Au fond, deux sujets sont ici abordés en même temps : la question de la taxe sur les transactions financières et celle de l’aide publique au développement. Un lien est souvent fait entre les deux, et je le comprends parfaitement. Ainsi, au niveau européen, beaucoup proposent que toute augmentation de la taxe sur les transactions financières, soit par sa base – c’est le débat sur les opérations intra-day –, soit par son taux, permette d’abonder l’aide publique au développement. C’est pourquoi la quasi-totalité des interventions établissent un lien entre ces deux choses. Pour la taxe sur les transactions financières, j’ai déjà dit, devant vous comme lors du débat préparatoire au conseil européen sur ce thème, que je partageais cette conviction : je suis profondément persuadé que la mise en place d’une taxe sur les transactions financières serait bénéfique, tant pour ralentir les mouvements à caractère purement spéculatif – à l’époque de la taxe Tobin, on parlait de « mettre du sable dans les rouages » – que pour contribuer à l’action publique, même en cas de mouvements non spéculatifs.
J’ai également la conviction que créer une taxe sur les transactions financières dans un seul pays serait inefficace, en particulier pour des mouvements totalement internationalisés sur les obligations et surtout les produits dérivés – les actions étant émises dans un pays, il n’y a pas de danger de délocalisation. D’où la nécessité de travailler d’abord au niveau européen, puis peut-être international. Au niveau européen, nous avons franchi un pas considérable le 10 octobre dernier ; cela n’avait rien d’évident puisque les dix pays ont donné leur accord à une extension de l’assiette potentielle de la taxe sur les transactions financières, en particulier en y intégrant les dérivés et les mouvements intra-day. Le projet sur lequel nous travaillons et sur lequel nous nous sommes entendus politiquement au niveau européen comprend donc cette préoccupation exprimée par plusieurs amendements. L’année dernière, la disposition avait été adoptée avec un délai d’un an avant son entrée en vigueur, puis annulée par le Conseil constitutionnel. Nous ne sommes pas capables, techniquement, de mettre en oeuvre une disposition de cette nature d’ici le 1er janvier prochain. On peut toujours voter l’inclusion des mouvements intra-day, mais cela ne rapportera pas un sou à l’État. Je suis donc favorable, sur le fond, à cette mesure ; mais aujourd’hui, j’y suis opposé car elle aboutirait à un dispositif sans aucune efficacité.
J’en viens maintenant à un l’aspect, qui m’a semblé souvent prédominer dans votre raisonnement : la question de l’aide publique au développement. Plusieurs intervenants, sur tous les bancs, ont souligné combien il était important d’augmenter l’effort dans ce domaine. Je vous rappelle que dans la partie chiffrée du projet de budget qui vous est présenté, les crédits à l’aide publique au développement augmentent déjà de 130 millions par rapport à l’année dernière. Dans le contexte actuel, ce n’est pas un petit effort ! Je vous propose d’abonder ces 130 millions d’une somme supplémentaire, de manière à ce qu’au total, il y ait, dans la loi de finances pour 2017, une somme en faveur de l’aide publique au développement supérieure à celle de 2012. Les calculs sont toujours compliqués à faire car il faut cumuler ce qui est inscrit au titre du Quai d’Orsay, de mon ministère – que parfois on oublie – et du fonds de solidarité. En cumulant les trois, nous obtenons l’effort en faveur de l’aide publique au développement. Je propose d’y allouer 150 millions de plus, de façon à dépasser le chiffre de 2012, et surtout pour mettre en oeuvre des actions concrètes, nouvelles, au titre de l’année 2017. Mais au lieu d’attendre cette augmentation d’une disposition que je crois aujourd’hui inapplicable, et donc qui ne rapporterait rien, je propose de l’obtenir par le biais de l’effort budgétaire de l’État. Ce serait plus solide et plus certain. C’est un engagement clair que je prends : augmenter, dans la partie chiffrée, les crédits en question de 150 millions d’euros ; je le prends au nom de l’État, du Gouvernement et de la République, et je le tiendrai.
Troisième et dernier élément : nous allons maintenant examiner une série d’amendements relatifs au taux de la taxe sur les transactions financières existante, celle qui porte sur les actions. Je propose de retenir un taux de 0,3 %, alors qu’aujourd’hui, on en est à 0,2 % ; avec le produit de cette taxe supplémentaire, nous pourrons abonder budgétairement les crédits que je viens d’évoquer. D’un certain point de vue, cette proposition permet de relier la taxe sur les transactions financières et les crédits qui permettront d’augmenter l’aide publique au développement, autrement que dans la proposition initiale, mais d’une manière certaine et efficace – loin d’une technique aléatoire –, qui répond à nos préoccupations, convictions et alertes profondes dans ce domaine.
Voilà l’ensemble des propositions que vous fait le Gouvernement. Nous continuons à travailler au niveau européen, où nous avons considérablement avancé. D’ici la fin de l’année, la Commission européenne fera une proposition juridique écrite pour mettre en oeuvre la taxe sur les transactions financières avec l’Allemagne, l’Espagne, l’Italie et d’autres pays – incluant, donc, les grands pays, ceux qui comptent en Europe. Décidons dès maintenant d’augmenter les moyens de l’aide publique au développement et pour cela, augmentons dès maintenant le taux de la taxe actuelle sur les transactions financières, celle qui porte sur les actions en France.
Au bénéfice de toutes ces explications, monsieur le président, je demande aux auteurs des autres amendements portant sur les transactions intrajournalières de les retirer, afin que les amendements identiques présentés par trois d’entre vous – M. Dufau, M. Laurent et Mme Sas – visant à porter le taux de la taxe à 0,3 %, soient adoptés. Ultérieurement, nous augmenterons de 150 millions d’euros le budget de l’aide publique au développement.