Intervention de Hervé Mariton

Séance en hémicycle du 18 octobre 2016 à 15h00
Projet de loi de finances pour 2017 — Motion de rejet préalable

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaHervé Mariton :

Certes, le choc fiscal ne date pas de 2012, vous l’avez souvent rappelé – sur ce point comme sur d’autres, l’excès de simplification ne facilite pas la démonstration. Néanmoins, notre pays ayant fait trop facilement, par le passé, le choix de l’augmentation de l’impôt plutôt que celui de la baisse de la dépense, il n’était pas indispensable d’en rajouter. Or vous en avez rajouté considérablement, avec des choix doctrinaux.

Les familles, en particulier, ont gravement souffert, tant de la fiscalisation des majorations de retraite que des atteintes répétées au quotient familial, dont la baisse du plafond a eu pour conséquence une baisse moyenne de 1 200 euros par an pour près de 1,5 million de familles. Mentionnons aussi la création d’une tranche supplémentaire d’impôt sur le revenu, lequel est au demeurant de plus en plus concentré.

Cette politique lourde et pénalisante a connu des allers-retours et des contradictions, comme l’ont montré les dispositions déjà contestées de la loi Macron relatives à la fiscalité du capital et vos mesures assurément contre-productives en matière d’ISF.

Il s’agirait à présent, selon le Gouvernement, d’engager la redistribution. J’entends bien que c’est le scénario promu au début de ce mandat. En réalité, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, ni l’état de l’économie ni celui des finances publiques ne justifient la moindre redistribution, en tout cas par la politique que vous menez. Si redistribution il devait y avoir, encore faudrait-il qu’elle fût juste, et tel n’est pas le cas. Vous faites un choix de doctrine, particulièrement malheureux, consistant à concentrer toujours davantage l’impôt sur le revenu en restreignant la base fiscale, alors même qu’en général, chacun le sait, un impôt est plutôt meilleur si sa base est large et son taux faible.

L’un de nos collègues a évoqué la fiscalité écologique, peu souvent abordée mais importante. Vous avez donné à la fiscalité écologique le tour le plus punitif possible. L’augmentation programmée de la contribution climat-énergie est une mauvaise nouvelle pour un grand nombre de nos concitoyens. C’est un vrai défi pour demain : intégrer la dimension écologique dans la fiscalité, car elle y a sa place, mais pas le faire de façon aussi massive et pénalisante que vous l’avez prévu – tout en restant d’ailleurs, en l’occurrence, assez modestes –, car la première mission d’un impôt est de financer les dépenses publiques, pas de s’ériger en parangon de vertu.

En matière de fiscalité des entreprises, l’instabilité est grande. Les entreprises de notre pays attendent de moins en moins des miracles de la part des gouvernants mais demandent au moins la stabilité.

L’absence de réformes de structure est une antienne qui reste valable. Certes, il serait injuste d’affirmer qu’aucun travail de maîtrise des dépenses n’a été réalisé car vous avez bien dû faire quelques efforts lorsqu’une espèce de doctrine partisane et le refus d’arbitrer vous obligeaient à des augmentations injustifiées dans certains secteurs. Il fallait alors réviser un certain nombre de missions de l’État ; vous ne l’avez pas fait, agissant pour l’essentiel par rabots et ajustements. Je suis assez curieux de savoir quels exemples concrets de réforme ambitieuse des missions de l’État menée au cours des quatre dernières années vous pourriez avancer, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État : pas beaucoup, je le crains.

Les problèmes de productivité de l’État demeurent dans les missions les plus diverses, y compris celles affichés comme prioritaires, je le dis. Un effort budgétaire et en matière d’effectifs est justifié en matière de sécurité et de police, par exemple, mais il ne dispense pas d’efforts de productivité – tous les spécialistes du sujet savent qu’ils sont possibles. La productivité et l’efficacité de l’État ne sont pas au rendez-vous.

Dès lors, que proposez-vous ? M. le président de la commission des finances en a brièvement parlé, sitôt que l’on vous interroge sur les réformes de structure, vous n’avez qu’un seul exemple à la bouche : la retenue à la source. Pardonnez-moi, mais la retenue à la source est tout sauf un bon exemple de réforme de structure, tout sauf un bon exemple de réforme de l’État.

La retenue à la source est populaire, d’après les sondages réalisés auprès de nos concitoyens, car ils se disent que l’impôt est rude et pénible mais qu’il en faut bien un peu, que même si c’est parfois trop il faut payer et qu’une fois réglée la douloureuse, on est débarrassé et on passe à autre chose. Mais le système que vous avez conçu comporte en réalité un impôt pour le prix de deux : l’impôt sur le revenu et celui sur son produit attendu. Car deux circuits de prélèvement coexisteront : le nouveau, à la source, coûteux et complexe pour les entreprises, que vous mettez en place ; le circuit traditionnel de la déclaration, du calcul et de l’ajustement. Cela, les Français ne l’ont pas tout à fait présent à l’esprit. Ils pensent payer et être débarrassés ; sans être certains que le Gouvernement soit génial, ils acceptent donc la mesure car ils croient qu’elle simplifiera les choses. Eh bien non ! Elle ne simplifie rien et, de surcroît, elle sera assurément plus coûteuse.

Les inconvénients de la retenue à la source sont nombreux, nous aurons l’occasion d’y revenir lorsque nous débattrons de la seconde partie du texte. Elle procède d’une philosophie d’individualisation de l’impôt et de la société qui n’est pas la nôtre, cher Marc Le Fur.

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