Intervention de Jean-Paul Chanteguet

Réunion du 26 octobre 2016 à 9h30
Commission des affaires économiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Paul Chanteguet, président et rapporteur de la mission d'information, président :

Depuis 2008, le Parlement est chargé par la Constitution d'évaluer les politiques publiques, et, au premier chef, les lois qu'il vote. Cette mission est souvent délaissée au profit d'autres priorités, mais le rapport que nous vous présentons aujourd'hui dément cette affirmation.

La loi du 17 août 2015 est une loi importante. Elle engage de façon programmatique notre avenir et celui des générations futures. Elle appelle à modifier nos habitudes de vie et à renouveler nos pratiques économiques, non seulement dans le domaine de la production énergétique, par le développement des énergies renouvelables, mais aussi en matière de modes de transport, d'éclairage public, de circulation urbaine. Elle incite à renouveler le débat public, à mieux maîtriser la consommation d'énergie, mais aussi à faire preuve d'une plus grande solidarité, par exemple avec le chèque énergie – c'est l'article 201.

On peut juger ses objectifs trop ambitieux. On peut estimer que la part du nucléaire dans le mix énergétique doit être égale au plafond de 63,2 gigawatts prévu par l'article 187, ou au contraire qu'elle doit être ramenée le plus vite possible à 50 % de la production d'électricité, objectif qu'il est prévu d'atteindre à l'horizon 2025. On peut juger que les délais imposés aux acteurs, qu'il s'agisse de la prohibition d'objets ou d'emballages en plastique ou de la reprise des déchets, sont trop courts, ou au contraire trop longs. Mais l'on ne peut pas passer à côté de l'essentiel : cette loi, comme la COP21 qui l'a suivie, invite à une modification des comportements, progressive mais durable.

La mission commune à nos deux commissions a voulu analyser chacun des articles, ce qui, eu égard à l'ampleur du texte et à la diversité des sujets, n'était pas chose aisée. On recense ainsi dans la loi, 167 renvois à des mesures d'application, 56 habilitations à légiférer par ordonnance et 104 renvois au décret, sans compter les incidences sur de nombreux autres textes : agrément des éco-organismes, concessions, arrêtés municipaux sur la circulation urbaine, etc. Les problèmes posés sont parfois purement économiques, parfois fiscaux, parfois sociétaux, parfois exclusivement juridiques, toujours environnementaux.

Certes, vingt-six rapports sont demandés au Gouvernement par le Parlement, mais trois seulement sont publiés si l'on compte du « jaune » budgétaire, qui devrait l'être dans les jours qui viennent. La mission a été sensible à l'absence du rapport sur les colonnes montantes prévu à l'article 33, mais ce n'est qu'un exemple parmi de nombreux autres.

On s'interroge parfois sur le rôle législatif de la commission du développement durable. Je constate que l'apport parlementaire, sous l'égide des deux commissions, a été essentiel à la loi comme au présent rapport. Je tiens à en remercier Sabine Buis, Marie-Noëlle Battistel et Julien Aubert, mais aussi les autres membres de la mission, qui a procédé à cinq tables rondes et auditionné les représentants de 28 organismes ou administrations, soit environ 200 personnes.

Si nos observations sont nombreuses et souvent précises, elles ne visent pas à mettre en cause des responsabilités, mais nous invitent à nous interroger collectivement sur ce qui fonctionne et ne fonctionne pas dans le texte, quitte à nous poser rétrospectivement des questions sur la qualité de la loi. Le Parlement n'est certainement pas le plus mal placé pour juger son propre travail. De telles propositions n'ont pas pour conséquence d'augmenter la dépense publique, pas plus qu'elles ne nous enferment dans la critique systématique ou dans l'autosatisfaction. Évaluer la loi, c'est précisément en assurer un suivi concret, éventuellement pour la modifier si, un an après son vote, l'implication des acteurs, les circonstances, ou des blocages le nécessitent. En tout cas, le Parlement ne saurait se désintéresser de la loi qu'il vote ni des perspectives qu'elle ouvre. Voilà pourquoi nous avons tenu à étudier chaque article, même les plus anodins, sans aller jusqu'à interpréter le texte, mais en tentant de nous défaire de celles de ses analyses qui s'avéraient créer des blocages. J'appelle mes collègues à poursuivre demain ce travail d'évaluation : c'est la vie quotidienne de nos concitoyens qui est en jeu.

Les rapporteurs de la mission ont exercé les responsabilités suivantes. Julien Aubert a été rapporteur pour l'ensemble du texte. Marie-Noëlle Battistel était rapporteure pour les titres I – objectifs de la transition énergétique et de la politique énergétique –, V – énergies renouvelables –, VII – efficacité et compétitivité – et sur les chapitres III et IV du titre VIII, relatifs à l'application territoriale et aux dispositions spécifiques à l'outre-mer. Sabine Buis était responsable des titres II, sur la rénovation des bâtiments, et IV, sur l'économie circulaire. Denis Baupin était initialement chargé des titres III – transports et qualité de l'air –, VI – sûreté nucléaire et participation citoyenne – et VIII – programmation énergétique et transition énergétique dans les territoires – à l'exception du chapitre IV. À la suite de la démission de Denis Baupin, puis de la disparition du groupe Écologiste, qui ont modifié la composition de la mission, j'ai repris ces parties du rapport.

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