Le projet de loi que je vous présente concerne un accord intergouvernemental qui a été signé le 6 octobre 2009 entre la France et le Kazakhstan et est consacré à la coopération dans le domaine de l'exploration et de l'utilisation de l'espace extra-atmosphérique à des fins pacifiques.
Cet accord répond naturellement à des préoccupations différentes de ses deux signataires.
Pour apprécier ce qu'en attend le Kazakhstan, il faut d'abord rappeler qu'il s'agit de l'économie la plus dynamique de celle des républiques ex-soviétiques d'Asie centrale. Cette économie a crû de près de 10 % par an en moyenne durant la décennie 2000, grâce à de considérables richesses naturelles, en hydrocarbures, mais aussi en uranium, chrome, manganèse, etc. Le PIB du Kazakhstan représente donc les deux tiers de celui de l'Asie centrale et est par habitant huit ou dix fois plus élevé que dans les républiques voisines. La balance courante est fortement excédentaire et l'Etat est enrichi par la rente pétrolière.
Dans cette situation, le Kazakhstan cherche à s'affirmer sur la scène internationale, notamment dans les enceintes multilatérales. Il a exercé en 2010 la présidence de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE). En 2011, il a assuré la présidence de l'Organisation de la conférence islamique et de l'Organisation de coopération de Shanghai.
Enfin, le Kazakhstan est aussi un pays qui a hérité de son passé soviétique une tradition d'industrie spatiale, car il possède notamment le fameux site de lancement de Baïkonour. Cependant, de ce passé, le Kazakhstan a aussi hérité un partenariat forcé avec la Russie, qui a loué ce site jusqu'en 2050.
Nous avons donc un pays qui a des moyens et une tradition spatiale, qui cherche à s'affirmer et à échapper un peu, sans confrontation, à une relation trop exclusive avec la Russie. C'est dans ce contexte que le Kazakhstan souhaite développer de nouveaux partenariats, dans le domaine de l'espace, avec les pays les plus avancés dans ce domaine, comme la France.
Du point de vue français, l'intérêt d'un partenariat spatial avec le Kazakhstan apparaît jusqu'à présent essentiellement commercial. Des contrats importants ont été signés. En 2009, EADS-Astrium a ainsi décroché, en même temps qu'était signé l'accord dont nous débattons, un contrat de fourniture de deux satellites d'observation pour un montant évalué à 220 millions d'euros, ainsi que la construction d'un centre d'assemblage de satellites près d'Astana. L'un de ces satellites sera lancé de Kourou par Arianespace en 2014. Par ailleurs, Thales, autre groupe français, a remporté en 2011 un appel d'offres kazakh portant sur la fourniture d'un satellite de télécommunications.
L'accord que nous examinons a été négocié en 2009, principalement à la demande de la partie kazakhe. Il faut bien voir que si nous avons en France, ou plutôt en Europe, de grandes entreprises qui sont indépendantes de l'État, même si celui-ci y conserve souvent des participations minoritaires, au Kazakhstan tout le secteur spatial, y compris ses aspects industriels, est directement contrôlé par la puissance publique. Il était donc naturel que les contrats industriels soient en quelque sorte chapeautés par des accords intergouvernementaux. En 2009 ont ainsi été signés deux accords de cette nature, l'un encadrant la coopération industrielle, c'est-à-dire les contrats dont j'ai parlé, l'autre consacré à la coopération dite institutionnelle, celui dont nous discutons.
Cet accord ressemble à d'autres accords bilatéraux déjà en vigueur pour organiser la coopération spatiale institutionnelle, c'est-à-dire entre agences spatiales. Dans le cas présent, cette coopération sera menée par le Centre national d'études spatiales, le CNES, et son homologue Kazkosmos. À la différence de la coopération industrielle dont j'ai parlé, cette coopération institutionnelle avec le Kazakhstan est pour l'heure à l'état embryonnaire.
Je détaille les clauses de cet accord, assez classiques, dans mon rapport écrit. Pour en donner les grandes lignes, j'indiquerai seulement que son texte délimite soigneusement le champ de coopération visé, excluant non seulement les applications militaires, mais aussi les activités industrielles, traitées dans un autre cadre comme on l'a vu. Dans le champ de l'accord, la coopération devrait être coiffée par un comité mixte de représentants du CNES et de Kazkosmos, auquel d'autres chercheurs ou universitaires pourront être associés. Ce type de comités, prévus par les accords de coopération spatiale, a généralement une activité mesurée, avec une réunion par an. Enfin, l'accord comporte des clauses d'encadrement juridique, notamment sur des points qui sont sensibles et auxquels la diplomatie française est très attachée : il y a ainsi une annexe détaillée sur le respect de la propriété intellectuelle et du droit d'auteur dans les activités qui seront menées en coopération ; il y a aussi un rappel du nécessaire respect des règles nationales sur les exportations et les transferts de technologie, afin d'en éviter le détournement à des fins militaires.
Sous ces observations, j'invite la commission à adopter le projet de loi de ratification de cet accord.