Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, la guerre est aujourd’hui partout. Il s’agit par moment de guerres classiques et à d’autres moments de guerres tout à fait inattendues.
On se bat en Afrique, on se bat au Moyen-Orient, et les combats que l’on mène là-bas ont des répercussions sanglantes ici.
Au moment où je parle, je ne peux évidemment m’empêcher de penser à nos soldats qui meurent ou sont blessés.
La différence entre eux et nous, c’est que ce que nous écrivons par des minutes de silence, des paroles, des adjectifs consolants, eux l’écrivent dans la poussière avec leur sang.
Quelle que soit l’idée que nous ayons de notre fonction, nous sommes dans les mots, ils sont dans la chair. Cela dit toute la mesure de notre responsabilité à tous. Que nous ayons tort ou que nous ayons raison, c’est à eux que nous devons penser et il faut se dire que, quand on fait les beaux, parfois, eux font les vrais morts.
Ces guerres, on l’a dit, ont des conséquences à la fois directes et indirectes et, quand on pense à ces soldats qui meurent, qui sont blessés, on ne peut s’empêcher de penser aussi au chef des armées, et je ne doute pas que, dans le secret de vos consciences, vous ayez le même sentiment que moi. Comment se peut-il qu’un Président de la République aille se confier à des journalistes en livrant des secrets qui touchent à la défense nationale ? Quel que soit le côté où nous nous trouvions, nous sommes obligés de trouver cela inacceptable, pour ne pas dire plus, surtout si l’on pense à celui qui attend la balle qui va le tuer ou la mine qui va le faire exploser.
Tous, nous sommes d’accord pour mener une lutte sans merci contre le terrorisme, tous. On peut déplorer, cela a été dit et je me fais un devoir de le répéter, que le Parlement ait été mis à l’écart de ces questions de guerre, sur lesquelles, dans une démocratie, il devrait tout de même intervenir prioritairement, mais ce n’est peut-être pas le plus important.
Le plus important est que nous sommes dans l’ère des guerres à ondes de choc multiples, ondes que nous ne sommes peut-être pas encore capables d’analyser sur le sismographe de nos horreurs. Et peut-être n’avons-nous pas suffisamment appréhendé le fait que nous pouvions nous aussi être le jouet de ces forces qui, quelque part, par la manipulation, essaient de nous instrumentaliser et de nous faire agir comme nous ne le voudrions pas.
En Irak, en Libye, au Mali, en Syrie, sous les ordres de qui sommes-nous ? Peut-on jurer que le commandement américain ne nous fait pas faire un peu ce qu’il veut ? Peut-on affirmer que, lorsque l’on parle de la Russie ou de Bachar el-Assad, l’on n’est pas dans la diplomatie des mots destinée à se faire une belle conscience alors qu’elle risque d’être très moche quand le jugement de l’Histoire tombera, parce que nous aurons, à l’évidence, manqué de pragmatisme ?
Depuis quand choisit-on dans l’horreur ? Dresde a été bombardée. Depuis quand peut-on choisir dans l’horreur alors que, nous avons maintenant le moyen de le savoir, il y a une incertitude sur la présence, parmi ceux que l’on appelle les rebelles, de l’État islamique, avec des ramifications cancéreuses que l’on ne contrôle pas ?
Nous, nous faisons le choix de tourner le dos à la Russie parce que nous sommes bien, parce que nous avons des principes, mais, en même temps, nous décorons le prince d’Arabie saoudite.
Entre les bons et les méchants, prenons garde qu’un jour l’Histoire ne dise que, pour faire les bons, nous avons été du côté des vraies brutes masquées.