Intervention de Élisabeth Guigou

Réunion du 5 octobre 2016 à 9h30
Commission des affaires étrangères

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaÉlisabeth Guigou, présidente :

Avant de laisser répondre nos invités, je formulerais deux ou trois remarques et questions complémentaires.

Le nationalisme turc, dont chacun connaît l'ancienneté, perdure. Chacun sait que ce pays ambitionne de jouer un rôle sur le plan régional, et même au-delà, depuis très longtemps, sur fond de vieil antagonisme avec les pays arabes. Chacun sait que la Turquie est membre de l'OTAN. Pour toutes ces raisons, je partage l'avis de Nicole Ameline : nous aurions un intérêt, en tant que Français et Européens, à avoir une relation aussi constructive que possible avec ce grand pays, afin d'éviter que le nationalisme turc bien connu n'explose et ne devienne absolument incontrôlable, ajoutant encore à l'instabilité dangereuse de la région.

Ayant dit cela, je dois admettre que M. Erdoğan n'aide pas. Les torts sont partagés. Depuis quelques années déjà, l'Union européenne a complètement abandonné la défense de ses valeurs, sous l'influence d'un libéralisme dominant qui la considérait de plus en plus comme une zone de libre-échange dont l'intérêt était de défendre le commerce et non pas ces politiques communes. Certaines commissions – je pense notamment à la Commission Barroso qui a quand même duré dix ans – ont une responsabilité écrasante dans cette évolution, de même que des gouvernements nationaux.

Nicole Ameline a soulevé un point important concernant les réfugiés. Si nous sommes submergés par des réfugiés et que nous sommes obligés de prendre des mesures en catastrophe, c'est bien parce que nous ne sommes pas allés au bout de Schengen. Pour avoir fait ratifier et l'accord de 1985 et la convention d'application, je pense que si nous avions mis en oeuvre ce qui était écrit sur le contrôle des frontières extérieures, au fur et à mesure des alternances, nous n'en serions sans doute pas là. Je veux bien que l'on accable la France et l'Union européenne mais, au moins, revenons un peu en arrière, comme le suggère Guy-Michel Chauveau. Croyez bien que si ces arguments sont employés, nous saurons remettre les pendules à l'heure !

M. Bozarslan, je déplore comme vous que l'Union européenne ne dise rien concernant ces personnes, notamment ces universitaires. C'est comme cela depuis longtemps. Si nous ne disons rien, c'est parce que les politiques qui auraient dû accompagner la mise en place de ce grand marché ont été perdues de vue. Le problème que pose M. Viktor Orbán est symptomatique de la manière dont se sont déroulées les négociations sur l'élargissement de l'Union européenne. La Commission a fait ce que les bureaux ont l'habitude de faire, sans aucune espèce de contrôle politique. On s'est bien gardé de rappeler que c'était aussi une union de valeurs contenues dans les critères de Copenhague. Il fut une époque, que j'ai connue de très près, où tout cela était sur le devant de la scène.

Une fois ce paysage européen dessiné, j'en viens à ma question. Sachant que M. Erdoğan a une légitimité démocratique incontestable, comment la société turque analyse-t-elle ses intérêts nationaux ?

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