Intervention de Michel Sapin

Séance en hémicycle du 18 octobre 2016 à 15h00
Projet de loi de finances pour 2017 — Présentation

Michel Sapin, ministre de l’économie et des finances :

La dette publique ne cessait de s’accroître, nos entreprises étaient en grande difficulté – souvenez-vous de l’avalanche des plans sociaux – et le pouvoir d’achat, surtout celui des plus démunis, était au point mort.

Il est important de rappeler cette situation initiale, non pas pour nous exonérer de responsabilités, mais pour que chacun ait conscience qu’à notre arrivée au pouvoir en 2012, il n’y avait pas de choix faciles à faire : il y avait uniquement des choix responsables et exigeants. Je crois pouvoir dire que ces choix, nous les avons faits et nous pouvons les assumer.

Durant ces cinq années, nous nous sommes efforcés de mettre en oeuvre une stratégie économique de progrès et cohérente, qui a reposé avec constance sur trois piliers : le rétablissement des comptes publics, réalisé à travers une maîtrise dans la durée de nos dépenses ; le renforcement de la compétitivité de nos entreprises, afin que celles-ci, de nouveau, créent des emplois et investissent ; la justice sociale, enfin, car c’est l’essence d’une politique économique de progrès que de renforcer le pouvoir d’achat et d’accroître la protection des plus démunis et des classes moyennes.

C’est également sur cette base que nous avons construit ce budget pour 2017, à savoir l’ensemble constitué par le projet de loi de finances, que nous examinons aujourd’hui, et par le projet de loi de financement de la sécurité sociale, que vous examinerez dès la semaine prochaine – ces deux textes étant, comme chacun le sait, étroitement articulés et dépendants l’un de l’autre.

Je vous en rappelle brièvement les grandes lignes. À partir d’une hypothèse de croissance de 1,5 % en 2017, ce budget prévoit une réduction du déficit à 2,7 % l’an prochain, après 3,3 % cette année. Ce retour sous le seuil des 3 % permettra – d’aucuns diront « enfin » – à la dette publique de se stabiliser et même de légèrement refluer à 96 % du PIB.

J’entends dire ici ou là que ce serait un budget électoraliste, c’est-à-dire construit en fonction d’une échéance électorale. C’est faux. Ce budget, qui est d’abord un budget sérieux et sincère, financera nos priorités et déploiera les moyens nécessaires à leur réalisation. Il mettra enfin en oeuvre de grandes réformes, qui conforteront dans les années à venir le pays sur la voie du progrès.

Certains doutent – nous les avons entendus cet après-midi encore – de la sincérité de notre projet. Les spécialistes de droit constitutionnel et de droit des finances publiques ici présents le savent : le mot « sincérité » a une signification clairement établie dans notre langage législatif. Le principe de sincérité budgétaire, établi par la loi organique relative aux lois de finances, la LOLF, interdit – ce qui est nécessaire – à l’État français de chercher manifestement à biaiser les grandes lignes de l’équilibre qu’il présente dans la loi de finances. C’est le Conseil constitutionnel qui est seul juge en la matière. J’aimerais donc que chacun exerce de la retenue dans le choix des mots qu’il utilise pour décrire, voire critiquer, ce qui est tout à fait légitime en démocratie, ce projet de loi de finances.

Se fixer des objectifs ambitieux de réduction des déficits n’entache en rien la sincérité du projet que nous vous présentons. Un budget sincère est un budget qui tient compte de l’ensemble des informations disponibles : c’est bien notre approche, au stade de la présentation du projet de loi de finances et tout au long du débat, pour opérer le cas échéant, comme nous le faisons chaque année, les ajustements nécessaires.

Cela étant dit, je peux tout à fait comprendre les interrogations sur notre prévision de croissance. C’est pourquoi j’aimerais fournir quelques éléments d’explication. Pour construire ce budget, nous avons retenu une hypothèse de croissance de 1,5 % en 2016 et en 2017. C’est exactement celle du programme de stabilité d’avril dernier, tel qu’il a été discuté par votre assemblée. Au printemps, cette prévision était jugée excessivement prudente par la plupart des analystes, qui tablaient sur une croissance de l’ordre de 1,6 % à 1,7 % en 2016.

