Madame la présidente, madame la président de la commission, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi de finances pour 2017 prévoit pour le ministère de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt un peu plus de 5 milliards d’euros en crédits de paiement. Il est en hausse de 700 millions d’euros.
Le groupe GDR partage globalement les grandes orientations de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » pour 2017, comme celles des programmes 149, 206 et 215, même si des réserves peuvent être faites ici ou là. Il préserve en effet les équilibres et poursuit la politique de développement de l’agro-écologie. C’est une bonne chose ; c’est même inespéré car la mission retrouve tout juste son niveau de crédits votés lors du budget de 2013.
Il y a en effet péril en la demeure. Ce sont 10 000 agriculteurs qui quittent le métier chaque année. Un tiers d’entre eux ne gagnent pas 350 euros par mois en dépit d’un travail pénible. En Martinique, la surface agricole utile a diminué d’un quart en dix ans. La faiblesse des indemnisations après la tempête Chantal a obligé de nombreux agriculteurs, les plus humbles, à cesser leur activité. Qu’en sera-t-il de l’indemnisation après le cyclone Matthew, qui a détruit la moitié de la bananeraie martiniquaise ? La logique administrative tueuse va-t-elle se reproduire après trois années de calamités agricoles ?
Les producteurs français connaissent une crise due notamment à la dérégulation du marché et des volumes, mais aussi à la concurrence effrénée des multinationales. Sur fond d’alignement européen, d’ajustement structurel mondial, le suicide de l’agriculture française est à l’oeuvre.
Le fameux traité CETA– Comprehensive Economic and Trade Agreement – ouvre la voie, sans droits de douane, à des milliers de tonnes de viande bovine et porcine, ainsi qu’à des bananes américaines sur nos marchés.
Pour la Martinique, c’est la mort de son agriculture, exportatrice et créatrice de richesse, que l’on organise, et on la renvoie, comme au temps de l’esclavage, au bon vieux « jardin créole » de survivance, en lui faisant même croire que c’est la modernité pour elle. C’est suicidaire et néocolonial pour des territoires qui ont droit au développement.
Ici comme outre-mer, c’est l’utilité sociale même du métier d’agriculteur qui est en cause aujourd’hui. Terrible perspective !
Plus grand est votre mérite, monsieur le ministre, dans cette conjoncture difficile.
Je voudrais pour finir vous poser quelques questions qui intéressent directement l’agriculture outre-mer, car votre budget, compte tenu des financements engagés, est un peu également un ministère des outre-mer, et c’est bien. Quel est d’ailleurs le montant exact de l’engagement financier, très élevé, de votre ministère pour l’outre-mer en 2016, et dans ce budget ? Cependant, ces crédits doivent être utilisés très activement pour accentuer les transferts de technologie et promouvoir l’innovation au profit de la production locale.
En outre-mer, en Martinique en particulier, nous devons engager des plans verts, ferments de développement rural, agricole, et agro-industriel, créateurs de formations, d’innovations et d’emplois pour nos jeunes, et nous développer, je l’ai dit, en réconciliant notre histoire agricole et notre géographie naturelle avec les énergies renouvelables.
Monsieur le ministre, les sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural des DOM connaissent de graves difficultés financières, qui sont structurelles. Ces SAFER sont laissées sans moyens, alors qu’elles jouent un rôle d’appui technique, surtout auprès des jeunes agriculteurs. Quelles mesures envisagez-vous pour leur donner un mode de financement plus stable ?
L’agriculture des Antilles vient de subir une catastrophe climatique avec le cyclone Matthew, qui a ravagé les productions, et encore une autre au moment où je vous parle. Allez-vous enfin supprimer la circulaire de juillet 2012 sur l’indemnisation des productions, et allez-vous enfin définir un cadre d’indemnisation des calamités agricoles qui soit objectivement cohérent outre-mer, notamment en y faisant intervenir le Fonds national de garantie des risques agricoles ?
La banane française et européenne, c’est-à-dire de Martinique et de Guadeloupe, est une banane « propre », engagée dans le programme de développement environnemental et sanitaire très strict dit « plan banane durable II ». Or, elle est concurrencée sur le marché français par des bananes de pays tiers comme la République dominicaine, dites bio, qui sont en fait beaucoup moins bio que la banane française normale, et qui ne le sont même pas du tout. Seriez-vous prêt à interdire l’étiquetage biologique pour les produits importés de pays tiers dont les normes n’ont rien à voir avec les normes strictes, sanitaires, gustatives, variétales et environnementales, des producteurs européens des Antilles ?
Cela dit, monsieur le ministre, nous voterons votre budget.