Mission d'information sur l'offre automobile française dans une approche industrielle, énergétique et fiscale

Réunion du 21 septembre 2016 à 11h30

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

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La réunion

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La séance est ouverte à onze heures trente.

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Mes chers collègues, nous recevons ce matin M. Christian Eckert, secrétaire d'État au budget.

Il était impossible, monsieur le ministre, de conclure nos travaux sans vous avoir entendu sur un sujet clé : celui de la fiscalité des carburants, avec en premier lieu la question du rattrapage progressif des niveaux de taxation entre le diesel et l'essence.

Je rappelle que la fiscalité des carburants est composée de trois éléments majeurs : la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE), qui a succédé à la taxe intérieure sur les produits pétroliers (TIPP) ; la TVA dont la récupération sur le diesel ou le superéthanol E 85 est permise à 100 % pour les véhicules utilitaires et à 80 % pour les véhicules particuliers des sociétés et la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP).

Depuis 2014, la TICPE intègre une composante carbone progressive et proportionnée aux émissions de CO2 des produits énergétiques.

À cet égard, on rappellera que les véhicules diesel sont moins émetteurs de CO2 que les véhicules essence, l'intégralité des auditions que nous avons conduites l'a confirmé, même si l'on doit mentionner qu'ils sont émetteurs d'autres polluants et notamment les oxydes d'azote (NOx).

Au moment où l'on peut penser que les arbitrages relatifs à la loi de finances pour 2017 ont tous été arrêtés, il paraît essentiel de connaître les termes du rééquilibrage à venir de la fiscalité entre l'essence et le diesel. Le principe de ce rééquilibrage est acté depuis la loi de finances rectificatives pour 2015.

Sur quel rythme, monsieur le ministre, ce rattrapage va-t-il être poursuivi ?

Il est juste de rappeler que sur la problématique générale de la fiscalité des carburants tous les gouvernements successifs ont en quelque sorte « navigué à vue ».

En 1998, le gouvernement de Lionel Jospin avait déjà laissé entrevoir un rééquilibrage de la taxation entre le diesel et l'essence, objectif qui avait d'ailleurs été abandonné.

On évoquera également un autre sujet sensible : celui de l'éventuelle ouverture du droit à une récupération, même partielle, de la TVA sur l'essence concernant les véhicules utilitaires ou professionnels.

Une tentative parlementaire en ce sens a été amorcée l'année dernière ; elle n'a pas reçu l'aval du Gouvernement.

La question reste pourtant entièrement posée. Car cette voie serait peut-être propice à l'accélération d'un renouvellement du parc : certains pensent qu'une telle mesure aurait pour effet de susciter des achats de véhicules essence de nouvelle génération donc moins polluants.

N'oublions pas que le marché français du véhicule neuf se caractérise désormais par un taux d'achats par des professionnels voisin de 50 %.

Il est évident que les considérations fiscales sont de puissants leviers pour rééquilibrer le parc automobile français que l'on présente, à tort ou à raison, comme « surdiésélisé ».

Monsieur le ministre, nous allons vous écouter attentivement au titre d'un exposé liminaire, puis les membres de la mission d'information, avec en premier lieu Delphine Batho, notre rapporteure, vous interrogeront à leur tour.

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Christian Eckert, secrétaire d'état auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé du budget et des comptes publics

Je souhaiterais tout d'abord réagir à quelques-unes des allusions contenues dans votre propos liminaire.

En premier lieu, les arbitrages relatifs aux textes financiers devant être présentés en fin d'année sont assez largement arrêtés, bien qu'un certain nombre de sujets demeurent ouverts pour la loi de finances rectificative. J'imagine que le Parlement apportera sa pierre à l'édifice, notamment sur les sujets que vous avez évoqués.

En second lieu, et je réagis au terme quelque peu provocateur que vous avez utilisé : en patois lorrain, on dirait que vous avez « chtiplé » ; peut-être le dit-on aussi en alsacien, madame Zimmerman…

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Cette expression n'existe pas en Alsace, on n'y « chtiple » jamais… (Sourires.)

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Christian Eckert, secrétaire d'état auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé du budget et des comptes publics

Pardonnez-moi ce clin d'oeil régional…

Vous avez évoqué une « navigation à vue » ; au cours des dernières années, nous avons donné beaucoup plus de visibilité, notamment à la trajectoire de la contribution climat-énergie (CCE), communément appelée « taxe carbone », mais aussi à la question du rapprochement diesel-essence. Certes, il est toujours possible d'aller plus loin dans la visibilité, il n'empêche que nous avons posé des jalons importants sur lesquels je reviendrai.

