Intervention de Jean-Pierre Maggi

Séance en hémicycle du 19 octobre 2016 à 15h00
Débat sur les opérations extérieures de la france

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Pierre Maggi :

Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, monsieur le ministre, messieurs les secrétaire d’État, madame la présidente de la commission de la défense, mes chers collègues, la France connaît depuis 2013 un niveau d’engagement militaire inédit, en termes de durée et d’intensité, dans des opérations majeures menées simultanément sur plusieurs fronts extérieurs : je veux parler de l’opération Barkhane dans la bande sahélo-saharienne, de l’opération Sangaris en Centrafrique et de l’opération Chammal au Levant. Elle est en outre présente au Liban au sein de la force des Nations unies, et sa marine continue à mener des opérations dans le golfe de Guinée et dans l’océan indien. Elle participe par ailleurs aux opérations navales européennes au large de la Somalie ou en Méditerranée, fournit des éléments à certaines missions des Nations unies et de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe, et assure des missions de défense aérienne au profit des pays baltes.

Le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste soutient cet engagement car il repose sur une responsabilité particulière de notre pays au nom de ses valeurs, d’une part en tant que membre du Conseil de sécurité des Nations unies, et d’autre part au nom de son histoire, du maintien de son influence et des impératifs de sa sécurité.

Ainsi, la France intervient pour des motifs humanitaires, afin de protéger des populations civiles menacées. C’est le cas de l’opération Sangaris en Centrafrique, engagée en décembre 2014 pour faire cesser exactions et affrontements entre groupes armés, violences qui auraient pu conduire à une situation de génocide. Ce motif humanitaire fut aussi un élément déclencheur de l’intervention en Irak, contre Daech, pour éviter les massacres de populations civiles.

Notre pays intervient par ailleurs pour apporter conseil et formation à des forces armées ou de sécurité de pays fragilisés. C’est le cas de la mission de la force Daman au Liban, ou dans le cadre de missions de l’Union européenne telles que l’EUTM Mali ou en République Centrafricaine.

La France agit aussi, à la demande des autorités d’un pays ou du Conseil de sécurité des Nations unies, pour mettre un terme à des conflits. Elle le fait alors dans le cadre de missions de stabilisation, afin d’installer la sécurité nécessaire à un processus de transition démocratique et au rétablissement des institutions, et pour engager le désarmement des groupes armés. C’est le sens de l’opération Sangaris en Centrafrique depuis 2013 et, pour partie, de l’opération Serval au Mali, également engagée en 2013 et suivie, depuis 2014, de l’opération Barkhane.

La France intervient enfin et surtout en opérations extérieures pour lutter contre les groupes armés terroristes qui menacent la stabilité de certains États et celle du monde. C’est le cas au Mali depuis 2013, intervention suivie, un an plus tard, d’une autre dans l’ensemble des cinq pays de la bande sahélo-saharienne, ainsi qu’en Irak depuis 2014 et en Syrie depuis 2015, afin de soutenir la lutte contre Daech aux côtés de la coalition internationale. Cette lutte s’est, à juste titre, renforcée depuis 2015 et les trois attentats menés sur notre territoire. La menace reste forte, la France étant l’un des pays les plus visés au monde par Daech, mais aussi par Al-Qaïda au Maghreb islamique – AQMI – et dans la péninsule arabique – AQPA.

Ces interventions sur des théâtres d’opérations extérieures ont permis des avancées significatives, en particulier dans la lutte contre les groupes armés terroristes. En effet, l’État islamique recule sur le terrain, en Irak et en Syrie. Depuis le début de l’opération Chammal en septembre 2014, l’armée française a effectué d’importantes sorties aériennes et mené 10 % des frappes au total, en appui des forces irakiennes. Plus d’un millier de combattants de l’EI ont été neutralisés et des centres de commandement et d’entraînement détruits, notamment autour de Raqqa ; Ramadi est tombée. Les forces spéciales ont formé 1 500 commandos irakiens et appuyé les peshmergas kurdes, à qui la France livre des armes. Le bilan est donc positif, à l’heure où la reprise de Mossoul et de Raqqa se dessine.

Au Sahel, la pression sur les groupes armés terroristes porte ses fruits, puisque le dispositif militaire réduit leurs sanctuaires, perturbe leurs trafics et neutralise leur arsenal. Plus de 200 djihadistes ont été neutralisés depuis le début de l’opération, essuyant des pertes logistiques importantes. La menace d’un « Sahelistan » est donc aujourd’hui écartée car l’ennemi, traqué en permanence, n’a plus de zone refuge.

