de sévir contre celles et ceux qui, pour des raisons qui nous échappent toujours, viendraient à détériorer ce genre d’équipement.
Le groupe Les Républicains soutient et votera cette proposition de loi qui est de bon sens : je suis heureux qu’elle fasse consensus. Enfin, j’espère que vous saurez me dire où se trouvent les défibrillateurs au Palais-Bourbon.
Sourires.
La proposition de loi est adoptée.
Applaudissements sur tous les bancs.
Prochaine séance, le mardi 18 octobre 2016, à quinze heures :
- Questions au Gouvernement ;
- Explications de vote et vote par scrutin public sur le projet de loi de modernisation, de développement et de protection des territoires de montagne ;
- Discussion du projet de loi de finances pour 2017.
La séance est levée.
La séance est levée à dix-sept heures dix.
La Directrice du service du compte rendu de la séance
de l’Assemblée nationale
Catherine Joly