Enfin, vous avez utilisé le terme de « progressivité ». Je donnerai un point de vue plus personnel, bien qu'assez largement partagé au sein du Gouvernement : l'idée de progressivité est importante car, si les enjeux environnementaux et économiques ne connaissent pas nécessairement la même échelle de temps — sujet qui pourrait nourrir de longs débats —, ils n'en nécessitent pas moins de la prévisibilité, mais aussi de la progressivité.

Cependant, avant d'en venir directement à la question de la fiscalité qui s'applique spécifiquement à la construction automobile, je souhaiterais brosser un panorama rapide de la fiscalité environnementale, sur laquelle nous avons beaucoup progressé depuis 2012.

La grande avancée, vous le savez, a été la contribution climat-énergie.

Alors que le précédent gouvernement avait échoué à mettre en place une taxe carbone, nous sommes parvenus, avec le Parlement, à prendre en compte le coût du carbone dans la consommation des énergies. Cette réforme a introduit une évolution des tarifs des trois taxes intérieures de consommation sur les énergies fossiles : la TICPE, la taxe intérieure de consommation sur le gaz naturel (TICGN) et la taxe intérieure de consommation sur les houilles, lignites et cokes (TICC), en prenant en compte, pour chaque produit énergétique, ses émissions en carbone selon une trajectoire intégrant une valeur de la tonne de carbone. Cette trajectoire est connue, elle a été votée : 7 euros par tonne en 2014, 14,5 euros par tonne en 2015, 22 euros en 2016. Elle sera de 30,5 euros l'année prochaine.

À travers la valeur du carbone, c'est au réchauffement climatique plus directement qu'à la qualité de l'air que la CCE a donné un prix. C'est une trajectoire ambitieuse. Elle suppose d'accepter que les automobilistes supportent, chaque premier janvier, une hausse de fiscalité de 2 centimes d'euro le litre pour l'essence, et de 2,5 centimes d'euro le litre pour le gazole. Ce qui contribue au rapprochement de la fiscalité entre les deux types de carburants.

Comme vous le savez, les recettes de la contribution climat-énergie permettent de financer les dépenses de transition énergétique. Depuis le 1er janvier 2016, un compte d'affectation spéciale dédié au sein du budget de l'État finance, grâce aux produits de la fiscalité énergétique, les avantages de tarif pour l'achat d'énergie renouvelable, pour un total de dépenses de l'ordre de 5 milliards d'euros par an. Cette réforme très structurante a été adoptée l'an dernier dans nos textes financiers.

L'autre réforme est celle qui a été votée contre la pollution de l'air pour engager la convergence progressive entre l'essence et le diesel. En 2015 demeurait un écart de taxation de 15,59 centimes d'euro par litre en faveur du diesel, ayant contribué à la « diésélisation » du parc automobile français. Avec le mouvement de « +1–1 » que nous avons fait adopter pour 2016 et pour 2017, nous amorçons un mouvement de convergence en six à sept ans. Ce qui s'intègre dans le cadre de la progressivité que j'ai précédemment évoquée. Nous avons estimé que ce signal était important pour nos industries dans la perspective d'une « dédiéselisation » du parc en France.

Se pose désormais, comme vous le savez, la question de la déductibilité de la TVA sur l'essence, qui sera certainement débattue au cours de l'automne. Le Gouvernement aura alors l'occasion d'indiquer dans quelle ampleur et à quel rythme il souhaite suivre les propositions qui ne manqueront pas de survenir à l'occasion de la discussion des textes budgétaires. En tout état de cause, il me semble que ce mouvement devra être pris en compte, et nous définirons le cadre de cette progressivité nécessaire pour laisser à chacun le temps de s'adapter. Ce sont bien les possesseurs d'anciens véhicules qui n'ont pas la possibilité d'en changer, ainsi que les industriels, qui sont les plus directement concernés ; c'est pourquoi il est essentiel de trouver le bon équilibre.

Dans le même temps, nous avons voulu encourager les biocarburants, en différenciant la fiscalité applicable au E 5 qui intègre moins de 5% de bioéthanol et le E l0 qui en intègre jusqu'à 10 %. Encourager les biocarburants, c'est réduire les émissions et utiliser une énergie renouvelable. C'était le deuxième « +1–1 » – au sein des essences, cette fois –, qui a été adopté en loi de finances rectificative. Les émissions polluantes sont par ailleurs soumises à la taxe générale sur les activités polluantes. Dix-huit substances y sont assujetties aujourd'hui, dont douze depuis 2013. Il s'agit d'une véritable imposition incitative, internalisant dans le coût privé des entreprises le coût social de la pollution de l'air.

