L’ultime projet de loi de finances du quinquennat est devant nous. Il est dramatiquement classique, et classiquement dramatique. Soyons clairs : aucune réforme d’ampleur n’aura lieu dans ce projet de loi de finances. Même le prélèvement à la source, qui figure dans les articles additionnels et sur lequel il y aurait beaucoup à dire, ne peut pas être considéré comme une réforme d’ampleur.
Il n’y aura pas eu de « grand soir fiscal ». Abandonnée, la tentative d’introduire plus de progressivité dans la CSG ! Enterrée, l’ambitieuse fusion avec l’impôt sur le revenu ! Liquidée, la taxe à 75 % sur les très hauts revenus ! En revanche, le ras-le-bol fiscal aura émaillé le quinquennat. Le Président de la République s’étant mué en cigale un certain temps, il a chanté tout l’été des dépenses supplémentaires dans la perspective de mai 2017 !
Les hausses d’impôt du début de mandat, principalement ciblées sur les 10 % les plus aisés, suivies de baisses concentrées sur les classes moyennes, ont nettement accru la progressivité de l’impôt sur le revenu. La création de la prime d’activité a ciblé les aides sur les très bas revenus. Les baisses de charges dans le cadre du pacte de responsabilité ont abouti indirectement à un transfert de fiscalité des entreprises vers les ménages. L’autre évolution majeure porte sur la mise au barème des revenus du capital, qui a contribué à accroître la fiscalité sur le patrimoine de 50 % en dix ans.
Sous cette législature, la courbe de l’impôt sur le revenu n’aura jamais cessé de suivre une pente ascendante : il a progressé de près de 14 milliards d’euros entre 2012 et 2017 ! Si chacun s’accorde certes à dire que la réduction de la pression fiscale est un impératif pour redresser le pays, il ne faut pas battre en brèche le principe de justice fiscale : l’effort doit être réparti et ne saurait peser constamment sur les mêmes. Or, depuis 2012, les classes moyennes ont subi un véritable matraquage fiscal, au profit d’une politique tournée uniquement vers les ménages modestes.
J’en viens à la forme et aux orientations de ce projet de loi de finances. S’agissant du prélèvement à la source, M. le ministre de l’économie et des finances nous a indiqué tout à l’heure que ce mode de paiement de l’impôt avait été envisagé, dans le passé, par des gouvernements de gauche comme de droite, que les Français le souhaitaient et qu’il s’agissait là d’une promesse. Sur le principe, beaucoup d’entre nous auraient pu vous rejoindre : nous aurions pu tenter de définir ensemble un nouveau dispositif… mais à condition de l’associer à une simplification de l’impôt sur le revenu, ce qui n’est malheureusement pas le cas.
En effet, la réforme que vous proposez est complexe, à l’heure où tout le monde souhaite davantage de simplification. Les entreprises devront gérer cette complexité, se faire le collecteur de l’impôt, sans aucune valeur ajoutée pour elle et au risque d’une dégradation des relations en leur sein. Le dispositif pose en outre un problème de confidentialité, qui a déjà été soulevé. Par ailleurs, le mécanisme proposé sur certains revenus, comme les revenus fonciers ou ceux des travailleurs non salariés, s’apparente davantage à un mécanisme d’acompte et de solde d’impôt qu’à une retenue à la source.
S’agissant des entreprises, vous avez jugé cohérent de présenter des perspectives d’évolution de l’impôt sur les sociétés pour quatre années. Nous pouvons vous rejoindre sur ce point, car les entreprises réclament davantage de lisibilité, de crédibilité et de visibilité. Mais pourquoi le faire à l’occasion de ce dernier budget du quinquennat, de ce premier budget de l’après-Hollande ? Pourquoi ne pas l’avoir fait dès votre premier projet de loi de finances ?
Si vous défendez la stabilité fiscale, ce qui est une bonne chose pour les entreprises, en définissant, à l’article 6, une trajectoire de l’évolution de l’impôt sur les sociétés jusqu’en 2020, le dispositif de taxation des actions gratuites, quant à lui, ne présente pas la même cohérence. En effet, un peu plus d’un an après avoir été voté, le dispositif prévu par la loi Macron fait déjà l’objet d’une révision ! Sans porter de jugement sur le fond, je veux réagir sur la forme : remettre en cause un dispositif voté en 2015 avant toute évaluation, c’est introduire une instabilité fiscale, mais c’est surtout la preuve de votre inconstance fiscale et, pire, de votre incohérence.
Au bout du compte, ce projet de loi de finances ne sera pas révolutionnaire, et surtout pas réformateur. Quel paradoxe, quand on sait, depuis une étude récente, que plus d’un Français sur deux adhère au discours affirmant l’urgence d’engager des réformes trop longtemps différées ! Vous préférez laisser la prochaine majorité gérer et réparer vos errements fiscaux.
En conséquence, tous ces éléments constituent un obstacle dirimant à l’adoption de votre projet de loi de finances pour 2017 qui, en l’état, est difficilement acceptable, au même titre que les précédents.