commission élargie
(Application de l'article 120 du Règlement)
Jeudi 3 novembre 2016
Présidence de M. Gilles Carrez, président de la commission des finances, et de M. Jean-Patrick Gille, vice-président de la commission des affaires sociales
La réunion de la commission élargie commence à quinze heures cinq.
projet de loi de finances pour 2017
Travail et emploi
Madame la ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, je suis heureux de vous accueillir en compagnie de M. Jean-Patrick Gille, vice-président de la commission des affaires sociales. Nous sommes réunis en commission élargie afin de vous entendre sur les crédits du projet de loi de finances pour 2017 consacrés à la mission « Travail et emploi ».
Ce budget est certainement un des plus faciles que votre rapporteur spécial ait eu à défendre. En effet, c'est un bon budget car il répond à cette priorité pour l'emploi que vous incarnez, madame la ministre. C'est aussi un bon budget parce qu'i est une réponse aux tensions qui existent sur le marché de l'emploi et au niveau important de chômage, malgré des améliorations indéniables – baisse du nombre des demandeurs d'emploi de moins de vingt-cinq ans et recul du chômage pour le troisième trimestre consécutif.
Il n'empêche qu'il est nécessaire de rester très proactif sur ce sujet. En mobilisant un budget global de 15,3 milliards d'euros, le projet de loi de finances 2017 marque une nouvelle fois un effort inédit en faveur de l'emploi. Cet effort augmente de 1,8 milliard d'euros à périmètre constant par rapport à 2016 – alors que le budget de l'emploi avait connu auparavant des évolutions de périmètre compliquant sa lisibilité. Il serait illogique, voire injuste, de le comparer au budget de 10 milliards d'euros de 2012, dans la mesure où il a profondément changé dans sa structure. Ainsi, ce budget permet de réaffirmer la priorité du Gouvernement pour l'emploi, notamment au travers du financement des mesures du plan d'urgence pour l'emploi.
Je voudrais souligner quelques dispositifs qui montent en puissance grâce à ce budget.
D'abord, la Garantie jeunes permettra d'accompagner des jeunes sans ressources, sans formation et sans emploi. À ce jour, plus de 80 000 jeunes sont entrés dans le dispositif, et ce chiffre continue de croître. Ce dispositif est doté de 420 millions d'euros et sera étendu à l'ensemble du territoire en 2017.
Ensuite, la prime à l'embauche dans les petites et moyennes entreprises (PME) connaît une montée en charge plus rapide que celle que nous avions prévue l'année dernière. Fin septembre 2016, ce sont déjà plus de 610 000 aides qui ont été demandées à la direction générale du Trésor. Selon les projections, 60 000 emplois ont ainsi été sauvés, pérennisés ou créés grâce à ce dispositif. Toutefois, les crédits dédiés pour 2017 s'élèvent à près de 1,9 milliard d'euros, d'où un enjeu financier majeur.
Enfin, je voudrais exprimer ma satisfaction concernant l'augmentation des crédits dévolus aux établissements publics d'insertion de la défense (EPIDE). Depuis juin 2015, dix-huit EPIDE ont connu un accroissement de leur capacité d'accueil, qui est passée de 2 085 à 2 655 places fin juin 2016 ; deux centres supplémentaires vont être créés ; et le PLF 2017 prévoit près de 58 millions d'euros pour le dispositif.
Dès le premier rapport sur la loi de finances 2013, j'avais évoqué la nécessité d'accroître les moyens pour les EPIDE, qui présentent un vrai potentiel d'insertion pour les jeunes, avec plus de 52 % de sorties positives pour des jeunes qui étaient très éloignés de l'emploi. C'est la démonstration de leur efficacité. En outre, en permettant de rendre visible le lien essentiel entre l'Armée et la Nation, le dispositif est porteur de sens.
Je voudrais maintenant vous poser trois questions, madame la ministre.
La première concerne les contrats aidés, avec le maintien d'un niveau élevé pour les contrats d'accompagnement dans l'emploi (CAE), mais une baisse de 15 000 du nombre des contrats initative emploi (CIE). Ces contrats peuvent certes comporter un effet d'aubaine dans certains cas, mais ils possèdent aussi un haut potentiel de sortie dans l'emploi durable. Cette baisse est-elle justifiée à vos yeux ? Disposez-vous d'études concernant les possibles effets d'aubaine, dont on parle souvent, qui justifient de réduire la voilure ?
Ma seconde question porte sur l'insertion par l'activité économique (IAE). La réforme 2015 a permis de simplifier et de rendre plus visible le dispositif autour d'une logique d'aide au poste. Parallèlement, il faut noter un accroissement des crédits, qui atteignent 815 millions d'euros dans le PLF 2017. Cependant, cette logique fondée sur l'aide au poste a conduit à fragiliser certaines petites structures qui ne représentent que peu de postes. À cet égard, il nous semblerait utile de définir un mécanisme ou de mettre en place un fonds spécifique de péréquation qui permettrait d'aider financièrement les petites structures et ainsi d'éviter leur disparition, laquelle fragiliserait le maillage territorial, en particulier en zone rurale où existent des problématiques spécifiques. Qu'en pensez-vous, madame la ministre ?
D'autre part, on observe régulièrement une sous-consommation des crédits alloués à l'IAE, pour près de 54 millions d'euros en 2015. Ces crédits sont reversés au budget de la mission au lieu d'être réalloués, soit au titre de la péréquation que je viens d'évoquer, soit pour ce qui pourrait demain être une alternative avec l'abondement du fonds départemental d'insertion par l'activité économique qui n'est doté que de 21 millions d'euros. Sur cet enjeu de fongibilité, vous avez été mobilisée, madame la ministre ; il me paraît nécessaire de l'être encore aujourd'hui. En effet, ce fonds serait un atout pour la dynamisation territoriale.
Je termine par le plan de formation des chômeurs lancé le 18 juillet 2016. Le Président de la République avait annoncé, dans le cadre du plan d'urgence pour l'emploi, le doublement de l'offre de formation, ce qui, en additionnant l'ensemble des vagues successives, pourrait représenter près d'un million de chômeurs en formation d'ici à l'an prochain. La mise en oeuvre de ce plan fait l'objet d'un engagement budgétaire de l'État pour près de 1 milliard d'euros, dont 205 millions d'euros au titre du PLF 2017. La presse se faisait ce matin l'écho de ces enjeux de financement. Pourriez-vous détailler le financement de ce plan, ainsi que les contributions des différents acteurs – État, collectivités, Pôle emploi, organismes de formation professionnelle – concourant à sa réalisation ?
Madame la ministre, mes travaux en tant que rapporteure pour avis de la commission des affaires sociales sur le budget de l'emploi portent cette année sur la problématique de l'insertion professionnelle des jeunes.
Je dois évidemment saluer la généralisation du dispositif de la Garantie jeunes, outil le plus complet et le plus intensif et qu'il est donc, à mon sens, le plus opportun de généraliser. En effet, la Garantie jeunes adopte résolument une approche globalisée avec, d'un côté, un accompagnement intensif qui prend aussi en compte les freins périphériques à l'accès à l'emploi, et, de l'autre, l'attribution d'une allocation dont le niveau est équivalent au revenu social d'activité (RSA).
À ce sujet, madame la ministre, je souhaiterais vous poser deux questions. La première concerne justement les freins périphériques à l'emploi. Si des solutions ont été apportées grâce notamment au plan « priorité jeunesse », en particulier sur la question de la mobilité des jeunes – je pense, par exemple, au dispositif de prêts pour financer le permis de conduire à 1 euro par jour ou encore à l'éligibilité de la formation à la conduite au titre du compte personnel de formation (CPF), prévue par le projet de loi « Égalité et citoyenneté » –, il reste à trouver une réponse globale aux obstacles que rencontrent en particulier les jeunes issus de zones rurales ou des quartiers prioritaires de la politique de la ville ou encore les jeunes issus de milieux sociaux défavorisés pour accéder à l'emploi. Je pense plus globalement aux discriminations à l'embauche, mais aussi aux discriminations dans leur globalité pour l'accès à l'emploi. Quelles sont les avancées réalisées dans ce domaine et les pistes qu'il convient d'explorer ?
Mon second point concerne la généralisation de la Garantie jeunes et la question plus globale qui doit à mon sens être posée à l'aune de cette généralisation, et qui a d'ailleurs été posée dans le cadre du rapport de Christophe Sirugue sur les minima sociaux : il s'agit de la réflexion sur la mise en place d'un revenu minimum universel en faveur des jeunes. Que vous inspire cette réflexion, madame la ministre ?
Plus globalement, s'agissant du budget consacré en 2017 au travail et à l'emploi, je m'interroge sur l'exonération de cotisations sociales dont bénéficient les demandeurs d'emploi créateurs ou repreneurs d'entreprises dans le cadre du dispositif « aide au chômeur créant ou reprenant une entreprise » (ACCRE). Le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2017, dans sa version initiale, prévoyait le plafonnement de cette exonération et la mise en place d'un mécanisme dégressif, destiné à économiser 30 millions d'euros. L'Assemblée nationale a voté il y a dix jours le principe d'une dégressivité un peu moins forte : elle ne serait instaurée qu'à partir d'un niveau de revenu équivalent à 75 % du plafond annuel de la sécurité sociale, au lieu de 50 %. Je pense toutefois que le maintien de ce dispositif d'exonération, très important dans un contexte de chômage structurel, est indispensable, d'autant plus que le dispositif de prêts et d'avances remboursables connu sous le nom de « nouvel accompagnement pour la création ou la reprise d'entreprises » (NACRE) va faire l'objet d'un transfert aux régions au 1er janvier 2017. Je souhaiterais connaître votre avis sur ce dispositif et sur sa possible remise en cause.
Enfin, s'agissant du secteur de l'insertion par l'activité économique (IAE), je souhaite rappeler qu'il s'est engagé depuis 2014 dans une vaste réforme de son financement qui lui a demandé beaucoup d'efforts. Or, depuis, le soutien de l'État n'a pas connu d'augmentation, alors même que le coût du travail pour ces structures a augmenté à la faveur de cette réforme, en particulier pour les ateliers et chantiers d'insertion (ACI). Je souhaiterais donc savoir, madame la ministre, comment l'État entend réagir pour accroître son soutien à ce secteur déterminant pour l'insertion professionnelle des publics fragiles. Ne peut-on pas imaginer de renforcer les moyens affectés au fonds départemental d'insertion qui offre un soutien transversal à ces structures ?
Madame la ministre, au sein de la mission « Travail et emploi », les programmes 111, « Amélioration de la qualité et des relations du travail »,et 155, « Conception, gestion et évaluation des politiques de l'emploi et du travail »,voient leurs crédits de paiement baisser légèrement.
Les dépenses de personnel sont en hausse de 4 millions d'euros cette année, alors que le plafond d'emplois est réduit de 179 équivalents temps plein travaillé (ETPT). Pouvez-vous nous indiquer les raisons de cette hausse, alors que l'objectif est de maîtriser les dépenses de personnels ? Sommes-nous parvenus au bout du processus de réduction des dépenses dans votre ministère ?
Le rapport que je présente fait une ébauche d'analyse sur les nouveaux champs de la négociation collective. Je voudrais d'abord revenir sur ce qui a été décidé – avec le renfort de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution… – dans la loi du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels, dite loi « travail ».
L'article 1er prévoyait la mise en place d'une commission de refondation du code du travail, sur le modèle de l'architecture prévue pour le temps de travail et les congés, soit le triptyque : ordre public, négociation collective, dispositions supplétives. Cette commission a-t-elle été mise en place ? Si oui, quelle est sa composition ? Existe-il un calendrier pour le début des travaux ? Dans quelle mesure les partenaires sociaux y sont-ils associés ?
Par ailleurs, la loi travail a été proposée afin de favoriser la négociation collective. Or un amendement à l'article 1er a disposé que les dispositions supplétives relèveraient du droit constant, ce qui peut ne pas inciter les partenaires sociaux à négocier. N'est-il pas préférable de prévoir uniquement des mesures d'ordre public et de laisser les partenaires sociaux négocier leur propre organisation du travail ?
La loi « travail » a également prétendu renforcer le rôle des branches, en parlant d'un ordre public conventionnel auquel ne pourra pas déroger l'accord d'entreprise, sauf dans les champs où la loi prévoit que celui-ci s'impose. C'est-à-dire que, dans tous les champs où la hiérarchie traditionnelle n'a pas été inversée par la loi travail, c'est la hiérarchie traditionnelle qui s'applique : belle tautologie. Ne trouvez-vous pas que la notion d'ordre public conventionnel est une expression quelque peu abusive pour une réalité amenée à disparaître à mesure que le code sera réécrit sur le modèle de la dernière loi Travail ?