Dans le domaine de la mobilité ensuite, outre le soutien au développement des infrastructures de transport collectif, qui contribue en longue période à la réduction des émissions de CO2, l'État intervient directement pour favoriser l'acquisition de véhicules propres au travers du dispositif de bonus-malus automobile, financé par un compte d'affectation spéciale dédié, pour un total d'environ 300 millions d'euros par an. Cet outil, initialement ciblé sur la pollution au CO2, a été complété en 2015 par un volet de lutte contre les particules fines, à travers une prime en faveur de la conversion des vieux véhicules diesel en véhicules propres. Cette prime, qui permet de bénéficier d'une aide totale de 10 000 euros pour l'acquisition d'un véhicule électrique, est reconduite pour toute l'année 2016 et le sera à nouveau en 2017 ; elle s'applique désormais aux vieux véhicules dès dix ans d'âge et non plus quinze ans.

À l'inverse, les véhicules polluants sont soumis au malus automobile, qui est une taxe assise sur le nombre de grammes de CO2 émis par kilomètre, ainsi qu'à la taxe additionnelle sur les certificats d'immatriculation reposant sur un barème par gramme de CO2 croissant selon les émissions du véhicule par kilomètre. Elle est due lors des renouvellements de certificats, donc lors des achats d'occasion. Le malus annuel ou à la taxe sur les véhicules de société tient également compte des émissions de polluants.

Ce dispositif de bonus-malus va évoluer en 2017 tout en conservant sa logique d'ensemble. Le bonus sera recentré sur les véhicules électriques qui en constituent le coeur de cible, ce qui signifie que le bonus pour les véhicules hybrides, qui avait progressivement diminué, sera éteint au 1er janvier 2017. Le bonus sera par ailleurs complété par un volet « deux-roues », dont les contours restent encore à affiner. Le barème du malus sera quant à lui revu, à la fois pour assurer l'équilibre financier du dispositif, qui est dans sa nature même, mais aussi pour aller plus loin dans l'objectif de mutation du parc automobile. Son rendement prévisionnel sera de l'ordre de 350 millions d'euros, soit le même que celui constaté en 2014 après la dernière réforme du malus. Le barème sera par ailleurs lissé pour plus de cohérence, en passant d'un malus par tranche de 5 grammes d'émission de CO2 à un malus par gramme d'émission de CO2. L'ensemble de ces éléments sera détaillé dans le projet de loi de finances qui sera présenté la semaine prochaine en conseil des ministres, puis, à midi, à votre commission des finances.

Enfin, je rappelle qu'il existe quatre taxes spécifiques, tenant compte des émissions de CO2 : le malus automobile, la taxe additionnelle sur les certificats d'immatriculation, le malus annuel, qui est une taxe annuelle sur la détention des véhicules les plus polluants, la taxe sur les véhicules de société, prévue à l'article 1010 du code général des impôts (CGI), qui comporte une part dépendant des émissions de CO2, et rapporte 750 millions d'euros.

Je vous propose maintenant de répondre à vos questions, dont certaines m'ont courtoisement été communiquées.

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Merci, monsieur le ministre, pour ces informations, particulièrement pour la communication d'un certain nombre d'arbitrages arrêtés par le Gouvernement au sujet du bonus-malus dans le cadre du projet de loi de finances pour 2017.

S'agissant de la convergence entre l'essence et le diesel, vous avez rappelé qu'elle était engagée, et devait s'étaler sur six ou sept ans : ce comput commence-t-il à l'année 2015 ?

En termes de recettes fiscales, le rendement de cette convergence ne fait pas l'objet d'un compte d'affectation spécial : vers quoi a-t-il été orienté ? On se souvient que, la première année, il avait pour partie compensé l'abandon de la taxe carbone ?

Ainsi que vous l'avez implicitement souligné, nous sommes confrontés au fléau de la pollution urbaine. Toutefois, les usagers ayant le plus besoin de leur véhicule au quotidien résident dans les territoires ruraux ; il y a là une source d'inégalités sociales et territoriales. De ce fait, tous les Français ne sont pas également exposés à la hausse de cette fiscalité sur le diesel. Dès lors, considérez-vous que des contreparties devraient être apportées ?

Mon interrogation porte particulièrement sur la façon dont la suite de la convergence entre l'essence et le diesel se répercutera ou non sur le barème kilométrique.

