Intervention de Razzy Hammadi

Réunion du 26 octobre 2016 à 16h45
Commission des affaires européennes

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaRazzy Hammadi, co-rapporteur :

Comme Arnaud Richard, je crois vraiment qu'au regard de ce travail suivi, qui a commencé avec le Pacte de croissance et d'emploi, qui s'est prolongé avec le suivi et l'évaluation du Plan Juncker, par les préconisations que nous avons formulées sur son contenu et ses évolutions, nous pensons en effet et espérons convaincre les membres de la Commission et vous-même qu'il serait à la fois judicieux et pertinent de conclure ce travail, dans le peu de temps qu'il reste au cours cette mandature, par un suivi soutenu de ce plan pour l'Afrique.

Pour revenir à notre rapport du jour, la proposition de la Commission européenne modifiant le FEIS vise également à apporter au dispositif les correctifs nécessaires pour en décupler les bénéfices. Elle contient ainsi d'importantes clarifications et des ajustements de nature technique.

Nous saluons tout particulièrement les clarifications suggérées par la Commission européenne puisque la quasi-totalité d'entre elles avaient été identifiées dès notre premier rapport. La première d'entre elles est de relever l'élargissement des secteurs éligibles aux financements du FEIS avec l'inclusion, dans le règlement, des secteurs de l'agriculture, de la sylviculture et de l'aquaculture. En réalité, cet ajout ne constitue pas une nouveauté dans la mesure où des projets intervenant dans ces secteurs sont « déjà éligibles » et donc susceptibles de bénéficier des financements du FEIS. La proposition ainsi à mettre en cohérence le texte et la pratique.

Par ailleurs, les objectifs environnementaux sont désormais explicitement prioritaires. Dans sa proposition de règlement, la Commission européenne indique qu'une « attention particulière sera portée aux projets qui contribuent à la réalisation des objectifs de la COP 21 ». Après la rencontre avec de nombreux commissaires, ayant responsabilité dans le suivi et la mise en oeuvre du Plan Juncker, nous avons à chaque fois souligné nos convictions dans ce domaine. La Commission européenne propose d'introduire un objectif chiffré, qui ne sera toutefois pas juridiquement contraignant, de 40 % des financements octroyés, par la BEI, dans le cadre du volet « infrastructures et innovation ». Nous ne pensons pas qu'un tel objectif doive être juridiquement contraignant, mais qu'il doive l'être au moins contractuellement, car il serait paradoxal que la Banque européenne d'investissement finance des projets qui ne soient pas écologiquement sains ou qui généreraient de la pollution. Je rappelle qu'à ce jour, près d'un tiers des projets financés ou approuvés participent à la réalisation des objectifs environnementaux ; par conséquent, cet objectif ne semble pas présenter de difficulté particulière.

Par ailleurs, la Commission européenne invite le FEIS à limiter l'appui consenti aux projets autoroutiers à ceux qui interviennent dans des pays « susceptibles de bénéficier des aides de cohésion » ou aux projets de « transport transnationaux impliquant au moins un tel pays ».

S'il est relativement incontestable que les pays qui bénéficient des aides de cohésion ont probablement davantage besoin de bénéficier du soutien du FEIS pour la réalisation de projets d'infrastructures, vos rapporteurs trouvent que la différence de traitement introduite constitue un procédé qui peut surprendre.

La proposition de la Commission européenne contient également des ajustements techniques suggérés pour améliorer le fonctionnement du dispositif. Il est ainsi prévu que la plateforme (PECI) concentre en priorité ses activités sur les besoins qui ne sont, à l'heure actuelle, pas couverts de manière satisfaisante, en prêtant notamment davantage d'importance aux objectifs de diversification géographique et sectorielle. Comme nous l'appelions de nos voeux dans la résolution accompagnant notre précédent rapport, des « services d'assistance technique mieux ciblés » seront mis en oeuvre pour les projets ayant une dimension transfrontière ; pour ceux qui contribuent à la réalisation des objectifs de la COP 21 ; ou encore pour ceux dont le montage financier repose sur une combinaison associant des financements mixtes.

