Intervention de Arnaud Richard

Séance en hémicycle du 4 novembre 2016 à 9h30
Projet de loi de finances pour 2017 — Immigration asile et intégration

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaArnaud Richard :

Je serai d’accord avec mon collègue Éric Ciotti : le droit d’asile est au coeur de la République.

En présence d’une crise migratoire durable, mes chers collègues, et dans une situation peu courante dans notre histoire récente, nous devons faire face avec responsabilité et sérieux.

Monsieur le ministre, la loi de juillet 2015 a apporté une première réponse, un peu tardive au demeurant : il s’agissait de transcrire les directives européennes, ce que nous aurions pu faire auparavant.

Il nous faut aujourd’hui adapter le dispositif à la crise, sans pour autant tergiverser sur l’essentiel : vous l’avez dit et je crois que sur ce sujet, notre responsabilité est de nous atteler à ce qui est difficile.

Nous examinons ce matin un budget primordial pour l’État, nécessairement affecté cette année par la crise migratoire qui s’est accrue, par l’accueil des réfugiés et par le démantèlement de la jungle de Calais ou d’autres camps dans lesquels la situation était proprement inhumaine, vous l’avez dit, monsieur le ministre.

Avec une hausse de plus de 23 % en 2015 des demandes d’asile présentées en France, la garantie du droit d’asile reste l’un des enjeux majeurs de cette mission.

Ce budget doit être à la hauteur de ce qui constitue, pour la France et pour l’Europe, une urgence humanitaire et un devoir moral : il s’agit pour la France d’accueillir, entre 2015 et 2017, de 30 000 à 37 000 demandeurs d’asile et réfugiés issus des zones de conflit, nombre à comparer au million de demandeurs d’asile accueillis par nos voisins allemands.

Avec près de 1,1 milliard d’euros de crédits demandés pour 2017, le budget consacré à l’immigration, à l’asile et à l’intégration affiche une hausse de 12 % par rapport à l’an dernier. Mais la réduction des délais de traitement des dossiers et le respect des règles de sortie des CADA pour les personnes déboutées et les bénéficiaires de la protection internationale sont nécessaires pour améliorer la fluidité du dispositif d’hébergement.

Nous en convenons, certains outils créés par la loi du 29 juillet 2015 ont permis de mieux gérer l’afflux des demandeurs d’asile. Je pense notamment à l’allocation pour demandeur d’asile pour laquelle vous prévoyez une hausse budgétaire de 80 millions d’euros. Il s’agit d’une allocation voulue par Michel Rocard, alors Premier ministre. Élu d’une circonscription que je représente aujourd’hui, il disait : « La France ne peut pas accueillir toute la misère du monde, mais elle doit savoir en prendre fidèlement sa part. »

Monsieur le ministre, je vous ai alerté, en commission élargie, sur la difficulté pour l’OFII de remplir sa mission consistant à détecter la vulnérabilité des demandeurs d’asile. Je reste convaincu que l’exercice sera délicat.

Le dispositif d’aide au retour volontaire doit être revu, nous le savons : il n’est pas attractif et ne fonctionne pas comme il le devrait pour les demandeurs d’asile qui sont volontaires pour retourner dans leur pays quand cela devient possible.

Les guichets uniques doivent être reconsidérés. Je sais que c’est difficile, compte tenu de l’évolution de la carte institutionnelle.

Pour réduire le délai moyen de traitement des dossiers, l’augmentation de 20 % de la subvention versée à l’OFPRA et la création de 40 équivalents temps plein sont à saluer. Pour autant, monsieur le ministre, l’objectif des 90 jours en 2017 semble bien ambitieux, voire impossible à atteindre.

En dépit des efforts réalisés pour accélérer la création de places en CADA et des crédits supplémentaires pour créer des places d’hébergement d’urgence, l’afflux des migrants et la mise en oeuvre d’engagements européens successifs pèsent sur le dispositif. Nous craignons que l’ouverture de 1 800 places de CADA supplémentaires ne permette pas de couvrir l’ensemble des besoins en termes d’hébergement. Je vous rappelle, mes chers collègues, qu’entre 2002 et 2007, avec Jean-Louis Borloo, nous avions augmenté le nombre de place de 10 000 en cinq ans.

Les programmes budgétaires 303 et 177, chers au coeur de notre présidente, sont régulièrement sous-dotés : c’est mon rôle de le dire.

En outre, les centres d’accueil et d’orientation, mis en place pour le démantèlement de la jungle de Calais et d’autres camps provisoires, ne doivent pas devenir le modèle d’accueil généralisé. Ce sont bien les CADA qui doivent demeurer le principal mode d’hébergement pérenne des demandeurs d’asile. Il faudra se montrer vigilant, monsieur le ministre, sur la manière dont ces centres créés dans l’urgence, souvent sans l’aval des élus locaux, sont gérés, administrés, financés, pour s’assurer que l’argent public est utilisé dans de bonnes conditions. Pour tout vous dire, j’en doute, pour certains que je connais bien.

Au delà de la question des places d’hébergement, il appartient à l’État de définir une ligne directrice ferme pour que les réfugiés s’intègrent dans de bonnes conditions, qu’ils apprennent la langue française ainsi que leurs droits et devoirs en République.

À ce titre, l’un des éléments-clés du parcours d’intégration consiste à accompagner les primo-arrivants jusqu’au niveau A2 de la langue française. La connaissance de la langue française est primordiale mais nous soulignons là encore le coût que peut représenter un tel objectif : 80 millions d’euros selon un rapport conjoint de l’Inspection générale des affaires sociales, l’IGAS, et de l’Inspection générale de l’administration, l’IGA. Cette somme n’est pas au rendez-vous.

Enfin, l’année 2017 verra la mise en oeuvre de la loi du 7 mars 2016, que le groupe UDI avait considérée comme peu ambitieuse, voire contre-productive sur le plan de la lutte contre l’immigration irrégulière.

Pour toutes ces raisons, même s’il faut saluer le volontarisme du ministre sur cette question difficile, nous ne voterons pas les crédits de cette mission.

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