Par ailleurs, pouvez-vous faire un point sur la restructuration des branches et nous spécifier quels critères principaux ont été retenus ? Le rapport de Jean-Denis Combrexelle a fait un certain nombre de propositions qui n'ont pas trouvé de traduction dans la loi « travail ». Au-delà des discussions dans le cadre de la loi précitée, existe-il des pistes de réflexion sur les accords collectifs concernant les filières et les sous-traitants dans le cadre de la notion d'« entreprise étendue » ? Cette réflexion est essentielle pour trouver une réponse collective satisfaisante à ce qu'il est convenu d'appeler l'« ubérisation » de l'économie.
L'examen du PLFSS a montré que cette problématique trouve écho jusque dans le financement de notre sécurité sociale, au travers des seuils d'affiliation au régime des indépendants et l'assujettissement aux cotisations sociales. Quel type de dialogue social est possible dans ce secteur ? Peut-on étendre la notion de subordination juridique à la subordination économique ? Menez-vous une réflexion avec les plateformes ? Si oui, pouvez-vous éclairer la représentation nationale ?
Se pose également la question de la limite territoriale des accords collectifs. Existe-il une réflexion avec vos homologues des pays voisins sur la possibilité d'accords collectifs transnationaux au bénéfice des travailleurs transfrontaliers ?
Parallèlement, la négociation collective est historiquement construite selon un axe vertical autour de trois espaces que sont le niveau interprofessionnel, la branche et l'entreprise. L'axe horizontal est en revanche complètement ignoré, alors que la négociation peut aujourd'hui avoir du sens par le regroupement d'entreprises au sein d'un territoire ou d'un bassin. Le rapport de M. Combrexelle fait la proposition d'accords territoriaux, mais ne va pas jusqu'à la formaliser. Le ministère a-t-il avancé sur ce point ?
Enfin, lors de leur audition, les représentants d'une centrale syndicale ont préconisé la création d'un « comité paritaire permanent du dialogue social » qui siégerait au Conseil économique social et environnemental (CESE) et permettrait d'établir, en amont, à froid, sans lien direct avec une actualité parfois sensible, la liste de tous les sujets du ressort des partenaires sociaux susceptibles de faire l'objet de discussions, concertations ou négociations – sans obligation systématique de résultat –, afin de bâtir un agenda partagé de réforme. Que pensez-vous d'un tel organisme ? Serait-il possible de favoriser sa mise en place ?
En tant que rapporteur pour avis des crédits du compte d'affectation spéciale (CAS) dédié au financement de l'apprentissage, mes remarques et questions se limiteront à la politique de l'apprentissage dont vous avez fait, madame la ministre, un de vos axes prioritaires en arrivant à ce ministère.
Ma première remarque portera sur les chiffres de l'apprentissage. Après deux années de fortes baisses des entrées dans l'apprentissage – de 8 % en 2013 par rapport à 2012, puis de 3 % en 2014, alors que la décennie précédente a connu une hausse moyenne de 5 % par an –, il semble que l'année 2016 confirme la hausse enregistrée en 2015. Les baisses étaient certes dues à la difficile conjoncture économique, mais aussi aux mesures prises, notamment le resserrement des conditions d'accès au crédit d'impôt en faveur de l'apprentissage mis en place en 2005 et qui bénéficiait aux entreprises soumises à l'impôt sur les sociétés ou à l'impôt sur le revenu, à hauteur de 1 600 euros par apprenti. Ce regain d'intérêt pour l'apprentissage est dû, certes, à une conjoncture plus favorable, mais aussi au fait que le Gouvernement est partiellement revenu sur les mesures les plus néfastes que je détaille dans mon rapport pour avis.
Vous avez d'ailleurs reconnu ces erreurs du passé à plusieurs reprises au cours des débats parlementaires, madame la ministre, et je ne peux qu'approuver votre volonté d'apporter des corrections.
Ces allers-retours appellent cependant quelques questions.
Auriez-vous des chiffres à nous communiquer qui confirment cette tendance à la hausse ? S'agit-il à votre sens d'une tendance de long terme ou simplement d'un effet de rattrapage après deux années difficiles ? Cette augmentation des entrées dans l'apprentissage concerne-t-elle l'ensemble des diplômes préparés ? Et qu'en est-il plus spécifiquement des apprentis préparant un diplôme de niveau V ? Au cours de mes auditions, de nombreux interlocuteurs m'ont fait part des difficultés qui se concentrent à ce niveau.
Enfin, madame la ministre, avez-vous une stratégie crédible pour atteindre l'objectif, fixé par le Président de la République, de 500 000 apprentis ? Nous en sommes encore loin aujourd'hui !
La réforme de l'apprentissage – et en particulier la réforme de la taxe d'apprentissage – a conduit à revoir en profondeur la configuration du compte spécial, qui ne retrace plus en recettes que la fraction de 51 % de la taxe d'apprentissage dédiée aux régions. Cette réforme a encore renforcé le rôle des régions dans l'apprentissage. Pouvez-vous nous confirmer que les montants qui leur seront affectés, à l'issue de la réforme de la carte territoriale, seront la stricte addition des montants affectés à chaque région fusionnée ?
Par ailleurs, existe-il des marges de manoeuvre afin de mener des politiques régionales plus volontaristes en faveur de l'apprentissage ? La récente loi « travail » apermis une expérimentation dans deux régions visant à leur donner une plus grande latitude. Où en sommes-nous ? Pouvez-vous nous dire s'il y a eu des régions volontaires ?
Enfin, il semble que cette régionalisation ait fragilisé le lien que pouvait avoir le chef d'entreprise avec le centre de formation en alternance (CFA). Ce lien me paraît pourtant être une condition de la réussite de l'apprentissage. Envisagez-vous de mieux associer l'employeur dans le parcours de formation de son apprenti et, dans l'affirmative, comment ?
Les Assises de l'apprentissage de 2013 ont permis de rectifier la politique de l'apprentissage lancée en 2012, notamment avec la prime annuelle de 4 400 euros et les exonérations de charges dont bénéficient les entreprises de moins de 11 salariés lorsqu'elles embauchent un apprenti mineur. C'est une mesure que je salue. Néanmoins, je crains qu'elle ne génère un effet de seuil pour les jeunes apprentis majeurs, notamment tous ces jeunes qui, après un baccalauréat et une année d'étude, souhaitent s'orienter vers l'apprentissage. Avez-vous réfléchi à un dispositif qui neutralise l'effet de l'âge, comme en Allemagne, en Suisse et en Autriche, et ne prend en compte que le diplôme préparé ?
Comme l'ensemble des acteurs de l'apprentissage, je reviens sur la trop forte étanchéité qui continue d'exister entre le monde de l'éducation et le monde de l'entreprise. Je sais que vous faites votre possible pour permettre aux CFA de pénétrer le monde de l'Education nationale. Malgré tout, au cours de mes auditions, des directeurs de CFA m'ont fait part de l'impossibilité persistante pour eux d'avoir accès aux établissements scolaires. Quelles mesures le ministère compte-t-il prendre – en lien avec votre collègue de l'éducation nationale – en vue de rapprocher l'école du monde de l'entreprise, notamment dans la co-construction des formations, mais aussi dans l'objectif de faire de la voie de l'apprentissage une voie d'excellence et non plus, comme on le voit encore trop souvent, une voie proposée par les conseillers d'orientation lorsque toutes les autres ne sont plus possibles ?
Par ailleurs, valoriser l'apprentissage, c'est aussi permettre aux jeunes apprentis qui signent un contrat d'apprentissage d'aller au bout de leur contrat, alors qu'un rapport récent a montré qu'un tiers des contrats était rompu avant le terme de celui-ci. Existe-t-il une réflexion au sein de votre ministère permettant de suivre les jeunes en apprentissage, de les aider dans leur nouvelle vie de salarié, qui constitue souvent, pour eux, une réelle rupture par rapport au monde scolaire dans lequel ils vivaient ?
Madame la ministre, je me dois également de vous interroger sur le secteur de la pêche. Le décret n° 2006-534 du 10 mai 2016 prévoit dans son article 14 qu'une demande de dérogation à l'interdiction du travail de nuit des jeunes de moins de 18 ans embarqués à bord des navires de pêche peut être demandée à l'inspecteur du travail lorsque la formation le justifie. Cette procédure est lourde et hasardeuse. Je vous avais interrogée sur le sujet. Vous m'aviez répondu que le décret était en cours de réécriture. Où en sommes-nous ?
Nous sommes nombreux à considérer l'apprentissage comme une voie d'excellence d'insertion vers l'emploi. Il me semble que la seule manière de le relancer rapidement et de manière significative serait d'étendre aux entreprises de plus de 11 salariés l'aide actuellement destinée aux très petites entreprises (TPE), afin de ne pas faire de l'apprentissage une formation réservée uniquement à l'artisanat, et de l'étendre également aux entreprises de taille intermédiaire (ETI) innovantes afin d'y attirer un panel de jeunes plus divers. Que pensez-vous de cette possibilité ? Serait-il possible d'en établir le coût ?
J'aurai encore, si vous le permettez deux questions.
J'ai relevé que 350 millions d'euros viennent abonder les crédits de l'action 2 « Amélioration de l'insertion dans l'emploi par l'adaptation des qualifications et la reconnaissance des compétences », qui concerne essentiellement l'apprentissage, ce dont je ne peux que me réjouir ! Je souhaite cependant savoir vers quoi précisément seront orientés ces crédits. II semble qu'ils soient ponctionnés sur la formation professionnelle ! Pouvez-vous nous en expliquer les raisons ? Est-ce à dire qu'il y a moins de besoins dans ce domaine ?
Enfin, madame la ministre, j'ai relevé que, dans une instruction du 24 octobre 2016, vous avez modifié à la fois les prescriptions des contrats aidés, en supprimant la possibilité de conclure des contrats emplois d'avenir au quatrième trimestre 2016. J'aurai souhaité connaître la signification de cette décision.
Si la reprise de l'activité économique est encore fragile, il faut noter une baisse du nombre de demandeurs d'emploi de 66 300 au mois de septembre, ce qui est une bonne nouvelle pour les Françaises et les Français. Depuis le début de l'année, ce sont ainsi 90 000 demandeurs d'emploi en moins. Ces bons résultats doivent nous inciter à amplifier nos politiques, et c'est tout le sens de ce budget 2017.
Ce budget de 15,3 milliards d'euros, soit une augmentation de 13 % par rapport à 2016, marque un effort inédit de la part de l'État. Il traduit un choix fort dans un contexte de chômage très élevé, et vise à accompagner une dynamique de reprise. Il traduit également un choix cohérent au regard des différentes réformes menées par ce gouvernement. Notre politique repose ainsi sur le triptyque modernisation-formation-cohésion, rappelé par le Président de la République en janvier dernier lors de sa présentation du plan d'urgence pour l'emploi.
Modernisation, d'abord. La loi « travail » vise à développer le dialogue social, notamment de proximité. Elle crée aussi des droits fondamentaux pour les salariés, je pense notamment au compte personnel d'activité. Dans un monde du travail marqué par une discontinuité des parcours, il est important de créer cette sécurité sociale professionnelle.
Formation, ensuite. Le plan de 500 000 formations supplémentaires permet de franchir un cap à la fois quantitatif et qualitatif, notamment au regard de la problématique des besoins de recrutements et emplois non pourvus. N'oublions pas que l'investissement en formation en direction des personnes qui en ont le plus besoin a été le point faible de notre pays pendant de nombreuses années.
Cohésion, enfin. Les dispositifs concernés sont les contrats aidés, la Garantie jeunes, ou encore l'aide « embauche PME » qui est essentielle pour accélérer le retour à l'emploi, notamment dans les plus petites entreprises.
L'aide « embauche PME » vise donc à développer et à accélérer le retour à l'emploi dans les petites entreprises, qui ont besoin d'un soutien renforcé dans un contexte de reprise de l'activité économique. Un montant de 1,85 milliard d'euros supplémentaires est attribué à la fois à l'aide « embauche PME » et à l'aide « TPE première embauche ». À ce jour, l'aide embauche PME a fait l'objet de plus de 825 000 demandes, dont 66 % pour des contrats à durée indéterminée (CDI). Ce dispositif a donc permis de développer l'emploi durable, sachant que les personnes concernées étaient souvent en contrat précaire – elles peuvent désormais accéder plus facilement à un prêt et à un logement. Près de 40 % de ces aides sontdestinées à des jeunes de moins de vingt-six ans.
