Intervention de Christian Eckert

Réunion du 21 septembre 2016 à 11h30
Mission d'information sur l'offre automobile française dans une approche industrielle, énergétique et fiscale

Christian Eckert, secrétaire d'état auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé du budget et des comptes publics :

Pardonnez-moi ce clin d'oeil régional…

Vous avez évoqué une « navigation à vue » ; au cours des dernières années, nous avons donné beaucoup plus de visibilité, notamment à la trajectoire de la contribution climat-énergie (CCE), communément appelée « taxe carbone », mais aussi à la question du rapprochement diesel-essence. Certes, il est toujours possible d'aller plus loin dans la visibilité, il n'empêche que nous avons posé des jalons importants sur lesquels je reviendrai.

Enfin, vous avez utilisé le terme de « progressivité ». Je donnerai un point de vue plus personnel, bien qu'assez largement partagé au sein du Gouvernement : l'idée de progressivité est importante car, si les enjeux environnementaux et économiques ne connaissent pas nécessairement la même échelle de temps — sujet qui pourrait nourrir de longs débats —, ils n'en nécessitent pas moins de la prévisibilité, mais aussi de la progressivité.

Cependant, avant d'en venir directement à la question de la fiscalité qui s'applique spécifiquement à la construction automobile, je souhaiterais brosser un panorama rapide de la fiscalité environnementale, sur laquelle nous avons beaucoup progressé depuis 2012.

La grande avancée, vous le savez, a été la contribution climat-énergie.

Alors que le précédent gouvernement avait échoué à mettre en place une taxe carbone, nous sommes parvenus, avec le Parlement, à prendre en compte le coût du carbone dans la consommation des énergies. Cette réforme a introduit une évolution des tarifs des trois taxes intérieures de consommation sur les énergies fossiles : la TICPE, la taxe intérieure de consommation sur le gaz naturel (TICGN) et la taxe intérieure de consommation sur les houilles, lignites et cokes (TICC), en prenant en compte, pour chaque produit énergétique, ses émissions en carbone selon une trajectoire intégrant une valeur de la tonne de carbone. Cette trajectoire est connue, elle a été votée : 7 euros par tonne en 2014, 14,5 euros par tonne en 2015, 22 euros en 2016. Elle sera de 30,5 euros l'année prochaine.

À travers la valeur du carbone, c'est au réchauffement climatique plus directement qu'à la qualité de l'air que la CCE a donné un prix. C'est une trajectoire ambitieuse. Elle suppose d'accepter que les automobilistes supportent, chaque premier janvier, une hausse de fiscalité de 2 centimes d'euro le litre pour l'essence, et de 2,5 centimes d'euro le litre pour le gazole. Ce qui contribue au rapprochement de la fiscalité entre les deux types de carburants.

Comme vous le savez, les recettes de la contribution climat-énergie permettent de financer les dépenses de transition énergétique. Depuis le 1er janvier 2016, un compte d'affectation spéciale dédié au sein du budget de l'État finance, grâce aux produits de la fiscalité énergétique, les avantages de tarif pour l'achat d'énergie renouvelable, pour un total de dépenses de l'ordre de 5 milliards d'euros par an. Cette réforme très structurante a été adoptée l'an dernier dans nos textes financiers.

L'autre réforme est celle qui a été votée contre la pollution de l'air pour engager la convergence progressive entre l'essence et le diesel. En 2015 demeurait un écart de taxation de 15,59 centimes d'euro par litre en faveur du diesel, ayant contribué à la « diésélisation » du parc automobile français. Avec le mouvement de « +1–1 » que nous avons fait adopter pour 2016 et pour 2017, nous amorçons un mouvement de convergence en six à sept ans. Ce qui s'intègre dans le cadre de la progressivité que j'ai précédemment évoquée. Nous avons estimé que ce signal était important pour nos industries dans la perspective d'une « dédiéselisation » du parc en France.