Le point de départ des travaux de notre mission d'information a été le scandale Volkswagen, même si les NOx étaient plus concernés que le CO2, je souhaite vous poser une question de principe. Si, à l'avenir, des informations sur lesquelles l'État se serait fondé pour l'attribution de bonus à certaines catégories de véhicules se révélaient fausses, l'État est-il aujourd'hui juridiquement et techniquement en mesure d'exiger le remboursement de ces bonus ? Le sujet me paraît très important au regard de l'effort fourni par les pouvoirs publics en faveur du déploiement de véhicules plus propres.

Par ailleurs, je souhaiterais savoir sur quels critères de performance écologique se base l'extinction de l'attribution du bonus aux véhicules hybrides. Les travaux conduits par notre mission d'information ont mis en évidence la tendance de fond à la généralisation de diverses formes d'hybridation ; une étude d'impact a-t-elle été menée à ce sujet ?

Certes, le véhicule « zéro émissions » et le véhicule électrique doivent être encouragés, mais le fait que chaque année les règles du jeu du bonus-malus changent n'est-il pas déstabilisant au point de vue industriel ? L'importance des signaux — les drivers en anglais — donnés par les pouvoirs publics ne saurait être méconnue.

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Christian Eckert, secrétaire d'état auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé du budget et des comptes publics

S'agissant de l'affectation des produits de mouvements de fiscalité, notamment le « +1–1 », celui-ci est de l'ordre de 250 à 300 millions d'euros par an. Dans la mesure où les véhicules diesel sont plus nombreux que les véhicules à essence, augmenter la fiscalité pesant sur le diesel tout en diminuant celle qui pèse sur l'essence produit du rendement aussi longtemps que les premiers demeurent majoritaires.

À l'occasion de la discussion du projet de loi de finances pour 2016, et le Gouvernement l'avait clairement indiqué, nous avions adopté cette disposition — qui, certes n'a rien à voir, mais l'exercice budgétaire consiste en la présentation d'un équilibre global — qui finançait la mesure de retour à l'exonération d'impôts locaux d'un certain nombre de contribuables de condition modeste. Le public visé, que certains appellent les « petits vieux », représentait les contribuables exonérés jusqu'alors, et qui ne l'étaient plus du fait de l'augmentation du revenu fiscal de référence dû à l'inclusion dans l'assiette de prélèvement de la demi-part des veuves, les majorations de pensions notamment.

Encore une fois, il s'agissait de garantir l'équilibre du budget entre le moment de sa présentation et son état après le débat au Parlement.

Le Gouvernement entend conserver ce rythme de « +1–1 » par an, sachant que la progression de la contribution climat-énergie représente un demi-centime de rapprochement.

L'inégalité existant entre le secteur urbain et le secteur rural a fait l'objet de bien des débats et a constitué, pour des raisons d'ordre constitutionnel, la principale source de difficulté pour les gouvernements précédents dans la mise en place de la taxe carbone.

Il me semble qu'il convient d'éviter les questions trop complexes ; certains de nos dispositifs fiscaux le sont déjà, d'aucuns disent qu'ils le sont trop. Aussi établir des distinctions entre secteur rural, secteur de montagne, secteur urbain, tout en voulant prendre en compte les situations locales des transports collectifs ne pourrait que nous conduire à des difficultés de mise en oeuvre incommensurables. De fait, le secteur de montagne connaît une situation bien particulière, et ce type de dispositions ne manque jamais de connaître des zones intermédiaires. Le Parlement se déterminera, mais je ne souhaite pas m'engager dans des distinguos dont l'application comporterait trop de difficultés.

Notre administration étudie de près la question du barème kilométrique ; le barème usuel est fondé sur le type de véhicule concerné. Les contribuables n'optant pas pour ce barème kilométrique, des salariés ou certains professionnels, peuvent évaluer les frais de carburant d'après un barème « carburant » correspondant au prix réel.

Ce barème évolue chaque année en fonction de plusieurs paramètres, dont l'évolution de l'indice des prix à la consommation (IPC) et l'évolution des prix hors tabac. Pour mémoire, l'évolution du barème en fonction de l'évolution des prix hors tabac a été retenue au cours de la campagne précédente : faut-il faire évoluer ce dispositif ? Le Parlement en débattra.

Les contribuables qui optent pour ce régime pourront donc effectivement obtenir une compensation partielle de l'augmentation du prix du diesel résultant de la hausse de ce carburant sous l'effet du rattrapage entre l'essence et le diesel si le premier, frais réels, ou le second barème est choisi. Seul le maintien du barème de l'année précédente ou le choix d'un renchérissement d'un élément extérieur n'entrant pas dans le calcul de l'indice retenu permettraient d'éviter cette compensation.

