En 2013, patatras : vous vous trompez du simple au double sur les recettes fiscales nettes, du fait d’une évolution spontanée bien moins forte qu’anticipée. Heureusement, les impôts nouveaux vous permettent de limiter les dégâts. La Cour des comptes écrit alors : « L’écart entre prévision et exécution sur l’évolution spontanée des recettes fiscales souligne le manque de prudence de la loi de finances initiale et peut soulever une interrogation au regard de la sincérité de cette dernière. »
En 2014, c’est encore un écart de 10 milliards d’euros qui se creuse entre la loi de finances initiale et le solde constaté en matière de recettes fiscales. Le constat d’une évolution spontanée en exécution inférieure à la prévision retenue en loi de finances initiale pour 2014 n’avait surpris personne, sauf vous. La Cour l’avait souligné dans son analyse du rapport public annuel : « Compte tenu de la croissance économique supposée dans la loi de finances initiale pour 2014, il aurait été plus prudent de retenir une hypothèse d’élasticité inférieure à sa moyenne de long terme, c’est-à-dire inférieure à 1. »
En 2015 enfin, la situation s’améliore : vos prévisions sont conformes à l’exécution et les recettes spontanées repartent. Rien d’étonnant à cela. Comprenant au bout de trois années pourquoi vos recettes spontanées ne croissaient pas les années précédentes, vous recueillez enfin les fruits de votre conversion à l’allégement fiscal, après deux années de matraquage. Rappelons que l’OFCE – qui n’est pourtant pas spécialement proche des Républicains – a évalué la pointe de 2012-2013 à plus de 50 milliards d’euros et que le maximum historique de 44,8 % du PIB de prélèvements obligatoires a été atteint en 2013.
De plus, vous aviez été récompensés de votre réalisme. La Cour des comptes l’écrivait ainsi : « Le taux de croissance économique proche de la prévision a contribué à l’absence de révision de l’évolution spontanée des recettes fiscales. »
Malheureusement, en 2016, nouvelle rechute : vous nous avez présenté un scénario raisonnablement optimiste, avec 1,5 % de croissance contre 1,2 % pour le consensus des économistes. Cela semble optimiste, vu le petit 1,1 % de 2015. Et malheureusement, la croissance nulle au second trimestre 2016 ne vous a pas aidés. Dans ces conditions, votre hypothèse pour 2017 paraît extrêmement optimiste.
Votre budget multiplie ensuite les rustines pour paraître présentable. Je ne vous les reprocherai pas trop, car malheureusement, l’inventivité de Bercy a servi sous la plupart des gouvernements qui ont précédé le vôtre : par exemple à travers l’obtention de recettes exceptionnelles, cette fois-ci en siphonnant la Coface.
En revanche, je tiens à vous dire qu’au-delà des contingences annuelles, il faut faire attention à la question de la stabilité des prévisions. Prévoir des recettes est, on le sait, un exercice compliqué, surtout lorsque pour des raisons d’affichage, on gonfle les hypothèses. Mais ce sera à mon avis un exercice tout à fait vain après que vos différentes réformes de l’impôt sur les sociétés et de l’impôt sur le revenu seront entrées en vigueur. En effet, depuis la réforme Borloo, l’impôt sur les sociétés est de plus en plus corrélé à l’activité de l’année en cours, phénomène que vous accentuez cette année avec l’augmentation du cinquième acompte versé par les grandes entreprises pour l’année 2016.
Or, voici que dans le même temps, vous comptez instaurer le prélèvement à la source, ce qui fait que l’impôt sur le revenu, calculé jusqu’ici sur les revenus de l’année précédente, sera directement corrélé à l’activité de l’année en cours, comme la TVA et, à 90 %, l’impôt sur les sociétés. Bref, les trois grands impôts qui alimentent le budget de l’État réagiront de la même manière en cas de retournement de cycle.
Faites un peu d’archéologie : regardez ce qui est arrivé en 2008, lors du dernier retournement de cycle. L’impôt sur le revenu avait continué à progresser, malgré le début de la crise, ce qui a sauvé l’année budgétaire 2008. Mais en 2009, quand les trois impôts ont fonctionné de manière cyclique, ce sont 50 milliards d’euros qui ont manqué. Couplez cela à une éventuelle remontée des taux et vous verrez que nous avons là tous les germes d’un risque systémique.
En conclusion, je regrette qu’à l’heure où les économistes peuvent commencer à poser un regard critique sur les cinq années écoulées, vous quittiez la scène en reproduisant exactement les mêmes erreurs qu’en 2012 : hypothèses faussées, cavalerie budgétaire et mauvaise foi à l’égard des organismes qui vous alertent. Au lieu de regarder les primaires de la droite à la télévision, consultez un manuel de pilotage des finances publiques et, pourquoi pas, relisez les rapports de la Cour des comptes des cinq dernières années, riches d’enseignements sur cette législature.