Se pose désormais, comme vous le savez, la question de la déductibilité de la TVA sur l'essence, qui sera certainement débattue au cours de l'automne. Le Gouvernement aura alors l'occasion d'indiquer dans quelle ampleur et à quel rythme il souhaite suivre les propositions qui ne manqueront pas de survenir à l'occasion de la discussion des textes budgétaires. En tout état de cause, il me semble que ce mouvement devra être pris en compte, et nous définirons le cadre de cette progressivité nécessaire pour laisser à chacun le temps de s'adapter. Ce sont bien les possesseurs d'anciens véhicules qui n'ont pas la possibilité d'en changer, ainsi que les industriels, qui sont les plus directement concernés ; c'est pourquoi il est essentiel de trouver le bon équilibre.

Dans le même temps, nous avons voulu encourager les biocarburants, en différenciant la fiscalité applicable au E 5 qui intègre moins de 5% de bioéthanol et le E l0 qui en intègre jusqu'à 10 %. Encourager les biocarburants, c'est réduire les émissions et utiliser une énergie renouvelable. C'était le deuxième « +1–1 » – au sein des essences, cette fois –, qui a été adopté en loi de finances rectificative. Les émissions polluantes sont par ailleurs soumises à la taxe générale sur les activités polluantes. Dix-huit substances y sont assujetties aujourd'hui, dont douze depuis 2013. Il s'agit d'une véritable imposition incitative, internalisant dans le coût privé des entreprises le coût social de la pollution de l'air.

Dans le domaine de la mobilité ensuite, outre le soutien au développement des infrastructures de transport collectif, qui contribue en longue période à la réduction des émissions de CO2, l'État intervient directement pour favoriser l'acquisition de véhicules propres au travers du dispositif de bonus-malus automobile, financé par un compte d'affectation spéciale dédié, pour un total d'environ 300 millions d'euros par an. Cet outil, initialement ciblé sur la pollution au CO2, a été complété en 2015 par un volet de lutte contre les particules fines, à travers une prime en faveur de la conversion des vieux véhicules diesel en véhicules propres. Cette prime, qui permet de bénéficier d'une aide totale de 10 000 euros pour l'acquisition d'un véhicule électrique, est reconduite pour toute l'année 2016 et le sera à nouveau en 2017 ; elle s'applique désormais aux vieux véhicules dès dix ans d'âge et non plus quinze ans.

À l'inverse, les véhicules polluants sont soumis au malus automobile, qui est une taxe assise sur le nombre de grammes de CO2 émis par kilomètre, ainsi qu'à la taxe additionnelle sur les certificats d'immatriculation reposant sur un barème par gramme de CO2 croissant selon les émissions du véhicule par kilomètre. Elle est due lors des renouvellements de certificats, donc lors des achats d'occasion. Le malus annuel ou à la taxe sur les véhicules de société tient également compte des émissions de polluants.

Ce dispositif de bonus-malus va évoluer en 2017 tout en conservant sa logique d'ensemble. Le bonus sera recentré sur les véhicules électriques qui en constituent le coeur de cible, ce qui signifie que le bonus pour les véhicules hybrides, qui avait progressivement diminué, sera éteint au 1er janvier 2017. Le bonus sera par ailleurs complété par un volet « deux-roues », dont les contours restent encore à affiner. Le barème du malus sera quant à lui revu, à la fois pour assurer l'équilibre financier du dispositif, qui est dans sa nature même, mais aussi pour aller plus loin dans l'objectif de mutation du parc automobile. Son rendement prévisionnel sera de l'ordre de 350 millions d'euros, soit le même que celui constaté en 2014 après la dernière réforme du malus. Le barème sera par ailleurs lissé pour plus de cohérence, en passant d'un malus par tranche de 5 grammes d'émission de CO2 à un malus par gramme d'émission de CO2. L'ensemble de ces éléments sera détaillé dans le projet de loi de finances qui sera présenté la semaine prochaine en conseil des ministres, puis, à midi, à votre commission des finances.

Enfin, je rappelle qu'il existe quatre taxes spécifiques, tenant compte des émissions de CO2 : le malus automobile, la taxe additionnelle sur les certificats d'immatriculation, le malus annuel, qui est une taxe annuelle sur la détention des véhicules les plus polluants, la taxe sur les véhicules de société, prévue à l'article 1010 du code général des impôts (CGI), qui comporte une part dépendant des émissions de CO2, et rapporte 750 millions d'euros.

Je vous propose maintenant de répondre à vos questions, dont certaines m'ont courtoisement été communiquées.

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