Dans la pratique, le nombre de personnes optant pour les frais réels est relativement stable sur les trois dernières campagnes : 5,7 millions pour les revenus 2015, 5,5 millions pour les revenus 2014, 5,5 millions pour les revenus 2013. Nous n'observons donc pas de rupture de tendance qui traduirait un contournement de la mise en oeuvre de la contribution climat-énergie…

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Christian Eckert, secrétaire d'état auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé du budget et des comptes publics

Peut-être faudra-t-il que nous en reparlions. J'avais cru comprendre que l'évolution de la fiscalité, compte tenu du recours au barème kilométrique, pouvait donner lieu à contournement puisque le régime des frais réels permettait de déduire plus qu'auparavant.

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La question portait plutôt sur la neutralisation quasi automatique, du fait de l'application du barème kilométrique, de l'incidence sur le pouvoir d'achat de la convergence entre l'essence et le diesel.

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Christian Eckert, secrétaire d'état auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé du budget et des comptes publics

Il s'agit là d'un mécanisme d'assiette ; le taux d'imposition du revenu n'est heureusement pas de 100 % ; 95 % des contribuables sont imposés à un taux inférieur à 10 %, aussi l'impact de la mesure d'augmentation des frais réels n'est-il que de 10 %.

S'agissant de ce que l'on appelle le « scandale Volkswagen », qui concerne les constructeurs défaillants, vous n'ignorez pas qu'une enquête de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) est en cours.

Une fois ses conclusions connues, deux difficultés s'opposeront à un redressement des groupes automobiles concernés.

Le redevable légal des taxes est le propriétaire de la voiture, alors que le fautif est le constructeur ; or il est inconcevable de pénaliser un particulier du fait de la faute d'un fabricant. Par ailleurs, les documents pris en référence pour le calcul de ces taxes sont les documents initiaux fournis par le constructeur. Il faudrait alors virtuellement reconstituer les documents de départ, notamment le certificat d'immatriculation, ce qui sera difficile ; toutefois, cette question a déjà été étudiée.

L'intention du Gouvernement est d'engager une action en responsabilité et pour faute contre les fabricants, à raison du préjudice causé par le manque à gagner fiscal. Il n'y aura ni complaisance ni sévérité particulière, mais l'application d'un juste retour à la responsabilité des constructeurs. Cette action que nous envisageons doit rassurer les particuliers, j'ai lu tout ce qui s'est écrit à ce sujet, le préjudice ne porte pas que sur le bonus-malus, etc. : il porte aussi sur la revente rendue plus difficile de véhicules qui auraient été grevés par des documents non conformes à la réalité des faits.

Nos services juridiques, comme ceux d'autres ministères, conduisent une analyse juridique, et le Gouvernement a fermement l'intention d'engager ce type d'actions lorsque l'enquête de la DGCCRF sera achevée.

En réponse à votre question portant sur les bonus attribuables aux véhicules hybrides, j'indiquerai que nous souhaitons concentrer les aides publiques sur les véhicules les moins polluants que sont les véhicules électriques et les véhicules hybrides rechargeables. Le bonus significatif attribué aux véhicules hybrides rechargeables sera maintenu ; cette évolution est progressive, et ce bonus a diminué au cours des dernières années, il n'y aura donc pas de surprise, car cette tendance a été annoncée.

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J'ai noté, monsieur le ministre, que vous vous donniez cinq à sept ans pour réaliser la convergence entre l'essence et le diesel. Je vous suis par ailleurs reconnaissante d'avoir été attentif l'an dernier à nos préoccupations car, si certains constructeurs n'ont pas pleinement respecté les normes, d'autres ont fourni des efforts considérables ainsi qu'un extraordinaire travail de recherche. La compétitivité ainsi acquise dans le secteur du diesel était dès lors susceptible de nourrir des inquiétudes au regard d'une éventuelle convergence.

S'agissant de la dédiéselisation de notre parc automobile, pouvez-vous nous indiquer en combien d'années celle-ci est envisagée ?

Je rappelle que ce sont les pouvoirs publics qui avaient demandé aux constructeurs de fournir un effort extraordinaire, et ceux-ci ont adapté leurs outils de fabrication aux moteurs diesel. Or, aujourd'hui, on rétropédale pour parler de dédiéselisation. Aussi, souhaiterais-je obtenir quelques précisions, car les perspectives de cette reconversion semblent plus éloignées dans le temps. À cet égard, dans ma circonscription, la société PSA se livre à un travail considérable afin de changer ses outils de fabrication, car l'arrivée du moteur électrique lui ouvre de nouveaux horizons.

En résumé, que signifie concrètement le terme de dédiéselisation ? En combien d'années est-il prévu qu'elle soit conduite ? Est-ce vraiment la politique qui sera menée par les pouvoirs publics ?

