Une ambiance étrange règne au cours des débats de cette commission élargie : on a parfois l'impression d'entendre votre éloge funèbre, monsieur le ministre ! En tout cas, j'ai bien compris que ce n'est pas dans la loi de finances initiale pour 2017 qu'il faudra chercher les mesures que vous annoncez pour remédier à la crise agricole, mais dans la prochaine loi de finances rectificative pour 2016.
Le budget de l'agriculture qui nous est présenté s'élève à 5,12 milliards d'euros pour 2017, contre 4,5 milliards d'euros en 2016. Certes, il s'agit là d'une hausse appréciable, mais celle-ci est essentiellement absorbée par action 25 du programme 149 pour la prise en charges des exonérations de cotisations sociales. Cela me conduit à une première question : êtes-vous en mesure de nous confirmer l'annonce faite cette semaine par le Premier ministre lors des questions d'actualités à l'Assemblée, selon laquelle les coopératives seraient éligibles au CICE ?
J'en reviens à l'analyse du budget de l'agriculture, en commençant par le programme 149, « Économie et développement durable des entreprises agricoles agroalimentaires et forestières ». Pour ce qui est de l'action 21, « Adaptation des filières à l'évolution des marchés », nous notons avec satisfaction une hausse de 21 % des crédits destinés à la promotion internationale : bravo, monsieur le ministre, vous avez enfin compris qu'une partie de la solution à la crise agricole française passait par l'ouverture des marchés exports pour nos produits ! Malheureusement, nous sommes encore loin du montant de 14 millions d'euros de 2012 : cette année, nous atteignons à peine les 8 millions d'euros.
À l'action 22, « Gestion des crises et des aléas de la production », la seule nouveauté est la création d'une ligne « Prêt de crise » pour un montant de 526 000 euros : pour ce qui est du Fonds d'allégement des charges (FAC) et des crédits d'aides aux exploitations agricoles en difficulté (AGRIDIFF), ils sont en stricte reconduction. En revanche, il convient de s'interroger sur les assurances climatiques : étant précisé qu'en la matière, les crédits européens seront probablement insuffisants, pouvez-vous garantir un taux de subvention de 65 %, et le cas échéant vous engager à abonder sur des crédits nationaux ?
Pour ce qui est de l'action 23, « Appui au renouvellement et à la modernisation des exploitations agricoles », constatant que le budget destiné à soutenir l'installation des jeunes agriculteurs semble s'inscrire dans un désengagement progressif du soutien à l'installation après la suppression du Fonds d'incitation et de communication pour l'installation en agriculture (FICIA) pour 11,5 millions d'euros et la réduction de 5 millions d'euros à 1,25 million d'euros des crédits pour les stages, je vous demande, comme l'a fait Mme la présidente, si vous avez toujours l'objectif d'installer 6 000 jeunes agriculteurs en 2017.
Nous retrouvons dans l'action 24, « Gestion équilibrée et durable des territoires », les crédits pour les indemnités compensatoires de handicap naturel (ICHN) et les mesures agroenvironnementales et climatiques (MAEC) que vous revalorisez. On aurait presque envie d'applaudir, si la fête n'était gâchée par les informations qui remontent du terrain. Quand Germinal Peiro indique que les ICHN ont été augmentées de 300 millions d'euros sur la durée du mandat, il oublie de préciser que cette somme correspond exactement à ce qui reste à payer pour 2015 et que, si l'on additionne les MAEC, les aides à la conversion au bio, les assurances récolte, et j'en passe, on parvient à un total de 499,692 millions d'euros que l'État doit encore aux agriculteurs sur les programmes 2015 ! Monsieur le ministre, quand allez-vous payer leur dû aux agriculteurs ?
J'en viens au programme 206, « Sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation », qui m'inspire deux questions. Premièrement, de nouveaux cas de grippe aviaire ont été détectés dans les élevages de palmipèdes alors que des mesures de désinfection et de vide sanitaire avaient été prises. Quel impact cela aura-t-il sur les prévisions budgétaires ?
Deuxièmement, afin de faire face à ses multiples missions, l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES) emploie actuellement 1 272 équivalents temps plein (ETP) sous plafond et 70 ETP hors plafond. Or, le surcroît d'activité lié aux autorisations de mise sur le marché (AMM) de produits phytosanitaires et aux multiples expertises que lui demande le Gouvernement fait que les files d'attentes ne se résorbent pas, contrairement à ce qui avait été annoncé lors de l'examen de la loi d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt de 2014. Étant précisé que les ressources de l'ANSES permettent de les autofinancer, allez-vous l'autoriser à engager des personnels supplémentaires, afin de mettre fin au blocage actuel des dossiers ?
Enfin, à la demande de Germinal Peiro, je confirme avoir constaté une large adhésion à l'agroécologie. Cela dit, ce concept n'a pas été inventé par M. Le Foll, qui s'est contenté d'en faire un slogan politique – c'est bien ce que nous lui reprochons.