Ce succès s'explique par le contexte de reprise que je viens d'évoquer. Bien entendu, ce n'est pas l'aide « embauche PME » qui va inciter une entreprise sans carnet de commandes à créer un emploi. Mais, à un moment où les carnets de commandes se remplissent, les petites structures peuvent hésiter à recruter : l'aide embauche PME joue un vrai rôle de déclencheur et d'accélérateur sur la décision d'embauche.
À côté de ce soutien financier, d'autres mesures sont le fruit la loi « travail », à laquelle vous avez largement contribué. Je pense au service gratuit d'information sur les questions du droit du travail en direction des petites entreprises – la réponse de l'administration les sécurise en cas de contentieux –, à la modulation du temps de travail sur neuf semaines au lieu de quatre dans les petites entreprises, ou encore aux accords-types de branche pour les petites entreprises qui leur apportent une souplesse en l'absence de représentants syndicaux.
La formation est une réponse essentielle à un monde du travail qui évolue extrêmement rapidement et qui est très polarisé entre les personnes peu qualifiées et les personnes qui le sont beaucoup plus. Ce sont les 2 millions de demandeurs d'emploi ayant un niveau inférieur ou égal au baccalauréat qui restent durablement au chômage : cet effort en faveur de la formation était bien sûr essentiel.
La formation permet aussi de renforcer la compétitivité de nos entreprises – elle est en cela à la fois une exigence morale, une exigence sociale et une exigence économique. La prise de conscience a été longue dans notre pays : le plan « 500 000 actions de formation » marque un tournant. Ce plan a été conçu avec les régions – à l'exception d'Auvergne-Rhône-Alpes, mais dont les demandeurs d'emploi en bénéficieront puisqu'il est mis en oeuvre par Pôle Emploi – dans le cadre d'une plateforme que nous avons mise en oeuvre ; je salue à cet égard le travail de M. Cherpion au titre de l'Association des régions de France. Nous avons également conçu ce plan avec les partenaires sociaux sur la base des besoins des entreprises. L'enveloppe de 200 millions d'euros supplémentaires en 2017 pour le financement des conventions 2016 que nous avons signées avec les régions servira également à financer le lancement du compte personnel d'activité. Ainsi, la formation professionnelle a vocation à s'inscrire dans un parcours : le CPA, au travers du compte personnel de formation (CPF) aujourd'hui mis en oeuvre, nous permet de donner plus d'efficacité au dispositif.
Troisième priorité de ce budget : la cohésion sociale, à travers l'insertion des jeunes. La situation des jeunes s'améliore, mais reste encore difficile. Je reviens d'un déplacement en Guyane, en Guadeloupe et à Saint-Martin. Si, en métropole, le taux de chômage des jeunes est extrêmement important, notamment dans les quartiers de la politique de la ville, dans les territoires d'outre-mer les vraies difficultés se posent non à l'échelle des quartiers, mais à celle de la région. Même si nous avons observé une diminution en un an de 35 000 jeunes inscrits en catégorie A à Pôle Emploi, soit une baisse de 7 % – il y a moins de jeunes chômeurs en France qu'il n'y en avait en 2012 –, nous ne devons pas réduire nos efforts. Il nous faut donc développer les dispositifs qui permettent une prise en charge globale au travers d'un dispositif d'accompagnement intensif : je pense, bien sûr, à la Garantie jeunes.
La Garantie jeunes n'est pas une simple allocation, mais un dispositif « donnant-donnant », qui assortit celle-ci d'un accompagnement intensif ; 747 millions d'euros sont alloués à ce programme, soit 176 millions supplémentaires par rapport à 2016. L'emploi des jeunes reste bien évidemment la priorité.
Je suis très favorable au développement des établissements publics d'insertion de la défense (EPIDE). Outre la généralisation de la Garantie jeunes, ce nouveau budget va donc financer de nouvelles structures EPIDE, ainsi que l'augmentation des moyens de fonctionnement des missions locales à hauteur de 15 millions. Car il ne suffit pas de concevoir des dispositifs : l'accompagnement, notamment en direction des jeunes, est plus que jamais nécessaire et, à cet égard, il est important de saluer l'investissement des agents des missions locales.
Concernant la Garantie jeunes – je rappelle que ce dispositif s'adresse aux jeunes les plus précaires qui ne sont ni en emploi, ni en formation, ni en étude (NEET) –, il ressort d'une étude scientifique, dont des résultats partiels ont été publiés en juillet, que le taux d'emploi passe de 30 % à 40 % pour les jeunes qui en bénéficient, avec, dans la plupart des cas, un accès à de l'emploi durable, c'est-à-dire des CDI ou CDD de plus de six mois, dans le secteur marchand. La Cour des comptes salue, dans son rapport récent, ce dispositif.
Bien entendu, il faut replacer tous ces dispositifs dans le cadre d'une politique plus large en faveur de l'emploi des jeunes. Celle-ci inclut d'abord le maintien des emplois d'avenir au même niveau qu'en 2016 ; 35 000 créations d'emplois d'avenir sont prévues dans le PLF 2017. En raison d'une surconsommation des enveloppes, j'ai adressé aux services une circulaire dans laquelle je rappelle que d'ici le 2 janvier 2017, les enveloppes doivent financer des reconductions d'emplois d'avenir, mais pas de nouveaux contrats ; j'y évoque également la question de la sortie des emplois d'avenir, qui est essentielle. Je souhaite vous rassurer complètement : il n'est pas question de mettre fin aux emplois d'avenir. L'étude publiée le 5 octobre dernier par la direction de l'animation, de la recherche, des études et des statistiques (DARES) montre que trois jeunes sur quatre en emploi d'avenir avaient bénéficié d'une formation, et que, pour la moitié d'entre eux, celle-ci était certifiante. Les contrats aidés doivent aussi être évalués sous l'angle de la formation. La politique en faveur de l'emploi des jeunes comprend aussi la revalorisation des stages et des bourses, le soutien renforcé aux jeunes décrocheurs ou aux entrepreneurs, ou encore la relance de l'apprentissage.
Je n'oublie pas le plan « Numérique, Emploi, Travail », soutenu par le programme d'investissements d'avenir – je pense au projet développé par Paul Duan et son ONG Bayes Impact.
Le budget permet également d'honorer des engagements forts du Gouvernement : la consolidation des crédits destinés à l'insertion par l'activité économique et aux travailleurs handicapés – avec une progression de 7,8 millions d'euros, le budget 2017 s'inscrit dans la continuité de l'effort continu déployé depuis 2012 – ; l'amélioration de la rémunération des apprentis, à hauteur de 80 millions d'euros, conformément aux engagements du Premier ministre en avril dernier ; l'expérimentation « Territoires zéro chômeur de longue durée » qui est dotée de 15 millions d'euros – je veux saluer l'engagement de Laurent Grandguillaume et d'ATD Quart Monde qui ont été à l'origine de cette initiative.
Le service public de l'emploi est également conforté grâce à la stabilité de la subvention à Pôle Emploi – 1,5 milliard d'euros –, au financement des maisons de l'emploi à hauteur de 21 millions d'euros, financement qui avait fait l'objet de discussions nourries l'année dernière – il faut savoir entendre les territoires –, et à l'augmentation des moyens des missions locales.
Enfin, nous prévoyons la sanctuarisation des financements dédiés aux contrats aidés à hauteur de 2,4 milliards d'euros comme en 2015, pour un total de 280 000 nouveaux contrats en 2016.
Monsieur Castaner, s'agissant de la baisse du nombre de contrats initiative emploi (CIE), je souhaite aborder la question des contrats aidés sans tabou ni caricature.
Trop de discours laissent croire qu'une personne en contrat aidé est une personne que l'on entretient dans l'oisiveté ou dont le travail ne serait pas utile. Pour moi, une personne qui retrouve un emploi retrouve aussi une utilité, donc aussi une dignité. Au nom même de la recherche de l'efficacité des politiques de l'emploi, les contrats aidés doivent être défendus.
Dans le débat sur les contrats aidés, trois questions importent : les publics – à qui s'adresse-t-on ? – ; les secteurs – associations, secteur sportif, organismes de l'économie sociale et solidaire – ; les résultats – quel niveau d'insertion et quelle qualité de l'emploi ?
Chaque dispositif a son intérêt propre. Dans le secteur marchand, les contrats s'adressent à des personnes qui peuvent accéder à court ou moyen terme à un emploi, mais que les entreprises n'auraient pas spontanément recrutées en raison de leurs profils. Lorsque la DARES interroge les employeurs ayant eu recours aux emplois aidés dans le secteur marchand, dans 16 % des cas, le contrat aidé est à l'origine de leur décision de recrutement.
J'assume de mettre l'accent sur les contrats aidés dans le secteur non marchand – j'avais porté lorsque j'étais secrétaire d'État à la politique de la ville les CIE « starter » pour les jeunes issus des quartiers de la politique de la ville (QPV). Ces contrats permettent d'éviter l'éloignement durable du marché du travail des demandeurs d'emploi les plus fragiles.
Les bénéficiaires des contrats d'accompagnement dans l'emploi (CAE) sont plus souvent allocataires des minima sociaux que les bénéficiaires des CIE, ils ont plus souvent vécu une alternance de courtes périodes d'emploi et de longues périodes de chômage et d'inactivité, ils ont plus souvent des problèmes de santé, ils sont plus souvent en situation de handicap – j'ai augmenté la proportion de 9 % à 15 % de personnes en situation de handicap bénéficiant de ces contrats –, ils sont moins mobiles, ils sont plus souvent sans diplôme et ils résident plus souvent outre-mer où les opportunités de recrutement dans le secteur privé sont parfois faibles.
Parmi les bénéficiaires des CAE, plus d'un quart sont sans diplôme ; plus de 70 % sont sans emploi depuis plus d'un an ; 40 % sont au chômage depuis plus de deux ans ; près d'un tiers sont issus de zones prioritaires – quartiers de la politique de la ville, zones de revitalisation rurale (ZRR), outre-mer.
Lorsqu'on parle du taux d'insertion, il faut tenir compte du public concerné. Je ne considère pas comme un échec le fait que 41 % des personnes sorties d'un contrat aidé du secteur non marchand soient toujours en emploi six mois après. Compte tenu des publics dont nous parlons, l'efficacité de ces dispositifs mérite d'être soulignée.
Durabilité de l'emploi, formations certifiantes : autant de recommandations formulées par la Cour des comptes, qui sont mises en oeuvre aujourd'hui. La durée moyenne des contrats a régulièrement augmenté ; elle est aujourd'hui supérieure à onze mois. L'exigence en matière de formation professionnelle des bénéficiaires n'a cessé de progresser.
La programmation pour 2017 de 45 000 CIE, soit 15 000 de moins, est triplement cohérente : cohérente avec les niveaux enregistrés ces dernières années – 50 000 prescriptions de CIE en 2014 et 2015 ; cohérente avec l'amélioration de la situation économique ; cohérente avec la création de nouveaux dispositifs en faveur de l'emploi marchand, comme l'aide « Embauche PME ».
S'agissant de l'insertion par l'activité économique (IAE) et de l'utilité de mettre en place un fonds de péréquation ou de réaffecter les crédits alloués à l'IAE non-consommés à un tel fonds, madame Khirouni et monsieur Castaner, je pense que nous sommes tous d'accord : l'utilité cruciale de l'IAE n'est pas discutable !
Dès les lois de finances pour 2013 et 2014, ce sont près de 25 millions d'euros supplémentaires qui ont été dégagés au bénéfice de l'IAE.
Depuis 2011, le nombre de personnes en insertion au sein des structures de l'IAE a progressé de près de 7 % – il était de 133 000 à la fin de 2015.
Pour 2016, même si ces données sont encore provisoires, le taux de consommation des crédits devrait s'établir à 98 %, soit un reliquat de l'ordre de 5 millions d'euros, qui n'est pas anormal sur une ligne budgétaire de cette importance.
Dès mon arrivée au ministère du travail, j'ai permis la fongibilité entre la programmation des contrats aidés du secteur non marchand et le financement de postes dans l'IAE. C'est une souplesse pour répondre aux besoins des structures d'insertion que nous avons expérimentée fin 2015, puis mise en oeuvre sur toute l'année 2016.
En quels termes se pose le débat actuel s'agissant de l'IAE ? Conserve-t-on le mécanisme de fongibilité ? Je veux rappeler que cette année, cette fongibilité a concerné 5 460 CAE, permettant ainsi de financer près de 3 000 aides au poste supplémentaires dans l'IAE.
Faut-il faire le choix d'acter dans le PLF de nouvelles aides aux postes en diminuant le nombre de CAE ? Je crois comprendre que vous le souhaitez. Je veux être très claire avec vous : si vous choisissiez d'inscrire dans le projet de loi de finances la hausse des aides au poste, cela impliquerait de facto la fin de la fongibilité.