On observe que, dans d'autres pays, les moteurs diesel sont des moteurs propres. Trop souvent, on raisonne sur des moteurs dont l'âge est très avancé, or les travaux de la mission d'information ont montré que les industriels ont recouru à des techniques permettant l'adaptation de ces moteurs. Une réflexion est-elle conduite à ce sujet afin de conduire le parc existant à son terme ?

Lorsque les travaux d'adaptation du parc automobile sont évoqués, l'accent est souvent mis sur les transports en commun car, le ferroutage mis à part, les transports comme les poids lourds et les autobus sont source d'une pollution au moins équivalente. Une réflexion est-elle conduite à ce sujet ?

Enfin, des recherches suffisantes sont-elles menées dans le domaine de l'hydrogène ainsi que sur d'autres carburants susceptibles, à terme, de compléter notre panoplie de véhicules ? En effet, des efforts restent à faire en matière de véhicules électriques, qui concernent les batteries, les freins et les pneus.

Etant donné qu'il n'existe pas de véhicules propres par définition, quelles sont vos perspectives s'agissant de l'évolution du parc automobile ?

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Nous constatons effectivement l'impact de la fiscalité sur les moyens de transport ; la dédiéselisation ne s'est pas faite en un jour, et le cap de 50 % de véhicules à essence a été franchi : ils sont désormais majoritaires dans notre pays.

Ce que j'ai entendu aujourd'hui me convient, mais je rappelle que nos constructeurs, à l'époque, ont lourdement investi dans le diesel ; ils sont déjà engagés dans une autre démarche, aussi convient-il de leur laisser le temps nécessaire. Le site historique Peugeot-Citroën de Sochaux se trouve dans ma circonscription, et le véhicule hybride diesel-essence représente des emplois et des gens gagnant leur vie en fabriquant des véhicules. Il ne faudrait donc pas créer de situations difficiles aux industriels présents sur notre territoire, qu'il s'agisse de Renault, Citroën ou Peugeot.

Il conviendra donc d'adapter le rythme d'évolution de cette fiscalité, qui devra être rééquilibrée entre l'essence et le diesel.

Le centre industriel Peugeot Scooters, lui aussi implanté dans ma circonscription, a réalisé des progrès extraordinaires dans le secteur des véhicules deux-roues et trois-roues, tant dans le domaine de la sécurité que dans celui de la performance environnementale.

Dans la mesure où l'on soutient le véhicule hybride rechargeable et le véhicule électrique, pourquoi ne pas soutenir ce moyen de transport intéressant, susceptible de diminuer les embouteillages de façon conséquente, y compris sur les autoroutes, et répondant aux normes environnementales ? Il serait donc très intéressant de soutenir la filière du deux-roues et du trois-roues par un dispositif de bonus ; aussi souhaiterais-je connaître l'état d'avancement de votre réflexion sur ce sujet.

Au risque d'excéder le cadre de cette réunion, je souhaite évoquer le transport du fret : dans ma circonscription, comme Mme Zimmermann l'a évoqué, nous avons mis un terme à la taxation ainsi qu'à l'utilisation des portiques. Je suis surpris de constater, et cela vaut aussi à l'échelon européen, que, malgré les véhicules aujourd'hui connectés et les transports routiers traçables, nous ne sommes pas capables de facturer le vrai prix du transport par route. Ceci permettrait de rééquilibrer le poids du transport routier par rapport au transport ferroviaire. Avec ces moyens, nous pourrions assurer la traçabilité des transports routiers dans toute l'Europe, sujet qui concerne l'entreprise Alstom située très près de chez moi, et qui fait l'actualité aujourd'hui.

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Je souhaiterais connaître la position du Gouvernement sur les nouveaux usages comme le véhicule sans conducteur. On sait qu'ils nécessitent une infrastructure adaptée : des routes relativement homogènes, des carrefours et, plus généralement, tout ce qui est propre au développement de ce type de moyens de transport afin que leurs performances nouvelles produisent tous les effets attendus sur l'environnement et le coût du transport.

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Christian Eckert, secrétaire d'état auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé du budget et des comptes publics

Je vous remercie pour ces questions. Toutefois, je rappelle que vous avez devant vous le secrétaire d'État au budget, compétent sur les questions à caractère fiscal. Malgré ma formation scientifique poussée et mon enracinement dans une région, la Lorraine, qui concentre beaucoup de constructeurs automobiles ainsi qu'un important centre de recherches sur le stockage de l'hydrogène — un sujet qui, à titre personnel, me passionne —, je ne suis pas habilité à m'exprimer au nom du Gouvernement sur des sujets concernant le transport en général… Mme Royal, MM. Vidalies et Sirugue seraient plus à même que moi pour parler au nom du Gouvernement de ces questions lourdes de conséquences pour l'avenir.

