Intervention de Philippe Nauche

Séance en hémicycle du 19 octobre 2016 à 15h00
Débat sur les opérations extérieures de la france

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPhilippe Nauche :

Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission, chers collègues, reconnue et admirée par ses alliées et partenaires, crainte par ses adversaires, l’armée française concourt, de par ses opérations intérieures et extérieures, au poids de la France sur la scène internationale. Elle permet ainsi à notre pays, membre fondateur de l’ONU et de l’OTAN, pays des droits de l’Homme, membre permanent du Conseil de sécurité, de prendre ses responsabilités en matière de sécurité nationale et collective et ainsi de continuer à faire entendre sa voix dans un monde multipolaire, aussi complexe qu’interconnecté.

Il est important à ce stade de saluer l’engagement de nos militaires, les risques pris et les sacrifices consentis et de rappeler que nombre d’entre eux y ont laissé la vie ou portent les suites des blessures physiques ou psychiques qu’ils ont subies.

Les OPEX s’inscrivent aujourd’hui dans un continuum OPEX-OPINT – opérations extérieures et intérieures –, lié à la menace djihadiste.

Si cette menace domine aujourd’hui nos préoccupations, elle n’est pas exclusive et nos armées ont à assurer de nombreuses missions. Nous nous devons, me semble-t-il, d’évoquer aussi dans ce débat, au nom de ce continuum, les opérations intérieures, pleinement dans les missions de nos armées.

Les armées contribuent quotidiennement à la protection de la population, ainsi qu’à la défense des intérêts de sécurité de la Nation contre les menaces et les risques susceptibles de la mettre en péril. J’évoquerai la posture permanente de sûreté aérienne, qui mobilise 1 000 personnes au quotidien, la posture permanente de sauvegarde maritime, pour laquelle 1 400 marins sont engagés et assurent la sûreté des approches maritimes de notre territoire par le renseignement, la surveillance et l’intervention dans les approches, le contre-terrorisme maritime, la lutte contre les engins explosifs, et bien évidemment, la posture de protection terrestre, où 10 000 soldats sont déployés depuis le 12 janvier 2015 au sein de l’opération Sentinelle et agissent aux côtés des forces de sécurité intérieure dans le cadre de réquisitions préfectorales sur les sept zones de défense de la métropole ainsi qu’outre-mer.

Venons-en aux opérations extérieures proprement dites. L’opération Barkhane, créée le 1er août 2014 par la fusion des opérations Serval et Épervier, s’inscrit dans une logique de régionalisation et de coopération avec cinq pays de la bande sahélo-saharienne – Mauritanie, Mali, Burkina-Faso, Niger et Tchad, dits « G5 Sahel » – et s’étend ainsi sur un vaste théâtre.

Avec près de 3 500 militaires engagés, il s’agit de la plus importante des opérations extérieures menées par les forces armées françaises, qui en exercent le commandement. Les militaires français sont aussi engagés au sein des opérations multinationales MINUSMA et EUTM.

L’opération Barkhane vise deux objectifs : appuyer les forces armées des pays partenaires dans leurs actions de lutte contre les groupes armés terroristes – c’est très important de le rappeler après ce que nous venons d’entendre –, et contribuer à empêcher la reconstitution de sanctuaires terroristes dans la région afin que cette lutte puisse être prise en compte par les forces locales et que les États concernés puissent retrouver tous leurs droits.

L’évolution de notre action repose sur trois piliers : la mobilité, la modernisation de moyens et l’efficacité des appuis.

Par ailleurs, même si Barkhane ne lutte pas directement contre Boko Haram, la France soutient ses partenaires dans le cadre de leur lutte contre la secte terroriste.

L’opération Chammal, lancée le 19 septembre 2014, est conduite par les armées françaises en coordination avec leurs alliés présents au Levant agissant au sein de la coalition. Elle est destinée à affaiblir Daech et à mettre l’organisation terroriste islamiste à la portée de forces de sécurité locales.

L’engagement français est initialement réalisé à la demande du gouvernement de l’Irak, puis dans le cadre des décisions du Conseil de sécurité des Nations unies, par la résolution 2170 du 15 août 2015. Nos opérations se sont progressivement étendues au territoire syrien depuis septembre 2015 pour pouvoir frapper l’organisation terroriste dans son sanctuaire – opérations qui se sont intensifiées depuis les attentats de novembre 2015. L’Assemblée nationale en a été saisie.