Concernant le plan « 500 000 formations supplémentaires », d'abord, une satisfaction : les résultats sont là. Depuis le 1er janvier, 740 000 personnes en recherche d'emploi sont entrées en formation.
Le plan est mis en oeuvre avec les régions, les partenaires sociaux, les acteurs de terrains : Pôle Emploi, les missions locales, les opérateurs du conseil en évolution professionnelle, les organismes paritaires collecteurs agréés (OPCA) et les organismes de formation. Nous sommes sur le point d'atteindre nos objectifs, tant quantitatifs que qualitatifs.
Quant au financement, l'État consacre un effort exceptionnel aux conventions régionales de formation, à hauteur de 990 millions d'euros ; les régions se sont engagées à reconduire leur effort de formation de 2015 ; Pôle Emploi finance 70 000 parcours d'accompagnement à la création d'entreprises ; je veux aussi saluer l'implication des partenaires sociaux : les OPCA financent 50 000 contrats de professionnalisation, et le fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels accompagne le plan par une augmentation de 130 millions d'euros en 2016 de son effort en faveur de la formation des demandeurs d'emploi.
Le projet de loi de finances prévoit 196 millions d'euros de crédits de l'État pour le financement des versements aux régions au titre de 2017, ainsi que pour le financement de la commande nationale de formations.
Le débat sur les ressources des OPCA est récurrent. Nous avons souhaité examiner de quelle manière les fonds de la formation professionnelle pourraient être davantage orientés vers les demandeurs d'emploi. Afin d'objectiver la situation des OPCA, une mission a été confiée à l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS) et à l'Inspection des finances (IGF) ; ses conclusions seront rendues dans les prochaines semaines. Cette démarche a été présentée aux partenaires sociaux avant d'être engagée. Ils ont fait part de leur souhait, à l'instar de l'État, de voir tous les fonds disponibles utilisés pour la formation.
Le fonds de concours de 350 millions d'euros correspond à l'hypothèse de participation volontaire des OPCA retenue lors de la construction du PLF 2017. Le rapport définitif de la mission et les échanges avec les partenaires sociaux permettront d'actualiser cette hypothèse et de préciser la mobilisation de ces fonds. Le montant devra être réajusté au vu d'un chiffrage précisé et affiné du coût du plan « 500 000 formations supplémentaires » en 2017, tenant compte des entrées effectives en formation région par région et du calendrier de déploiement. Ce travail sera pleinement abouti d'ici quelques semaines, et nous ne manquerons pas de vous en rendre compte.
Madame la rapporteure, vous avez abordé la question de la lutte contre les discriminations. Le rapport que j'ai demandé à France Stratégie sur le coût des discriminations évalue ce dernier à 150 milliards d'euros sur les quinze prochaines années.
Notre action a ciblé les publics victimes de ces discriminations – c'est tout le sens des emplois d'avenir et des CIE « starter ».
Les discriminations à l'embauche ont un coût économique mais aussi moral. Lorsqu'on sait qu'avec deux CV identiques, une personne se prénommant Mohammed a quatre fois moins de chances d'être convoqué à un entretien d'embauche qu'une personne dont le nom n'a pas de consonance étrangère, on mesure parfaitement comment les discriminations nourrissent la défiance et le ressentiment.
Nous avons développé plusieurs outils : le parrainage, dont nous avons augmenté les financements – je citerai la convention entre Pôle Emploi et Mozaïk RH pour les jeunes diplômés issus des quartiers populaires ; l'amendement de Daniel Goldberg au projet de loi « Egalité et citoyenneté » ; mais aussi les associations Passeport d'avenir, Face, Nos quartiers ont des talents ; la campagne de communication « Les compétences d'abord » au printemps dernier ; la signature dans les prochains mois d'une convention avec le Défenseur des droits pour renforcer la collaboration de ses services avec ceux du ministère du travail.
Ensuite, mon ministère mène une campagne de « testing » auprès de quarante entreprises pour évaluer leurs pratiques d'embauche. Actuellement ont lieu des réunions bilatérales entre mon équipe et chacune de ces entreprises ; elles disposent d'un délai de quatre mois pour mettre en place de nouvelles procédures ; si les mesures pour corriger leurs pratiques ne sont pas prises ou sont purement cosmétiques, nous publierons les noms des entreprises qui n'ont pas joué le jeu – c'est l'engagement que nous avions pris.
Vous m'avez également interrogée, madame la rapporteure, sur le revenu minimum universel en faveur des jeunes.
Si, dans une vision libérale, le revenu universel est une alternative au salaire minimum, je n'y adhère pas ! Il s'agit pour moi, au contraire, de penser une nouvelle sécurité émancipatrice. Ce débat doit avoir lieu, notamment du fait de toutes les nouvelles formes d'emploi que nous voyons apparaître. Le rapport du Conseil national du numérique et celui de Christophe Sirugue abordent cette question du revenu universel.
La première étape que nous devons réussir, c'est la généralisation de la Garantie jeunes. Actuellement, 80 000 jeunes en bénéficient. L'objectif est de parvenir à 150 000 entrées supplémentaires dès le 1er janvier 2017 ; alors que 20 % des missions locales aujourd'hui ne mettent pas en oeuvre la Garantie jeunes, il reste deux mois pour assurer l'accès au service public sur tout le territoire.
Dès le 1er janvier 2017, tous les jeunes en situation de précarité, qui ne sont ni en formation, ni en emploi, ni en stage, auront accès à un accompagnement intensif. La Garantie jeunes est assortie d'une allocation, d'un montant de 461 euros par mois, qui permet de financer les dépenses nécessaires à la recherche d'un emploi – le transport, l'habillement, etc.
De la même manière, le compte personnel d'activité, qui garantit une formation qualifiante gratuite à tous ceux qui sont sortis du système éducatif sans diplôme, constitue une étape décisive vers la construction d'un nouveau modèle social.
S'agissant du revenu universel, le Premier ministre l'a dit il y a quelques jours en Gironde où cette mesure est expérimentée, c'est un projet à l'horizon d'un quinquennat. Je suis pour ma part favorable à ce que les expérimentations se développent – c'est ce que préconise la mission d'information du Sénat. En tout état de cause, je souhaite que la Garantie jeunes ne soit pas transformée en une simple allocation mais qu'elle conserve sa mission d'accompagnement « donnant-donnant ». Le revenu universel mérite d'être porté politiquement, mais il demande aussi un travail de préparation et d'évaluation exigeant.
Vous avez évoqué l'ACCRE et le compromis qui a été trouvé avec l'amendement de M. Bapt au PLFSS. Nous soutenons ce dispositif en faveur des créateurs d'entreprise, et ce avec d'autant plus de force que les demandeurs d'emploi représentent un tiers d'entre eux.
Nous travaillons au transfert du dispositif aux régions avec l'Association des régions de France, l'agence France Entrepreneur et la Caisse des dépôts et consignations (CDC), afin que l'accompagnement des porteurs de projets qui ont été soutenus en 2016 puisse être prolongé.
L'ACCRE, qui est un outil important, n'est pas remise en cause. Les débats parlementaires ont permis de trouver une solution d'équilibre. Il est prévu d'élargir le bénéfice de l'ACCRE à de nouvelles catégories : les salariés d'entreprises en difficultés, les repreneurs d'entreprises dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville et les salariés en activité réduite. L'exonération de cotisations sociales deviendra dégressive à partir d'un revenu de 29 000 euros, contre 19 000 euros dans le PLFSS initial.
Monsieur Vercamer, l'augmentation de 4 millions d'euros de la masse salariale est un sujet sur lequel je me suis battue : il s'agit de l'intégration, dès le projet de loi de finances, des montants nécessaires au versement du complément indemnitaire annuel des agents. En 2015, ce n'est qu'en novembre que les agents ont pu avoir la certitude du versement d'un complément indemnitaire, qui fait pourtant partie intégrante du régime indemnitaire des agents de l'État.
La Commission de refondation du code du travail s'inscrit dans le prolongement de la loi « travail ». Je travaille actuellement à sa composition. Je tiens à ce qu'elle comprenne des praticiens du droit du travail, pas seulement des experts, ainsi que des chefs de petites entreprises. Elle sera paritaire, et composée de personnes qui s'étaient opposées à la loi « travail » comme de personnes qui l'ont soutenue. Je souhaite l'installer au début de l'année 2017.
Quant à l'association des partenaires sociaux, elle se fera à travers le Haut Conseil du dialogue social, présidé par Jean-Denis Combrexelle, qui devra aussi faire le lien avec la Commission de refondation.
Nous avons tenu à instaurer des règles supplétives pour deux raisons. L'absence de telles règles aurait été, d'une part, un désastre social pour les salariés qui auraient perdu leurs protections et, d'autre part, un désastre économique pour les entreprises qui jouent le jeu et auraient été confrontées à une concurrence déloyale. Cela aurait été la porte ouverte à la dérégulation. En outre, cela aurait été inconstitutionnel car la loi n'aurait pas épuisé sa compétence.
S'agissant de la notion d'ordre public conventionnel, nous avons inscrit clairement dans la loi que, dans six matières, les entreprises ne pourront pas faire du moins-disant par rapport aux branches. En plus des quatre qui existaient déjà – les salaires, les classifications, les fonds de la formation professionnelle, la protection complémentaire –, nous avons ajouté l'égalité entre les femmes et les hommes et la pénibilité. La notion d'ordre public conventionnel est une réalité économique et sociale.
Pour les autres matières qui ne relèvent pas du domaine de l'entreprise, nous avons laissé aux branches le soin de définir leur ordre public conventionnel, sur le temps partiel par exemple.
Je n'ai jamais opposé un niveau à un autre. L'enjeu est bien l'équilibre de chaque niveau et l'espace de respiration laissé à chacun.
La marge de manoeuvre pour les branches sera importante car les sujets sont nombreux : indemnités, primes, périodes d'essais, préavis, etc. Grâce à ces mesures, les salariés et les entreprises seront protégés contre la concurrence déloyale.
La Commission de refondation n'a absolument pas vocation à remettre en cause ces travaux. Au contraire, la loi prévoit que les négociations doivent éclairer la commission. D'ici le 30 juin 2018, chaque branche devra établir un rapport sur l'état de ses négociations et le transmettre à la Commission de refondation, ainsi qu'à la Commission nationale de la négociation collective (CNNC) et au Haut Conseil du dialogue social.
Sur la restructuration des branches, j'ai présidé, encore récemment, une réunion de la CNNC. D'ici la fin de l'année, les branches territoriales et celles qui n'ont pas négocié depuis plus de quinze ans auront fusionné. L'enjeu est de redonner une dynamique beaucoup plus forte. Alors que le monde du travail bouge énormément, l'enjeu est aussi de trouver les moyens d'établir des passerelles, en matière de formation par exemple, entre les branches. Je vous rappelle que l'Allemagne compte 150 branches quand nous en avons 700.
La main est aux partenaires sociaux, à qui il revient de définir les rapprochements pertinents. Plusieurs branches telles que la métallurgie, l'agriculture et l'enseignement privé sous contrat ont d'ailleurs engagé un travail remarquable à ce sujet. L'État interviendra si, d'ici trois ans, les partenaires sociaux ne sont pas parvenus à des regroupements permettant d'en arriver à 200 branches en tout. Nous souhaitons des mariages, mais pas des mariages forcés. Les travaux menés au sein de la CNNC ont déjà permis la fusion de 100 branches qui, chacune, ne concernaient qu'un très faible nombre de salariés et qui, pour certaines, n'avaient pas négocié depuis plus de vingt ans. Au nombre des critères retenus figure l'état de la négociation ; nous souhaitons aussi, comme l'a préconisé M. Combrexelle dans son rapport, le rattachement de toutes les branches qui représentent moins de 5 000 salariés à une convention collective d'accueil.
L'application des accords collectifs aux sous-traitants est une question très importante. Nous y avons apporté une première réponse dans la loi Travail par la création des accords inter-entreprises, qui auront désormais un cadre clair. C'est essentiel pour les sous-traitants, et les directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) ont parfois à connaître d'externalisations qui visent des plans de sauvegarde de l'emploi (PSE) déguisés. La restructuration des branches est une autre manière d'apporter une solution au problème de la sous-traitance. Il est aussi traité dans le PLFSS 2017 par le biais des seuils d'affiliation au régime social des indépendants (RSI) et d'assujettissement aux cotisations sociales.
Quelle réflexion menons-nous sur l'« ubérisation » de l'économie, m'avez-vous demandé ? L'article 60 de la loi « travail » dispose que les salariés des entreprises sous-traitantes et des plateformes collaboratives bénéficient de la couverture accidents du travail, du droit à formation, du droit de grève et des droits collectifs. Nous ne devons pas freiner le développement de l'économie des plateformes de mise en relation par voie électronique, car elles offrent une nouvelle forme d'emploi. Près d'un quart des créations d'activité dans le secteur des véhicules de transport avec chauffeur en France ont lieu en Seine-Saint-Denis. Voilà qui fait le lien avec ce que Mme Khirouni disait tout à l'heure des discriminations : ce secteur crée des emplois et des revenus, notamment pour des personnes qui ont du mal à accéder à des emplois « classiques ». Pour autant, les pouvoirs publics ne peuvent rester spectateurs quand la dépendance économique est manifeste : lorsqu'une plateforme décide de baisser ses tarifs du jour au lendemain ou que des coursiers à vélo ne sont pas couverts en cas d'accident du travail, de nouvelles formes de précarité se développent. Aussi l'article 60 de la loi « travail » vise-t-il à rappeler aux plateformes collaboratives leur responsabilité sociale.
Le dialogue avec les plateformes collaboratives se poursuit. En liaison avec les ministères de l'économie et des affaires sociales, nous avons lancé le 17 octobre une concertation avec leurs représentants, visant à décliner l'article 60 de la loi « travail » – un décret est en cours d'élaboration – et à affiner la distinction entre salariés et travailleurs indépendants dans le contexte de l'économie collaborative. Nous allons élaborer un guide qui, en s'appuyant sur la jurisprudence relative au lien de subordination, explicitera les critères pris en compte. Lorsqu'une plateforme abusera de la qualification de travailleur indépendant pour ceux qui travaillent pour elle alors qu'il y existe en réalité un lien de subordination, la requalification en contrat de travail s'imposera ; mais nous voulons aussi donner une sécurité juridique aux entreprises qui respectent le droit.
Je souhaite améliorer les accords collectifs transnationaux, au bénéfice des travailleurs transfrontaliers. Il reste aussi à traiter de la prise en charge de l'assurance chômage pour ceux qui travaillent en Suisse et au Luxembourg et qui, après trois mois, basculent sur l'assurance chômage française. Enfin, il est anormal qu'une personne résidant en France soit embauchée par une entreprise au Luxembourg et détachée en France. Ces questions devront être abordées lors du débat relatif à la révision de la directive de 1996 concernant le détachement de travailleurs.
J'en viens aux questions relatives à l'apprentissage. Les données dont nous disposons concernent la campagne 2015-2016, qui n'est pas terminée ; de plus, les chiffres relatifs aux mois d'été ne sont pas significatifs. La hausse, secteur public et secteur privé confondus, est de 0,4 % par mois, soit quelque 5 % par an, mais nous serons mieux en mesure d'analyser la tendance lorsque nous connaîtrons les chiffres relatifs au mois de septembre et suivants. La hausse du nombre de contrats a bénéficié aux premiers niveaux de qualification, les diplômes de niveau V ; c'était la cible de l'aide « TPE jeunes apprentis », et la reprise de l'apprentissage dans le secteur du bâtiment est avérée, ce dont chacun se félicitera.
Je suis favorable, comme vous l'êtes, à un développement plus marqué de l'apprentissage. On sait en effet que sept jeunes sur dix trouvent un emploi six mois après la fin de leur apprentissage. Outre cela, c'est un outil de promotion sociale : la moitié des apprentis de l'artisanat deviennent chefs d'entreprise.
Je confirme que les moyens alloués pour l'apprentissage aux régions qui ont fusionné seront bien l'addition, pour la part fixe, des moyens précédemment alloués aux anciennes régions qui composent les nouvelles entités. D'une manière générale, nous avons augmenté les crédits destinés à l'apprentissage, vous l'avez indiqué.
J'ai lancé le réseau des ambassadeurs régionaux de l'apprentissage en les réunissant récemment, en présence de Mme Clotilde Valter et de M. Gérard Mestrallet, qui est notre « ambassadeur de l'apprentissage » au niveau national. Ces chefs d'entreprise vont partager leur expérience avec leurs pairs et se faire les hérauts de l'alternance auprès d'eux. À la demande des organisations patronales, nous avons d'autre part mis en ligne une offre de services numériques complète. On trouve désormais 11 000 offres de contrats et un simulateur de coût sur la plateforme de l'alternance, et il est possible demander en ligne une aide « TPE jeunes apprentis ». Nous sommes en train de régler les difficultés de financement de ces aides là où elles existent. Ces aides ont permis le recrutement de 72 000 apprentis. Il ne me semble pas nécessaire d'en étendre le bénéfice aux entreprises qui comptent de 11 à 250 salariés, à la fois parce que d'autres aides leur sont destinées et parce qu'il faut rester dans un cadre cohérent avec celui des aides régionales.
Nous publions désormais le taux d'insertion pour chacune des deux voies de formation. Après que nous avons ouvert à l'apprentissage les titres professionnels du ministère, six régions ont fait connaître leur accord pour l'ouverture, dès cette rentrée, de 1 500 places complémentaires. Des entrées en apprentissage pourront de ce fait avoir lieu tout au long de l'année, et cela permettra aussi que des apprentis dont le contrat a été rompu avant son terme puissent basculer vers la deuxième voie. Ainsi, on peut préparer un certificat d'aptitude professionnelle (CAP) de maçon en deux ans dans le cadre de l'Éducation nationale, mais on peut aussi acquérir le titre professionnel « maçon » du ministère en 900 heures. Cette souplesse supplémentaire, qui vaut pour 85 titres professionnels, était une autre demande des branches.
Je pense comme vous qu'il faut continuer de favoriser la complémentarité des deux voies de formation ; c'est ce que nous faisons en développant des parcours mixtes, des jumelages et la mutualisation des plateaux techniques.
Nous avons aussi expérimenté le relèvement de l'âge limite d'entrée en apprentissage. L'expérimentation de la répartition des fonds libres de la taxe professionnelle par les trois conseils régionaux candidats fera l'objet d'une réflexion avec l'Association des régions de France.
Enfin, le travail administratif concernant le décret relatif aux marins pêcheurs est achevé ; la concertation avec les partenaires du secteur aura lieu le 21 novembre prochain et le décret entrera en vigueur le 1er janvier 2017, comme je m'y étais engagée auprès de vous.
Je vous remercie, madame la ministre. Je donne maintenant la parole aux porte-parole des groupes.
Je pourrais traiter de la réduction des allocations de chômage, de la fin des emplois aidés, des 39 heures payées comme 35 heures, peut-être aussi de la suppression du monopole syndical ou encore de la fin du paritarisme, mais le porte-parole du groupe Socialiste, écologiste et républicain que je suis, ne voulant priver personne du débat qui aura lieu ce soir entre les candidats à la primaire de la droite, n'en fera rien…
Je reviens donc aux chiffres du chômage. Même s'il n'y a jamais de « bons chiffres » du chômage, car il restera toujours des chômeurs, il faut fixer des perspectives. Nous disposons pour cela de données factuelles incontestables : outre que le taux de chômage, qui était de 10,3 % de la population active il y a un an, a baissé pour s'établir à 9,9 % à la fin du deuxième trimestre 2016, la France, depuis cinq trimestres consécutifs, a effectivement crée 185 000 emplois et le moral des employeurs est reparti à la hausse. Certains estiment qu'avec le CICE nous avons trop fait en leur faveur ; quoi qu'il en soit, les marges de manoeuvre des entreprises retrouvent leur niveau d'avant la crise et la prévision de croissance pour 2016 reste fixée à 1,5 %, ce qui est positif.
Le budget qui nous est présenté est en hausse de 1,8 milliard d'euros. Pour avoir connu, pendant de nombreuses années, une politique de stop and go – même lors du plan de relance de M. Jean-Louis Borloo –, je me félicite de l'importance de la mobilisation du Gouvernement à ce sujet.
Pour soutenir l'emploi, il faut, cela va de soi, maintenir les emplois aidés dans le secteur non marchand, et les maintenir intelligemment, en les inscrivant dans la durée, sans quoi il n'est pas de formation possible. Les contrats d'avenir ont permis de former trois sur quatre des jeunes qui en ont bénéficié.
La Garantie jeunes est déjà effective dans 91 départements, portée par 80 % des missions locales. Certaines voix de l'opposition laissent entendre qu'elle pourrait disparaître ; je m'en inquiète. Au-delà des alternances politiques toujours possibles, j'aimerais que l'on fasse le bilan de cette mesure, car il est positif. Les crédits alloués en 2017 à la Garantie jeunes augmentent de 65 % ; cette hausse considérable tend à couvrir les besoins de 150 000 bénéficiaires. Je sais, madame la ministre, combien vous insistez auprès de la Commission européenne pour obtenir la pérennisation de ces crédits, importants dans une perspective nationale mais aussi européenne.
Les moyens de Pôle Emploi et des missions locales sont stabilisés. Je suis heureux de constater que le taux de satisfaction des entreprises pour le service rendu par Pôle Emploi s'établit à 70,9 %. Je note aussi que 110 000 offres d'emploi ne sont pas pourvues. Le sujet est récurrent et, étant à la tête de deux exécutifs, je constate moi-même la difficulté que nous éprouvons à recruter aussi bien des sidérurgistes que des fonctionnaires territoriaux, alors que le nombre de demandeurs d'emploi est particulièrement élevé dans la région.
Les entreprises n'ont pas à se plaindre ; la gauche fait parfois beaucoup pour elles, rappelons-le. Ainsi, 610 000 aides à l'embauche dans les PME, dont 66 % concernaient un CDI, avaient été sollicitées fin octobre 2016.
Enfin, étant l'un des députés de la région Grand Est que préside M. Philippe Richert, je veux souligner la réussite du plan « 500 000 formations supplémentaires pour les personnes en recherche d'emploi ». Avec ce plan, la France comble son retard par rapport à ses voisins, notamment l'Allemagne, où près de 40 % des chômeurs bénéficient d'une formation, contre 10 % dans notre pays. Je note également les efforts considérables engagés pour favoriser le développement de l'activité à temps partiel depuis qu'en 2013 la loi de sécurisation de l'emploi l'a rendue plus attractive : cela a concerné plus de 140 000 salariés et plus de 17 000 entreprises. L'Allemagne l'a fait intelligemment et nous devons le faire aussi. Pour autant, je ne rejoins pas M. Alain Juppé, selon lequel nous aurions dû faire tout ce qui n'a pas été fait en France mais qui a été fait à l'étranger ; cette attitude me paraît un peu courte. Je souligne en revanche les efforts considérables faits par le Gouvernement en faveur de l'emploi, cette année comme les quatre années précédentes.
Je m'exprime au nom du groupe Les Républicains. Le budget qui nous est présenté est en hausse, et l'on peut s'en réjouir. Mais est-ce un bien, ou une nécessité ? Une nécessité, certainement. Par ce budget, vous soulignez indirectement l'échec que connaît, depuis des années, la politique du Gouvernement. L'échec est visible en matière d'apprentissage, même si vous avez, madame la ministre, été à l'origine de dispositions allant dans le bon sens. Il est réjouissant d'apprendre que le nombre d'apprentis ait augmenté, en particulier dans le secteur public ; mais leur nombre reste très faible au regard de la capacité d'accueil possible et il faut donc relativiser cette petite victoire. L'échec est patent, surtout, pour ce qui est du chômage : on peut prendre les chiffres dans tous les sens, le nombre des chômeurs de catégorie A est de 650 000 plus élevé qu'il ne l'était en 2012. Échec, encore, de la politique d'emploi des jeunes, souligné par la Cour des comptes, qui observe que tous les dispositifs d'aides publiques à cette fin ont un coût élevé et fonctionnent assez mal.
Dans un budget en hausse, la somme allouée à Pôle Emploi est reconduite d'une année sur l'autre ; encore faut-il rappeler que 30 millions d'euros ont été distraits de ces crédits en 2016 – 30 millions d'euros que l'on ne retrouvera pas.
On bute donc sur des difficultés de financement des dispositifs. Ainsi, encore, du transfert de NACRE, le nouvel accompagnement à la création ou à la reprise d'entreprise, aux régions. Ce transfert est fait à coût constant, soit ; mais reste pendant le problème des transferts de personnes, et il existe à ce sujet un désaccord persistant entre les régions et les DIRECCTE sur le nombre de postes considérés. La différence est importante, si bien qu'en réalité le transfert n'est nullement compensé à due valeur.
Je ne reviendrai pas sur les contrats de génération, dispositif dont chacun constate qu'il a échoué. Je soulignerai en revanche une anomalie concernant les contrats d'avenir : une instruction ministérielle enjoint aux DIRECCTE de ne plus créer de nouveaux contrats mais seulement de renouveler les contrats existants. Cela signifie que vous n'êtes plus en mesure de financer de nouveaux contrats d'avenir sinon en les reportant sur l'année suivante. Je rappelle que les crédits inscrits à cette fin avaient augmenté l'an dernier.
Hormis le fait que certaines inexactitudes figurant page 134 du « bleu » budgétaire devraient être corrigées, la mise en oeuvre du plan « 500 000 formation supplémentaires » pose problème. En effet, le versement du deuxième acompte aux régions était subordonné aux résultats constatés au mois de septembre. Il apparaît que ce versement ne sera pas fait, sauf à la région Grand Est, faute que les autres régions aient pu atteindre l'objectif assigné – la barre avait été placée très haut. En bref, une partie du budget théoriquement affecté à ce plan n'est pas là ; où est-elle ? Vous avez parlé de 350 millions d'euros, mais vous avez avoué dans le même souffle que vous alliez, pour les trouver, faire les poches des OPCA. Or, même si certains de ces organismes ont des réserves relativement importantes, ils ont aussi des engagements pluriannuels qui les contraignent à maintenir un fonds de trésorerie. Je reconnais que personne n'a été très rigoureux à ce sujet : je me souviens que lors de la création du fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels (FPSPP), des prélèvements annuels de quelque 300 millions d'euros avaient également été faits sur la trésorerie des OPCA pour financer autre chose.
Enfin, le projet de décret relatif au fonctionnement de l'établissement public qui doit succéder à l'Association pour la formation professionnelle des adultes (AFPA) a été discuté par le bureau du Conseil national de l'emploi, de la formation et de l'orientation professionnelles (CNEFOP) ; il a aussi été examiné par le Conseil d'État et soumis à la Commission européenne. Selon ce que j'en sais, la teneur de ce texte a été très largement contestée. Qu'en est-il ? Le nouvel établissement public verra-t-il véritablement le jour le 1er janvier 2017 ? Je réaffirme que les régions de France appuient sa création. L'AFPA est un centre de formation important, différent des autres, qui a des charges supplémentaires puisqu'il offre souvent un hébergement. Nous souhaitons vivement qu'elle puisse continuer d'agir, comme elle le fait depuis soixante-dix ans, auprès des demandeurs d'emploi en particulier.
Ces derniers mois, les chiffres du chômage connaissent de fortes oscillations. Personne, ici, ne peut se satisfaire d'un quelconque résultat : en septembre 2016, il y avait, toutes catégories confondues, 6 573 100 demandeurs d'emploi en France. Quant au taux de chômage des jeunes, il est de près de 25 %. Au-delà des clivages politiques et loin des promesses d'inversion de courbe, ces données imposent l'humilité à tous. Mais, en dépit de cet état d'esprit constructif, la lecture des orientations budgétaires de la mission Travail et emploi pour 2017 ne peut satisfaire le groupe de l'Union des démocrates et indépendants.
Le projet de budget traduit en effet une politique de l'emploi dont la caractéristique principale est la réduction à marche forcée, et bien souvent trompeuse, du nombre de chômeurs inscrits à Pôle Emploi. Cette stratégie passe par la démultiplication des emplois aidés qui, comme chacun le sait, ne sont pas pérennes, et par le financement dans l'urgence de formations destinées aux chômeurs. Si nous sommes, par principe, plutôt favorables au développement des stages et au renforcement de la qualification des demandeurs d'emplois, nous doutons que certaines de ces formations débouchent réellement sur des emplois, et notre circonspection a redoublé après que le Gouvernement a annoncé qu'il entendait assurer la formation de 500 000 demandeurs d'emplois en quelques mois.
Le développement des formations visant à obtenir un CAP « petite enfance » montre l'absurdité de la politique menée : ces formations sont saturées alors que les titulaires de ce diplôme sont déjà bien nombreux à rechercher un emploi. Les réticences des agents de Pôle Emploi confirment nos appréhensions. Dans certaines agences, un conseiller doit suivre les dossiers de près de 600 demandeurs d'emploi. Ces hommes et ces femmes accomplissent chaque jour un travail qui mérite la reconnaissance de tous ici. Dans des conditions difficiles, ils ont toujours eu pour priorité d'accompagner les demandeurs d'emploi à retrouver un travail ; leur découragement face à la multiplication des plans rigides et autres objectifs irréalistes doit être entendu. À cet égard, nous espérons que la subvention annuelle à Pôle Emploi ne sera pas amputée en 2017 comme elle le fut, cet été, de près de 30 millions d'euros.
Le triste spectacle du débat sur la loi « travail » a démontré, s'il en était besoin, la nécessité d'une approche globale, dont les axes doivent être le rapprochement des offres des entreprises et des demandes d'emploi, la qualification, l'apprentissage, la formation professionnelle et la maîtrise du coût du travail sur le long terme. Malheureusement, cette vision transversale fait défaut dans le projet de loi de finances pour 2017.
Toutefois, certaines mesures, comme celles qui visent à développer l'apprentissage dans les très petites entreprises, peuvent avoir un intérêt. La mise en pratique, prévue d'ici le 1er septembre 2017, des conclusions du rapport Sirugue relatives à l'allocation temporaire d'attente (ATA) – qui sera supprimée – et à la prime forfaitaire mensuelle d'intéressement à la reprise d'activité est une initiative louable ; elle répond à un souci de simplification auquel nous souscrivons. Le Gouvernement a-t-il défini le calendrier d'application de ces réformes ?
Nous sommes satisfaits de noter dans le budget 2017 la participation de l'État au fonds national d'expérimentation territoriale contre le chômage de longue durée. Mais comment s'opéreront les transferts de crédits nécessaires pour que cette expérimentation prévue par la loi du 29 février 2016 ne crée pas de dépenses supplémentaires pour les collectivités ?
Enfin, même si on note un léger rebond de leur dotation cette année, l'État continue d'étrangler les maisons de l'emploi (MDE) en les privant de moyens budgétaires. Le noeud coulant n'a cessé de se resserrer : entre le projet de loi de finances pour 2013 et le PLF pour 2017, on sera passé de 59 millions d'euros en crédits de paiement à 21 millions d'euros seulement. Les MDE sont pourtant un outil de coordination territoriale des politiques de l'emploi, qui a le mérite de replacer les maires au coeur de la politique de développement de l'emploi dans les territoires.
L'ensemble de ces remarques conduira malheureusement le groupe de l'Union des démocrates et indépendants à voter contre ce projet de budget.
La situation de l'emploi imposait de mobiliser toutes les énergies et d'actionner tous les leviers ; de fait, les efforts engagés ont été considérables. Je reviens un instant sur les aides au poste, qu'un amendement proposera de renforcer. En augmentant ce faisant les moyens des entreprises adaptées, on favorise l'inclusion dans notre société des personnes handicapées, dont le taux de chômage est près de deux fois supérieur à celui des personnes valides ; 500 000 personnes handicapées sont sans emploi. Nous devons absolument maintenir notre effort et le renforcement des aides au poste y contribuera. Je sais, madame la ministre, que vous êtes très sensible à cette question ; la création, dans la loi « travail », d'un dispositif d'emploi accompagné et l'élargissement des missions du réseau Cap Emploi ont permis de progresser.
En ce qui concerne l'AFPA, comment voyez-vous l'avenir et la future implantation sur le territoire d'un organisme très utile non seulement aux jeunes en difficulté mais aussi aux adultes, qu'elle aide à trouver des formations et à mieux se réorienter vers l'emploi ?
Je tiens enfin à souligner tout l'intérêt des missions handicap, qui concernent les PME comme les TPE, mais aussi de grands groupes, et font un travail remarquable. Il me semble important que nous parvenions à avoir une vision globale de ces missions et que nous arrivions à définir un cadre de référence qui puisse leur servir de guide et les aider.
Un rapport de la Cour des comptes, publié le 5 octobre dernier, dresse un bilan pour le moins contrasté du dispositif des contrats aidés dans la lutte contre le chômage. La Cour va même jusqu'à estimer que « les résultats obtenus du point de vue de l'accès à un emploi durable ne sont à la mesure ni des objectifs affichés, ni des moyens mobilisés ». Pourtant, le Gouvernement souhaite consacrer en 2017 plus de 2,4 milliards d'euros à ces dispositifs : nous savons tous que les élections présidentielles approchent et qu'il convient d'améliorer les chiffres du chômage…
Néanmoins, madame la ministre, il existe une autre voie bien plus efficace pour lutter plus efficacement contre le chômage des jeunes : l'apprentissage, que votre majorité a littéralement massacré entre 2012 et 2014, en baissant de quelque 550 millions d'euros les aides aux entreprises embauchant des apprentis. Certes, vous avez pris conscience de ce phénomène en septembre 2014 et, depuis lors, les entrées en apprentissage semblent enfin repartir et ont augmenté de 2,3 % en 2015. Toutefois, il s'agit d'une hausse en trompe-l'oeil : en effet, les embauches d'apprentis ont baissé de 2,3 % dans les entreprises de plus de 10 salariés, et de 4,1 % dans les entreprises de 50 à 199 salariés, baisse que le Gouvernement compense par une forte augmentation des contrats d'apprentissage dans le public, en hausse de 25 %.
Ma question est donc simple : pourquoi, en dépit de vos bonnes intentions, ne consacrez-vous pas davantage de moyens à la promotion et au développement de l'apprentissage, qui est une solution d'avenir, plutôt que de consacrer cet argent aux contrats aidés, qui sont une solution à court terme, particulièrement inopérante ?
J'ai, comme l'an dernier, déposé un amendement demandant une augmentation des aides au poste pour les personnes handicapées. Il me paraît important en effet que ces personnes puissent bénéficier dans notre société d'un statut spécifique dans le monde du travail.
Sachant par ailleurs qu'une étude du cabinet KPMG, parue en février 2016, estime à 11 000 euros le gain social tiré de l'emploi d'une personne handicapée, il n'y guère de discussion à avoir : il faut augmenter le nombre d'aides au poste ainsi que la subvention versée pour compenser la moindre productivité de ces travailleurs handicapés. En outre – et cela ne coûte rien –, il conviendrait de mieux répartir ces postes sur l'ensemble de la France, pour éviter leur sous-consommation et mieux les adapter aux besoins des entreprises ayant les moyens d'accueillir des personnes handicapées.
Il est dommage enfin que, alors qu'au 1er janvier 2016 on considérait que les entreprises adaptées pouvaient bénéficier, comme toutes les autres, de la prime à l'embauche, il en ait été décidé autrement le 25 mars. Je rappelle que les aides à l'entreprise ne sont pas des aides à l'insertion, et que les entreprises aidées ont le même besoin de visibilité et de sécurité juridique que les autres.
En matière de lisibilité, il est également très difficile pour les missions locales qui se sont engagées, avec les emplois d'avenir, auprès de jeunes, de découvrir qu'elles vont devoir attendre l'an prochain pour pouvoir poursuivre leur travail.
L'instruction du 24 octobre 2016 relative au pilotage des contrats aidés prévoit que, pour le quatrième trimestre 2016, il ne pourra être fait appel aux emplois d'avenir que dans le cadre d'un renouvellement. Confirmez-vous néanmoins que des directives ont été données pour que soient acceptés jusqu'au 7 novembre les dossiers en cours de finalisation ? Est-ce à dire, dans ce cas, que, tout en refusant de financer ces emplois d'avenir, vous admettez néanmoins qu'ils répondent à un besoin ?
En ce qui concerne les entrées en apprentissage, elles semblent repartir à la hausse après deux ans de baisse et ont augmenté de 2,3 % en 2015. Quant aux effectifs d'apprentis, ils s'élevaient à 409 331 au 31 décembre 2014. Vous visez l'objectif ambitieux de 500 000 apprentis au 31 décembre 2017, et nous avons tout lieu de nous satisfaire que vous ayez mis un terme à la suppression des mesures favorables à l'apprentissage. Reste qu'il vous faudra faire beaucoup mieux pour atteindre votre cible, car nous en sommes encore très loin.
Je tenais à vous remercier, madame la ministre, pour le soutien que vous avez apporté – et vous êtes la seule ministre du travail à l'avoir fait – à la loi d'expérimentation territoriale visant à résorber le chômage de longue durée, votée l'unanimité. Elle va permettre à dix territoires d'expérimenter d'ici la fin de l'année ou en début d'année prochaine, une belle idée, soutenue par de nombreuses associations.
Quelque 15 millions d'euros doivent abonder le fonds d'expérimentation présidé par Louis Gallois, auquel seront soumis pour sélection les projets des différents territoires. Au-delà, quel type de contractualisation envisagez-vous avec les collectivités territoriales – je pense, entre autres, aux régions Hauts-de-France et Bourgogne-Franche-Comté – qui ont annoncé que, si certains de leurs territoires étaient choisis, elles leur apporteraient un soutien financier ?
Je pense par ailleurs que d'autres expérimentations devraient être menées en la matière, en s'appuyant sur les innovations sociales et économiques susceptibles d'émerger dans nos territoires.
Sans me prononcer sur l'opportunité ou l'efficacité des contrats aidés, je voudrais déplorer que, dans la circulaire que vous avez adressée aux préfets au mois d'octobre, vous demandiez que les contrats aidés soient prioritairement affectés aux quartiers de la politique de la ville, ce qui est contestable dans le principe. Pourquoi en effet, lorsqu'on habite Saint-Fargeau, Bléneau ou Toucy, dans des territoires ruraux, aurait-on moins le droit à un contrat aidé qu'un habitant des quartiers relevant de la politique de la ville ?Vous évoquez à juste titre la lutte contre les discriminations, vous réfléchissez à l'égalité réelle mais, au-delà des concepts, in concreto, pourquoi, lorsque la ministre du travail demande aux préfets de cibler les contrats aidés, cela doit-il se faire au détriment de certains territoires ? Avec une enveloppe budgétaire contrainte, il est normal de définir des priorités, mais le critère territorial me paraît inégalitaire et injuste. De surcroît, il méconnaît les difficultés sociales et économiques qui peuvent exister dans les territoires ruraux.
La proposition de loi de Laurent Grandguillaume sur l'expérimentation, que nous avons voté à l'unanimité, prévoit un volume d'expérimentations très restreint. Or d'autres territoires, notamment dans l'Yonne, ont vocation à être candidats à ces expérimentations, si le dispositif permet, dans le semestre qui vient, d'en étendre le cadre.
Le budget de la mission « Travail et emploi » pour 2017 est en cohérence avec la politique menée depuis quatre ans, qui se caractérise par une réelle volonté de lutter contre cette spécificité française, le chômage, que, jusqu'à présent, les gouvernements successifs n'ont pas réussi à juguler, quoi qu'en disent certains.
Le chômage, ce n'est pas seulement une courbe, ce sont aussi des réformes structurelles, qui concernent les entreprises, les salariés, mais aussi le service public de l'emploi sous toutes ses formes – sans doute trop nombreuses.
Si l'on peut se féliciter que, pour la première fois, des réformes cohérentes aient été engagées – je pense en particulier aux lois sur la sécurisation de l'emploi, sur la formation professionnelle et, plus récemment, à la loi Rebsamen – nos concitoyens n'en sont pas nécessairement conscients, car nous avons rencontré, malgré de la constance dans les objectifs poursuivis, des obstacles liés à la méthode et au calendrier.
La loi « travail » en a été un exemple patent, alors qu'elle ne mérite pas les critiques dont elle a fait et fait encore l'objet aujourd'hui. Pour certains elle représente un démantèlement du code du travail, ce qui est mensonger ; pour d'autres, elle ne va pas assez loin. Cette loi répond à une urgence économique et sociale imposée par la situation de notre marché du travail. Tous les acteurs sont d'accord pour développer le dialogue social et favoriser la démocratie sociale, sachant que, depuis une quinzaine d'années, le champ de la négociation collective s'est considérablement élargi et qu'un grand nombre d'accords ont été signés, y compris par les organisations syndicales aujourd'hui les plus opposées à la loi. Aussi, l'enjeu de la loi était moins de déterminer la taille idéale du code du travail que d'organiser une nouvelle architecture permettant d'assurer la complémentarité et l'équilibre entre ce qui relevait des règles d'ordre public, des accords de branche ou des accords d'entreprise.
Je n'ai pas de questions particulières à poser à la ministre, car elle a été très complète dans ses explications et que la loi « travail » a déjà fait l'objet de nombreuses heures de débat.
Madame la ministre, je souhaite appeler votre attention sur les dispositifs d'exonération fiscale et sociale des entreprises s'implantant en zone de revitalisation rurale.
Afin de favoriser le développement local et les embauches dans ces zones économiquement défavorisées, les entreprises nouvellement créées ou reprises avant le 31 décembre 2020 et qui emploient moins de onze salariés bénéficient à la fois d'une exonération de l'impôt sur les sociétés et d'exonérations sociales sur l'embauche de futur salariés.
À ce jour, sont exclues de ce dispositif les reprises familiales, c'est-à-dire, d'une part, les sociétés issues d'une opération de reprise ou de restructuration, si le cédant, son conjoint, le partenaire auquel il est lié par un pacte civil de solidarité (PACS), leurs ascendants ou descendants, leurs frères et soeurs, détiennent directement ou indirectement plus de 50 % des droits de vote ou des droits de bénéfices sociaux de la société ; d'autre part, les entreprises individuelles qui font l'objet d'une opération de reprise ou de restructuration au profit du conjoint du cédant, ses ascendants ou descendants, ses frères ou soeurs.
En zone rurale défavorisée, cette situation conduit souvent à une fermeture des entreprises individuelles et familiales. Par ailleurs, cela entraîne une inégalité de traitement entre les repreneurs extérieurs et les repreneurs familiaux, qui n'apparaît pas fondée et cause préjudice à l'économie déjà vacillante des zones de revitalisation rurale (ZRR).
Madame la Ministre, pouvez-vous me préciser s'il est possible de corriger cette inégalité et d'inclure les reprises familiales dans le dispositif d'exonération des ZRR ?
La répartition régionale des crédits destinés aux maisons de l'emploi est modulée en fonction de l'offre de soutien aux entreprises, notamment aux TPE et PME, selon un calcul opéré à partir de critères tels que le nombre d'établissement employeurs sur le territoire et le nombre d'emplois. C'est assez paradoxal, puisque cela aboutit à ce que les maisons de l'emploi implantées dans les territoires ayant le moins d'établissements employeurs et un fort taux de chômage soient désavantagées par rapport aux autres. Les DIRECCTE ont certes tendance à mettre en place des mécanismes de pondération, mais avez-vous l'intention de revoir cette méthode de calcul, qui permet aux maisons de l'emploi ayant le moins de chômeurs à traiter d'avoir davantage de crédits que celles qui sont implantées dans des territoires en difficulté ?
La secrétaire d'État à la formation professionnelle et à l'apprentissage, Clotilde Valter s'est rendue en septembre dernier à Saint-Étienne visiter l'Association forézienne d'écoles de production (AFEP). Grace à une méthode de formation axée sur la production, les écoles de production permettent aux élèves apprentis de construire quelque chose de concret, la matérialisation de leur travail étant pour eux très valorisante. Elles sont une solution alternative pour les jeunes décrocheurs ou en difficulté avec le système social.
Les formations délivrées par les écoles de production ont été pensées pour correspondre au marché du travail de la ville où elles sont implantées, afin d'offrir aux jeunes de vraies perspectives à l'issue de leur période d'apprentissage.
Chaque année de nouvelles écoles de production se créent dans des secteurs d'activité divers, et on compte à ce jour une vingtaine d'écoles en France. Or, alors que les résultats sont probants et encourageants, ces écoles attendent toujours une reconnaissance officielle. Si certaines d'entre elles ont été reconnues par le ministère de l'éducation nationale, ce n'est pas le cas de tous les établissements, privés hors contrat. Cette absence de statut clair empêche aujourd'hui les élèves les plus modestes de bénéficier d'une bourse ; de même, les écoles non reconnues ne peuvent bénéficier de la taxe d'apprentissage pour la part hors quota.
Le ministère a récemment annoncé que des décrets d'application devraient être publiés afin de faire de ces écoles une troisième voie de formation professionnelle pour les jeunes : qu'en est-il à ce jour ?
À combien est estimé au total le coût du programme « 500 000 formations supplémentaires » ?
En ce qui concerne le compte personnel de formation (CPF), il doit coûter 32,5 millions d'euros sur trois ans, ainsi que cela avait été annoncé l'an dernier. Mais, entretemps, a été créé le compte personnel d'activité (CPA), qui doit, quant à lui, coûter 25,6 millions d'euros sur trois ans.
Or la loi « travail » prévoit que le CPF sera intégré au CPA. Pourquoi cette intégration ne génère-t-elle pas d'économies sur le coût prévisionnel du CPF ?
D'autre part, quel sera le coût isolé du compte d'engagement citoyen (CEC), autre invention de la loi « travail », qui sera également intégré au compte personnel d'activité ?
Je m'étonne du ton polémique de certaines interventions, qui évoquent la perspective des élections présidentielles à propos des crédits consacrés aux emplois d'avenir.
Le budget pour 2017 prévoit le financement de 245 000 contrats aidés et de 35 000 emplois d'avenir, soit 280 000 emplois aidés. Or, je crois me souvenir que, dans le PLF pour 2012, présenté par un certain Nicolas Sarkozy, ce sont 340 000 emplois aidés qui étaient budgétés, et que les crédits correspondants, qui plus est, ont été utilisés, sans modération, dans les six premiers mois de l'année... Cela devrait donc nous inciter à une certaine modestie et à plus de prudence dans nos propos. Cela vaut aussi pour Bruno Le Maire, qui a déclaré récemment que les emplois aidés ne permettaient pas à une personne de rentrer sur le marché du travail.
Ce qu'il dit est faux, la ministre l'a rappelé : 40 % des CAE débouchent sur un emploi réel, taux qui monte à 66 % dans le secteur marchand.
Il n'est donc pas utile de jeter l'anathème sur les emplois aidés. Ils sont efficaces et, même s'ils méritent d'être améliorés, il est inutile de vouloir en faire un sujet de division entre la gauche et la droite, tout comme il serait inutile, voire contreproductif de vouloir en faire une variable d'ajustement budgétaire. Cela reviendrait clairement à annoncer que l'on renvoie à la rue plusieurs centaines de milliers de personnes éloignées de l'emploi.
J'invite donc les deux ou trois intervenants qui ont voulu polémiquer sur le sujet à se souvenir d'où ils viennent et s'intéresser aux incidences positives de ces emplois non seulement pour les gens qui les assument mais également pour la société, à qui ils rendent service.
Il faut arrêter d'opposer emplois aidés et apprentissage et se réjouir plutôt du redémarrage de ce dernier, surement lié aux mesures qui ont été prises. Nous pouvons également nous réjouir de l'amélioration de la situation dans le BTP et de quelques autres bonnes nouvelles – je pense en particulier à la simplification que va représenter pour les entreprises la dématérialisation des contrats d'apprentissage.
Je rappelle par ailleurs que les apprentis diplômés du supérieur seront aussi éligibles à l'aide à la recherche du premier emploi, et que nous avons fait le choix, pour les plus anciens de comptabiliser la totalité des trimestres pour le calcul de la retraite.
En matière d'apprentissage toujours, ne pensez-vous pas, madame la ministre, qu'il faudrait repenser la rémunération des apprentis ? Une concertation a eu lieu avec les organisations de jeunesse au mois d'avril, à l'issue de laquelle 80 millions d'euros ont déjà été débloqués pour rehausser le pouvoir d'achat des apprentis. Au-delà de cette mesure, la réflexion sur une remise à plat de la grille de rémunération des apprentis a-t-elle été engagée ? Sachant que cette rémunération correspond à une fraction du salaire minimum interprofessionnel de croissance (SMIC) calculée en fonction de l'âge de l'apprenti et de son année de formation, ne serait-il pas pertinent de revaloriser les premières années ?
Je voulais également savoir s'il était prévu une évaluation du dispositif « coût zéro », dont 72 000 jeunes bénéficient aujourd'hui, ce qui explique pour partie la remontée de l'apprentissage. A-t-on évalué son coût ainsi que ses effets positifs, ou négatifs ?
La formation dans le cadre des instituts d'administration des entreprises (IAE), quant à elle, manque de crédits. Nous pensions avoir trouvé la solution en glissant adroitement un amendement dans la loi « travail », mais le Conseil constitutionnel l'a censuré, considérant qu'il s'agissait d'un cavalier législatif, ce qui me semble un peu exagéré.
Enfin, comment pourrions-nous améliorer la fiabilité des chiffres du chômage car, lorsque l'on passe d'un mois sur l'autre de 50 000 chômeurs en moins à 66 000 chômeurs en plus, il y a un problème de crédibilité des données.
En ce qui concerne les chiffres du chômage, la commission d'enquête du Sénat a démontré qu'il n'y avait aucune manipulation des chiffres de Pôle Emploi.