J'ai évoqué la dédiéselisation ; beaucoup de nos industries sont conduites à connaître des mutations représentant le contraire de ce qu'on leur a demandé de faire il y a une ou plusieurs décennies. L'agriculture même est concernée par un questionnement sur son modèle de développement, comme l'a été la sidérurgie ; et il est vrai que l'industrie automobile a suivi une orientation impulsée par les pouvoirs publics.

J'ai rencontré des constructeurs automobiles, et les inflexions nouvelles, sous la réserve de leur mise en oeuvre progressive, ne les conduisent pas à rejeter en bloc cette évolution. Cela a pu être le cas lorsque des évolutions plus brutales avaient été annoncées par les uns ou par les autres. Aujourd'hui, les choses se font dans la transparence et la concertation, selon un rythme prenant en compte les intérêts respectifs de chacun, et en observant les échelles de temps nécessaires aussi bien aux questions de pollution et de santé, qui sont évidemment essentielles, qu'aux questions économiques qui sont également importantes.

Le dialogue a eu lieu entre le Gouvernement et les constructeurs automobiles, qui ne semblent pas être alarmés par ce qui a été arrêté. C'est pourquoi nous souhaitons leur donner une certaine visibilité, à travers une fourchette temporelle qui, toutefois, devra prendre en compte les résultats des travaux parlementaires et les enseignements de la médecine. De fait, il n'est pas choquant que, à la lumière de l'expérience acquise au cours de la mise en oeuvre de la dédiéselisation et de ses conséquences, alors que nous disposons aujourd'hui du recul nécessaire sur le diesel, la communauté française prenne conscience de la nécessité de donner une impulsion inverse à celle qui avait lancé ce type de motorisation – ce qui ne dispense pas d'observer les précautions que j'ai évoquées.

S'agissant des transports en commun, question qui, elle aussi, relève d'autres ministères, j'ai été amusé de lire dans un journal local que des élus reconnaissaient qu'il valait parfois mieux un autocar bien rempli qu'un train quasi vide. Ces élus, qui sont aussi animés par des préoccupations environnementales, admettent qu'il peut être préférable de recourir au transport par bus car, après tout, le train, à travers le matériel roulant et les infrastructures, produit aussi du carbone ; pour ma part, je demeure partisan de la multimodalité.

Par ailleurs, à titre personnel, je crois en l'avenir de l'hydrogène ; je connais la problématique du stockage de ce carburant ainsi que la nécessité de son développement comme de celui de l'énergie électrique qu'il induit. Cela permettrait de réguler l'utilisation des énergies renouvelables en stockant cette électricité par exemple, afin d'y recourir pour lisser les pics de production, quand bien même les véhicules à hydrogène sont aujourd'hui au stade expérimental.

Toutefois, il faudra peut-être, le cas échéant, réfléchir à la fiscalité, domaine qui constitue pour moi un sujet de réflexion quotidien ; bien qu'abondamment critiquée, la fiscalité produit une recette. L'exercice connaît toutefois ses limites : entre la fiscalité incitative, la fiscalité coercitive ou l'interdiction, il convient de tracer des frontières et d'être conscient que la fiscalité ne peut pas tout.

Il se trouve que je connais personnellement l'entreprise Peugeot Scooters, qui est désormais un peu moins Peugeot, car vendue récemment, et je sais, monsieur Barbier, que, comme nous tous, vous êtes attaché au maintien de sa production en France. Il est vrai que le scooter peut constituer une alternative intéressante, pour laquelle je répète que nous présenterons un certain nombre de dispositions ; ma collègue ministre chargée de l'environnement doit d'ailleurs recevoir le patron de cette entreprise dans les prochains jours. Nous ne serons probablement pas prêts pour présenter ces mesures dans le cadre du projet de loi de finances pour 2017 ; en revanche nous serons en mesure de le faire en loi de finances rectificative.

S'agissant du fret ferroviaire, consistant à transporter des camions par le rail, les expériences tentées n'ont pas toujours été concluantes, les grandes lignes de fret mises en place entre le Nord-Est et le Sud-Ouest n'ayant pas fait la preuve de leur fécondité. Je crois beaucoup aux possibilités de ce mode de transport pour l'avenir, mais il nous appartient de pousser plus avant la réflexion.