Plusieurs événements de nature exceptionnelle se sont alors produits en France : d’abord les grèves qui, à la suite des manifestations contre la loi travail, ont perturbé durant quelques semaines la production industrielle ; ensuite les attentats terroristes de l’été, qui ont pesé sur la consommation des ménages et sur le tourisme, sans oublier, à l’étranger, les résultats du référendum britannique. Ces événements ont malheureusement bien eu un impact négatif, bien que ponctuel, sur notre activité.

Face à ces vents contraires, nous avons décidé de maintenir l’hypothèse de 1,5 % pour cette année et l’an prochain. Pourquoi ? Tout d’abord, parce qu’un budget se bâtit sur la stabilité. Si nous devions changer nos hypothèses à chaque fois qu’une enquête de conjoncture est publiée, nous ne nous en sortirions jamais. Deuxièmement, ces facteurs temporaires ne remettent pas en cause la dynamique sous-jacente de reprise qui est la nôtre depuis l’an dernier : l’investissement repart franchement et, surtout, chacun le sait, les créations nettes d’emploi dans le secteur privé sont largement positives, ce qui permet de faire baisser notre taux de chômage sous la barre des 10 %. Les enquêtes de confiance les plus récentes indiquent que la reprise se consolide et confortent notre hypothèse pour 2017.

Enfin, et c’est le plus important, même si nous perdions un ou deux dixièmes de croissance en 2016 par rapport à notre prévision initiale, cela ne remettrait en rien en cause notre objectif de déficit, ni pour cette année ni pour l’année prochaine. Les données disponibles à ce stade de l’année le confirment : les rentrées fiscales et les dépenses constatées sont parfaitement en ligne avec notre engagement de tenir le déficit à 3,3 % cette année. Personne, aujourd’hui, ne met en cause cet objectif, qui était – c’est aussi cela la démocratie – très durement disputé l’année dernière à la même période.

À tous ceux qui doutent de notre sincérité, j’aimerais rappeler que, lorsque Christian Eckert et moi-même sommes arrivés au ministère des finances en 2014, nous n’avons pas hésité à mener une « opération vérité ». Face à une situation qui s’annonçait difficile, nous avons revu nos hypothèses de croissance et de réduction du déficit, car elles n’étaient pas tenables. Nous n’aurions pas hésité à le faire de la même manière cette année si la situation l’avait exigé. Tel n’est cependant pas le cas, et nous tiendrons nos engagements en 2016 et en 2017.

J’aimerais maintenant en venir à l’essentiel, c’est-à-dire au contenu de ce projet de budget. On se perd trop souvent en polémiques de dernière minute sur telles ou telles mesures qui font les gros titres des journaux : un budget, c’est avant tout un cap pour l’année qui vient et les années suivantes. Ce projet de budget pour 2017 s’est fixé des priorités claires et de progrès, pour lesquelles nous avons décidé de dégager des moyens importants.

D’abord, nous creusons le sillon des grandes orientations progressistes que nous nous sommes données depuis le début du quinquennat. Ce budget mettra en oeuvre plusieurs mesures qui poursuivront notre action en faveur du pouvoir d’achat des plus démunis et des classes moyennes. Une quatrième baisse consécutive de l’impôt sur le revenu est inscrite dans ce projet de loi de finances pour un montant de 1 milliard d’euros, au bénéfice de 5 millions de foyers fiscaux. Depuis 2014, les baisses cumulées de l’impôt sur le revenu atteindront ainsi 6 milliards d’euros l’an prochain. Au total, ces réformes successives du barème, concentrées entre le quatrième et le huitième déciles des revenus, ont fait nettement baisser l’impôt acquitté par les classes moyennes. Ces mesures ont clairement renforcé la progressivité de l’impôt sur le revenu – c’est aussi cela, la réforme fiscale que nous pouvions souhaiter.

Par ailleurs, cette dernière étape d’allégement de l’impôt des classes moyennes est complétée par une mesure importante bénéficiant spécifiquement aux retraités aux revenus modestes. À compter des dépenses engagées en 2017, le crédit d’impôt accordé pour les dépenses de services à domicile sera généralisé à l’ensemble des contribuables, notamment les plus modestes. Alors que l’avantage fiscal bénéficiait jusqu’à présent uniquement aux retraités imposables, le Gouvernement propose de l’étendre à l’ensemble des retraités, y compris à ceux qui ne sont pas imposables, pour que l’accès aux aides à domicile soit égal pour tous.

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