Monsieur le Premier ministre, Adama Traoré est mort le 19 juillet dernier, le jour de son vingt-quatrième anniversaire, dans la cour de la brigade de gendarmerie de Persan. Lorsque sa mère s’est présentée à la gendarmerie, on lui a répondu que son fils était en garde à vue. Il était en fait déjà mort.
Un sapeur-pompier volontaire intervenu dans la caserne de gendarmerie pour tenter de réanimer Adama Traoré a clairement signifié à l’inspection générale de la gendarmerie nationale que, contrairement aux affirmations des gendarmes, non seulement le jeune homme n’avait pas été placé en position latérale de sécurité, mais qu’il n’avait également plus de ventilation. À leur arrivée, les pompiers n’ont détecté aucun pouls et ont dû s’y prendre à deux fois pour obtenir des gendarmes qu’ils lui retirent les menottes afin de procéder au massage cardiaque. Malheureusement, le coeur d’Adama Traoré n’est jamais reparti ; celui de Wissam El-Yamni non plus, qui est décédé à la suite de son interpellation à Clermont-Ferrand, pas plus que celui d’Amadou Koumé, décédé dans un commissariat parisien après son arrestation.
Ce qui choque, ce qui blesse et parfois révolte les familles, au-delà des deuils, c’est qu’il n’est pas mis le même empressement – c’est en tout cas ressenti ainsi – pour établir les faits et permettre la connaissance de la vérité. D’ailleurs, monsieur le Premier ministre, avez-vous vous-même ou un autre membre de votre gouvernement adressé un mot, un message, à la famille de notre jeune compatriote décédé ?
Le fossé se creuse avec les institutions. Il se creuse d’autant plus que, chaque fois, plutôt que la violence, les familles et leurs soutiens choisissent le droit et veulent encore croire en la justice. La lutte contre l’impunité doit concerner tout le monde, monsieur le Premier ministre, y compris et peut-être surtout celles et ceux qui sont dépositaires d’une parcelle du pouvoir et de l’autorité publique.
Monsieur le Premier ministre, vous accordez dans votre discours une grande importance à la police et aux forces de l’ordre. Je veux vous dire qu’avoir un débat national sur les rapports entre État, police, justice et citoyens est salutaire pour notre État de droit.