Par ailleurs, madame la présidente, j'avoue n'avoir guère d'éléments à vous apporter au sujet du véhicule sans conducteur ; je pense que vous pourriez utilement interroger mes collègues. En tout état de cause, il n'existe pas aujourd'hui de dispositions fiscales attachées à ce type de véhicules.

Enfin, je n'ignore pas – je pense que Madame Batho va aborder le sujet – que certains s'interrogent sur la recherche en général, et plus particulièrement sur le crédit d'impôt recherche (CIR) ; j'imagine que nous aurons l'occasion d'y revenir.

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S'agissant de la déductibilité de la TVA sur l'essence, vous avez laissé entendre, monsieur le ministre, que la mission d'information ferait certainement des propositions précises sur cette question.

Vous avez par ailleurs indiqué, et c'est important, que l'État aurait la possibilité d'engager une action en responsabilité pour faute contre les constructeurs automobiles. Pouvez-vous préciser si cette action envisagée est bien liée à la question de l'obtention du remboursement de bonus ayant été indument attribués ou si votre propos concernait le cas plus général de tromperie des consommateurs ? Le barème sur lequel l'établissement du bonus était jusqu'à présent établi reposant essentiellement sur un critère d'émission de CO2, sommes-nous outillés pour engager une action en responsabilité pour faute portant sur les émissions de NOx à l'encontre des fabricants ?

En outre, les perspectives d'un bonus attribué aux deux-roues ne manqueront pas de s'inscrire dans le contexte de la révolution, évoquée par Mme la présidente, que constituera l'avènement du véhicule autonome notamment. Nous serons alors conduits à nous interroger sur nos catégories, ce qui sera le cas pour la définition du deux-roues ; car les objets roulants excédant les législations et réglementations jusque-là appliquées seront toujours plus nombreux.

Tous les acteurs de la filière automobile entendus par la mission d'information ont considéré que le CIR était indispensable au maintien en France des centres de recherche et développement. Je rappelle que le secteur automobile représente le premier secteur de la recherche privée dans notre pays, alors qu'il n'est pas le premier bénéficiaire du CIR. Je n'ignore pas que ce dispositif a fait l'objet de nombreux travaux, et a France le défend d'ailleurs à Bruxelles afin qu'il ne soit pas considéré comme une aide d'État. Toutefois, ne serait-il pas possible que le CIR vienne soutenir encore plus les filières industrielles confrontées à de multiples révolutions simultanées cumulant les enjeux écologiques, l'avènement du big data et du numérique dans le secteur de l'automobile ainsi que le bouleversement des usages ? Ces perspectives appellent de fait un effort de recherche et développement sans précédent.

Permalien
Christian Eckert, secrétaire d'état auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé du budget et des comptes publics

S'agissant de la déductibilité de la TVA, j'attends d'avoir connaissance de vos propositions, que nous confronterons avec celles du Gouvernement, mon idée dominante étant celle de la progressivité.

Par ailleurs, une fois les résultats de l'enquête conduite par la DGCCRF connus, nous avons l'intention d'engager une action en responsabilité pour faute en raison du manque à gagner fiscal, sans préjuger d'autres préjudices sur lesquels nous pourrions nous fonder.

En revanche, je ne partage pas votre point de vue sur le CIR qui, dans la mesure où il est universel et s'adresse indifféremment à toutes les entreprises, ne fait précisément pas l'objet de recours contentieux européens. Si nous souhaitions le limiter à certains secteurs industriels ou le renforcer pour d'autres, nous encourrions le risque d'un contentieux au titre des aides d'État. Aussi, quand bien même cette possibilité peut paraître séduisante sur un plan intellectuel, économique ou environnemental, ne souhaité-je pas que nous nous engagions dans cette voie.

Depuis quelques années, je me suis arc-bouté pour que l'on ne touche pas au crédit d'impôt recherche, singulièrement à son ciblage — et certains nous en font le reproche. D'aucuns considèrent que certaines entreprises éligibles n'en ont pas besoin ; d'autres souhaiteraient que son cumul avec le CICE ou d'autres dispositifs, tel le calcul par filiales ou par groupes, soit limité. À chaque lecture des lois de finances, à l'occasion de l'examen de chaque texte financier, des discussions s'engagent sur ce point.

Pour des raisons de lisibilité, de stabilité et de sécurisation juridique, particulièrement sur le plan européen, je souhaite que ce dispositif soit conservé en l'état, sans être modifié ni dans un sens limitatif ni dans le sens d'un renforcement au profit de certaines filières. Dans le cas contraire, il est probable que nous rencontrions des difficultés avec nos interlocuteurs.

La séance est levée à douze heures vingt-cinq.