Intervention de Arnaud Richard

Réunion du 26 octobre 2016 à 16h45
Commission des affaires européennes

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaArnaud Richard, co-rapporteur :

Après cette introduction, nous souhaitions tirer les enseignements d'un an de fonctionnement du Plan Juncker et revenir sur ce qui fonctionne et ce qui mérite d'être amélioré.

Force est de constater que les évaluations établies par la Commission européenne et par la BEI vont, globalement, dans le même sens. Le premier élément qu'il convient de souligner est le succès, véritablement incontestable, du Plan Juncker à ce jour. Ce que nous pressentions dans notre précédent rapport est aujourd'hui confirmé par ces évaluations.

Il ne faut pas oublier notre premier rapport sur le Plan Juncker – nous étions alors assez circonspects à la lecture du règlement, et nous n'étions pas les seuls, mais ce dispositif fonctionne, est simple d'usage et a enregistré des succès, même s'il nécessite des améliorations.

Ce premier succès s'apprécie, en premier lieu, par la reprise de l'investissement en Europe. Celle-ci est certes encore fragile mais elle est réelle et la Commission européenne estime que le trend va continuer et s'améliorer en 2017, en particulier grâce aux effets macroéconomiques des investissements qui ne se manifestent, la plupart du temps, qu'avec un léger décalage temporel.

Le succès du Plan s'apprécie également, en second lieu, en nombre de projets financés ou approuvés et en termes de montants associés. Ainsi, selon la Commission européenne, au premier semestre 2016, le FEIS, cité par Razzy Hammadi, avait approuvé plus de 250 opérations. Ces dernières devraient permettre de mobiliser au total 100 milliards d'euros et réaliser près d'un tiers de l'objectif final du Plan, qui je le rappelle était de 315 milliards d'euros. S'agissant du FEI, la Commission européenne notait, à la même période, que le soutien apporté par le FEIS aux opérations réalisées par le FEI a permis de de mobiliser presque 50 milliards d'euros ; ce qui représente près des deux tiers de l'objectif initial du Plan sur ce volet, qui était de 75 milliards d'euros. En outre, la Commission européenne indique que plus de 14 000 petites et moyennes entreprises et entreprises à moyenne capitalisation situées dans 26 États membres devraient bénéficier du FEIS.

Ce plan ne se résume pas à 250 opérations dans toute l'Europe, mais c'est aussi 14 000 petites et moyennes entreprises qui ont profité de ces investissements dans nos territoires.

De son côté, la BEI fait la distinction entre les opérations approuvées qui atteignent un montant de 17,45 milliards d'euros pour un montant total mobilisé estimé à 104,75 milliards d'euros, et les opérations signées d'un montant de 10,45 milliards d'euros pour un montant de 66 milliards d'euros mobilisés. Elle ajoute qu'au 30 juin 2016, 1,81 milliard d'euros avait été décaissé au titre du volet « infrastructures et innovation », très présent dans ce plan.

Ainsi, au total, les montants mobilisés permettraient déjà d'atteindre un tiers de l'objectif initial fixé à 315 milliards d'euros, ce qui constitue un succès pour un dispositif auquel personne ne comprenait rien au départ et qui est extrêmement volontariste.

Par ailleurs, les statistiques enregistrées, d'une part, par la plateforme européenne de conseil en investissement (la PECI), guichet unique fournissant aux acteurs qui la sollicitent des conseils relatifs au recensement, à la préparation et au développement de projets d'investissement et, d'autre part, par le portail européen de projets d'investissement nous renseignent sur l'appropriation de chacun des outils du Plan par les acteurs. Ainsi, à fin juin 2016, la plateforme, opérationnelle depuis septembre 2015, recensait 255 demandes émanant des 28 États membres et le portail, opérationnel depuis le 1er juin dernier, comptabilise, à ce jour, 119 projets.

Plusieurs points doivent toutefois être améliorés, concernant ce plan. Les différentes évaluations ont mis en lumière certaines insuffisances et effets indésirables liés à son déploiement.

Il faut, en premier lieu, insister sur la nécessité de poursuivre les efforts pour mobiliser un maximum de financements privés. Au 30 juin 2016, sur les 66 milliards d'euros mobilisés par le FEIS, seulement 62 % étaient des financements privés. Ce premier résultat est encourageant mais les efforts doivent être maintenus car, je le rappelle, le principe qui sous-tend la mise en oeuvre du Plan Juncker est celui du caractère secondaire des financements publics. Ces derniers doivent compléter, lorsque cela est nécessaire, les investissements privés.

Il faut, en second lieu, poursuivre les efforts pour exploiter au mieux les complémentarités entre le FEIS et les fonds structurels. Nous avions particulièrement insisté, avec Razzy Hammadi, sur ce point dans notre précédent rapport sur ce Plan Juncker. Il faut aussi développer les synergies entre les banques nationales de développement et les différents relais locaux que sont en France la Caisse des dépôts et consignations, Bpi France ou le commissariat général à l'investissement – qui jouent un rôle considérable dans la mise en oeuvre du Plan et dans le succès de la France – et la BEI et la Commission européenne.

Il fallait, enfin, compléter et clarifier la notion de l'additionnalité dont le règlement donnait, dans sa version initiale, une définition assez elliptique. Nous avions d'ailleurs souligné que cette lacune était susceptible de constituer un frein à la mise en oeuvre uniforme du Plan Juncker et nous nous félicitons de voir que la Commission européenne a souhaité y apporter des précisions, même si les choses nous semblent encore, à cet égard, insuffisantes.

Par ailleurs, des effets indésirables ont été clairement identifiés dans les évaluations. Le risque de concentration géographique et sectorielle demeure aujourd'hui une réalité. Trois Etats membres – le Royaume-Uni, l'Italie et l'Espagne recensent à eux seuls 63 % des financements relevant du volet « infrastructures et innovation ». Ce constat est d'autant plus préoccupant qu'il excède la limite fixée par le Plan, à titre indicatif, dans les orientations stratégiques du FEIS, à 45 %.

Trois autres États membres – l'Italie, la France et l'Allemagne – représentent 54 % des financements relevant du volet PME. La France, comme affirmé par Razzy Hammadi, constitue l'un des « meilleurs élèves » du Plan Juncker.

Au total, la BEI estime que l'action du FEIS se concentre trop fortement sur « l'Europe des 15 » (92 % des financements y sont octroyés) et néglige les pays plus récemment entrés dans l'Union européenne. Les treize autres États membres représentent 8 % des financements du Plan. Bien que ces chiffres méritent et mériteront d'être affinés, la concentration géographique est problématique car elle semble exclure du dispositif des pays qui, situés principalement en Europe centrale et orientale, se trouvent encore, dans leur grande majorité, dans une phase de rattrapage économique et auraient sans davantage doute besoin de bénéficier de ce type de financements.

S'agissant de la concentration sectorielle, le constat est similaire : la BEI constate qu'au 30 juin 2016, 46 % des opérations qui ont été signées au titre du volet « infrastructures et innovation » relèvent du secteur de l'énergie, dépassant également la limite indicative des orientations stratégiques du FEIS à 30 %.

La Commission européenne, dont certains représentants avaient exprimé leurs inquiétudes à ce sujet notamment dans le cadre des auditions que nous avions menées pour notre précédent rapport, a, semble-t-il, pris acte de la surreprésentation de certains États membres ou secteurs dans les financements du Plan Juncker et proposé d'introduire, pour l'avenir, certains correctifs.

Par ailleurs, si vous me l'autorisez, Madame la Présidente, je voudrais, avant de laisser la parole à Razzy Hammadi, évoquer brièvement le Plan d'investissement externe de l'Union européenne dont nous avons discuté hier avec le ministre des Affaires Européennes, lors d'un compte rendu du Conseil européen. Annoncé, par le Président de la Commission européenne, dans le discours sur l'état de l'Union du 14 septembre dernier, le lancement d'un ambitieux plan destiné à soutenir les investissements dans nos pays partenaires en Afrique et dans le voisinage de l'Union européenne est un élément qui nous semble très important.

Cette idée de « dupliquer » en quelque sorte le dispositif Juncker témoigne du succès du Plan d'investissement pour l'Europe et je souhaiterais rappeler que nous avions eu l'occasion, Razzy Hammadi et moi-même, d'aborder ces questions dans nos précédents travaux. Je pense notamment au rapport d'information que nous avons réalisé en avril 2015, avant le déploiement du Plan Juncker. Cette initiative permet de rappeler la nécessité d'investir en Afrique, par de l'argent et par une plateforme de conseil aux projets dans les pays africains, afin qu'ils puissent bien utiliser ces montants. Vous évoquiez hier, Madame la Présidente, les risques de corruption, qui restent un problème dans ce type de projets ; l'aide et l'assistance technique que l'Europe peut apporter à ses partenaires sont, dans cette perspective, très utiles.

Pour mémoire, le dispositif qui devrait être déployé devrait, à partir des 3,35 milliards d'euros de contribution du budget de l'Union européenne, permettre tout de même de mobiliser un montant de l'ordre de 44 milliards d'euros. La Commission européenne estime également qu'avec une contribution des États membres au dispositif, les montants totaux pourraient atteindre 88 milliards d'euros.

En conclusion, ce Plan Juncker pour l'Afrique, même s'il se situe à la marge de notre rapport, participe de la même logique que le Plan Juncker et mériterait, je le crois, que nous y consacrions des travaux similaires pour son suivi.

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