Intervention de Félix Garadon

Réunion du 20 octobre 2016 à 10h00
Mission d'information sur les suites du référendum britannique et le suivi des négociations

Félix Garadon :

Au lendemain du référendum, en effet, le président de la Commission européenne, M. Junker, et le président du Parlement européen, M. Schulz, ont rassuré les fonctionnaires européens de nationalité britannique en soulignant qu'ils avaient toujours été loyaux et qu'ils travailleraient avec les présidents des autres institutions afin qu'ils continuent à apporter leur savoir-faire. Le président du Conseil européen, M. Tusk, pour sa part, n'a pas fait le même type de déclaration car il est plus lié par les États membres, il est moins indépendant que les deux premiers. Il ne faut pas oublier que le Royaume-Uni est contributeur net, pour 12 %, au budget européen. J'ignore quelle sera la réaction de votre commission des finances quand on lui dira qu'il suffira d'augmenter de 12 % votre contribution au budget européen pour qu'il n'y ait plus aucun problème…

Il est probable que, même si les dépenses administratives ne représentent que 6 % du budget européen, dont la moitié pour les rémunérations, les États membres voudront réduire les effectifs. Et quel est le meilleur moyen de procéder, en cas de Brexit, sinon en licenciant les fonctionnaires de nationalité britannique ? Nous luttons pour que ce ne soit pas le cas, mais nous n'entendons pas être aveugles non plus : le risque est réel.

Vous nous avez interrogés par ailleurs sur ce qu'il adviendra des litiges en cours devant la Cour de justice de l'Union européenne. La cour n'a en fait aucun moyen de faire appliquer ses décisions. Ses arrêts sont appliqués par les États membres parce que c'est dans l'ordre normal des choses, mais il n'y a pas d'exécution forcée possible. Pour ce qui est des arrêts qui seront pris après le Brexit ou dont les effets devraient se produire après le Brexit, de la même manière que pour ses autres engagements, le Royaume-Uni se sentira-t-il moralement obligé de les respecter ? Telle est la question.

En ce qui concerne les différents modèles, norvégien, suisse et autres, d'après Mme May, les Britanniques veulent limiter l'immigration et garder l'accès au marché intérieur. D'après les dirigeants européens, ces deux exigences sont incompatibles. L'accès au marché intérieur comprend les quatre libertés dont la liberté de circulation des personnes. Et si j'entends bien ce qui s'est dit ici, pour un État membre comme la France – et c'est valable pour les autres également –, il est plus intéressant de garder la liberté de circulation et d'éviter que les Britanniques aient accès au marché intérieur, cela afin d'attirer les entreprises étrangères dans nos pays afin qu'elles y investissent plutôt qu'au Royaume-Uni. Les positions de négociation sont donc tout à fait opposées.

J'assistais cette semaine à une conférence, à Bruxelles, dont l'un des participants, André Sapir, membre du groupe Bruegel, un think tank européen, établissait la typologie des différentes issues possibles au Brexit. Nous avions d'abord le no Brexit, puis le soft Brexit qui pourrait aboutir au modèle suisse ou au modèle norvégien qui tous deux prévoient la libre circulation des personnes, en dépit de certains accommodements pour la Suisse. Ensuite venait l'idée d'un partenariat continental, modèle quelque peu hybride prévoyant une circulation des personnes limitée mais l'accès au marché intérieur. Puis étaient envisagées les unions douanières telles celle que nous avons établie avec la Turquie ou alors les règles de l'Organisation mondiale du commerce (OMC). Un participant à la conférence, un ancien eurodéputé britannique, a plaidé pour un accord du même type que celui que nous avons contracté avec l'Ukraine, c'est-à-dire un accord de libre-échange complet et approfondi (deep and comprehensive) qui ne prévoit pas la libre circulation. C'est peut-être également une idée à creuser.

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