COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES ET DE L'ÉDUCATION
Mercredi 30 janvier 2013
La séance est ouverte à seize heures quarante.
(Présidence de M. Michel Ménard, vice-président de la Commission)
La Commission des affaires culturelles et de l'éducation procède à l'audition de. M. Vincent Peillon, ministre de l'éducation nationale, sur le projet de loi d'orientation et de programmation pour la refondation de l'école de la République (n° 653) (M. Yves Durand, rapporteur).
Je vous prie d'excuser le président de notre Commission, M. Patrick Bloche, qui est retenu en séance publique. Nous avons le plaisir d'accueillir M. Vincent Peillon, ministre de l'éducation nationale, pour un moment très important de la législature : la présentation du projet de loi d'orientation et de programmation pour la refondation de l'école de la République. En effet, nous touchons avec ce texte au coeur du grand espoir dont était porteuse l'élection du Président de la République, espoir qui a rassemblé la jeunesse et la société tout entières dans une démarche de confiance dans l'avenir de notre école.
Après les mesures d'urgence que le gouvernement a su prendre dès l'été 2012, après le signal puissant donné avec la création des emplois d'avenir professeur, c'est aujourd'hui par la refondation de l'école que se concrétisent les engagements présidentiels et votre engagement personnel, monsieur le ministre. Ce rendez-vous était attendu. Vous avez su mener la concertation avec l'ensemble des acteurs concernés tout en préservant la cohérence de votre action.
Même si le débat sur ce texte ne pourra faire abstraction de sujets d'actualité tels que la réforme des rythmes scolaires, il portera avant tout sur les piliers de la refondation : la priorité au primaire, la reconstruction de la formation des enseignants, la création d'un service public de l'enseignement numérique, la programmation budgétaire des créations de postes.
Nous avons nous-mêmes commencé à travailler sur tous ces sujets depuis la désignation de notre rapporteur, M. Yves Durand, qui mène un intense travail d'auditions. Je remercie le gouvernement de laisser le temps à l'Assemblée nationale de mener à bien ce travail dans les semaines qui viennent : c'est le gage d'un débat parlementaire approfondi, en commission comme en séance publique.
Je consacrerai mon intervention à l'exposé de la méthode et de l'esprit qui ont présidé à l'élaboration de ce projet de loi.
Nous avons choisi de faire de l'école une priorité du quinquennat, même si nous devons faire face à beaucoup d'autres urgences, et la loi de programmation est la concrétisation de cette volonté.
Elle a pour objectif de résoudre les difficultés de notre système éducatif, telles que les révèlent les évaluations, tant internationales que nationales. Ces difficultés sont de plusieurs ordres. Notre système éducatif peine à offrir une qualification à un nombre suffisant de jeunes ; le niveau de nos élèves n'est pas satisfaisant ; enfin, les inégalités s'accroissent au sein de notre école. Ces difficultés appellent une réponse collective, non seulement parce que c'est la France de demain qui est en jeu, mais aussi parce la résolution d'autres problèmes que notre pays doit affronter, tels que notre défaut de compétitivité ou de cohésion sociale, dépendra de notre capacité à améliorer la formation de nos jeunes. Cela suppose d'agir avec constance, de faire partager autant que possible nos objectifs et de les inscrire dans le long terme. Comme l'indique le terme de « refondation », il s'agit de revenir aux fondements de l'école, mais aussi de la République car, comme le Président de la République l'a souvent souligné, la refondation de l'école de la République sera également la refondation de la République par l'école.
Les évaluations auxquelles j'ai fait référence ont eu le mérite de nous permettre d'identifier les facteurs sur lesquels nous devions faire porter nos efforts, pour faire de ces points faibles nos points forts.
Premièrement, nous avons choisi de donner la priorité à l'enseignement primaire. Alors que ce choix semble aller de soi, notre pays ne l'avait pas fait jusqu'ici, ce qui explique que 15 à 25 % des élèves soient en difficulté à l'entrée au collège. La France consacre à son école primaire des moyens inférieurs à ceux qu'elle consacre au secondaire et très nettement inférieurs à ceux de la moyenne des pays de l'OCDE. Or c'est à ce niveau d'enseignement que se décident les réussites comme les difficultés ultérieures.
Cette priorité se traduira par le développement de l'accueil des enfants de moins de trois ans, ou encore par l'application du principe « Plus de maîtres que de classes », toutes mesures qui demanderont plusieurs milliers de postes supplémentaires, dont la création sur plusieurs années est d'ores et déjà programmée. Elles s'accompagneront d'une révision des programmes, de la réforme du livret personnel de compétences ou encore de l'introduction de l'apprentissage d'une langue étrangère dès l'école élémentaire et de l'instauration d'un service public du numérique.
Deuxièmement, notre projet vise à améliorer la formation des enseignants, aussi bien initiale que, dans la mesure de nos moyens, continue. Il prévoit dans ce but la création, au sein des universités, d'écoles supérieures du professorat et de l'éducation, les ESPE, les concours de recrutement intervenant à l'issue de la première année de master. Notre but est d'assurer une entrée progressive dans la profession, ce qui suppose de réviser le référentiel des métiers de l'éducation nationale et la nature des concours.
Les ESPE sont à mes yeux le premier élément de la réforme à long terme de notre système éducatif. Il nous appartient, ainsi qu'aux acteurs locaux, d'en faire l'instrument de la meilleure formation possible des enseignants, et le lieu où ils apprendront à se connaître et à travailler ensemble. L'engagement très fort des universités en faveur de cette réforme, que traduit l'accord sur la « feuille de route » que nous avons, ma collègue ministre de l'enseignement supérieur Geneviève Fioraso et moi, signée la semaine dernière avec la Conférence des présidents des universités, me rend assez optimiste en dépit de délais serrés.
Dans une situation budgétaire très tendue, ces choix impliquent de nombreuses créations de postes, sans parler de la réintroduction de l'année de stage, qui est en elle-même une forme de revalorisation du métier. J'ai néanmoins souhaité que cette réforme ait lieu dès le début du quinquennat, car il faudra du temps avant que ces écoles ne donnent le meilleur d'elles-mêmes.
Troisièmement, ce projet de loi crée un service public du numérique, qui fédérera les initiatives déjà prises, par les collectivités locales comme par mon ministère, mais en les inscrivant dans une perspective autrement plus ambitieuse. Il s'agira en effet d'un plan global, qui entraînera d'ailleurs des restructurations importantes au sein de l'administration centrale de l'éducation nationale.
Quatrièmement, le projet vise à résoudre le problème ancien de l'orientation, en particulier en instituant un service public territorialisé de l'orientation. Si je tiens en effet à ce que notre école assume sa mission d'émancipation de l'individu et de formation du citoyen – d'où la part faite à l'enseignement de la morale laïque –, elle doit aussi assumer pleinement ses responsabilités en matière d'insertion professionnelle des jeunes. C'est pourquoi nous voulons mettre en place un parcours d'orientation et d'information dès le collège : tous les élèves doivent être à égalité devant les décisions qui engagent leur avenir, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui.
Enfin, le projet de loi nous dotera d'instruments visant à accroître la transparence et l'efficacité de notre système éducatif : ainsi le Conseil supérieur des programmes nous permettra de définir ces derniers en lien avec le socle commun de connaissances, de compétences et de culture, et en fonction des évaluations menées par les maîtres. Dans le même esprit, nous proposons les instruments d'une évaluation indépendante, et non partisane, des politiques éducatives.
