Intervention de Philippe Goujon

Séance en hémicycle du 4 novembre 2016 à 9h30
Projet de loi de finances pour 2017 — Sécurités

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPhilippe Goujon :

Monsieur le ministre, le décret autorisant la création d’un fichier relatif aux passeports et aux cartes nationales d’identité fait couler beaucoup d’encre, bien que publié un dimanche de Toussaint. Lors des questions d’actualité, vous avez répondu que ses finalités et ses règles de consultation n’avaient rien de commun avec le fichier prévu par la loi de 2012, dont j’étais le rapporteur, qu’il ne ferait pas l’objet d’utilisations biométriques et qu’il ne comporterait pas de puce électronique. Mais dans ce cas, à quoi correspond exactement le composant électronique mentionné dans le décret ? Une puce était préconisée par la CNIL comme alternative au fichier et était d’ailleurs prévue dans l’article 2, non censuré, de la loi de 2012.

Contrairement à vos affirmations, ce décret a bien à voir avec la loi de 2012, puisqu’il la vise expressément. S’il permet d’améliorer l’instruction des titres d’identité, ses finalités ouvrent bien sa consultation à la lutte antiterroriste, reprenant en partie l’article 10 – censuré, lui – de la loi. Mais comment les services pourront-ils agir alors que les données consultables excluent l’image numérisée des empreintes digitales, interdisant l’identification d’une personne à partir de ses empreintes ? Cela aurait pourtant permis, par exemple, d’identifier immédiatement les corps des victimes des attentats récents.

De plus, vous et votre prédécesseur avez perdu quatre ans, alors que j’ai interpellé le Gouvernement chaque année depuis 2012 pour demander une loi nouvelle de protection de l’identité – il y a tant de fraudes identitaires qui détruisent la vie des victimes ! – et pour que soient associées identité biométrique et identité biographique ? D’ailleurs, la loi de 2012 n’aurait peut-être pas été censurée aujourd’hui. En effet, le Conseil constitutionnel, s’il avait jugé trop nombreuses les finalités d’accès au fichier à l’époque, n’invalidant d’ailleurs que partiellement la loi, sait adapter sa jurisprudence aux changements de circonstances de fait et de droit.

Enfin, vous n’avez livré aucune information sur le coût de ce fichier. Cette dépense figure-t-elle dans votre budget ? Le cas échéant, où figurera-t-elle ?

Monsieur le ministre, en excluant en partie la loi de 2012 tout en s’y référant, sans pour autant répondre vraiment aux besoins de la lutte contre le terrorisme, votre décret n’apporte pas plus de réponse satisfaisante au défi de la protection de l’identité. Alors, rejoignant une recommandation de la CNIL, il me semble, l’actualité aidant, qu’un débat parlementaire s’impose de lui-même aujourd’hui, tant les enjeux liés à l’identité sont graves et multiples.

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