Du reste, c’est vous-même, monsieur le secrétaire d’État, qui démontrez le mieux toute l’ambiguïté de ce projet de loi de finances. Une lecture attentive nous conduit en effet à faire plusieurs observations.
Les prélèvements obligatoires restent stables entre 2016 et 2017 – du moins, en volume. En revanche, en valeur, ils progressent de 24,5 milliards d’euros. Il est donc faux de parler d’une baisse globale des prélèvements obligatoires.
D’après l’Observatoire français des conjonctures économiques, les prélèvements obligatoires ont augmenté au total, entre 2012 et 2017, de près de 47 milliards d’euros : c’est énorme ! Que signifie une réduction des impôts d’1 milliard d’euros quand ils ont augmenté cinquante fois plus au cours des années précédentes ? Et ce sont les classes moyennes qui ont trinqué, à tel point qu’aujourd’hui, seuls 17 millions de foyers fiscaux sur 37 paient l’impôt sur le revenu ! Où est la justice sociale dans ce bilan des cinq dernières années ?
Face à de telles augmentations, l’envie est grande de comparer ce choc fiscal à l’évolution de l’emploi sur la même période. Alors qu’en 2010 et 2011, l’économie française renoue avec les créations d’emplois, vos coups de massue sur les marges des entreprises ont cassé durablement cette dynamique. En trois ans, l’économie française a supprimé près de 200 000 emplois.
Il en va de même quand nous comparons ce choc fiscal aux chiffres de la croissance. Vous produisez, en page 8 du projet de loi de finances, dans la partie « Orientations générales et équilibre budgétaire », une démonstration du retour de la croissance et de la reprise économique en France incomplète et trompeuse. Il aurait fallu en comparaison y faire figurer les chiffres de 2010 et 2011 : pendant ces deux années, la croissance fut respectivement de 2 % et de 2,1 %. Dès votre arrivée, vous avez torpillé la croissance pour trois ans en l’abaissant à 0,2 %, puis à 0,6 % en 2013 et 2014.
Finalement, même si vous prévoyez aujourd’hui une croissance de 1,5 %, nous sommes revenus au même niveau qu’il y a cinq ans. Et encore car, à mon avis, ce chiffre sera difficile à atteindre si j’en crois les prévisions de l’INSEE. Que de temps perdu pour notre pays !
La dette de la France poursuit aussi sa course folle. En vingt ans elle est passée de 700 milliards à 2 170 milliards d’euros. Je ne crois pas non plus à votre prévision d’une dette à 96,5 % du PIB à la fin de l’année 2017. L’INSEE prévoit qu’elle sera autour de 98,4 % au deuxième trimestre 2016, bien au-dessus de votre prévision. Où est l’assainissement des comptes publics ?
Le montant abyssal de la dette publique continue de nous inquiéter tous, d’autant que beaucoup d’autres pays européens sont parvenus à maîtriser la leur. Nous ne pouvons pas reporter éternellement ses remboursements et faire peser sur l’avenir et les générations futures l’obligation de la rembourser par des recettes fiscales. C’est dès aujourd’hui notre obligation. C’est une obligation morale.
Même si cette dette est aujourd’hui dissimulée par des taux d’intérêt très bas, ceux-ci finiront par remonter. Cela est inévitable. La seule solution reste, en conséquence, la diminution de nos dépenses publiques. Or elles ne cessent d’augmenter ! Entre 2016 et 2017, leur hausse est de 1,6 %, ce qui porte leur part à 54,6 % du PIB. Elles progressent en valeur de 21,1 milliards d’euros.
C’est la raison aussi de l’augmentation des prélèvements obligatoires. Ce n’est pas moi qui le dis, mais le Haut conseil des finances publiques, lequel s’inquiète d’une telle situation. Je le cite : « Les risques pesant sur les dépenses sont plus importants en 2017 que les années précédentes. »
Autre point sur lequel je souhaiterais insister : l’économie de 46 milliards vantée par le Président de la République. Mais où sont-ils passés ? 2,8 milliards sont dégagés sur les collectivités territoriales, 7,7 milliards sur la Sécurité sociale. Sur les dépenses de l’État, combien envisagez-vous de dégager ? 0,5 milliard, ce qui ne devrait procurer aucune économie hors charge de la dette. J’en conclus, monsieur le ministre, que votre projet de loi de finances n’est ni sérieux, ni cohérent.
Ce budget est un budget de court terme. Il n’y a aucune vision de long terme. Il n’y a rien pour prévenir ses conséquences sur notre économie et les générations futures pour lesquelles la politique menée tout au long du quinquennat aura de lourdes incidences.
Cinq ans durant vous avez lutté contre la réussite. Cinq ans durant vous avez multiplié les mesures toujours plus confiscatoires, en bridant l’initiative, en taxant nos entreprises et les Français. C’est là votre principal échec à travers une politique budgétaire que vous ne maîtrisez pas.