On voit que cette loi de programmation affiche clairement ses priorités, dont la plupart me semblent pouvoir être largement partagées. De plus, elle ouvre certaines pistes que nous n'avons pas encore pu explorer jusqu'au bout, s'agissant de sujets tels que l'éducation prioritaire, la réforme du collège unique, l'articulation de la scolarité de bac - 3 à bac + 3. Sur ces points, les esprits ne sont pas encore mûrs et certaines réformes déjà engagées demandent à être évaluées – ainsi celle du lycée professionnel. Tout cela devra faire l'objet de concertations et de propositions en vue d'une nouvelle étape à franchir dans les années qui viennent. Il est clair en effet que cette loi de programmation et d'orientation n'épuise pas toutes les possibilités de réforme de notre système éducatif.
La question des rythmes scolaires, même si elle ne figure pas dans le projet de loi, est également un élément essentiel de la refondation, à côté de la priorité donnée au primaire et de la création des écoles supérieures du professorat.
Notre objectif est de proposer un nouveau contrat entre l'école et la nation et dans cette perspective, je souhaite laisser toute sa place à un débat parlementaire libre, mais rigoureux et sérieux. Comme je le dis très souvent aux enseignants, l'école n'appartient pas à l'éducation nationale, mais à tous. Or on ne parle pas assez de l'école dans notre pays, alors que nous avons besoin d'échanger et de construire un esprit commun, même sur des sujets strictement pédagogiques tels que l'organisation en cycles ou la notation.
Pour toutes ces raisons, j'attends avec impatience vos débats, qui doivent nous permettre d'enrichir ce texte et d'en faire un élément essentiel du redressement de notre pays.
L'école n'ayant pas fait depuis longtemps l'objet d'une loi d'orientation et de programmation, nous ne pouvons que nous réjouir de celle-ci. À travers elle, la nation fixe à l'école les grandes orientations de son action et détermine les moyens qu'elle lui consacrera durant le quinquennat : nous sommes donc loin de l'incantation, d'autant que nous avons dès juillet voté les premiers de ces moyens dans le cadre du collectif budgétaire.
Ce texte résulte d'une concertation, lancée cet été, avec l'ensemble des acteurs de l'éducation sur des sujets qui agitent le monde éducatif depuis des années, comme le collège, l'évaluation ou les rythmes scolaires. Selon moi, c'est à ce temps de concertation qu'on doit l'absence d'opposition radicale aux orientations proposées ici, et c'est un premier motif de satisfaction.
Cependant, les auditions que nous avons déjà menées ont fait apparaître le besoin de préciser certains points de ce texte, qui a d'ailleurs vocation à être enrichi par le travail parlementaire. Je ne citerai que quelques exemples. Il faudrait ainsi renforcer l'indépendance d'organismes créés ou recréés par ce projet de loi, tels que le Conseil supérieur des programmes ou le Conseil national d'évaluation du système éducatif. Qu'il s'agisse des savoirs à enseigner ou de l'évaluation des politiques, on ne saurait en effet être juge et partie.
D'autre part, de nombreuses voix ont demandé que ce projet de loi fasse une place à l'apprentissage des langues régionales.
La création d'un cycle propre à l'enseignement maternel a été saluée, et il en est de même des mesures visant à une plus étroite collaboration entre enseignants de l'école élémentaire et enseignants du collège, véritable révolution pédagogique. Mais les modalités de ce rapprochement demandent à être précisées, tout comme les rapports entre programmes et socle commun. De même, nous devrons définir ensemble ce que doit être le collège unique, même si nous sommes d'accord pour dire qu'il ne doit pas y avoir d'orientation ni de sélection avant la fin de la troisième.
Ces précisions s'imposent pour enrichir, et non pas pour remettre en cause une réforme qui recueille l'assentiment de tous ceux que j'ai rencontrés. De ce point de vue, l'objectif de rassembler la nation autour de son école me semble tout à fait accessible.
Je voudrais pour finir soulever deux points qui se situent plutôt à l'aval du projet de loi.
Toute loi modifiant le code de l'éducation suppose de nombreux décrets d'application. Loin de moi l'idée de réitérer les erreurs du législateur de 2005, qui avait méconnu la distinction entre loi et règlement, mais il me paraîtrait souhaitable que la représentation nationale soit informée du contenu de ces décrets. Cette demande ne traduit aucune suspicion, mais la volonté de réunir toutes les conditions d'une adhésion entière à la présente loi.
Deuxièmement, loin de clore le débat sur l'école, cette loi lance une dynamique. L'école a besoin de temps – certains évoquent une durée de dix ans. Quoi qu'il en soit, nous ne pourrons éluder des questions telles que celles du lycée, de l'enseignement professionnel, de l'articulation entre le premier cycle et l'enseignement supérieur, etc. Comment organiser une seconde étape de concertation, notamment avec le Parlement, de sorte que le débat ne s'arrête pas au vote de la loi ?
En m'en excusant auprès du ministre, je suis amené à suspendre notre séance en raison de l'organisation d'un vote dans l'hémicycle.
Suspendue à dix-sept heures dix, la séance est reprise à dix-huit heures.
C'est avec beaucoup de satisfaction et un immense espoir que nous accueillons ce projet de loi pour la refondation de l'école, qui doit nous permettre de bâtir ensemble l'école de demain. C'est une première pierre que nous posons aujourd'hui, à l'issue d'une concertation qui a duré plusieurs mois – et non quelques semaines, comme des esprits chagrins le font accroire.
Comme l'avaient déjà montré les conclusions édifiantes d'une concertation sur le temps de l'enfant organisée par votre prédécesseur Luc Chatel, les élèves français manquent de temps. Nous leur imposons un rythme d'apprentissage qui contrarie les rythmes biologiques, violence encore aggravée par la lourdeur et l'inadaptation des programmes. Ce projet de loi nous propose de donner du temps à l'élève pour apprendre, à l'enseignant pour enseigner, à l'ensemble de la communauté éducative et aux élus pour évaluer, mener des concertations, organiser et décider – sans compter le temps que vous aurez donné aux parlementaires pour en débattre.
Le texte remet l'enfant au coeur de nos préoccupations : il vise à lui assurer un parcours de réussite individualisé, associant tous les acteurs – enseignants, parents, élus, associations, monde de l'entreprise – dans le cadre du projet éducatif territorial.
Notre système éducatif doit impérativement être adapté aux mutations actuelles, notamment aux progrès vertigineux de la technologie.
Il faut dire aussi que ces dernières années, il a été ébranlé dans ses fondements, notamment par la suppression de postes d'enseignants, de personnels d'encadrement, de médecins et d'infirmiers scolaires, ainsi que par la suppression de la formation initiale et continue des enseignants. Aujourd'hui, il faut reconstruire – ce qui justifie l'emploi du terme de « refondation » – pour instaurer une gestion du temps différente, faisant coexister le temps long des apprentissages, des enseignements et de la réflexion avec la prise en compte des urgences.
La première de celles-ci est de donner la priorité à l'école maternelle et au primaire, pour lesquels vous avez déjà obtenu des moyens supplémentaires dès cette rentrée. L'école élémentaire est en effet une étape fondamentale du parcours scolaire d'un enfant, d'autant qu'on peut dès ce stade repérer des déficiences ou des troubles, pour y remédier ou en prévenir d'autres.
Rendre son rang à l'école élémentaire suppose d'accroître ses moyens financiers, mais aussi humains : c'est l'objectif « Plus de maîtres que de classes ». Il conviendra en outre de prendre rapidement et franchement le virage du numérique, de redéfinir le socle commun et d'élaborer des programmes plus adaptés, en s'appuyant sur le nouveau Conseil supérieur des programmes. Nous apprécions également votre volonté d'organiser une véritable éducation artistique et culturelle, voire sportive, et de rendre obligatoire l'apprentissage d'une langue vivante dès le cours préparatoire. La question des langues régionales me tenant particulièrement à coeur, vous me permettrez, monsieur le ministre, de vous remercier pour la réponse que vous avez faite hier en séance publique sur le sujet à notre collègue Paul Molac et de vous assurer que nous participerons au débat qui s'ouvrira au mois de mars, pour faire progresser la pratique et l'enseignement de ces langues.
Enfin, en clarifiant la répartition des compétences entre l'État et les collectivités territoriales et en mettant en place les projets éducatifs locaux, ce projet de loi favorise la coopération entre tous les partenaires de l'école.
Ce projet de loi de refondation porte donc la promesse d'une nouvelle ère pour notre système éducatif. Sa réussite dépendra en grande partie de la capacité des uns et des autres à accepter les évolutions nécessaires. Seul l'élève doit nous préoccuper. Un enfant a besoin d'avoir autour de lui des adultes capables de le guider dans ses apprentissages. Une école qui va bien, qui a une conscience claire de son périmètre d'action, de ses missions et de ses ambitions ne peut que tenir une place essentielle dans cette démarche.
N'oublions pas que l'école est une immense chance pour tous les enfants et qu'enseigner est un des plus beaux métiers. Vous nous donnez l'occasion, monsieur le ministre, de ramener la joie dans la maison école !
Je me réjouis de chaque occasion pour le Parlement de débattre de l'école, monsieur le ministre, même si nous, députés UMP, ne sommes pas convaincus par vos propos. Nous ne sommes d'ailleurs pas les seuls : j'ai le sentiment que votre projet de refondation inquiète bon nombre de nos concitoyens, enseignants, parents d'élèves, élus locaux, en un mot l'ensemble de la communauté éducative, y compris les réseaux d'éducation populaire.
Après son parcours peu glorieux devant le Conseil supérieur de l'éducation et devant la Commission consultative d'évaluation des normes, votre décret sur les rythmes scolaires a réussi à faire l'unanimité contre lui. Cette réforme, attendue depuis des décennies, est massivement rejetée, alors que les conclusions de la Conférence nationale sur les rythmes scolaires réunie par Luc Chatel et celles du rapport parlementaire de nos collègues Yves Durand et Xavier Breton avaient fait consensus. Si le fond n'est pas en cause, c'est sans doute votre méthode qui pèche. Cette réforme, au lieu de rassembler, divise le pays, et l'euphorie suscitée par vos premières annonces n'est sans doute pas étrangère à cet état de fait : ceux qui ont participé à la prétendue concertation que vous avez organisée ne se reconnaissant pas dans la copie que vous venez de rendre, leur déception est à la hauteur de leur enthousiasme initial.
Ce projet de refondation, dont fait partie la réforme des rythmes scolaires, laisse un sentiment d'impréparation. La loi du 23 avril 2005, dont on n'a pas encore mesuré tous les effets positifs, avait été précédée d'une année de débats, d'échanges et de concertation avec les partenaires sociaux sur tout le territoire. Le socle commun de compétences et de connaissances, qui était au coeur de la « loi Fillon », avait suscité l'adhésion du plus grand nombre. La priorité était que chaque élève sache lire, écrire et compter dès l'école élémentaire. Le projet de loi maintient d'ailleurs ce socle, qui devient le socle commun de connaissances, de compétences et de culture. Je me réjouis également du maintien des programmes personnalisés de réussite éducative, les PPRE, dont on avait pu craindre un temps la disparition. Quant au principe « Plus de maîtres que de classes », il est séduisant, mais il mérite d'être précisé.
Les mesures phares telles que la création de 60 000 postes supplémentaires en cinq ans, la priorité donnée au primaire ou la refonte de la formation initiale ne peuvent certes nous surprendre puisqu'elles avaient été annoncées par le Président de la République, mais elles suscitent de nombreuses interrogations.
La réforme des rythmes scolaires bouleverse la vie quotidienne des familles. L'article 47 du projet de loi, qui prévoit en faveur des communes et des intercommunalités une incitation financière à développer les activités périscolaires, ressemble à un chantage, et l'octroi d'un délai supplémentaire d'un mois pour prendre la décision n'est pas de nature à calmer la colère des élus locaux. Nous prenons acte de la création de ce fonds, mais les modalités de ce financement restent à préciser : il faudra veiller à ce que l'équité soit respectée, notamment entre écoles publiques et écoles privées sous contrat. Sur ce dernier point, les dispositions de l'article 45 me laissent quelque peu perplexe.
Les modalités de l'accueil en maternelle des enfants de moins de trois ans doivent de même être précisées, d'autant qu'elles auront une incidence sur le contrat d'objectifs et de gestion des caisses d'allocations familiales et sur l'accueil en jardin d'éveil. Quel en sera, en outre, l'impact sur les mesures de carte scolaire ?
Vous me permettrez d'autre part de déplorer que les langues régionales soient totalement oubliées dans ce texte et que l'article 38 annule les dispositions de la « loi Cherpion » pour le développement de l'alternance. Quant aux directeurs d'école, si l'article 41 dispose qu'ils présideront le conseil d'école, ils devront encore attendre avant de bénéficier d'un véritable statut.
J'aimerais enfin, monsieur le ministre, connaître votre position sur les expérimentations d'écoles du socle commun menées dans certaines académies.
La refondation de l'école est une priorité. L'école de la République doit être adaptée aux besoins de nos enfants et mieux les préparer aux défis de notre société. Vous pouvez compter sur le soutien des écologistes pour cette refondation : pour donner la priorité au primaire, pour recruter plus d'enseignants afin de donner corps au principe du « Plus de maîtres que de classes », pour rendre les rythmes scolaires plus respectueux des rythmes des enfants et plus propices à de nouvelles formes de pédagogie, ou encore pour développer la scolarisation des moins de trois ans dans les zones en difficulté.
Mais pour ne pas être un simple pansement, pour mériter son nom, la refondation doit être globale.
Or ce projet de réforme sous-estime l'importance des projets éducatifs territoriaux, pourtant essentiels puisqu'ils visent à mettre en cohérence les activités scolaires et périscolaires en impliquant l'ensemble des acteurs concernés. Ces projets doivent permettre une continuité entre le temps scolaire et les autres temps de l'enfant, en impliquant la communauté éducative, les parents, les collectivités territoriales mais aussi les structures associatives. Ils peuvent être très utiles pour concrétiser la réforme des rythmes scolaires et pour assurer un bon équilibre entre le cadre national et les adaptations aux spécificités locales. C'est aussi dans ce cadre que la question du rôle des collectivités territoriales en matière d'éducation pourra être le mieux posée. Pour nous, il est essentiel d'assurer à ces dernières, et pas seulement aux plus démunies, un soutien plus important et plus durable que celui qui est prévu aujourd'hui.
Il est également nécessaire de revaloriser le statut des professeurs des écoles. Quant à la réforme des rythmes scolaires, elle doit s'accompagner d'une réforme des pratiques pédagogiques, sans laquelle la refondation serait en partie manquée : il s'agit d'ouvrir l'école sur l'extérieur, de renforcer les projets collectifs impliquant d'autres acteurs, d'organiser différemment les emplois du temps pour donner vie à ces projets. Au-delà de la question des rythmes, c'est donc un droit à l'expérimentation et à l'innovation pédagogiques qu'il faut poser.
Cette question de la pédagogie ne doit pas non plus être dissociée de celle de l'évaluation, autre élément sous-estimé par le projet de réforme dans sa rédaction actuelle. La notation fait partie de ce qui doit impérativement changer : l'école ne doit pas être le lieu d'apprentissage de la compétition. La notation est vécue comme une épreuve, voire comme une sanction. Par son caractère stigmatisant, elle peut contribuer au décrochage scolaire. En Finlande, pays constamment en tête des classements internationaux en matière d'éducation, les élèves ne sont pas évalués avant l'âge de neuf ans, et ne sont notés qu'à partir de onze ans. Il faut donc repenser la totalité de notre système d'évaluation des élèves, du cours préparatoire au baccalauréat. La « notation positive » évoquée dans l'annexe du projet de loi est loin d'être suffisante.
Nous avons aussi des demandes précises en ce qui concerne la formation des enseignants. Nous souhaiterions que vous nous indiquiez quels moyens seront consacrés à leur formation continue. Nous approuvons certes votre volonté d'encourager une nouvelle façon de travailler, de nouvelles pratiques pédagogiques, d'organiser de nouveaux rythmes, mais les enseignants doivent être formés aujourd'hui, demain et tout au long de leur carrière.
Les écologistes plaident enfin pour un recrutement des enseignants à l'issue de la licence, afin que les deux années de master ne se résument pas à du bachotage mais soient réellement des années de formation. Le groupe « Reconstruire la formation des enseignants » a démontré dans une de ses études que le recrutement dès la première année de master serait moins coûteuse que le scénario jusqu'ici retenu, tout en garantissant une formation beaucoup plus efficace.
L'école est une priorité et sa réforme une nécessité avérée : de cela, monsieur le ministre, nous sommes convaincus tout autant que vous.
Mais vous avez poussé l'ambition jusqu'à prétendre, non seulement la réformer, mais la refonder, ce qui semble un peu excessif. La plupart de ceux qui vous ont précédé à la tête de l'éducation nationale ont ainsi voulu marquer leur passage par des réformes fondatrices, mais il faut se méfier de certaines déclarations emphatiques qui se révèlent finalement décevantes. Les familles françaises, les parents, le monde enseignant, les partenaires de l'éducation nationale, mais aussi les collectivités attendent de connaître vos intentions.
Vous avez lancé cette refondation dans l'enceinte de la Sorbonne, lieu hautement évocateur de sept cents ans d'histoire et d'excellence dans la transmission du savoir. La création de 60 000 postes d'enseignants comme la réforme des rythmes scolaires avaient de quoi séduire, et vous pensiez que votre projet recueillerait le soutien du plus grand nombre. Cela n'a pourtant pas été le cas.
Tout d'abord, la concertation que vous avez engagée n'a pas donné les résultats que vous en attendiez. Ainsi le Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche a massivement rejeté le projet de loi d'orientation – par 25 voix contre 5 !
La réforme des rythmes scolaires subit le même désaveu. Sur les 32 000 parents, enseignants et élèves niçois que nous avons interrogés sur le sujet, 10 000 ont répondu ; 80 % souhaitent le maintien des horaires actuels, 86,5 % sont opposés à l'allongement de la pause méridienne, près de 69 % s'opposent au raccourcissement de la journée scolaire et 67 % ne veulent pas de la semaine de quatre jours et demi.
Sur le fond, ce texte ce caractérise par une attention toute particulière portée à l'école primaire alors que les réformes précédentes concernaient plutôt le collège et le lycée. Il vise aussi à développer l'accueil des enfants de moins de trois ans à l'école. Aussi pertinente soit-elle, notamment pour les familles les plus modestes, une telle mesure ne nécessite pas seulement de nouveaux moyens, mais aussi une nouvelle organisation pédagogique. Or le texte de loi est muet sur ce point.
Il n'était pas non plus inopportun de réformer le redoublement : on sait qu'il est inefficace et qu'un élève qui a redoublé son CP ou son CE1 a deux fois plus de risques que les autres de finir sa scolarité sans qualification. On peut également approuver votre volonté que les élèves fassent leurs devoirs dans l'établissement plutôt qu'à la maison : cela permettrait d'accompagner les enfants et de rétablir l'égalité entre les élèves. Mais il ne faudrait pas faire de ces objectifs, si importants soient-ils, des sujets de clivage. Ces dispositifs, qui avaient déjà été testés, dans le cadre des internats d'excellence par exemple, doivent être examinés avec toutes les parties prenantes, comme le prouve a contrario l'opposition unanime au décret relatif à la semaine de quatre jours et demi.
En réalité, le titre de ce projet promet plus que son contenu ne tient.
Sur bien des points, ce texte nous paraît en effet un peu tiède. Il revient peu sur la réforme du lycée engagée par votre prédécesseur – est-ce une sorte de reconnaissance du travail accompli avant vous ? Rien n'y est dit du contenu de la formation des maîtres, ni de la redéfinition des missions des enseignants. Le socle commun, qui a pourtant fait l'objet de débats nourris, n'est pas fondamentalement remis en cause : il n'est que très marginalement enrichi. Cela aussi prouve que les réformes engagées avant vous ne méritaient sans doute pas l'excès d'indignité dont on les a accablées. La question des grandes vacances est renvoyée aux calendes grecques. La formation professionnelle est absente de votre réflexion, si ce n'est pour en transférer un peu plus la charge aux régions. Sauf erreur de ma part, je n'ai vu aucune proposition s'agissant des autres personnels d'éducation, personnels d'encadrement, administratifs, médico-sociaux et de service.
Quant à votre projet d'écoles supérieures du professorat et de l'éducation, il était nécessaire. Mais on ignore quelle formation y sera prodiguée : quel en sera le contenu, et pour quelles missions ? Pouvez-vous nous garantir que les ESPE ne seront pas de nouveaux IUFM ? Nous attendons que vous nous répondiez précisément sur ce point, sans nous renvoyer aux décrets à venir.
Vous remettez en cause les trois axes selon lesquelles le système actuel s'ordonne : un programme éducatif rigoureux et centré sur des fondamentaux ; l'aide personnalisée de deux heures pour les enfants les plus en difficulté, et les évaluations. La diminution du nombre d'heures d'enseignement personnalisé, alors que vous augmentez le nombre d'enseignants, nous inquiète particulièrement. Quant aux évaluations, l'accord que vous avez trouvé avec les syndicats nous semble une cote mal taillée : elles sont maintenues à l'issue de la classe de CE1 et du CM2, mais elles ne remonteront plus à l'administration centrale. Vous vous privez ainsi d'un outil essentiel pour adapter votre propre politique.
Le rapport même sur lequel vous vous appuyez pour cette refondation apparaît à bien des égards moins approfondi que certains rapports précédents, comme le rapport Thélot sur l'avenir de l'école, publié en 2004, ou encore le rapport remis il y a deux ans par la Cour des comptes. Malgré quelques avancées, nous sommes très loin d'une véritable refondation. La grande concertation semble a posteriori n'avoir été qu'une grande mise en scène, au détriment des parties prenantes, notamment des enseignants.
Ce qui frappe finalement, sur ce sujet comme sur tous les autres, et hors la création de 60 000 postes supplémentaires qui pèsera très lourd dans le budget de l'État, c'est l'absence de cap. Nous espérons que ce qui n'a pas été réalisé pendant de longs mois de concertation le sera à l'occasion de la discussion parlementaire.
En tout cas, le groupe UDI, pour lequel l'éducation est une préoccupation majeure, sera vigilant quant à la réalisation des intentions que vous affichez et participera activement au travail législatif. Au-delà de déclarations d'intention souvent excessives, nous attendons des actes qui répondent aux attentes des élèves, de leurs familles, de la communauté enseignante et, de façon plus générale, de la société. Cette affaire mérite mieux que des mesures idéologiques dictées par le parti socialiste : elle nécessite un consensus national. Vous en êtes loin. Saurez-vous entendre les attentes et les contributions de ceux qui, sans penser forcément comme vous, aiment l'école au moins autant que vous ?
Nous auditionnions cet après-midi certaines associations, proches du parti socialiste, qui proposaient que l'on ne parle plus d'école maternelle mais d'école enfantine, afin de ne plus faire référence à la mère, conformément à la logique du projet de loi sur le mariage pour tous. J'espère, monsieur le ministre, que vous saurez résister à ce genre de proposition inadmissible !
Je souhaiterais tout d'abord féliciter le ministre et son équipe pour leur travail en faveur de la refondation de notre école.
Pour toucher tous les enfants, l'éducation artistique et culturelle doit, me semble-t-il, s'inscrire dans le temps scolaire. Les trois quarts d'heure dévolus aux activités périscolaires dans le cadre du projet éducatif territorial risquent en effet d'être trop courts pour une intervention de plasticiens ou de musiciens, par exemple. De plus, il convient que les enseignants, éventuellement avec les parents, soient parties prenantes de cette éducation. Il convient en tout cas de réfléchir à la place à lui donner dans l'organisation de la journée.
D'autre part, Mme la ministre de la culture et de la communication a lancé une concertation sur le sujet, en vue de définir un cahier des charges organisant la contribution des acteurs locaux : comment envisagez-vous de concilier ses propositions avec votre projet éducatif territorial ?
La méthode que vous avez employée, monsieur le ministre, pour élaborer ce que vous présentez comme une étape majeure de la refondation de l'école est contestable. Ce projet de loi d'orientation et de programmation pâtit d'un manque de préparation et ne mobilise pas suffisamment les travaux de recherche centrés sur la performance scolaire. La montagne accouche donc d'une souris.
Le projet contient des mesures positives s'agissant des relations entre l'école et le monde du travail : ainsi l'instauration du parcours d'information et d'orientation dès le collège. Mais, sur ces sujets, la loi d'orientation et de programme pour l'avenir de l'école du 23 avril 2005 – dite « loi Fillon » – avait montré la voie.
Sur bien d'autres aspects, en revanche, ce texte repose sur une vision dépassée de l'éducation. En supprimant les dispositifs d'apprentissage junior et ceux qui étaient issus de la loi pour le développement de l'alternance et la sécurisation des parcours professionnels du 28 juillet 2011 – dite « loi Cherpion » –, vous méconnaissez ce qu'ils avaient apporté à des élèves en désarroi, qui avaient souvent retrouvé de la motivation à apprendre. Vous avez cédé à une tentation démagogique alors que vous auriez dû vous en tenir à une rigueur pédagogique. Comptez-vous prendre en compte la réalité de notre système scolaire et cesser de détricoter sans proposer ?
Le terme de refondation traduit une grande ambition que confirme le contenu de ce projet de loi. L'école doit prendre en charge les enfants en difficulté, de plus en plus nombreux, afin de permettre la réussite de tous. La rupture par rapport aux politiques passées est audacieuse, en particulier avec la priorité donnée au primaire, niveau auquel tout se décide. L'accueil des enfants dès le plus jeune âge et le principe consistant à avoir plus de maîtres que de classes représentent autant d'avancées, gages concrets d'une plus grande efficacité. Comment voyez-vous précisément les évolutions à imprimer à la formation des enseignants afin d'accompagner ces progrès ?
Le développement d'une école exigeante et égalitaire est le fil conducteur de cette réforme. Sur ce principe, nous pouvons tous nous accorder, mais comment concevez-vous sa mise en oeuvre, forcément plus délicate ? Dans quelle mesure les spécificités territoriales seront-elles prises en compte, par exemple ?
Professeur dans un collège rural il y a encore six mois, j'ai pu mesurer, monsieur Salles, les effets d'une politique consistant à réduire le nombre des postes et à supprimer la formation professionnelle des enseignants. Rétablir cette formation en faisant en sorte que toute une année de master puisse y être consacrée est donc une excellente chose. De même, la scolarisation des enfants dès l'âge de deux ans et la priorité donnée au primaire.
Les chronobiologistes et les enseignants sont en faveur de la semaine de quatre jours et demi. Mais, tout en approuvant cette réforme des rythmes, on ne peut ignorer l'inquiétude des maires, qui auront à résoudre des questions d'équipement, de transport et d'encadrement. Il faut donc régler ces problèmes de financement.
Enfin, à côté du programme commun à tous, il serait bon qu'une part des enseignements soit adaptée aux spécificités locales. À ce titre, comme plusieurs de mes collègues, j'insiste pour qu'une place soit faite aux langues régionales.
Ne faudrait-il pas créer, monsieur le ministre, une passerelle entre les structures d'accueil des enfants de moins de trois ans et l'école maternelle, pour mettre fin à un cloisonnement néfaste ?
Pensez-vous que les méthodes alternatives d'apprentissage et d'enseignement passent uniquement par un développement du numérique à l'école ?
Enfin, si l'on reconnaît en paroles la nécessité de respecter la singularité de chaque élève en s'adaptant à son rythme de progression, comment cela se peut-il se traduire dans les faits ?
Monsieur le ministre, la majorité vous sait gré d'avoir si bien défendu une véritable politique éducative, venant après dix années d'une politique purement comptable.
Au cours de cette décennie, le taux de scolarisation des enfants de deux ans est tombé de 34 % à 12 %. Or cette scolarisation précoce contribue fortement à leur réussite ultérieure, surtout lorsqu'ils sont issus de familles défavorisées. Que prévoit concrètement le projet de loi pour la favoriser ?
Les équipes éducatives et certains élus locaux ont exprimé leur inquiétude face à l'absence de mention explicite des langues régionales. Le Président de la République s'est pourtant engagé à ratifier la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires et beaucoup de conseils régionaux ont signé avec les rectorats des conventions cadres pluriannuelles pour le développement de l'offre d'enseignement en la matière. Ne pourrait-on remédier à cette lacune du texte ?
Après dix ans de casse, ce projet de loi répond aux objectifs d'une école plus juste et plus exigeante tout en mettant fort à propos l'accent sur le primaire.
La refondation de l'éducation prioritaire est également annoncée : quelle forme prendra-t-elle ? La carte des ZEP sera-t-elle redessinée ? Des moyens supplémentaires leur seront-ils alloués ? Les conditions de travail des enseignants de ces écoles seront-elles adaptées pour leur permettre, en étant déchargés de quelques heures de classe, de rencontrer les familles et de développer le travail en équipe – à l'intérieur des établissements comme entre les écoles et les collèges de ces zones ? Dans cette perspective, la pérennisation de la prime ÉCLAIR n'apparaît guère pertinente.
Les réseaux d'aides spécialisées aux élèves en difficulté (RASED) jouent un rôle indispensable. Quel sera leur nombre à l'avenir et quelle évolution leurs missions vont-elles connaître ?
Enfin, de quels moyens disposera l'enseignement spécialisé pour accueillir dans de bonnes conditions les enfants porteurs d'un handicap ?
Quelles mesures et quels moyens comptez-vous mettre en oeuvre pour prévenir et combattre la violence en milieu scolaire ? Rien dans ce projet de loi et dans le rapport qui lui est annexé ne concerne cet important sujet, qui fera l'objet d'une proposition de loi dont j'ai été nommé rapporteur.
Monsieur le ministre, dans vos rêves, à quoi ressemblerait l'enseignement dans une classe numérique d'ici cinq à dix ans ? Pourquoi, dans ce domaine où tout bouge très vite, ne faites-vous aucune part à l'expérimentation ? Enfin, puisque d'importants investissements sont prévus en faveur du numérique en ligne, n'avez-vous pas envisagé de vous rapprocher de votre collègue chargée de la francophonie, maintenant que l'équipement informatique s'est considérablement développé dans tous ces pays ?
Si faire entrer l'école dans l'ère du numérique est indispensable, encore faut-il que les communes, en particulier les plus rurales, en aient les moyens. Le précédent gouvernement avait lancé à cette fin l'opération « Écoles numériques rurales », mais il reste encore des écoles à équiper. Envisagez-vous, monsieur le ministre, de prolonger ce plan ?
Le passage à quatre journées et demie de classe constitue probablement une évolution souhaitable qu'il ne m'appartient pas de juger. En revanche, cette réforme n'est pas financée, car le budget alloué – 250 millions d'euros – ne semble pas suffisant pour couvrir les coûts que les collectivités locales devront engager pour animer les activités périscolaires. En outre, en milieu rural, il sera difficile de trouver des personnes qualifiées pour s'occuper des classes une heure par jour. Partagez-vous ce constat et comment comptez-vous répondre à cette difficulté ?
Monsieur Salles, il aurait fallu déployer la même énergie à défendre l'école lorsque vous apparteniez à la majorité !
Notre préoccupation commune est l'échec scolaire et il nous faut mettre en place les meilleurs outils de remédiation. Parmi ceux-ci, le recrutement des enseignants soulève la question de l'attrait des concours, notamment dans les disciplines les plus déficitaires. Avez-vous des chiffres à nous communiquer à ce sujet, monsieur le ministre ? Les candidats sont-ils en nombre suffisant ?
Les disparités de l'état de santé et des résultats scolaires des élèves résultent souvent des inégalités sociales. Le rapport annexé souligne la nécessité de « promouvoir la santé » et de « développer le sport scolaire », mais comment ces orientations se traduiront-elles concrètement ?
En milieu rural diffus, le principe « Plus de maîtres que de classes » est-il bien le plus pertinent ? Ne vaudrait-il pas mieux privilégier les RASED pour lutter contre les difficultés scolaires individuelles ?
Ce texte instaure un cycle facilitant le passage entre le CM2 et la 6e. Il s'agit d'une bonne initiative à condition qu'il ne s'agisse pas seulement de faire visiter leur futur collège aux enfants du primaire, mais bien d'organiser la transition entre l'enseignement transversal dispensé dans le premier cycle et l'approche plus académique du second.
Pour ce qui est de l'éducation prioritaire, il me semble que nous devrions marquer davantage notre volonté d'aller vers une individualisation des moyens. Si la pertinence d'objectifs globaux ne peut faire question, de la souplesse est nécessaire pour s'adapter aux caractéristiques locales. Par exemple, il n'est pas besoin partout de psychologues ou de maîtres formateurs du primaire mais, ici ou là, leur présence peut être utile. De même, dans certains collèges, le recrutement sur profil, qu'il serait donc dommage de supprimer.
Je me réjouis de l'installation, par les ministères de l'éducation nationale et des droits des femmes, d'un comité de pilotage chargé de définir les modalités de mise en oeuvre du programme « ABCD de l'égalité ». Inscrit dans le plan interministériel intitulé « Une troisième génération des droits des femmes : vers une société de l'égalité réelle », ce programme vise à faire prendre conscience aux enseignants de la prégnance des stéréotypes liés au sexe, qui engendrent des inégalités dans le parcours scolaire, puis professionnel. Les maîtres sont ainsi invités à conduire des actions permettant aux enfants de faire l'apprentissage de l'égalité entre filles et garçons. Les études de genre ont montré que la distribution des rôles entre femmes et hommes résulte d'une construction sociale et non d'un déterminisme biologique. Monsieur le ministre, comment comptez-vous introduire cette notion de genre dans la formation des enseignants ?
D'autre part, avez-vous l'intention de créer un statut pour les assistants de vie scolaire, soumis à une forte précarité ?
Votre prédécesseur, monsieur le ministre, avait lancé une vaste concertation sur la question des rythmes scolaires. Les représentants des enseignants et des parents avaient alors pris position. Puis, en 2010, nos collègues Xavier Breton et Yves Durand ont rédigé un rapport sur le sujet, dans lequel ils étaient parvenus à des conclusions communes. Comment expliquez-vous dès lors que votre projet suscite tant d'oppositions ? En effet, les associations de parents d'élèves, la presque totalité des syndicats et les enseignants – qui ont conduit une grève très suivie à Paris – demandent soit l'abandon de cette réforme, soit son report à 2014. Ce front ne révèle-t-il pas un problème de méthode ?
D'autre part, malgré la dotation de 250 millions d'euros, au reste temporaire, les communes n'ont pas les moyens de supporter le coût de cette réforme. Comment comptez-vous les aider à l'assumer ?
Il était nécessaire de s'attaquer à la refondation de l'école et la notation positive en constitue une mesure importante.
Vous prévoyez avec raison de créer des postes supplémentaires, mais les maîtres spécialisés qui exercent dans les RASED et dans les sections d'enseignement général et professionnel adapté (SEGPA), ou qui occupent des fonctions spécifiques dans les écoles primaires, en bénéficieront-ils ou non ? Allez-vous rétablir leur formation ?
Les élus locaux sont disposés à mettre en place les nouveaux rythmes scolaires mais les communes qui ne pourraient le faire dès la prochaine rentrée et qui reporteraient donc la mesure à la rentrée de 2014 ne pourraient-elles, elles aussi, bénéficier d'un soutien financier ?
Nous aurions dû nous retrouver, monsieur le ministre, sur ce projet de refondation de l'école. Cependant, nos analyses sur les insuffisances du système éducatif divergent. Vous et votre majorité vous focalisez sur le quinquennat précédent alors que l'échec d'aujourd'hui résulte de choix effectués tout au long des vingt-cinq ou trente dernières années.
J'approuve certaines mesures de ce projet comme la priorité donnée au primaire, la création d'un lien entre l'école et le collège, ou encore la volonté d'organiser une évaluation indépendante, pour laquelle le nouveau Conseil national d'évaluation du système éducatif aurait d'ailleurs tout intérêt à s'appuyer sur les universités.
Mais, comme Yves Durand et moi l'avions souligné, la modification des rythmes scolaires exige une concertation approfondie, une estimation de son coût et une réflexion centrée, non sur l'organisation de la semaine, mais sur celle de l'année. Ces trois éléments manquent en l'espèce. D'autre part, l'enseignement privé sous contrat sera-t-il soumis à cette réforme et selon quelles modalités ?
Enfin, nous sommes favorables à l'affirmation d'une morale à l'école. Si elle est laïque, celle-ci ne doit toutefois enseigner que les valeurs républicaines partagées par l'ensemble des Français. L'égalité entre les hommes et les femmes uniquement envisagée sous l'angle de l'idéologie du genre n'entre pas dans cette catégorie. Quant au concept même de laïcité, nous voudrions être sûrs qu'on l'appréhende dans un esprit consensuel, d'ouverture et de tolérance.
Le Gouvernement a consenti de vrais efforts pour les régions qui manquent le plus d'enseignants. Ainsi l'académie de La Réunion qui a perdu 220 postes au cours des cinq dernières années bénéficiera de 247 créations à la prochaine rentrée.
La question des langues et des cultures régionales est particulièrement sensible dans les territoires d'outre-mer. Il y a lieu de renforcer leur enseignement dans le cadre scolaire. Il n'y aura pas de refondation de l'école dans ces régions sans la reconnaissance de leurs spécificités linguistiques. À cet égard, l'apprentissage du français en milieu créolophone constitue un défi, d'autant plus difficile à relever qu'il n'est pas tenu compte du cas de l'enfant ne parlant pas français au moment de son entrée dans le système éducatif. Approuveriez-vous, monsieur le ministre, la création, au sein des écoles supérieures du professorat et de l'éducation, d'un programme de formation des enseignants à la spécificité linguistique de ces territoires ?
Monsieur Breton, la laïcité et l'égalité entre les hommes et les femmes ne peuvent être remises en cause en classe. Ces principes s'imposent à tous et ceux qui ne les partagent pas doivent s'interroger. Il ne faudrait pas que l'école devienne le lieu où l'on veut tout changer sans opérer le moindre changement, ni que le débat sur les rythmes scolaires nous éloigne de l'examen du présent projet.
La création des ESPE vise à favoriser « le développement d'une culture commune (…) à l'ensemble de la communauté éducative ». Quel sens accordez-vous, monsieur le ministre, à ce concept de culture commune ?
Je vous rejoins, monsieur le ministre, sur l'importance du primaire, même si, avant d'être initiés à l'anglais, les élèves devraient y apprendre le français. Plus largement, vous êtes-vous posé la question des méthodes d'enseignement ? À leur entrée en 6e, de plus en plus d'enfants ne maîtrisent pas la lecture à cause de la méthode globale. Ne pourrait-on pas réintroduire la méthode syllabique, qui avait fait ses preuves et qui a été sacrifiée sur l'autel du pédagogisme ?
Cette réforme sera sans doute difficile à mettre en place et le statu quo aurait été plus confortable. Néanmoins, il est indispensable de la conduire à son terme.
La formation pédagogique des enseignants a été supprimée en 2009. Réintroduite, quelle place occupera-t-elle dans les ESPE ?
Les RASED bénéficieront-ils de recrutements et quelles missions leur seront dévolues ?
La refondation de l'école nécessite la mobilisation durable de chacun, dans un esprit d'ouverture, d'unité et de laïcité. Après cette loi, un vrai dialogue s'imposera entre tous ceux qui contribuent, à un titre ou un autre, à l'éducation de nos enfants, à leur enrichissement culturel et à leur épanouissement physique. Dans ce cadre, il conviendra de garantir l'égal accès de tous les enfants aux dispositifs éducatifs les plus innovants et de veiller à associer les parents les plus éloignés de l'institution scolaire. Pouvez-vous nous préciser, monsieur le ministre, les grands axes de ce partenariat et nous assurer qu'il reposera sur les valeurs de laïcité et de neutralité du service public ? C'est à cette condition en effet qu'il favorisera l'éducation à la pensée et à la liberté de conscience.
On ne peut prétendre travailler avec le Parlement sans l'écouter et soyez assurés que je respecte les positions de chacun. Le dialogue doit exclure la caricature. Mais il exige aussi du gouvernement qu'il précise sa méthode.
Le terme de refondation, auquel je tiens, n'est pas comme on l'a dit la marque d'un excès d'ambition mais, au contraire, celle d'une démarche empreinte de beaucoup d'humilité. Il ne s'agit en aucun cas de traiter de tous les sujets relatifs à l'école – notamment pas de certains, que vous avez évoqués mais qui ne relèvent pas de la loi – mais de tirer les leçons du passé : si bonnes qu'aient été les intentions, beaucoup de réformes n'ont pas porté de fruits parce que les fondements du système éducatif n'avaient pas été rénovés au préalable. Là est l'essentiel sur lequel on peut ensuite bâtir. C'est pourquoi il faut donner la priorité au primaire dont tous s'accordent à reconnaître les faiblesses structurelles.
Ce constat n'est ni nouveau, ni partisan et l'on a déjà essayé de résoudre ces difficultés. Notre atout est de disposer aujourd'hui, grâce au Président de la République, des moyens et du temps nécessaires pour corriger les effets d'un sous-investissement qui se lisent notamment dans le classement des pays de l'OCDE : la France y figure au dernier rang pour le taux d'encadrement dans le primaire. Nous sommes en outre l'unique pays avancé à avoir supprimé la formation des maîtres et le seul au monde à organiser l'année scolaire sur 144 jours seulement, au prix de journées surchargées pour les élèves. Enfin, notre système éducatif est caractérisé par une partition excessive entre le primaire et le secondaire : les méthodes, l'organisation du temps de travail y sont différentes – jusqu'aux syndicats qui portent des visions distinctes ! De tout cela, il n'y a pas de quoi être fier ! Voilà pourquoi nous devons commencer par assainir ce fondement de notre système éducatif – commencer par le commencement, en divisant les difficultés en autant de parcelles qu'il faut pour les résoudre.
En ce qui concerne l'accueil des moins de trois ans, une circulaire a été publiée et vous avez donc pu voir dans quel esprit nous le concevions. Il est surtout utile là où les populations sont le plus en difficulté. Nous pouvons l'organiser en nous appuyant sur ce qui existe déjà, par exemple sur les classes passerelles ou sur les expérimentations menées ici ou là, mais il nous faut aussi former les personnels : souvenons-nous qu'il y a vingt ans, les écoles normales dispensaient aux futurs maîtres de maternelle un enseignement spécifique d'au moins soixante-dix heures, de sorte qu'ils étaient parfaitement au fait des besoins de l'enfant à chaque étape de son développement intellectuel et moteur. Tout cela a été supprimé. Nous allons le rétablir.
Le dispositif « Plus de maîtres que de classes », expérimenté dans plusieurs régions, se révèle très efficace. Certains souhaiteraient réduire de moitié l'effectif des classes, mais il faut savoir que le réduire d'une seule unité obligerait à créer 10 000 postes. Un législateur responsable ne saurait donc se résoudre à une telle décision. En revanche, nous pouvons nous en remettre à une disposition qui a été expérimentée et évaluée dans notre pays et qui est pratiquée dans cette Finlande dont le modèle est si souvent invoqué. Mettre deux enseignants dans une classe permet de faire évoluer la pédagogie et le métier d'enseignant tout en favorisant le travail d'équipe, et cela donne des résultats !
Nous ne supprimerons pas l'école du socle, nous ferons mieux : nous généraliserons l'institution du conseil pédagogique et nous créerons un cycle à cheval sur le primaire et le secondaire. Les syndicats ont accepté cette mesure que beaucoup souhaitaient.
Après la priorité donnée au primaire, les ESPE constitueront le deuxième pilier de la refondation. Leur mission sera de garantir la compétence disciplinaire des enseignants, ce qui est essentiel, mais aussi de leur offrir les outils leur permettant de gérer des situations complexes. Quant à l'égalité des sexes, c'est une exigence fondamentale. Notre pays souffre à cet égard, y compris par rapport à l'Espagne, d'un retard dommageable, sensible notamment dans les disciplines scientifiques. Nous souffrons là de stéréotypes que les chefs d'entreprise jugent pénalisants pour l'économie. Les enseignants doivent donc être formés à les combattre.
Nous nous préoccupons également des violences à l'école, monsieur de Ganay : nous avons même inventé un métier, celui des assistants de prévention et de sécurité, que nous allons maintenant nous attacher à conforter en assurant leur place au sein de la communauté éducative. Nous avons également créé – ce à quoi il est curieux qu'on n'ait jamais songé – une délégation ministérielle chargée de la prévention et de la lutte contre les violences en milieu scolaire, qui nous permettra d'être mieux informés de ces phénomènes pour former les personnels à y faire face et pour définir des plans de gestion de crise. L'urgence s'en faisait sentir même dans le primaire, où les maîtres se disent confrontés à des enfants de plus en plus turbulents.
Enfin, le troisième pilier de notre projet réside dans la réforme des rythmes scolaires. Vous vous interrogez à ce propos sur ma méthode : eh bien, c'est celle que dicte l'intérêt général sur un sujet où le diagnostic était consensuel. Le Conseil supérieur de l'éducation (CSE) a certes émis un vote négatif sur le projet de décret, mais il a fait de même sur toutes les propositions de réforme de mes prédécesseurs. En revanche, la Commission consultative d'évaluation des normes s'est prononcée favorablement, par huit voix contre deux. Il est vrai que le front du refus était étendu au sein du CSE, entre les parents d'élèves qui souhaitaient réduire immédiatement la journée d'école à cinq heures dans une année de 38 semaines, et les enseignants qui réclamaient une légitime revalorisation salariale. Cependant, le vote négatif résulte avant tout d'abstentions et aucune contre-proposition n'a été formulée. Cette réforme se fera donc, mais nous devons la mener de la façon la plus intelligente possible car elle est difficile : en effet, elle ne consiste pas simplement à ajouter une demi-journée dans la semaine, elle conduit également à modifier l'organisation de la journée elle-même, ce qui ne s'est jamais fait jusqu'ici dans notre pays mais qui est nécessaire même si cela pose des problèmes aux collectivités.
