Mon intervention portera moins sur les CTI que sur les petites et moyennes industries (PMI) et l'innovation, thème qui m'est particulièrement cher. Je vous remercie de me donner l'occasion de m'exprimer et – je l'espère – de vous transmettre un peu de la passion qui m'anime.
L'industrie est une valeur de la France. Nous devons la reconstruire et la développer à nouveau, à partir de sa composante la plus vivace et la plus prometteuse : les PMI et les ETI. C'est là que se jouent la bataille de l'emploi et celle de l'innovation. Force est malheureusement de constater que c'est aussi dans ce secteur que la mortalité et les difficultés des entreprises sont les plus importantes. Selon le dernier rapport de l'Observatoire des PME d'OSEO, qui m'a été communiqué en avant-première, nous sommes dans la troisième année consécutive de perte de marge pour les PMI et les ETI. Il faut distinguer le cas des ETI qui se portent très bien, comme Poclain ou Somfy, qui surfent sur la vague avec le soutien des pouvoirs publics, et celui de celles qui viennent de passer du statut de PMI à celui d'ETI – ce qui les met souvent en situation difficile. La traversée du désert sera longue avant de se hisser au niveau de Poclain et Somfy ! La population des PMI diminue, en tout cas dans les industries mécaniques : nous avons perdu pratiquement 10% des entreprises sur les quatre dernières années, alors que le chiffre d'affaires global est resté stable – ce qui tend à indiquer que la taille des entreprises a augmenté.
Cette situation me conduit à énoncer certaines préconisations. Il convient d'abord de faire la distinction entre recherche et innovation. Notre système octroie des aides à la recherche, mais pas à l'innovation. Ainsi, nous avons un crédit impôt recherche (CIR), mais pas de crédit impôt innovation. Beaucoup l'ignorent, mais cet état de fait est lié à l'encadrement communautaire des aides d'État à la recherche, au développement et à l'innovation (RDI), qui contraint totalement les aides pouvant être octroyées en-dehors de la partie recherche – laquelle a été sanctuarisée. L'interdiction des aides directes aux entreprises date du Traité de Rome. Elle est devenue intangible : tout ce qui existait auparavant en la matière – par exemple les avances remboursables en cas de succès octroyées par l'Agence nationale pour la valorisation de la recherche (ANVAR) – a aujourd'hui disparu. Il est désormais impossible de passer outre cet encadrement. Les États se retrouvent donc contraints de chercher des solutions pour contourner cet encadrement mortifère. L'Union européenne est aujourd'hui la seule région du monde à s'interdire d'apporter des aides directes à ses champions. Les Américains et les Japonais, eux, ne s'en privent pas ! Si nous ne le faisons pas, c'est précisément parce que ces aides sont efficaces, et qu'elles rompraient l'équilibre de la concurrence au sein de l'Union. Mais ce faisant, nous nous tirons une balle dans le pied. Je tenais à attirer votre attention sur ce point, car ces règlements sont en cours de renégociation. La position française va dans le bon sens, mais le système est installé, et l'inertie européenne extrêmement difficile à combattre.
Les PMI doivent évoluer vers la co-construction, et travailler de manière moins individualiste. Le travail en commun, tel qu'il est déjà pratiqué dans les régions grâce à des actions collectives régionales, est une excellente chose. Malheureusement, il est entravé par les règlements européens, qui nous font reconnaître que nous avons dépassé les seuils autorisés d'aide, et nous mettent en situation difficile.
Nous devons absolument aider l'innovation, et non la recherche. Même si nous sommes contraints par le cadre européen, nous pouvons trouver de meilleures solutions qu'aujourd'hui. Les aides accordées via le Fonds unique interministériel (FUI) et les pôles de compétitivité sont trop orientées vers les centres de recherche, au détriment des entreprises. Nous faisons de la recherche, pas de l'innovation. Pour faire de l'innovation, il faut des sujets plus en aval. Surtout, il faut éviter de mettre dix personnes autour de la table lorsqu'on tient un sujet d'innovation : c'est l'assurance de perdre deux ans à faire un contrat de confidentialité, et au final, de ne pas s'en sortir. Il faut absolument aller vers des contrats plus petits, à la portée des PME. Les seuils des projets éligibles aux pôles de compétitivité ont été remontés. Il faut désormais un projet à un million d'euros. Mais un million d'euros, c'est trop cher pour une PME. Bref, on a écarté les PME de tous les projets aidés dans le cadre du FUI. Il ne reste plus que les gros – si on y met les PME, c'est pour faire joli ! Pardonnez-moi cette brutalité, mais le sujet me tient véritablement à coeur. Encore une fois, il faut des projets plus petits, qui soient des clubs restreints – trois ou quatre partenaires au plus. Le FUI joue un rôle important, mais dans le sens de la recherche et développement en général, et non de la finalisation. On ne crée donc pas de valeur immédiate.
Il faudrait pouvoir passer du CIR à un crédit impôt innovation – ce qui est assez compliqué avec l'encadrement communautaire des aides d'État à la RDI.