Sachant que tout métier demain requerra la maîtrise de langues vivantes étrangères, c'est dans chacun de nos élèves qu'il faut investir, pas uniquement dans quelques-uns. Cette réforme du collège est évidemment bienvenue pour préparer tous les enfants.
De surcroît, il a toujours été dit – et je vous invite à reprendre le moindre de mes propos depuis le mois de mars 2015 – que les classes bilangues de continuité perdureraient, et que nous les développerions pour que les élèves ayant commencé une autre langue à l'école primaire puissent accéder à l'anglais dès la classe de sixième, car l'anglais est une « langue monde » dont le statut est particulier. En revanche, nous avions annoncé que nous mettrions fin aux classes bilangues dites de contournement, celles qui permettaient uniquement d'offrir un sort différent à un petit pourcentage d'élèves qui bénéficiaient sans raison particulière d'une deuxième langue vivante dès la classe de sixième, en se désintéressant des autres enfants. Cette phrase est certes trop longue pour être perçue rapidement, mais depuis un an et demi que nous discutons de ce sujet, vous auriez pu prendre le temps de lire ce que je dis !
Comme annoncé, donc, les classes bilangues de continuité ont été maintenues et même développées. Elles sont nombreuses dans l'académie de Strasbourg, car beaucoup d'écoles primaires souhaitent enseigner l'allemand en première langue vivante. Elles ont aussi été développées de façon proactive à Amiens, car une telle plus-value est bienvenue dans les territoires populaires. Dans le même temps, les classes dites de contournement ont disparu au profit d'une deuxième langue vivante avancée pour tous les élèves de la classe de cinquième.
J'entends certains candidats aux prochaines échéances électorales annoncer que s'ils sont demain aux responsabilités, ils abrogeront ce qui a été fait sur les classes bilangues et le latin. Cela ne signifie rien d'autre que le rétablissement de la LV2 en quatrième et le bilanguisme à nouveau réservé à quelques élèves dès la classe de sixième. Comprenez que l'objectif des pouvoirs publics en matière éducative doit être le progrès, la démocratisation du savoir et des connaissances, et non de ne s'intéresser qu'à 10 % d'une classe d'âge pour créer une élite ! De quelle élite peut-il s'agir si l'on ne s'assure pas d'avoir, à la base, un vivier suffisamment large et divers pour y puiser les meilleurs ? Il est insupportable d'entendre encore et toujours les mêmes procès parce que rien de ce qui a été fait depuis un an et demi n'a été compris.
Les questions touchant à la justice ont été nombreuses, et je remercie Julie Sommaruga d'avoir souligné l'augmentation des fonds sociaux. Ce que nous ont appris les classements PISA sur la grande défaillance de notre système scolaire, ce n'est pas son incapacité à identifier une élite – avec laquelle on nous berce en permanence dans tous les débats autour de l'école –, c'est de ne pas réussir à contrer les déterminismes sociaux, à tirer vers le haut des élèves qui partent avec un handicap social, économique, familial. Oui, c'est à cela que nous nous sommes attelés depuis 2012. Le changement de politique transparaît clairement dans les fonds sociaux, qui ont augmenté de 85 % alors qu'ils avaient été réduits de 50 % entre 2005 et 2012, et qui vont permettre à 300 000 collégiens et lycéens de participer aux sorties scolaires, de s'équiper, de bénéficier de la restauration scolaire. Évidemment, cela fait rarement l'objet de commentaires.
Le projet de budget pour 2017 prévoit aussi de consacrer 320 millions d'euros à une revalorisation des bourses de 10 %. J'espère que personne ne songera à revenir sur ces moyens supplémentaires qui ont été dégagés pour que des familles puissent voir leurs enfants éduqués dans les meilleures conditions.
