Intervention de Rudy Salles

Réunion du 30 janvier 2013 à 16h30
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaRudy Salles :

L'école est une priorité et sa réforme une nécessité avérée : de cela, monsieur le ministre, nous sommes convaincus tout autant que vous.

Mais vous avez poussé l'ambition jusqu'à prétendre, non seulement la réformer, mais la refonder, ce qui semble un peu excessif. La plupart de ceux qui vous ont précédé à la tête de l'éducation nationale ont ainsi voulu marquer leur passage par des réformes fondatrices, mais il faut se méfier de certaines déclarations emphatiques qui se révèlent finalement décevantes. Les familles françaises, les parents, le monde enseignant, les partenaires de l'éducation nationale, mais aussi les collectivités attendent de connaître vos intentions.

Vous avez lancé cette refondation dans l'enceinte de la Sorbonne, lieu hautement évocateur de sept cents ans d'histoire et d'excellence dans la transmission du savoir. La création de 60 000 postes d'enseignants comme la réforme des rythmes scolaires avaient de quoi séduire, et vous pensiez que votre projet recueillerait le soutien du plus grand nombre. Cela n'a pourtant pas été le cas.

Tout d'abord, la concertation que vous avez engagée n'a pas donné les résultats que vous en attendiez. Ainsi le Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche a massivement rejeté le projet de loi d'orientation – par 25 voix contre 5 !

La réforme des rythmes scolaires subit le même désaveu. Sur les 32 000 parents, enseignants et élèves niçois que nous avons interrogés sur le sujet, 10 000 ont répondu ; 80 % souhaitent le maintien des horaires actuels, 86,5 % sont opposés à l'allongement de la pause méridienne, près de 69 % s'opposent au raccourcissement de la journée scolaire et 67 % ne veulent pas de la semaine de quatre jours et demi.

Sur le fond, ce texte ce caractérise par une attention toute particulière portée à l'école primaire alors que les réformes précédentes concernaient plutôt le collège et le lycée. Il vise aussi à développer l'accueil des enfants de moins de trois ans à l'école. Aussi pertinente soit-elle, notamment pour les familles les plus modestes, une telle mesure ne nécessite pas seulement de nouveaux moyens, mais aussi une nouvelle organisation pédagogique. Or le texte de loi est muet sur ce point.

Il n'était pas non plus inopportun de réformer le redoublement : on sait qu'il est inefficace et qu'un élève qui a redoublé son CP ou son CE1 a deux fois plus de risques que les autres de finir sa scolarité sans qualification. On peut également approuver votre volonté que les élèves fassent leurs devoirs dans l'établissement plutôt qu'à la maison : cela permettrait d'accompagner les enfants et de rétablir l'égalité entre les élèves. Mais il ne faudrait pas faire de ces objectifs, si importants soient-ils, des sujets de clivage. Ces dispositifs, qui avaient déjà été testés, dans le cadre des internats d'excellence par exemple, doivent être examinés avec toutes les parties prenantes, comme le prouve a contrario l'opposition unanime au décret relatif à la semaine de quatre jours et demi.

En réalité, le titre de ce projet promet plus que son contenu ne tient.

Sur bien des points, ce texte nous paraît en effet un peu tiède. Il revient peu sur la réforme du lycée engagée par votre prédécesseur – est-ce une sorte de reconnaissance du travail accompli avant vous ? Rien n'y est dit du contenu de la formation des maîtres, ni de la redéfinition des missions des enseignants. Le socle commun, qui a pourtant fait l'objet de débats nourris, n'est pas fondamentalement remis en cause : il n'est que très marginalement enrichi. Cela aussi prouve que les réformes engagées avant vous ne méritaient sans doute pas l'excès d'indignité dont on les a accablées. La question des grandes vacances est renvoyée aux calendes grecques. La formation professionnelle est absente de votre réflexion, si ce n'est pour en transférer un peu plus la charge aux régions. Sauf erreur de ma part, je n'ai vu aucune proposition s'agissant des autres personnels d'éducation, personnels d'encadrement, administratifs, médico-sociaux et de service.

Quant à votre projet d'écoles supérieures du professorat et de l'éducation, il était nécessaire. Mais on ignore quelle formation y sera prodiguée : quel en sera le contenu, et pour quelles missions ? Pouvez-vous nous garantir que les ESPE ne seront pas de nouveaux IUFM ? Nous attendons que vous nous répondiez précisément sur ce point, sans nous renvoyer aux décrets à venir.

Vous remettez en cause les trois axes selon lesquelles le système actuel s'ordonne : un programme éducatif rigoureux et centré sur des fondamentaux ; l'aide personnalisée de deux heures pour les enfants les plus en difficulté, et les évaluations. La diminution du nombre d'heures d'enseignement personnalisé, alors que vous augmentez le nombre d'enseignants, nous inquiète particulièrement. Quant aux évaluations, l'accord que vous avez trouvé avec les syndicats nous semble une cote mal taillée : elles sont maintenues à l'issue de la classe de CE1 et du CM2, mais elles ne remonteront plus à l'administration centrale. Vous vous privez ainsi d'un outil essentiel pour adapter votre propre politique.

Le rapport même sur lequel vous vous appuyez pour cette refondation apparaît à bien des égards moins approfondi que certains rapports précédents, comme le rapport Thélot sur l'avenir de l'école, publié en 2004, ou encore le rapport remis il y a deux ans par la Cour des comptes. Malgré quelques avancées, nous sommes très loin d'une véritable refondation. La grande concertation semble a posteriori n'avoir été qu'une grande mise en scène, au détriment des parties prenantes, notamment des enseignants.

Ce qui frappe finalement, sur ce sujet comme sur tous les autres, et hors la création de 60 000 postes supplémentaires qui pèsera très lourd dans le budget de l'État, c'est l'absence de cap. Nous espérons que ce qui n'a pas été réalisé pendant de longs mois de concertation le sera à l'occasion de la discussion parlementaire.

En tout cas, le groupe UDI, pour lequel l'éducation est une préoccupation majeure, sera vigilant quant à la réalisation des intentions que vous affichez et participera activement au travail législatif. Au-delà de déclarations d'intention souvent excessives, nous attendons des actes qui répondent aux attentes des élèves, de leurs familles, de la communauté enseignante et, de façon plus générale, de la société. Cette affaire mérite mieux que des mesures idéologiques dictées par le parti socialiste : elle nécessite un consensus national. Vous en êtes loin. Saurez-vous entendre les attentes et les contributions de ceux qui, sans penser forcément comme vous, aiment l'école au moins autant que vous ?

Nous auditionnions cet après-midi certaines associations, proches du parti socialiste, qui proposaient que l'on ne parle plus d'école maternelle mais d'école enfantine, afin de ne plus faire référence à la mère, conformément à la logique du projet de loi sur le mariage pour tous. J'espère, monsieur le ministre, que vous saurez résister à ce genre de proposition inadmissible !

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion