Commission des affaires européennes

Réunion du 26 octobre 2016 à 16h45

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • BEI
  • FEIS
  • juncker
  • succès

La réunion

Source

COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES

Mercredi 26 octobre 2016

I. Examen du rapport d'information de MM. Razzy Hammadi et Arnaud Richard sur le renforcement du plan Juncker

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Madame la Présidente, chers collègues, dans le cadre de la poursuite de nos travaux sur l'investissement en Europe, qui ont suscité un grand nombre de débats et de questions, nous vous avions présenté, le 3 mai dernier, notre rapport sur la mise en oeuvre du Plan d'investissement pour l'Europe (dit « Plan Juncker ») après un an de fonctionnement du dispositif.

Vous vous en souvenez, nous avions notamment insisté sur les premiers succès, déjà perceptibles à l'époque, du Plan et nous étions nous-mêmes félicités de cette initiative particulièrement nécessaire compte tenu de la situation de l'investissement en Europe. Nous avions montré, chiffres à l'appui que, par rapport à d'autres grandes zones économiques, nous subissions un fort retard en matière d'investissement. Je rappelle qu'au moment où le Président de la Commission européenne a annoncé le lancement du Plan, en novembre 2014, l'Europe présentait un important déficit d'investissement puisque le montant total des investissements était de 15 % inférieur à celui de 2007, illustrant mon propos précédent.

Au même moment, je tiens à rappeler que les États-Unis mobilisaient un plan de 1 300 milliards de dollars, et que la Chine en mettait en place un autre de 1 950 milliards de dollars, auquel a été adossé un financement complémentaire de 700 milliards de dollars.

Par ailleurs, nous l'avions indiqué, le règlement instaurant le Fonds européen pour les investissements stratégiques (FEIS) contient, en son article 18, une obligation d'évaluer le fonctionnement du FEIS – exercice auquel, Madame la Présidente, nous nous livrons en ce moment. Pour être précis, le règlement exige que la Commission européenne et la BEI « évaluent » le FEIS « au plus tard le 5 janvier 2017 ». Une évaluation indépendante, introduite notamment à la demande des Allemands, est également présente dans le règlement et devrait être rendue publique dans les semaines à venir. Madame la Présidente, je m'enorgueillis d'ailleurs d'avoir été, avec mon collègue Arnaud Richard, en situation de vous transmettre, ainsi qu'à la commission et à notre gouvernement, diverses informations avant même la publication des évaluations de la Commission européenne et de la Banque européenne d'investissement (BEI).

Le premier juin dernier, la Commission européenne a publié son bilan de la mise en oeuvre du Plan Juncker, dans lequel elle pointait les succès comme les insuffisances du dispositif - dont la plupart avaient été mentionnées dans nos précédents travaux - et évoquait les perspectives futures. Plus récemment, en septembre 2016, la BEI a également publié son évaluation du FEIS dans laquelle l'institution dresse, peu ou prou, les mêmes constats que la Commission européenne, et qui rejoignent nos évaluations, en dépit de quelques écarts concernant les perspectives et préconisations.

C'est ainsi qu'en s'appuyant sur ces deux premières évaluations, la Commission européenne a proposé, le 14 septembre dernier, une modification du règlement du FEIS pour, tout d'abord, apporter au dispositif les correctifs nécessaires pour limiter les effets indésirables apparus au moment de la mise en oeuvre du Plan. Nous l'avions indiqué, un certain nombre de pays n'étaient pas suffisamment « outillés », tant au plan administratif que financier, pour répondre aux appels à projets etou ne répondaient pas à certains critères nécessaires pour bénéficier du « Plan Juncker », ce qui a créé un déséquilibre avec des pays pouvant apparaître moins nécessiteux mais qui bénéficiaient à plein. Nous sommes, à titre personnel, très heureux car la France est apparue comme l'un des champions de la mobilisation des fonds du Plan Juncker mais les déséquilibres dans sa mise en oeuvre sont préoccupants. La Commission européenne a, ensuite, proposé de prolonger le dispositif en proposant « un double doublement » des montants et de la durée d'existence du FEIS. Nos préconisations étaient toutefois le triplement, pour atteindre un niveau équivalent en termes de taille des économies et des populations aux chiffres précédemment cités à propos des Etats-Unis et de la Chine. Nous sommes donc aux deux-tiers du chemin.

Le rapport que nous vous présentons aujourd'hui revient à la fois sur les enseignements tirés des évaluations déjà réalisées ainsi que sur les réorientations et ajustements que propose la Commission européenne dans son nouveau texte.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Après cette introduction, nous souhaitions tirer les enseignements d'un an de fonctionnement du Plan Juncker et revenir sur ce qui fonctionne et ce qui mérite d'être amélioré.

Force est de constater que les évaluations établies par la Commission européenne et par la BEI vont, globalement, dans le même sens. Le premier élément qu'il convient de souligner est le succès, véritablement incontestable, du Plan Juncker à ce jour. Ce que nous pressentions dans notre précédent rapport est aujourd'hui confirmé par ces évaluations.

Il ne faut pas oublier notre premier rapport sur le Plan Juncker – nous étions alors assez circonspects à la lecture du règlement, et nous n'étions pas les seuls, mais ce dispositif fonctionne, est simple d'usage et a enregistré des succès, même s'il nécessite des améliorations.

Ce premier succès s'apprécie, en premier lieu, par la reprise de l'investissement en Europe. Celle-ci est certes encore fragile mais elle est réelle et la Commission européenne estime que le trend va continuer et s'améliorer en 2017, en particulier grâce aux effets macroéconomiques des investissements qui ne se manifestent, la plupart du temps, qu'avec un léger décalage temporel.

Le succès du Plan s'apprécie également, en second lieu, en nombre de projets financés ou approuvés et en termes de montants associés. Ainsi, selon la Commission européenne, au premier semestre 2016, le FEIS, cité par Razzy Hammadi, avait approuvé plus de 250 opérations. Ces dernières devraient permettre de mobiliser au total 100 milliards d'euros et réaliser près d'un tiers de l'objectif final du Plan, qui je le rappelle était de 315 milliards d'euros. S'agissant du FEI, la Commission européenne notait, à la même période, que le soutien apporté par le FEIS aux opérations réalisées par le FEI a permis de de mobiliser presque 50 milliards d'euros ; ce qui représente près des deux tiers de l'objectif initial du Plan sur ce volet, qui était de 75 milliards d'euros. En outre, la Commission européenne indique que plus de 14 000 petites et moyennes entreprises et entreprises à moyenne capitalisation situées dans 26 États membres devraient bénéficier du FEIS.

Ce plan ne se résume pas à 250 opérations dans toute l'Europe, mais c'est aussi 14 000 petites et moyennes entreprises qui ont profité de ces investissements dans nos territoires.

De son côté, la BEI fait la distinction entre les opérations approuvées qui atteignent un montant de 17,45 milliards d'euros pour un montant total mobilisé estimé à 104,75 milliards d'euros, et les opérations signées d'un montant de 10,45 milliards d'euros pour un montant de 66 milliards d'euros mobilisés. Elle ajoute qu'au 30 juin 2016, 1,81 milliard d'euros avait été décaissé au titre du volet « infrastructures et innovation », très présent dans ce plan.

Ainsi, au total, les montants mobilisés permettraient déjà d'atteindre un tiers de l'objectif initial fixé à 315 milliards d'euros, ce qui constitue un succès pour un dispositif auquel personne ne comprenait rien au départ et qui est extrêmement volontariste.

Par ailleurs, les statistiques enregistrées, d'une part, par la plateforme européenne de conseil en investissement (la PECI), guichet unique fournissant aux acteurs qui la sollicitent des conseils relatifs au recensement, à la préparation et au développement de projets d'investissement et, d'autre part, par le portail européen de projets d'investissement nous renseignent sur l'appropriation de chacun des outils du Plan par les acteurs. Ainsi, à fin juin 2016, la plateforme, opérationnelle depuis septembre 2015, recensait 255 demandes émanant des 28 États membres et le portail, opérationnel depuis le 1er juin dernier, comptabilise, à ce jour, 119 projets.

Plusieurs points doivent toutefois être améliorés, concernant ce plan. Les différentes évaluations ont mis en lumière certaines insuffisances et effets indésirables liés à son déploiement.

Il faut, en premier lieu, insister sur la nécessité de poursuivre les efforts pour mobiliser un maximum de financements privés. Au 30 juin 2016, sur les 66 milliards d'euros mobilisés par le FEIS, seulement 62 % étaient des financements privés. Ce premier résultat est encourageant mais les efforts doivent être maintenus car, je le rappelle, le principe qui sous-tend la mise en oeuvre du Plan Juncker est celui du caractère secondaire des financements publics. Ces derniers doivent compléter, lorsque cela est nécessaire, les investissements privés.

Il faut, en second lieu, poursuivre les efforts pour exploiter au mieux les complémentarités entre le FEIS et les fonds structurels. Nous avions particulièrement insisté, avec Razzy Hammadi, sur ce point dans notre précédent rapport sur ce Plan Juncker. Il faut aussi développer les synergies entre les banques nationales de développement et les différents relais locaux que sont en France la Caisse des dépôts et consignations, Bpi France ou le commissariat général à l'investissement – qui jouent un rôle considérable dans la mise en oeuvre du Plan et dans le succès de la France – et la BEI et la Commission européenne.

Il fallait, enfin, compléter et clarifier la notion de l'additionnalité dont le règlement donnait, dans sa version initiale, une définition assez elliptique. Nous avions d'ailleurs souligné que cette lacune était susceptible de constituer un frein à la mise en oeuvre uniforme du Plan Juncker et nous nous félicitons de voir que la Commission européenne a souhaité y apporter des précisions, même si les choses nous semblent encore, à cet égard, insuffisantes.

Par ailleurs, des effets indésirables ont été clairement identifiés dans les évaluations. Le risque de concentration géographique et sectorielle demeure aujourd'hui une réalité. Trois Etats membres – le Royaume-Uni, l'Italie et l'Espagne recensent à eux seuls 63 % des financements relevant du volet « infrastructures et innovation ». Ce constat est d'autant plus préoccupant qu'il excède la limite fixée par le Plan, à titre indicatif, dans les orientations stratégiques du FEIS, à 45 %.

Trois autres États membres – l'Italie, la France et l'Allemagne – représentent 54 % des financements relevant du volet PME. La France, comme affirmé par Razzy Hammadi, constitue l'un des « meilleurs élèves » du Plan Juncker.

Au total, la BEI estime que l'action du FEIS se concentre trop fortement sur « l'Europe des 15 » (92 % des financements y sont octroyés) et néglige les pays plus récemment entrés dans l'Union européenne. Les treize autres États membres représentent 8 % des financements du Plan. Bien que ces chiffres méritent et mériteront d'être affinés, la concentration géographique est problématique car elle semble exclure du dispositif des pays qui, situés principalement en Europe centrale et orientale, se trouvent encore, dans leur grande majorité, dans une phase de rattrapage économique et auraient sans davantage doute besoin de bénéficier de ce type de financements.

S'agissant de la concentration sectorielle, le constat est similaire : la BEI constate qu'au 30 juin 2016, 46 % des opérations qui ont été signées au titre du volet « infrastructures et innovation » relèvent du secteur de l'énergie, dépassant également la limite indicative des orientations stratégiques du FEIS à 30 %.

La Commission européenne, dont certains représentants avaient exprimé leurs inquiétudes à ce sujet notamment dans le cadre des auditions que nous avions menées pour notre précédent rapport, a, semble-t-il, pris acte de la surreprésentation de certains États membres ou secteurs dans les financements du Plan Juncker et proposé d'introduire, pour l'avenir, certains correctifs.

Par ailleurs, si vous me l'autorisez, Madame la Présidente, je voudrais, avant de laisser la parole à Razzy Hammadi, évoquer brièvement le Plan d'investissement externe de l'Union européenne dont nous avons discuté hier avec le ministre des Affaires Européennes, lors d'un compte rendu du Conseil européen. Annoncé, par le Président de la Commission européenne, dans le discours sur l'état de l'Union du 14 septembre dernier, le lancement d'un ambitieux plan destiné à soutenir les investissements dans nos pays partenaires en Afrique et dans le voisinage de l'Union européenne est un élément qui nous semble très important.

Cette idée de « dupliquer » en quelque sorte le dispositif Juncker témoigne du succès du Plan d'investissement pour l'Europe et je souhaiterais rappeler que nous avions eu l'occasion, Razzy Hammadi et moi-même, d'aborder ces questions dans nos précédents travaux. Je pense notamment au rapport d'information que nous avons réalisé en avril 2015, avant le déploiement du Plan Juncker. Cette initiative permet de rappeler la nécessité d'investir en Afrique, par de l'argent et par une plateforme de conseil aux projets dans les pays africains, afin qu'ils puissent bien utiliser ces montants. Vous évoquiez hier, Madame la Présidente, les risques de corruption, qui restent un problème dans ce type de projets ; l'aide et l'assistance technique que l'Europe peut apporter à ses partenaires sont, dans cette perspective, très utiles.

Pour mémoire, le dispositif qui devrait être déployé devrait, à partir des 3,35 milliards d'euros de contribution du budget de l'Union européenne, permettre tout de même de mobiliser un montant de l'ordre de 44 milliards d'euros. La Commission européenne estime également qu'avec une contribution des États membres au dispositif, les montants totaux pourraient atteindre 88 milliards d'euros.

En conclusion, ce Plan Juncker pour l'Afrique, même s'il se situe à la marge de notre rapport, participe de la même logique que le Plan Juncker et mériterait, je le crois, que nous y consacrions des travaux similaires pour son suivi.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Comme Arnaud Richard, je crois vraiment qu'au regard de ce travail suivi, qui a commencé avec le Pacte de croissance et d'emploi, qui s'est prolongé avec le suivi et l'évaluation du Plan Juncker, par les préconisations que nous avons formulées sur son contenu et ses évolutions, nous pensons en effet et espérons convaincre les membres de la Commission et vous-même qu'il serait à la fois judicieux et pertinent de conclure ce travail, dans le peu de temps qu'il reste au cours cette mandature, par un suivi soutenu de ce plan pour l'Afrique.

Pour revenir à notre rapport du jour, la proposition de la Commission européenne modifiant le FEIS vise également à apporter au dispositif les correctifs nécessaires pour en décupler les bénéfices. Elle contient ainsi d'importantes clarifications et des ajustements de nature technique.

Nous saluons tout particulièrement les clarifications suggérées par la Commission européenne puisque la quasi-totalité d'entre elles avaient été identifiées dès notre premier rapport. La première d'entre elles est de relever l'élargissement des secteurs éligibles aux financements du FEIS avec l'inclusion, dans le règlement, des secteurs de l'agriculture, de la sylviculture et de l'aquaculture. En réalité, cet ajout ne constitue pas une nouveauté dans la mesure où des projets intervenant dans ces secteurs sont « déjà éligibles » et donc susceptibles de bénéficier des financements du FEIS. La proposition ainsi à mettre en cohérence le texte et la pratique.

Par ailleurs, les objectifs environnementaux sont désormais explicitement prioritaires. Dans sa proposition de règlement, la Commission européenne indique qu'une « attention particulière sera portée aux projets qui contribuent à la réalisation des objectifs de la COP 21 ». Après la rencontre avec de nombreux commissaires, ayant responsabilité dans le suivi et la mise en oeuvre du Plan Juncker, nous avons à chaque fois souligné nos convictions dans ce domaine. La Commission européenne propose d'introduire un objectif chiffré, qui ne sera toutefois pas juridiquement contraignant, de 40 % des financements octroyés, par la BEI, dans le cadre du volet « infrastructures et innovation ». Nous ne pensons pas qu'un tel objectif doive être juridiquement contraignant, mais qu'il doive l'être au moins contractuellement, car il serait paradoxal que la Banque européenne d'investissement finance des projets qui ne soient pas écologiquement sains ou qui généreraient de la pollution. Je rappelle qu'à ce jour, près d'un tiers des projets financés ou approuvés participent à la réalisation des objectifs environnementaux ; par conséquent, cet objectif ne semble pas présenter de difficulté particulière.

Par ailleurs, la Commission européenne invite le FEIS à limiter l'appui consenti aux projets autoroutiers à ceux qui interviennent dans des pays « susceptibles de bénéficier des aides de cohésion » ou aux projets de « transport transnationaux impliquant au moins un tel pays ».

S'il est relativement incontestable que les pays qui bénéficient des aides de cohésion ont probablement davantage besoin de bénéficier du soutien du FEIS pour la réalisation de projets d'infrastructures, vos rapporteurs trouvent que la différence de traitement introduite constitue un procédé qui peut surprendre.

La proposition de la Commission européenne contient également des ajustements techniques suggérés pour améliorer le fonctionnement du dispositif. Il est ainsi prévu que la plateforme (PECI) concentre en priorité ses activités sur les besoins qui ne sont, à l'heure actuelle, pas couverts de manière satisfaisante, en prêtant notamment davantage d'importance aux objectifs de diversification géographique et sectorielle. Comme nous l'appelions de nos voeux dans la résolution accompagnant notre précédent rapport, des « services d'assistance technique mieux ciblés » seront mis en oeuvre pour les projets ayant une dimension transfrontière ; pour ceux qui contribuent à la réalisation des objectifs de la COP 21 ; ou encore pour ceux dont le montage financier repose sur une combinaison associant des financements mixtes.

La définition de l'additionnalité est affinée mais encore potentiellement problématique. La proposition de la Commission européenne prévoit que pour être considérées comme additionnelles, les contributions apportées par le FEIS doivent remédier à des « défaillances de marché » ou à « des situations d'investissement non optimales ». Or, aucun élément de définition n'a été introduit, à ce stade, dans la proposition de règlement. Si l'ajout de ces deux notions peut, à première vue, sembler satisfaisante, force est de constater que l'une comme l'autre s'apprécient par rapport à une situation théorique et donc relativement abstraite - le fonctionnement optimal du marché – qu'il est, par essence, difficile de qualifier et dont l'utilisation pour juger de l'additionnalité d'un projet semble in fine peu opérante et susceptible de favoriser des interprétations divergentes. Nous pensons que les difficultés méthodologiques, évidentes, ne devraient toutefois pas dispenser les institutions européennes d'apporter des précisions supplémentaires afin de permettre une application uniforme du règlement.

Désormais, la BEI est soumise à une obligation de motivation des décisions. Nous nous félicitons de cette mesure qui permettra d'accroître la transparence du dispositif et facilitera la compréhension des prises de décision par les acteurs concernés. Comme nous l'avions indiqué dans notre précédent rapport, une communication large et de qualité est l'une des conditions du succès du Plan. Laissez-moi exprimer devant cette commission ma tristesse, mes regrets, et une certaine part de désillusion, lorsque l'annonce d'un tel plan suscite, auprès des journalistes français, de la presse économique et de la classe politique française non seulement aussi peu de soutien mais avant cela, si peu de débats.

L'annonce phare que constitue le prolongement du Plan Juncker se traduit également par une augmentation de la durée et de la capacité financière du FEIS. L'extension proposée consiste en une prorogation de la durée de fonctionnement du Fonds et, au plan financier, en un quasi-doublement des montants mobilisés. Il est ainsi attendu que le FEIS génère, d'ici au 31 décembre 2020, au moins 500 milliards d'euros d'investissement total.

Au plan budgétaire, la proposition de règlement prévoit l'augmentation de la garantie de l'Union européenne à 26 milliards d'euros (contre 16 milliards d'euros jusqu'à présent). La contribution de la BEI au FEIS devrait désormais atteindre 7,5 milliards d'euros (soit une hausse de 2,5 milliards d'euros). Et je rappelle que les effets de levier ont été vérifiés et confirmés dans les opérations déjà financées à ce jour.

Cette prolongation d'un dispositif qui fonctionne ouvre des perspectives de pérennisation plus larges. Le succès du Plan Juncker nous invite ainsi à mener une réflexion d'envergure sur l'après 2020. La pérennisation d'un instrument favorable à l'investissement en Europe présenterait, en effet, des bénéfices évidents.

Cela contribuerait, tout d'abord, à restaurer le climat de confiance nécessaire aux décisions des investisseurs et un dispositif pérenne reposant sur la mutualisation de fonds pour financer des projets présentant, pour l'Union européenne dans son ensemble, d'importances externalités positives, pourrait également présenter d'importants avantages en matière de stabilisation macroéconomique.

Il est fort probable que cette thématique fasse l'objet de plus amples discussions et qu'elle constitue un point important des négociations à venir pour l'établissement du prochain cadre financier pluriannuel.

Dans un premier temps, nous nous montrerons particulièrement attentifs aux propositions qui seront faites par la Commission européenne à l'issue de la période de prorogation du FEIS pour assurer le maintien des investissements stratégiques à un niveau soutenable et espérons que ces succès réalisés en matière d'investissement pourront être pérennisés.

Je crois que nous avons intérêt à promouvoir les résultats, l'initiative, et mobiliser nos énergies et nos forces pour lui donner une plus grande ampleur et une dimension pérenne.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je souhaite aller dans le sens de Razzy Hammadi. Nous étions initialement dubitatifs, mais c'est un succès. Je crois que cette nouvelle voie ouverte par le Plan Juncker doit être à double sens, et nous devons en France, dans nos investissements, en tirer les conséquences. Cet effet de levier de 1 à 15, dont nous doutions tous, fonctionne. Je me demande comment, en France, nous pouvons nous permettre de financer les grandes infrastructures sans prendre en compte certains mécanismes financiers – tels que le Plan Juncker – qui permettent de réduire la dépense publique.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je vous remercie. Je crois que ce suivi du « Plan Juncker 1 » et bientôt du « Plan Juncker 2 » a déjà produit des effets, puisque cela inspire une sorte de Plan Juncker pour l'Afrique. Nous en avons longuement discuté hier avec le secrétaire d'État en charge des Affaires européennes : on voit bien que c'est grâce à cette expérience qu'il y aura des propositions positives, et j'espère, pour prendre un exemple de l'ordre du développement durable, que Monsieur Borloo va réussir, à partir de là, à obtenir un financement pérenne pour procéder à l'électrification à laquelle chacun des Africains a droit. Il me semble que l'on dispose ici d'un exemple concret de quelque chose qui se passe dans l'Union européenne, qui est positif et peut être dupliqué ailleurs.

Je voudrais néanmoins vous poser une question à propos du rattrapage par rapport aux États membres récemment entrés dans l'Union. En effet, on peut se réjouir que la France ait largement bénéficié du « Plan Juncker 1 » car en définitive, elle avait bien compris les mécanismes et apportait des propositions qui correspondaient tout à fait aux orientations principales. Sans doute que nous retrouverons cela lors de l'application du « Plan Juncker 2 ».

Pour aller plus loin, nous savons que les pays récemment entrés pensent parfois que l'on fait d'eux des Européens de deuxième zone. Le Plan Juncker pourrait justement constituer une opportunité de démontrer que nous sommes tous à égalité sur ce sujet. Avez-vous un ou deux exemples concrets de modifications que nous pourrions apporter pour corriger les déséquilibres observés ? Nous ne pouvons que souligner avec vous que nous devons poursuivre sur cette voie, et que le travail que vous avez réalisé constitue quelque chose que nous pouvons prolonger tous les jours.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

En premier lieu, Madame la Présidente, il faut garder à l'esprit qu'il faut beaucoup d'humilité sur ce sujet, et que lorsque le gouvernement a découvert le Plan Juncker – comme les autres, je vous l'accorde –, il a alors proposé des projets, notamment pour financer des infrastructures de transport. Le gouvernement s'est fait critiquer car l'objectif n'était pas d'avoir des projets politiques – au sens politicien du terme – mais qui n'étaient pas « bankable » et qui avaient besoin d'un soutien et de garanties. Il s'agit d'une vraie révolution dans le choix des projets.

Un deuxième aspect, révélé dans tous nos échanges et notamment avec la BEI, est que certains pays d'Europe centrale et occidentale en particulier n'ont pas la chance d'avoir des banques publiques d'investissement, des opérateurs publics de financement de long terme, comme nous en avons en France, qui réalisent un travail discret mais remarquablement efficace pour que ces projets aboutissent. La BEI a tenté de mettre en oeuvre l'équivalent de ce qu'est la BPI en France dans quelques pays d'Europe centrale ou orientale, ou d'orienter la plateforme de conseil à l'investissement spécifiquement vers ces pays. C'est l'une des principales modifications suggérées par la Commission européenne. Ensuite, il y a des pays qui, voyant ce manquement dans l'ingénierie d'investissement public, se sont mis – mais cela prendra du temps – à tenter de créer ce type d'outils de financement de long terme.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

J'apporterai un complément à ce que vient de dire Arnaud Richard. En l'absence de règles de décision et de transparence, et d'équipes dont la technicité – tant du point de vue de l'ingénierie de construction que de l'ingénierie financière – permet de respecter un certain nombre de protocoles, il est impossible de mettre en place de disposer d'investisseurs de long terme.

L'exemple de l'agrandissement de l'aéroport de la Croatie, financé dans le cadre du Plan Juncker, s'est fait en partenariat avec une banque étrangère d'investissement de long terme. Mais avaient été imposées sur place des conditions de sous-traitance, d'appel d'offre, de sélection des équipes, de constitution de la société de projet qui ne laissaient apparaître aucune zone de doute susceptible d'empêcher le financement ou de mettre en danger la rentabilité ou l'équilibre de l'investissement à moyen ou long terme.

Aujourd'hui, nous nous trouvons dans une situation où la Commission européenne invite de plus en plus les différents acteurs nationaux à articuler l'action des fonds structurels et du Plan Juncker. Pour revenir à la situation de certains États membres moins impliqués à ce jour dans le Plan Juncker, l'utilisation des financements provenant des fonds structurels constitue une aubaine pour bénéficier du soutien de la BEI dans le cadre du Plan Juncker.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Nous allons continuer ce suivi. Je m'accorde avec vous pour dire que le « Plan Juncker 2 » peut aider à formuler des préconisations qui permettront éventuellement d'aboutir au triplement dont vous aviez parlé précédemment, et qui constituerait en effet certainement la dimension optimale à donner à ce plan.

II. Examen de textes soumis à l'Assemblée nationale en application de l'article 88-4 de la Constitution

Sur le rapport de la Présidente Danielle Auroi, la Commission a examiné des textes soumis à l'Assemblée nationale en application de l'article 88-4 de la Constitution.

Accords tacites de la Commission liés au calendrier d'adoption par le Conseil

La Commission a également pris acte de la levée tacite de la réserve parlementaire, du fait du calendrier des travaux du Conseil, pour les textes suivants :

Ø POLITIQUE ETRANGERE ET DE SECURITE COMMUNE (PESC)

Décision du Conseil modifiant la décision 2010573PESC concernant des mesures restrictives à l'encontre des dirigeants de la région de Transnistrie (République de Moldavie) (1275016 LIMITE - E 11558).

Ø TELECOMMUNICATIONS - NUMERIQUE

Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (UE) no 5312012 en ce qui concerne les règles applicables aux marchés de gros de l'itinérance (COM(2016) 399 final - E 11265).

Ø TRANSPORTS

Proposition de décision du Conseil autorisant la République de Bulgarie, la République tchèque, la République d'Estonie, la Hongrie, la République de Lettonie, la République de Lituanie, la République de Pologne, la Roumanie et la République slovaque à mener des négociations dans l'intérêt de l'Union en vue d'une convention sur le trafic ferroviaire international direct, pour ce qui concerne les domaines couverts par la décision du Conseil autorisant l'ouverture de négociations en vue d'une convention sur le trafic ferroviaire international direct (COM(2016) 633 final RESTREINT - E 11533).

La séance est levée à 17h23.