La définition de l'additionnalité est affinée mais encore potentiellement problématique. La proposition de la Commission européenne prévoit que pour être considérées comme additionnelles, les contributions apportées par le FEIS doivent remédier à des « défaillances de marché » ou à « des situations d'investissement non optimales ». Or, aucun élément de définition n'a été introduit, à ce stade, dans la proposition de règlement. Si l'ajout de ces deux notions peut, à première vue, sembler satisfaisante, force est de constater que l'une comme l'autre s'apprécient par rapport à une situation théorique et donc relativement abstraite - le fonctionnement optimal du marché – qu'il est, par essence, difficile de qualifier et dont l'utilisation pour juger de l'additionnalité d'un projet semble in fine peu opérante et susceptible de favoriser des interprétations divergentes. Nous pensons que les difficultés méthodologiques, évidentes, ne devraient toutefois pas dispenser les institutions européennes d'apporter des précisions supplémentaires afin de permettre une application uniforme du règlement.

Désormais, la BEI est soumise à une obligation de motivation des décisions. Nous nous félicitons de cette mesure qui permettra d'accroître la transparence du dispositif et facilitera la compréhension des prises de décision par les acteurs concernés. Comme nous l'avions indiqué dans notre précédent rapport, une communication large et de qualité est l'une des conditions du succès du Plan. Laissez-moi exprimer devant cette commission ma tristesse, mes regrets, et une certaine part de désillusion, lorsque l'annonce d'un tel plan suscite, auprès des journalistes français, de la presse économique et de la classe politique française non seulement aussi peu de soutien mais avant cela, si peu de débats.

L'annonce phare que constitue le prolongement du Plan Juncker se traduit également par une augmentation de la durée et de la capacité financière du FEIS. L'extension proposée consiste en une prorogation de la durée de fonctionnement du Fonds et, au plan financier, en un quasi-doublement des montants mobilisés. Il est ainsi attendu que le FEIS génère, d'ici au 31 décembre 2020, au moins 500 milliards d'euros d'investissement total.

Au plan budgétaire, la proposition de règlement prévoit l'augmentation de la garantie de l'Union européenne à 26 milliards d'euros (contre 16 milliards d'euros jusqu'à présent). La contribution de la BEI au FEIS devrait désormais atteindre 7,5 milliards d'euros (soit une hausse de 2,5 milliards d'euros). Et je rappelle que les effets de levier ont été vérifiés et confirmés dans les opérations déjà financées à ce jour.

Cette prolongation d'un dispositif qui fonctionne ouvre des perspectives de pérennisation plus larges. Le succès du Plan Juncker nous invite ainsi à mener une réflexion d'envergure sur l'après 2020. La pérennisation d'un instrument favorable à l'investissement en Europe présenterait, en effet, des bénéfices évidents.

Cela contribuerait, tout d'abord, à restaurer le climat de confiance nécessaire aux décisions des investisseurs et un dispositif pérenne reposant sur la mutualisation de fonds pour financer des projets présentant, pour l'Union européenne dans son ensemble, d'importances externalités positives, pourrait également présenter d'importants avantages en matière de stabilisation macroéconomique.

Il est fort probable que cette thématique fasse l'objet de plus amples discussions et qu'elle constitue un point important des négociations à venir pour l'établissement du prochain cadre financier pluriannuel.

Dans un premier temps, nous nous montrerons particulièrement attentifs aux propositions qui seront faites par la Commission européenne à l'issue de la période de prorogation du FEIS pour assurer le maintien des investissements stratégiques à un niveau soutenable et espérons que ces succès réalisés en matière d'investissement pourront être pérennisés.

Je crois que nous avons intérêt à promouvoir les résultats, l'initiative, et mobiliser nos énergies et nos forces pour lui donner une plus grande ampleur et une dimension pérenne.

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