L’engagement français, qui mobilise en moyenne 1 400 militaires, revêt deux aspects : une véritable campagne aérienne pour renseigner sur l’ennemi et le frapper au plus près des lignes de front jusqu’au coeur des territoires qu’il contrôle, et la participation aux programmes de régénération des forces de sécurité irakiennes conduits par la coalition.

Ainsi, en 2015, les forces locales ont repris l’offensive et obligé l’ennemi à reculer : Daech a perdu environ 13 000 kilomètres carrés sur les 90 000 occupés initialement tandis que les frappes soutenues contre sa production pétrolière ont fragilisé son assise financière.

Depuis septembre 2016, un détachement de l’armée de terre d’environ 150 soldats, la « Task Force Wagram », met en oeuvre quatre pièces d’artillerie CAESAR depuis la base de Qayyarah, située au sud de Mossoul, afin d’empêcher Daech de positionner des pièces d’artillerie d’une part, et d’entraver la liberté de manoeuvre de l’ennemi en empêchant sa progression d’autre part.

La bataille pour Mossoul qui s’engage sera probablement de longue durée et difficile, mais elle est nécessaire et notre pays doit y participer dans le rôle et le cadre qu’il s’est fixés. Des questions restent néanmoins posées. Les besoins évolueront-ils ? Quel rôle serons-nous amenés à jouer après la bataille de Mossoul entre les différentes forces coalisées – armée irakienne, forces kurdes, tribus sunnites, milices chiites ? Comment tout cela va-t-il s’organiser ? C’est une question cruciale qui se posera ensuite mais dont il faut s’occuper dès aujourd’hui.

La France est aussi engagée en Méditerranée et au Liban.

Le développement des crises au Levant et en Libye s’est traduit par le déploiement de moyens, notamment de renseignement, en Méditerranée centrale et occidentale pour conserver des capacités de réaction rapide et d’appréciation autonome de la situation. En 2015, ces engagements ont représenté près de 100 jours de mission, tous moyens confondus.

Au Liban, la France fournit une force de réserve de 855 militaires au profit du commandant de la Force interimaire des Nations unies au Liban, déployée dans le cadre de la résolution 1701 du 11 août 2006, et renouvelée chaque année.

La France est aussi engagée en Centrafrique pour empêcher un désastre humanitaire grâce à l’opération Sangaris. En intervenant en République Centrafricaine en décembre 2013, cette dernière a mis fin à un cycle d’exactions et empêché un désastre humanitaire dans un contexte prégénocidaire. Aujourd’hui, les améliorations constatées sur le plan politique, économique et sécuritaire ainsi que l’autonomie acquise par la force onusienne, la MINUSCA, Mission multidimensionnelle intégrée de stabilisation des Nations unies en Centrafrique, permettent de poursuivre la réduction progressive du dispositif de Sangaris. De 1 300 militaires déployés en 2015, la force est passée en juin 2016 à 350 militaires avant sa fermeture en fin d’année, conformément aux engagements du Président de la République.

Il y a également les mesures de réassurance à l’est de l’Europe. Depuis le début de la crise, la France déploie un large éventail de capacités dans la zone d’intérêt de l’Ukraine pour réassurer ses partenaires d’Europe centrale et de l’Est. Sont notamment effectuées des missions aériennes régulières pour renforcer la surveillance des espaces aériens de l’Europe de l’Est, aux côtés des autres aéronefs de l’Alliance.

La liste des interventions de l’armée française ne s’arrête pas là. On peut notamment citer sa participation à de multiples opérations de l’ONU, de l’OTAN ou encore de l’Union européenne, mais aussi sa lutte contre le piratage dans le golfe de Guinée, à travers l’opération Corymbe, contre l’orpaillage illégal en Guyane – opération Harpie –, ou contre d’autres sinistres pouvant survenir en métropole.

En conclusion, nos armées sont un instrument essentiel de la politique extérieure de notre pays et nous permettent d’être actifs dans les affaires du monde. L’objectif, chacun le sait bien, n’est pas strictement militaire, c’est le rétablissement d’un bon niveau de sécurité par la réduction du risque djihadiste, ainsi que la paix, et nous pouvons être fiers de l’action de nos armées.

Messieurs les ministres, le Gouvernement est pleinement engagé dans sa mission après des décisions stratégiques et soutient concrètement et de façon cohérente nos armées et nos militaires par un gros effort budgétaire, conforme aux décisions du Président de la République. Aussi le groupe socialiste, écologique et républicain vous apporte sans restriction son soutien, pour vous et pour nos militaires engagés dans cette difficile mais noble tâche.

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