Monsieur le président, monsieur le garde des Sceaux, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, ce budget de la mission « Justice » est le dernier de la législature. Il doit relever des défis considérables. Je me félicite donc de l’arrivée – malheureusement tardive – aux responsabilités de M. le garde des sceaux pour mener à bien cette mission.
Avec 6,9 milliards d’euros de crédits, le budget consacré à la mission « Justice » augmente de 4,5 % à périmètre constant. Je salue bien volontiers cet effort, mais je dois rappeler qu’une grande partie des crédits seront destinés, cette année, à la mise en oeuvre de la loi dite de modernisation de la justice du XXIe siècle qui, malgré son titre pompeux, n’est pas à la hauteur des enjeux.
Je vous accorde, monsieur le garde des sceaux, que certaines mesures de cette loi représentent des avancées en matière d’accès et de simplification des procédures : je pense notamment à la création d’un service d’accueil unique du justiciable, ou aux mesures de déjudiciarisation permettant de désengorger les juridictions.
De même, il convient de souligner la progression de 23 % des crédits consacrés au soutien à la médiation familiale.
Pour autant, un certain nombre de mesures recueillent notre désapprobation ; je pense en particulier à toutes celles qui vont transférer des compétences aux officiers de l’état civil. En effet, dans le contexte actuel de baisse drastique des dotations de l’État aux collectivités, évitons, monsieur le garde des sceaux, de faire peser des charges supplémentaires sur les communes !
Autre priorité de cette mission : la lutte contre le terrorisme. Nous attendions bien évidemment que cette préoccupation figure parmi les principaux objectifs du projet de loi de finances, et vous le confirmez. Je salue à cet égard les 233 millions d’euros de crédits, hors dépenses de personnel, alloués au ministère de la justice dans ce domaine, même s’il ne s’agit que d’un maintien au niveau de ceux de 2016. Ces crédits bénéficieront notamment à la création du service public du renseignement pénitentiaire. Étant donné le rôle déterminant que peuvent jouer les prisons dans la propagation de la radicalisation, ce sujet devait être pris en considération à sa juste mesure.
À travers ce budget, vous prenez aussi en considération la réalité de nos prisons, avec une surpopulation de l’ordre de 118 %. D’année en année, nous avons insisté sur la nécessité de répondre au besoin carcéral qui se développe dans notre pays. Nous nous réjouissons d’avoir, grâce à vous, enfin été écoutés, notant l’ouverture, en 2017, d’autorisations d’engagement à hauteur, vous l’avez rappelé, de 1,558 milliard d’euros pour la construction d’établissements pénitentiaires, pour le lancement d’un programme immobilier de réduction de la surpopulation dans les maisons d’arrêt ainsi que pour un programme de construction de quartiers de préparation à la sortie, autre point également très important. C’est une prise de conscience tardive mais salutaire – il n’est jamais trop tard pour bien faire.
À titre personnel, je me félicite de la confirmation de la construction d’une nouvelle maison d’arrêt à Saint-Étienne, et j’attends avec grand plaisir de vous accueillir dans la maison d’arrêt actuelle comme vous me l’avez promis, monsieur le garde des sceaux.
Je voudrais ici saluer, et je sais que vous y êtes très attaché, l’action de l’ensemble du personnel pénitentiaire, des directeurs mais aussi de toutes celles et de tous ceux qui remplissent leurs fonctions dans des situations qui deviennent de plus en plus difficiles, il faut bien le reconnaître. En revanche, beaucoup d’incertitudes demeurent sur les six quartiers d’évaluation de la radicalisation qui vont remplacer les cinq unités de prévention de la radicalisation auxquelles vous avez mis fin. Pouvez-vous nous en dire plus ?
J’évoquerai enfin la refonte de l’aide juridictionnelle. Au cours de ces trois dernières années, nous avons assisté à une succession d’hésitations et d’incertitudes de la part du Gouvernement, ce qui témoignait d’une véritable improvisation en la matière. Cette année, le projet de loi de finances prévoit la revalorisation de l’unité de valeur de référence de 26,50 euros à 30 euros hors taxes, portée à 32 euros par un amendement adopté en commission élargie, ce dont nous nous félicitons. Mais vous savez aussi bien que nous que cela reste encore insuffisant. Les professionnels du droit sont toujours dans l’attente d’une réforme globale et pérenne de l’aide juridictionnelle et de l’accès au droit.
Avec des efforts importants et un certain nombre d’avancées, ce budget sonne comme un budget de rattrapage, et s’il arrive trop tardivement, vous n’en êtes pas le fautif, je tiens à le rappeler une nouvelle fois. Mais, surtout, il est encore loin de répondre aux enjeux de modernisation de la justice. Nous devons faire beaucoup plus pour adapter notre système juridictionnel aux exigences du XXIe siècle. Aussi, tout en saluant l’action qui est la vôtre depuis votre arrivée dans ce grand ministère régalien, le groupe UDI regrette de ne pouvoir voter les crédits de la mission « Justice » puisque, les jugeant insuffisants, il s’abstiendra.