En tant que rapporteur pour avis des crédits du compte d'affectation spéciale (CAS) dédié au financement de l'apprentissage, mes remarques et questions se limiteront à la politique de l'apprentissage dont vous avez fait, madame la ministre, un de vos axes prioritaires en arrivant à ce ministère.
Ma première remarque portera sur les chiffres de l'apprentissage. Après deux années de fortes baisses des entrées dans l'apprentissage – de 8 % en 2013 par rapport à 2012, puis de 3 % en 2014, alors que la décennie précédente a connu une hausse moyenne de 5 % par an –, il semble que l'année 2016 confirme la hausse enregistrée en 2015. Les baisses étaient certes dues à la difficile conjoncture économique, mais aussi aux mesures prises, notamment le resserrement des conditions d'accès au crédit d'impôt en faveur de l'apprentissage mis en place en 2005 et qui bénéficiait aux entreprises soumises à l'impôt sur les sociétés ou à l'impôt sur le revenu, à hauteur de 1 600 euros par apprenti. Ce regain d'intérêt pour l'apprentissage est dû, certes, à une conjoncture plus favorable, mais aussi au fait que le Gouvernement est partiellement revenu sur les mesures les plus néfastes que je détaille dans mon rapport pour avis.
Vous avez d'ailleurs reconnu ces erreurs du passé à plusieurs reprises au cours des débats parlementaires, madame la ministre, et je ne peux qu'approuver votre volonté d'apporter des corrections.
Ces allers-retours appellent cependant quelques questions.
Auriez-vous des chiffres à nous communiquer qui confirment cette tendance à la hausse ? S'agit-il à votre sens d'une tendance de long terme ou simplement d'un effet de rattrapage après deux années difficiles ? Cette augmentation des entrées dans l'apprentissage concerne-t-elle l'ensemble des diplômes préparés ? Et qu'en est-il plus spécifiquement des apprentis préparant un diplôme de niveau V ? Au cours de mes auditions, de nombreux interlocuteurs m'ont fait part des difficultés qui se concentrent à ce niveau.
Enfin, madame la ministre, avez-vous une stratégie crédible pour atteindre l'objectif, fixé par le Président de la République, de 500 000 apprentis ? Nous en sommes encore loin aujourd'hui !
La réforme de l'apprentissage – et en particulier la réforme de la taxe d'apprentissage – a conduit à revoir en profondeur la configuration du compte spécial, qui ne retrace plus en recettes que la fraction de 51 % de la taxe d'apprentissage dédiée aux régions. Cette réforme a encore renforcé le rôle des régions dans l'apprentissage. Pouvez-vous nous confirmer que les montants qui leur seront affectés, à l'issue de la réforme de la carte territoriale, seront la stricte addition des montants affectés à chaque région fusionnée ?
Par ailleurs, existe-il des marges de manoeuvre afin de mener des politiques régionales plus volontaristes en faveur de l'apprentissage ? La récente loi « travail » apermis une expérimentation dans deux régions visant à leur donner une plus grande latitude. Où en sommes-nous ? Pouvez-vous nous dire s'il y a eu des régions volontaires ?
Enfin, il semble que cette régionalisation ait fragilisé le lien que pouvait avoir le chef d'entreprise avec le centre de formation en alternance (CFA). Ce lien me paraît pourtant être une condition de la réussite de l'apprentissage. Envisagez-vous de mieux associer l'employeur dans le parcours de formation de son apprenti et, dans l'affirmative, comment ?
Les Assises de l'apprentissage de 2013 ont permis de rectifier la politique de l'apprentissage lancée en 2012, notamment avec la prime annuelle de 4 400 euros et les exonérations de charges dont bénéficient les entreprises de moins de 11 salariés lorsqu'elles embauchent un apprenti mineur. C'est une mesure que je salue. Néanmoins, je crains qu'elle ne génère un effet de seuil pour les jeunes apprentis majeurs, notamment tous ces jeunes qui, après un baccalauréat et une année d'étude, souhaitent s'orienter vers l'apprentissage. Avez-vous réfléchi à un dispositif qui neutralise l'effet de l'âge, comme en Allemagne, en Suisse et en Autriche, et ne prend en compte que le diplôme préparé ?
Comme l'ensemble des acteurs de l'apprentissage, je reviens sur la trop forte étanchéité qui continue d'exister entre le monde de l'éducation et le monde de l'entreprise. Je sais que vous faites votre possible pour permettre aux CFA de pénétrer le monde de l'Education nationale. Malgré tout, au cours de mes auditions, des directeurs de CFA m'ont fait part de l'impossibilité persistante pour eux d'avoir accès aux établissements scolaires. Quelles mesures le ministère compte-t-il prendre – en lien avec votre collègue de l'éducation nationale – en vue de rapprocher l'école du monde de l'entreprise, notamment dans la co-construction des formations, mais aussi dans l'objectif de faire de la voie de l'apprentissage une voie d'excellence et non plus, comme on le voit encore trop souvent, une voie proposée par les conseillers d'orientation lorsque toutes les autres ne sont plus possibles ?
Par ailleurs, valoriser l'apprentissage, c'est aussi permettre aux jeunes apprentis qui signent un contrat d'apprentissage d'aller au bout de leur contrat, alors qu'un rapport récent a montré qu'un tiers des contrats était rompu avant le terme de celui-ci. Existe-t-il une réflexion au sein de votre ministère permettant de suivre les jeunes en apprentissage, de les aider dans leur nouvelle vie de salarié, qui constitue souvent, pour eux, une réelle rupture par rapport au monde scolaire dans lequel ils vivaient ?
Madame la ministre, je me dois également de vous interroger sur le secteur de la pêche. Le décret n° 2006-534 du 10 mai 2016 prévoit dans son article 14 qu'une demande de dérogation à l'interdiction du travail de nuit des jeunes de moins de 18 ans embarqués à bord des navires de pêche peut être demandée à l'inspecteur du travail lorsque la formation le justifie. Cette procédure est lourde et hasardeuse. Je vous avais interrogée sur le sujet. Vous m'aviez répondu que le décret était en cours de réécriture. Où en sommes-nous ?
Nous sommes nombreux à considérer l'apprentissage comme une voie d'excellence d'insertion vers l'emploi. Il me semble que la seule manière de le relancer rapidement et de manière significative serait d'étendre aux entreprises de plus de 11 salariés l'aide actuellement destinée aux très petites entreprises (TPE), afin de ne pas faire de l'apprentissage une formation réservée uniquement à l'artisanat, et de l'étendre également aux entreprises de taille intermédiaire (ETI) innovantes afin d'y attirer un panel de jeunes plus divers. Que pensez-vous de cette possibilité ? Serait-il possible d'en établir le coût ?
J'aurai encore, si vous le permettez deux questions.
J'ai relevé que 350 millions d'euros viennent abonder les crédits de l'action 2 « Amélioration de l'insertion dans l'emploi par l'adaptation des qualifications et la reconnaissance des compétences », qui concerne essentiellement l'apprentissage, ce dont je ne peux que me réjouir ! Je souhaite cependant savoir vers quoi précisément seront orientés ces crédits. II semble qu'ils soient ponctionnés sur la formation professionnelle ! Pouvez-vous nous en expliquer les raisons ? Est-ce à dire qu'il y a moins de besoins dans ce domaine ?
Enfin, madame la ministre, j'ai relevé que, dans une instruction du 24 octobre 2016, vous avez modifié à la fois les prescriptions des contrats aidés, en supprimant la possibilité de conclure des contrats emplois d'avenir au quatrième trimestre 2016. J'aurai souhaité connaître la signification de cette décision.