La consultation préalable à l'élaboration de ce projet a été très large, et c'est d'ailleurs ce qui explique la publication tardive du décret, contre laquelle protestent certains élus – les mêmes qui ont demandé cette concertation et ont contribué par leurs demandes à ce qu'elle se prolonge. L'opposition des collectivités n'est d'ailleurs pas homogène, ce qui est compréhensible étant donné leur diversité. Nous essaierons de tenir compte au mieux de tout ce qui nous a été dit par les uns et par les autres, mais vient un moment où il faut avancer ! Très nombreuses sont du reste les villes qui ont décidé de s'engager dans la mise en oeuvre des nouveaux rythmes scolaires.
Je suis conscient que cette réforme exigera un effort certain, de la part des élus comme des professeurs, tant elle oblige à rompre avec des habitudes. La principale révolution sera celle du dialogue. Entre les professeurs, au premier chef, qui doivent apprendre à se connaître et à se respecter à quelque niveau qu'ils enseignent et quels que soient leur discipline et leur statut, afin de faire émerger une culture commune. Les enseignants de maternelle ou du primaire ne sont en rien inférieurs à ceux des universités. Il n'est pas question non plus d'ériger une barrière entre eux et ceux qui auront à prendre en charge les enfants après 15 heures 45 : il faut qu'ils se parlent. C'est à quoi travailleront les ESPE, écoles supérieures du professorat « et de l'éducation ».
Si je vous disais que tout sera formidable dès 2013 et qu'aucun problème d'encadrement ne se posera, je ne serais qu'un marchand d'illusions. Mais il est des circonstances où il faut, non reculer devant les difficultés, mais chercher résolument des solutions. Ainsi en ce qui concerne le financement. Les 250 millions d'euros que coûteront les trois heures du mercredi matin seront couverts par le budget de l'éducation nationale. Les collectivités ne verront donc pas leur charge s'alourdir en assumant celle des quatre séquences de 45 minutes. Cependant, il est vrai qu'il y aura là un morcellement qui imposera des contraintes et il est probable que ces séquences concerneront davantage d'enfants. Dès lors, il est normal que l'État accorde une aide. Assorti d'un mécanisme de péréquation sans précédent, le fonds que nous avons prévu à cet effet permettra de corriger les fortes inégalités d'offre éducative et péri-éducative qui existent aujourd'hui entre les communes et dont vous pouvez avoir une idée en vous reportant à l'étude d'impact du ministère de l'intérieur. Il complétera l'effort conduit en faveur des zones les plus en difficulté, y compris rurales, sur lesquelles seront concentrés le premier millier de postes qui vont être crées.
Le même souci de combattre les inégalités territoriales inspire d'ailleurs notre action en faveur de l'accès à internet. Le plan « Écoles numériques rurales » est certes bien construit et bien doté, mais il n'a pas permis de combler le retard pris dans l'équipement des écoles primaires. Pour assurer le raccordement au haut débit des établissements situés en zone rurale, nous avons par conséquent demandé et obtenu 150 millions d'euros pris dans l'enveloppe du Fonds européen de développement régional (FEDER) et nous avons signé une convention avec la Caisse des dépôts et consignations (CDC). De plus, nous avons passé un accord avec le Commissaire général à l'investissement, M. Louis Gallois, pour développer une filière française du logiciel pédagogique, secteur dans lequel les pays anglo-saxons jouissent d'une large avance. Afin que ces investissements dans le numérique ne soient pas consentis en vain, les ESPE se chargeront de l'indispensable formation, initiale et continue, des enseignants.
Sur tous ces points, je le répète, le constat des difficultés, qu'elles soient celles du système actuel ou celles qu'il faudra surmonter pour l'améliorer, doit nous pousser à une action résolue.
Qu'est-ce qu'une morale laïque ? C'est une morale non confessionnelle, qui ne repose pas sur le fondement d'une Révélation. Elle doit rassembler, et non diviser. Autrefois, ce concept était compris de tous. Si l'on veut faire de la laïcité un nouveau dogme, on la dévoie, car elle repose précisément sur le contraire : sur l'esprit critique. Quant à la morale, qu'on confond trop souvent dans nos programmes avec le droit, elle renvoie à la notion d'obligation. La République s'est d'ailleurs construite sur le refus de séparer morale et politique. De la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen au refus de voter les pleins pouvoirs au maréchal Pétain en passant par l'affaire Dreyfus, il existe une continuité d'actes supérieurs aux lois. Tous les enfants savaient cela mais comme ce n'est plus le cas, cela doit être de nouveau enseigné et j'ai installé une mission chargée de l'organiser. Vous disposerez de ses conclusions pour vos débats.
La droite a supprimé l'apprentissage avant 16 ans en 2008, le jugeant inopérant. Elle l'a remplacé par un dispositif d'alternance qui s'adressait aux jeunes de 14 et 15 ans, mais la dernière évaluation dont celui-ci a fait l'objet a montré que n'y étaient entrés que quarante élèves de 14 ans, dans deux académies seulement. Il est donc supprimé pour cette classe d'âge, mais conservé pour les adolescents âgés de 15 ans, à condition qu'ils maîtrisent le socle commun de connaissances, de compétences et de culture. En effet, on ne peut pas être à la fois partisan du socle, promu par la loi Fillon, et affirmer que, pour certains enfants, son acquisition est accessoire.
Le parcours éducatif d'information et d'orientation est une nouveauté dont l'enjeu est considérable pour notre système éducatif. Déjà introduit dans les premiers cycles universitaires, il doit maintenant être généralisé, notamment au collège.
L'éducation artistique sera, à l'école primaire, intégrée dans le temps scolaire – au même titre que la langue vivante, qui ne sera pas nécessairement l'anglais, madame Maréchal-Le Pen –, afin d'en garantir l'accès à tous. Cela n'exclut pas qu'elle puisse être présente aussi au sein des activités péri-éducatives : il reviendra aux collectivités d'en décider, dans le cadre du projet éducatif territorial dont je précise qu'il pourra ne pas être limité à des séquences de trois quarts d'heure.
Au total, ce projet de loi n'a pas pour objectif de tout embrasser. Il fixe des objectifs simples : refondation du primaire et de la formation des enseignants, et réforme des rythmes scolaires. C'est seulement une fois que les bases de notre système auront ainsi été consolidées que nous pourrons aborder d'autres sujets – éducation prioritaire, réforme du collège, etc. – pour réfléchir à d'autres améliorations.
Je suis convaincu toutefois qu'un débat parlementaire constructif peut nous permettre d'enrichir ce texte. Nous pourrons par exemple y aborder la question des langues régionales, mentionnée par beaucoup – mais je fais observer que le code de l'éducation autorise déjà à les enseigner, disposition à laquelle je ne touche pas : il ne s'agirait que de rajouter. Afin de permettre au pouvoir législatif d'exercer en totale liberté sa faculté d'amendement, je n'assisterai pas à vos débats en commission. Je m'engage, par ailleurs, à accepter les amendements, d'où qu'ils viennent, dès lors qu'ils concourront aux objectifs que nous avons fixés. En dépit des caricatures inhérentes au débat politique, l'enjeu de la refondation de l'école dépasse les clivages partisans. En nous confrontant à des sujets qui n'ont pas été traités jusqu'ici et qui méritent de l'être, nous portons l'ambition de la simplicité et du courage.
La séance est levée à dix-neuf heures trente-cinq.