Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des finances, madame la rapporteure générale, mes chers collègues, l’histoire de cette législature s’achève donc sur le satisfecit d’un gouvernement se réclamant de la gauche, devenu thuriféraire des bienfaits du pacte européen de stabilité et fétichiste des 3 % de déficit. Quel recul pour la démocratie et pour nos politiques publiques !
La politique européenne des comptables semble avoir pris le pouvoir et le respect des 3 % de déficit est ainsi devenu le principal motif de satisfaction du décideur public, quand le nombre de chômeurs s’est accru de près d’un million en cinq ans, quand neuf millions de nos concitoyens vivent sous le seuil de pauvreté, quand la France reste, pour la troisième année consécutive, champion européen incontesté des dividendes, avec 40 milliards d’euros distribués, quand notre pays abandonne des pans entiers de son territoire, quand tant de nos jeunes quittent le système scolaire sans qualification et tant de nos anciens peinent à vivre de leurs petites retraites.
En réalité, ce projet de loi de finances pour 2017 est taillé sur mesure pour répondre aux exigences de l’Union européenne. Il suffit pour s’en convaincre de se pencher sur les cinq recommandations du Conseil à la France rendues publiques le 12 juillet dernier : « réduction des dépenses des collectivités territoriales », « diminution du coût du travail », « réforme du système d’assurance chômage », « réduction du taux de l’impôt sur les sociétés » et « mise en place du prélèvement à la source ». Telles sont les préconisations bruxelloises. Toute ressemblance avec un budget en cours de discussion est très certainement fortuite !
Cette législature devait être celle de la révolution fiscale. En réalité, nous avons assisté à ce que l’on pourrait qualifier de contre-révolution fiscale, qui a consisté à faire basculer une partie de la fiscalité des entreprises vers les ménages. Ainsi, depuis 2012, la contribution des entreprises à l’effort national a été réduite de 20 milliards, tandis que celle des particuliers a augmenté de 31 milliards d’euros. Ce constat est implacable, incontestable.
Quoi qu’on en dise, cette politique a également été supportée par les plus modestes, par le biais de la TVA, impôt invisible – que l’on règle quand on fait ses courses ou quand on paie son pain au chocolat –, mais impôt le plus injuste, car demandant plus d’effort à ceux qui ont le moins.
La majorité a successivement rejeté nos amendements visant à mettre la justice au coeur de notre système fiscal. Il s’agissait d’abord de redonner de la vigueur à notre impôt sur le revenu : neuf tranches véritablement progressives permettraient en effet d’aider ceux qui peinent et de faire contribuer ceux qui en ont les moyens – non pas les classes moyennes, qu’il nous faut préserver et sur lesquelles la fiscalité a tendance à se concentrer, mais les très hauts revenus.
Ensuite, comme je l’indiquais au préalable, la fiscalité des entreprises a été considérablement réduite, les allégements de cotisations sociales venant s’ajouter aux 20 milliards d’euros annuels du funeste crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi – CICE –, avec les résultats que l’on sait pour l’emploi et l’économie.
Avec une assiette trouée de toutes parts par tant de crédits d’impôts aussi coûteux qu’inefficaces, l’impôt sur les sociétés – IS – ne représente plus rien. Alors que cet impôt est déjà relégué au vingt-et-unième rang européen en termes de rendement, vous proposez la baisse de son taux sans vous préoccuper de son assiette. Avec la montée en charge du CICE, le rendement de notre IS représentera la moitié de la moyenne de la zone euro. Voilà la réalité, mes chers collègues, bien loin de ce que proclament, avec des cris d’orfraie, le MEDEF et ceux qui siègent sur la droite de cet hémicycle.