Intervention de Hervé Pellois

Réunion du 2 novembre 2016 à 10h30
Commission des affaires économiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaHervé Pellois, rapporteur :

La proposition de résolution européenne que nous examinons aujourd'hui est le fruit de l'initiative de la commission des affaires européennes de notre Assemblée, à la suite de l'excellent rapport d'information publié par nos deux collègues Yves Daniel et Hervé Gaymard, que je tiens à remercier.

La fin des quotas laitiers européens, le 1er avril 2015, a exposé la filière laitière à l'instabilité des marchés, à la volatilité des prix à la production et à une concurrence mondiale et intra-européenne exacerbée. Ne regrettons pas pour autant la période des quotas laitiers de 1984 à 2005. La France était très minoritaire en Europe à vouloir leur maintien, et nous savons très bien que nous n'y reviendrons pas. Il fallait mettre un terme à cette période de gestion administrée de la production qui, rappelons-le, était initialement prévue pour une durée limitée de cinq ans et a été reconduite à plusieurs reprises, grâce notamment aux Français. Les quotas n'ont d'ailleurs pas totalement préservé nos producteurs de la volatilité des prix du marché, notamment en 2009. Leur disparition a cependant rendu plus violente la confrontation de nos exploitations laitières aux prix mondiaux. L'atterrissage en douceur prôné par Bruxelles a été plus difficile que prévu. En témoigne le prix de la tonne de lait à 390 euros en janvier 2014, contre 275 euros en août 2016, soit une baisse de 30 %. En France, fort heureusement, les derniers cours sont proches de 300 euros la tonne, mais ils n'atteignent pas encore le prix de revient de 340 euros la tonne.

La situation de la filière depuis un an et demi est regrettable. Certains pays membres de l'Union européenne ont trop vite anticipé la fin des quotas en augmentant aveuglément leurs volumes de production dès 2014. C'est le cas de l'Irlande et des Pays-Bas qui ont laissé dériver leur production, respectivement, de 33 % et 17 %. Ce n'est pas le cas de la France, mais elle a subi de plein fouet comme tous les autres pays européens cette surproduction européenne couplée à la fermeture du marché russe du fait de l'embargo politique et à la moindre demande chinoise en poudre de lait contrairement aux anticipations.

Ce n'est pas faute d'avoir tenté, au niveau de la Commission européenne, de préparer le secteur en lui permettant de s'organiser. Les recommandations du groupe d'experts mis en place par la Commission en 2010 ont abouti à l'adoption du « paquet lait » entré en vigueur le 3 octobre 2012, parfois en contrevenant au sacro-saint droit de la concurrence.

Le « paquet lait » a permis, d'une part, de mieux appréhender, avec les organisations interprofessionnelles, les variations du marché et de définir une stratégie de filière – mieux écouter le marché, c'est également le rôle important dévolu à l'Observatoire européen du marché du lait. D'autre part, le « paquet lait » a permis de favoriser, avec les organisations de producteurs, les regroupements de producteurs en structures visant à remédier à l'émiettement de l'offre face à la concentration de l'aval de la filière que représentent à la fois les transformateurs, collecteurs du lait, parmi lesquels on compte des multinationales et les distributeurs, de plus en plus concentrés en un nombre réduit de centrales d'achat. La contractualisation obligatoire est aussi un instrument de rééquilibrage des relations commerciales ; il convient de la renforcer.

L'exposition des producteurs aux lois du marché ne s'est pas faite sans filets de sécurité, d'autant que la Commission européenne a utilisé des mécanismes de soutien conjoncturel à la filière. On pouvait regretter que le « paquet lait » soit encore insuffisamment mis en oeuvre à l'échelle des autres pays membres, et surtout trop lentement. La pugnacité de notre ministre de l'agriculture, lors du Conseil des ministres de l'agriculture de l'Union européenne le 18 juillet dernier, a permis d'adopter des mesures de réduction de la production de lait qui s'avèrent dès à présent positives.

La France, de son côté, a continué à agir pour répondre aux préoccupations des producteurs de lait. La publication au Journal officiel du 30 septembre 2016 de l'arrêté permettant la mise en place, à titre expérimental, pour deux ans, de l'étiquetage de l'origine du lait dans les produits transformés dès le 1er janvier 2017 en est un excellent exemple. Plus récemment, le projet de loi relatif à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique (Sapin II), en cours d'examen, améliore le fonctionnement de la contractualisation dans les limites du droit européen.

Avec les outils ainsi à disposition et en gardant les objectifs d'une politique agricole commune ambitieuse et soucieuse du maintien de toutes les exploitations laitières même les plus fragiles, la proposition de résolution européenne de nos collègues de la commission des affaires européennes propose quatorze pistes de consolidation du secteur, auxquelles j'adhère pleinement.

Ces quatorze propositions mettent d'abord en avant des mesures de stabilisation des marchés et d'amélioration des relations commerciales en renforçant la mise en oeuvre du « paquet lait » et en se dirigeant vers des mesures assurantielles de stabilisation des revenus, d'atténuation de la volatilité des prix et de lissage des volumes en cas de crise, reprenant le programme pour la responsabilisation face au marché de l'European Milk Board. C'est, j'en suis persuadé, l'une des orientations que devra prendre la future politique agricole commune (PAC) post 2020.

Ce sont ensuite des mesures plus classiques mais nécessaires de consolidation de la stratégie agricole européenne qui sont réaffirmées : assurer des débouchés à l'export en négociant la levée de l'embargo russe et en poursuivant les mesures de promotion des exportations, d'une part, et protéger les exploitations d'élevage fragilisées en augmentant les aides couplées aux jeunes agriculteurs et en investissant en faveur des biens publics fournis par l'élevage, d'autre part.

Cette proposition de résolution affirme parfaitement ce que doit être une politique laitière ambitieuse. Celle-ci a été adoptée à l'unanimité par la commission des affaires européennes ; je vous propose de partager ce consensus et de l'adopter sans modification.

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