L'aide à la recherche du premier emploi (ARPE) est une nouvelle mesure qui s'adresse à des diplômés tant de l'enseignement supérieur que de l'enseignement professionnel. L'enveloppe est de 40 millions d'euros pour 50 000 bénéficiaires. Elle est très importante pour d'anciens élèves boursiers qui, une fois leur diplôme en poche, entrent dans une période de recherche d'emploi, ce qui ne dure pas seulement quinze jours, sans plus rien percevoir ni de leur famille ni de l'État. L'ARPE corrigera cette situation en constituant une sorte de prolongement de leur bourse pendant quatre mois.
S'agissant de l'éducation prioritaire, heureusement que nous avons conduit la réforme de 2015 ! Elle était attendue depuis fort longtemps. Nous n'avons pas atteint le Graal pour autant. Je le répète, l'éducation est un temps long qui nécessite d'avancer progressivement. Nous avons déjà engagé 350 millions d'euros supplémentaires pour la réforme de l'éducation prioritaire. Elle devra être poursuivie durant le prochain quinquennat, en s'intéressant notamment à la réduction des effectifs par classes et aux lycées, dont les enseignants réclament, à juste titre, de bénéficier des mêmes moyens et accompagnements que leurs collègues des collèges.
Durant ce quinquennat, nous avons essayé de poser comme base qu'il ne suffit pas de mettre le paquet sur les territoires prioritaires périphériques qui vont particulièrement mal pour considérer que le problème est réglé. Certains établissements hors éducation prioritaire connaissent aussi des difficultés sociales. Pour répondre à cette situation, nous avons créé l'allocation progressive des moyens – mesure inédite qui a rarement été commentée mais que je considère pourtant comme l'une des plus importantes que j'ai prises en tant que ministre de l'éducation nationale. Désormais, l'allocation est modulée en fonction des difficultés sociales rencontrées par les élèves, et non plus simplement de l'effectif démographique. Il conviendra d'aller encore plus loin dans cette allocation pour mieux reconnaître le handicap de départ dont peuvent souffrir certains établissements et certains élèves.
Dans ces territoires se pose aussi la question de la mixité sociale, notamment dans les collèges. Sur ce point, notre démarche est moins télévisuelle et se fait à bas bruit, mais elle n'en est pas moins essentielle. Nous savons qu'on ne peut pas améliorer la mixité sociale dans les collèges en l'imposant d'en haut, c'est-à-dire en supprimant toute carte scolaire ou en la rigidifiant. Ces expériences ont déjà été tentées, tant par la droite que par la gauche ; elles ne marchent pas. Nous allons plutôt partir du terrain et travailler avec les collectivités locales pour mieux connaître la situation des établissements scolaires avant de prendre des décisions, dont certaines seront difficiles : fermer un collège trop marqué par les ségrégations et en ouvrir un ailleurs, jouer sur la carte scolaire pour suivre, dans un territoire très urbain, le tracé des transports et permettre une plus grande mixité, créer des secteurs multi-collèges. Tout cela est en train d'être construit aujourd'hui très concrètement avec vingt-cinq territoires pilotes. Certes, ce n'est pas encore assez et la France entière n'est pas couverte, mais nous tenons là de vraies solutions, dont la moitié a vu le jour dès cette rentrée. Vous verrez bientôt qu'elles produisent des résultats pour mieux mélanger des enfants de catégories socioprofessionnelles différentes. Il faut demander à chacun de prendre ses responsabilités pour que ce type de politique fasse l'objet d'une continuité.
Au-delà de l'éducation prioritaire, il faut s'assurer que la notion d'égalité d'accès à la réussite soit vraiment présente, ce qui implique de revoir le fonctionnement du système scolaire dans son ensemble. Nous l'avons fait avec la réforme des rythmes scolaires grâce à laquelle 75 % d'enfants en plus ont pu accéder pour la première fois à des activités périscolaires. De même, la réforme des collèges a permis d'offrir à tous les enfants des choses réputées bonnes pour les apprentissages. C'est une latiniste qui vous parle, le latin est merveilleux, essentiel pour les apprentissages ; il ouvre l'esprit. Qu'on m'explique, dès lors, pourquoi il faudrait le réserver à une minorité d'enfants !