Monsieur le Premier président, l'enquête menée par la Cour des comptes et vos propos viennent de nous le confirmer : il n'y a pas de politique des jeux dans notre pays. Nous vous remercions d'avoir documenté le sujet très sérieusement. Cela m'a donné l'occasion d'apprendre que le comité consultatif des jeux a été subrepticement supprimé par décret, alors qu'en 2010, nous avions bataillé dans l'hémicycle pour le mettre en place afin d'introduire un peu de cohérence dans ce qu'il faut bien qualifier de véritable maquis. Il serait particulièrement opportun qu'un comité interministériel se penche en particulier sur la fiscalité du secteur, car il existe de véritables déséquilibres entre les divers jeux concernés.
La Cour recommande de confier la régulation de l'ensemble des jeux d'argent et de hasard en dur et en ligne à une autorité administrative indépendante, mais je me pose quelques questions sur les autorités administratives indépendantes. Je ne suis d'ailleurs pas le seul, car un quotidien paru hier s'interrogeait sur leur utilité. Pour ma part, j'estime qu'elles constituent un démembrement total de l'État, et un modèle parfait d'irresponsabilité technocratique absolue. Je ne milite donc pas en leur faveur, bien au contraire, et je souhaite que le politique reprenne la main sur un certain nombre d'autorités administratives indépendantes, en France et en Europe.
Puisque nous parlons d'Europe, je rappelle que la Cour de justice de l'Union européenne a affirmé la compétence des États en matière de jeux. Il nous est donc possible, au nom de la santé et de l'ordre public, de prendre des mesures spécifiques au niveau national. Sur ce sujet, il existe même une jurisprudence de la Cour de justice qui se prononce en faveur du Portugal contre la Commission européenne. Nous disposons des outils qui nous permettent de donner à l'Europe la place qui doit être la sienne, plutôt que celle qu'elle veut occuper. Vous pouvez compter sur moi en la matière.
Les parieurs professionnels posent un véritable problème, surtout lorsqu'ils exercent leur activité depuis des paradis fiscaux, grâce à des technologies modernes et performantes. Cela revient à truquer les paris et, finalement, à spolier les autres parieurs, voire l'État lui-même. Le travail de la Cour montre qu'ils bénéficient d'un taux de retour au parieur élevé, soit 95 %. Je lis que « la direction du budget a ainsi chiffré à 18 millions d'euros par an la perte fiscale pour l'État consécutive au développement des parieurs professionnels entre 2015 et 2020 ». On en déduit que l'État a intérêt à ce que le joueur perde. La Cour peut-elle nous apporter des précisions sur ces parieurs professionnels ?
Consacré aux objectifs de protection de la santé et de l'ordre public, le chapitre II du rapport de la Cour traite notamment des mineurs, du blanchiment ou de la corruption.
S'agissant des mineurs, un problème singulier est posé à la Française des jeux, car ces derniers ont plus facilement accès aux jeux de grattage, particulièrement addictifs, qu'aux autres pratiques. « Les paris hippiques ne suscitant qu'un intérêt restreint auprès des mineurs », comme le note le rapport, la question se pose moins pour les courses.
Le blanchiment joue un rôle majeur en matière de terrorisme et de trafic de drogue. Alors que les responsables de TRACFIN nous signalent que des problèmes se posent, les professionnels nous indiquent que la directive européenne relative aux jeux n'est pas appliquée de la même manière en France et dans les autres pays de l'Union comme l'Allemagne. L'interdiction de jouer en espèces n'y est, par exemple, pas mise en oeuvre. Je rappelle que les Allemands sont très attachés aux espèces – nous leur devons le billet de 500 euros. La Cour dispose-t-elle d'éléments de comparaison entre pays européens susceptibles de nous éclairer ?
La lecture du rapport m'a laissé un peu sur ma faim s'agissant de l'impact économique du secteur des jeux en France. Grâce au jeu, le budget de l'État récupère, tous les ans, 5,4 milliards d'euros, et nous ne souhaitons évidemment pas que cette manne se tarisse. Cependant, les divers jeux n'ont pas des effets équivalents en termes d'emploi ou d'aménagement du territoire. Si la Française des jeux dispose d'un « réseau en dur » grâce à un certain nombre de points de vente sur le territoire, l'activité hippique est une véritable filière économique. J'aurais aimé que la Cour encourage l'État à bien considérer cette chaîne économique dans son ensemble, avec des emplois dans l'élevage, avec les haras, les vétérinaires ou les entraîneurs qui traversent aujourd'hui une très mauvaise passe, sans oublier les spectacles offerts dans les hippodromes. Il me semble que la politique des jeux en France devrait utiliser l'axe hippique en faveur de l'aménagement du territoire. Je regrette que la Cour ne nous en ait pas dit davantage sur le sujet, mais nous ne manquerons pas, avec Régis Juanico, de nous pencher sérieusement sur le sujet afin de faire des propositions solides au législateur et au Gouvernement.