Madame la présidente, madame la ministre, chers collègues, depuis le début du quinquennat, nous avons, à de multiples reprises, souligné le manque de cohérence entre les objectifs affichés en matière d’environnement, d’énergie et de transport, d’une part, et la réalité des moyens alloués, d’autre part. L’écologie et le développement durable ne sont pas une priorité de Bercy. Il en résulte que la situation dans le secteur des transports et des énergies renouvelables, loin de s’améliorer, se détériore.
Les chiffres pour l’année 2015, publiés par le service statistique de votre propre ministère, parlent d’eux-mêmes. Du côté des transports, la France a enregistré l’an dernier une hausse de 0,9 % des émissions de CO2 de ce secteur, alors qu’elles tendaient à reculer depuis 2004. Même constat du côté des énergies renouvelables : elles ont représenté 14,9 % de la consommation d’énergie finale en 2015, alors que la France aurait dû, selon le plan national d’action en faveur des renouvelables, franchir la barre des 17 % pour respecter ses obligations européennes d’atteindre 23 % en 2020. La future programmation pluriannuelle de l’énergie, dont le décret a été publié vendredi, permettra-t-elle de corriger les choses ? Il est permis d’en douter. Élaborée et révisée par le seul Gouvernement, ce décret définit des objectifs de production d’énergie renouvelable non contraignants, qui ne sont pas assortis de moyens politiques, juridiques ou financiers.
Concernant la biodiversité, alors que chacun constate l’urgence de la situation et qu’un rapport de l’Agence européenne de l’environnement estime que 60 % des espèces sont en situation défavorable en Europe, les crédits de ce programme, comme le regrette notre rapporteur, ne représentent que 3,6 % des crédits de la mission « Écologie, développement et mobilité durables », une somme déjà bien trop modeste pour porter les ambitions de la France. Malgré toutes les bonnes intentions affichées, votre ministère reste sous-doté et dans l’incapacité de sortir la tête hors de l’eau. Le Gouvernement et la majorité ont beau nous expliquer que, même si le budget a durablement la tête sous l’eau, elle n’est pas loin de la surface, cela n’empêchera malheureusement pas la noyade.
Comme nous l’avons dit en commission, il est temps que nous prenions collectivement la mesure des conséquences de ce régime de restrictions budgétaires. Dans le domaine des transports, par exemple, chacun peut constater que la part respective des différents modes de transport n’évolue guère depuis 2010 : la route représente 87,1 % du transport terrestre, le transport ferroviaire atteint 10,6 % et le transport fluvial ne dépasse pas les 2,3 %. Où sont passés les objectifs de report modal que le ministère se fixe toujours pour priorité ? Notre réseau routier se dégrade lentement : le pourcentage de chaussées dont la note est supérieure ou égale à 12 est ainsi passé de 85,3 % en 2012 à 83,3 % en 2015. La Direction générale des infrastructures, des transports et de la mer estime ne même pas disposer d’un budget suffisant pour maintenir la note moyenne à son niveau de 2012.
Dans le domaine des ouvrages d’art, la proportion des ponts et murs en mauvais état structurel s’est dégradée, passant de 11,9 % en 2012 à 13,2 % en 2015. Une proportion de 1,3 % des ponts et 5,7 % des murs nécessite des travaux urgents liés à l’insuffisante capacité portante de l’ouvrage.
Ne parlons même pas du fiasco autoroutier ! J’ai interpellé tout à l’heure le secrétaire d’État chargé des transports lors des questions au Gouvernement. Les géants du BTP, détenteurs des concessions, se goinfrent sur le dos des usagers et de l’État. Nous sommes de ceux qui considèrent qu’il est urgent de mettre fin à cette gabegie et au racket des automobilistes. La renationalisation des autoroutes est une nécessité. Ce n’est évidemment pas la voie que vous empruntez, qui consiste au contraire à miser sur les marchés.
Ouverture à la concurrence des concessions hydrauliques, procédures de mise en concurrence pour les énergies renouvelables électriques, ouverture à la concurrence du transport ferré de voyageur, multiplication des partenariats public-privé… à l’exemple de la ligne à grande vitesse entre Tours et Bordeaux qui ouvre en juillet prochain, et qui devrait se solder, pour le transporteur SNCF Mobilités, par des pertes annuelles d’exploitation de 100 à 200 millions d’euros, pour le plus grand profit du consortium LISEA, emmené par Vinci, qui va encaisser les recettes de péages faramineux. À croire que nous n’avons rien appris de la privatisation des autoroutes !
Tout est en place, nous le voyons, pour continuer dans la fuite en avant libérale, au détriment de l’intérêt général. Dans ces circonstances, nous ne voterons évidemment pas le budget que vous nous présentez.