Pourtant, les conditions sont souvent très difficiles, en premier lieu, pour les 7 000 militaires engagés sur les théâtres d’opérations. Ceux-ci, notamment au Sahel et au Levant, sont situés dans des zones climatiques et géographiques particulièrement rudes en raison de leurs caractéristiques, qu’il s’agisse des fortes chaleurs, des vents de sable ou de la dureté du terrain. Face à de telles conditions climatiques et géologiques, les forces doivent être particulièrement endurantes, entraînées et aguerries. Nous saluons leur courage, et pensons aussi à ceux qui ont perdu la vie sur ces théâtres d’opérations. En ce sens, le monument aux soldats morts en opérations extérieures, qui verra le jour l’an prochain à Paris, est une initiative salutaire, car il signifie, pour les combattants de ces OPEX, que la nation n’oublie pas ceux dont le sacrifice ultime a témoigné de la valeur de leur engagement militaire.

Les conditions naturelles éprouvent aussi les matériels déployés, qui sont conséquents. Rappelons que l’opération Barkhane nécessite une quinzaine d’hélicoptères, 400 véhicules blindés et logistiques, une dizaine d’avions tactiques et de chasse et cinq drones.

À ce titre nous soutenons les engagements budgétaires pris pour 2017 en faveur de nos soldats et de leurs équipements. En effet, dans un budget global de la défense en hausse pour cette nouvelle annuité de loi de programmation militaire réactualisée, des mesures d’amélioration de la condition du personnel ont été posées. Elles sont à la hauteur du niveau d’engagement en opérations extérieures comme intérieures. Ainsi, le plan d’amélioration de la condition du personnel permettra de compenser les fortes sujétions qui pèsent sur lui. Ce plan comporte un volet « rémunérations » et des mesures d’amélioration des conditions de travail et de soutien aux familles pendant l’absence, pour une enveloppe de 287 millions d’euros en 2017.

Le rééquipement des armées se poursuivra également. L’engagement de plus de 17 milliards d’euros de crédits permettra l’acquisition de nouveaux matériels : quinze hélicoptères de combat, trois Rafales, trois avions de transport et des navires de protection, pour ne citer que ces quelques exemples. Par ailleurs, les stocks de munitions – fortement entamés par l’opération Chammal en Irak – seront regonflés, puisque 80 millions d’euros supplémentaires ont été budgétés pour ce poste.

Cependant, si nous soutenons ces opérations extérieures et leur coût budgétaire très élevé, nous voulons rappeler avec force que les interventions menées en Centrafrique, dans le Sahel, en Syrie et en Irak sont aussi dans l’intérêt de l’Union européenne. Elles profitent à tout le continent. Par conséquent, la France serait en droit de demander de déduire de son déficit le coût de ses opérations militaires extérieures, au regard des critères du pacte de stabilité et de croissance, ou, le cas échéant, d’obtenir une participation financière de l’Union européenne aux opérations militaires qu’elle mène, puisque celles-ci sécurisent l’ensemble du continent.

Par ailleurs, rappelons-le encore, il est impératif de mettre en place une Europe de la défense ; à ce titre nous saluons, monsieur le ministre, la feuille de route signée le mois dernier avec votre homologue allemand pour relancer cette idée. Cela facilitera la mise en place d’opérations dans le cadre de la Politique de sécurité et de défense commune, avec l’appui d’États membres volontaires. La France a un rôle moteur à jouer en ce domaine, d’autant que, dans le contexte du Brexit, elle sera demain la première puissance militaire de l’Union européenne. Nous espérons ainsi que l’année 2017, au cours de laquelle sera célébré le soixantième anniversaire du traité de Rome, marquera des avancées sur le terrain laborieux de la défense européenne.

Je terminerai en citant un propos du chef d’état-major des armées, le général de Villiers, qui disait que « gagner la guerre ne suffit pas à gagner la paix ». Les armées doivent en effet pouvoir compter sur les puissants effets de levier que sont l’action politique et l’action diplomatique. À ce titre, nous saluons l’initiative du ministre des affaires étrangères de réunir demain, à Paris, une vingtaine de pays afin de préparer l’avenir politique de Mossoul après la bataille militaire.

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