De même, j'ai le sentiment, à propos du programme « 500 000 formations supplémentaires », qu'il y a dans certains groupes politiques un double discours.Tandis qu'en leur sein, certains ont été mes partenaires, notamment des présidents de région, et ont travaillé avec nous pour évaluer quels étaient les besoins des entreprises et créer les formations qui permettraient de résoudre le problème des offres d'emploi non pourvues, d'autres évoquent, lors des questions au Gouvernement ou ici même, en commission, des manipulations statistiques.
On ne peut pas répéter sans cesse que la France a un retard important en matière de formation, notamment à destination de ceux qui en ont le plus besoin, à savoir les demandeurs d'emploi, et se plaindre que l'État – en liaison avec les partenaires et les financeurs que j'ai cités tout à l'heure – mette un milliard d'euros sur la table.
Élue à Paris, j'y vois par exemple de très nombreuses crèches, dans lesquelles il y a un vrai besoin de recrutement de titulaires de CAP « petite enfance » et, si nous avons mis trois mois à signer la plateforme État-régions, c'est que les besoins ont été recensés, bassin d'emploi par bassin d'emploi, en fonction des entreprises.
Un autre exemple concret est celui de ce centre AFPA d'Île-de-France qui, à la demande de l'OPCA concerné, en l'occurrence le Fonds d'assurance formation du travail temporaire (FAFTT) –, a décidé de mettre 5 millions d'euros pour proposer avec le groupe Adecco une centaine de contrats dans des secteurs qui n'arrivaient pas à recruter. Ces contrats sont destinés à des migrants, qui bénéficient de l'hébergement, de la restauration, de l'apprentissage du français et d'une formation dans les métiers qui recrutent. La qualification est en effet le maître-mot, puisqu'une étude a montré que, dans certains secteurs, 86 % des besoins non pourvus ne l'étaient pas à cause d'un manque de qualifications.
Selon une enquête que nous avons présentée récemment avec M. Jean Bassères, directeur général de Pôle Emploi, et M. Cherpion, le taux de satisfaction des demandeurs d'emploi ayant bénéficié du plan « 500 000 » est d'environ 89 %. Certes, il reste 11 % de mécontents, et je ne dis pas que ce plan ne connaît pas de ratés, mais c'est compréhensible dès lors que l'on double le nombre d'actions de formation pour le porter à un million. Cependant, je tiens à rappeler que ce plan, qui vise à accélérer le retour à l'emploi, a été conçu pour faciliter également l'accompagnement de la création d'entreprise et pour développer les contrats de professionnalisation ainsi que les préparations opérationnelles à l'emploi au sein de l'entreprise.
Je précise, monsieur Cherpion, que, conformément aux conventions signées avec l'État, le deuxième versement au titre du plan « 500 000 » est acquis dès lors que le conseil régional a réalisé, au 30 septembre, le même nombre d'entrées en formation que dans le courant de l'année 2015. Il ne serait pas normal, en effet, que nous versions de nouveaux fonds alors que l'avance de 30 % n'a pas été consommée. Néanmoins, nous sommes à l'écoute des régions, dont certaines peinent à accélérer le rythme des entrées en formation. Nous avons donc proposé que le deuxième versement puisse être effectué au vu des entrées en formation réalisées au 30 septembre ou au 30 octobre, voire au 30 novembre si nécessaire. Nous faisons donc preuve de souplesse.
J'ajoute que, si j'ai annoncé un doublement des offres de formation, sur certains territoires – je pense en particulier à la Guadeloupe, où l'accès à la qualification a pris un retard plus important qu'ailleurs –, ces offres sont triplées. Il est légitime de définir des priorités, mais il est normal que nous veillions aussi à ce que l'argent de l'État ne se substitue pas aux fonds que les régions consacrent aux demandeurs d'emploi. Le contrat est clair. Nous respectons nos engagements, mais nous prenons en compte chaque situation pour que les conventions soient le plus fluides possible.
S'agissant du transfert de NACRE aux régions, un audit a été réalisé qui est actuellement contesté par l'Association des régions de France (ARF). Nous aurons donc des discussions à ce sujet, mais cela ne doit pas susciter d'inquiétudes.
J'en viens à la transformation de l'AFPA. Beaucoup ont salué le rôle historique de cette association, dont les plateaux techniques sont de très grande qualité. L'établissement public à caractère industriel et commercial (EPIC) doit être créé au 1er janvier 2017, mais des étapes importantes restent à franchir pour que l'établissement soit parfaitement opérationnel à cette date : finalisation, présentation en conseil des ministres, publication et ratification de l'ordonnance ; création de la filiale en charge de l'activité de formation des salariés et répartition des personnels entre l'EPIC et sa filiale ; dissolution de l'association et transfert de ses biens et obligations à la nouvelle structure ; élaboration du contrat d'objectifs et de performance ; nomination du directeur de l'EPIC et publication de l'arrêté de dévolution patrimoniale. Nous travaillons sur ces différentes étapes en défendant nos points de vue, dans le respect du droit national et communautaire, et en rassurant les salariés : nous sommes conscients de l'histoire de l'AFPA et nous veillons à préserver son efficacité.
M. Rochebloine a relevé que le financement des maisons de l'emploi (MDE) par l'État – qui avait la volonté de le transférer, en application de la loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe) – a été maintenu. J'ai en effet pris cette décision car certaines MDE fonctionnent extrêmement bien. Il convient de prendre en compte la situation objective de chacune d'entre elles. Ainsi, nous diminuons les financements de celles qui ne fonctionnent pas, car le budget de l'État n'a pas à financer des frais de structures en l'absence de tout service rendu. S'agissant de l'application des critères, monsieur Vercamer, les DIRECCTE sont très souples. J'organise, chaque mois, des visioconférences avec celles-ci et les préfets de région. Ce qui m'importe, c'est le service rendu aux entreprises et aux salariés du territoire. Ainsi, certaines toutes petites MDE – je pense en particulier à l'une d'entre elles, située dans le Morbihan – ne respectent pas les critères, mais sont tout de même consolidées. La taille de la structure n'est pas déterminante. Nous tenons compte également de sa capacité à travailler en lien avec les autres opérateurs de l'emploi du territoire. À ce propos, je me suis aperçu, en examinant la situation financière des missions locales, que certaines d'entre elles souffraient d'un fort désengagement de la part des conseils départementaux. Or, la question de l'accompagnement est essentielle. Tout le monde se déclare, ici, très favorable aux opérateurs de l'emploi mais, sur le terrain, je constate que certaines collectivités se désengagent du financement d'acteurs locaux essentiels.
Encore une fois, je ne fais qu'évaluer objectivement la situation, qu'il s'agisse des missions locales, des MDE ou des OPCA. Il ne s'agit en aucun cas, comme on l'a dit tout à l'heure, d'un rapt de l'État. Lors de l'examen de la loi « travail », on a beaucoup parlé d'évaluation ; c'est ce que nous faisons.
Par ailleurs, il est prévu dans la loi que l'expérimentation « Territoire zéro chômeur de longue durée » soit menée dans dix territoires ; il n'y en aura donc pas davantage. Cette expérimentation ne sera étendue qu'après son évaluation selon des critères également fixés par la loi : qualité des activités créées, utilisation des dépenses passives, insertion durable des personnes… Où en sommes-nous aujourd'hui ? Le conseil d'administration de l'association gestionnaire du fonds s'est déjà réuni plusieurs fois, et le conseil scientifique d'évaluation de l'expérimentation s'est réuni le 14 octobre dernier. Les candidatures, qui devaient être déposées avant le 28 octobre, sont au nombre d'une trentaine. La liste des territoires qui seront retenus sera arrêtée par le fonds d'expérimentation. Celui-ci sera attentif à ce que ces territoires soient convenablement répartis entre les régions et il prendra en compte la maturité du projet. Certains territoires travaillent en effet depuis plus d'un an avec ATD-Quart Monde et ont déjà identifié les demandeurs d'emploi et les entreprises concernés. Le conseil d'administration, qui doit se prononcer par un vote le 21 novembre, me transmettra une proposition, puis je prendrai un arrêté.
Il est prévu, dans le PLF, de consacrer 15 millions d'euros au financement de cette expérimentation, sachant qu'une subvention exceptionnelle a été décidée dès cette année pour faire vivre le fonds d'expérimentation. A ce propos, je précise, monsieur Grandguillaume, que nous attendons une participation des collectivités dans le cadre de l'appel à candidatures. C'est un des critères qui seront retenus, de même que les dépenses de RSA. L'État est là pour jouer un rôle d'amorçage. Je souhaite donc allouer à cette expérimentation les moyens financiers nécessaires pour qu'elle soit correctement réalisée et, si elle est concluante, le dispositif sera généralisé. Nous devons innover. Je rappelle, du reste, qu'avant d'être généralisée, la Garantie jeunes avait été expérimentée dans dix départements.
En ce qui concerne les emplois d'avenir, j'organise des visioconférences chaque mois avec les préfets de région, les directeurs généraux de Pôle Emploi et l'ensemble des opérateurs. Dans ce cadre, si je constate, par exemple, que le taux d'accès aux emplois aidés des travailleurs en situation de handicap ou le taux de formation de jeunes en emplois d'avenir sont insatisfaisants, j'indique aux représentants de l'État en régions qu'ils doivent faire mieux. Mais certaines régions avaient dépassé leur objectif de 120 % ou de 130 %, de sorte que le nombre des emplois d'avenir était en train d'exploser. J'ai donc décidé que les contrats aidés dans le secteur marchand ne devaient concerner que des CDI et bénéficier à des publics ciblés : travailleurs en situation de handicap, seniors, jeunes issus de zones de revitalisation rurale (ZRR) et de quartiers relevant de la politique de la ville et chômeurs de longue durée. Oui, donc, à la reconduction des emplois d'avenir, mais, pour les nouvelles entrées, je demande que l'on attende le 2 janvier 2017. Je veux éviter que les contrats aidés signés entre le 24 octobre et le 7 novembre ne puissent pas être mis en oeuvre. Les régions bénéficient d'une certaine souplesse, mais elles ne peuvent pas dépasser l'objectif qui leur est fixé car ce dépassement se ferait au détriment d'autres régions. Or, mon rôle est de garantir l'égalité territoriale et le respect des procédures. Je rappelle, en outre, que le nombre des emplois d'avenir a doublé au cours de l'année 2016 par rapport à ce qui était prévu dans le PLF.
Par ailleurs, je précise, monsieur Larrivé, que les publics ciblés sont aussi bien les jeunes issus de ZRR que ceux issus des quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV) : 18 % des jeunes bénéficiaires des contrats d'avenir sont issus des QPV, 15 % des ZRR. Je n'oppose pas un territoire à un autre. Je rappelle d'ailleurs que la nouvelle géographie prioritaire de la politique de la ville mise en oeuvre par François Lamy ne prend en compte que le critère de pauvreté des habitants. C'est ainsi que des villes petites ou moyennes telles que Villers-Cotterêts ont pu bénéficier, pour la première fois, des dispositifs de la politique de la ville. Celle-ci ne concerne donc pas seulement les territoires urbains. Toutefois, un rattrapage est absolument nécessaire dans certains quartiers où le taux de chômage des jeunes est particulièrement important ; je pense, par exemple, à La Castellane, à Marseille, où il atteint 80 %. Nous avons ainsi créé le dispositif « Réussite apprentissage », car à peine 5 % des jeunes de ces quartiers sont en apprentissage. Il nous faut en effet remédier à ces situations en actionnant divers leviers. Donner plus à ceux qui ont moins : tel est l'objectif de la politique que je mène.
S'agissant de la subvention spécifique versée, en complément des aides au poste, aux entreprises adaptées, son montant est resté stable entre 2012 et 2016. Dans le PLF pour 2017, il augmente de 930 000 euros afin de prendre en compte la hausse du nombre d'aides au poste en 2015 et 2016. La création, en 2017, de 500 aides au poste supplémentaires – tel est en tout cas l'objet d'un amendement – permettra, par exemple, de créer une entreprise adaptée dans l'ouest guyanais où il n'en existe pas encore. En tout état de cause, il s'agit, pour moi aussi, d'une priorité. J'estime, du reste, que les outils de la politique de l'emploi, notamment les emplois d'avenir, doivent bénéficier davantage aux personnes en situation de handicap, qui doivent être mieux accompagnées. Il faut travailler davantage avec les maisons départementales des personnes handicapées – MDPH –, notamment dans le cadre du plan « 500 000 formations ».
Il me faut maintenant conclure…
En ce qui concerne l'apprentissage, les crédits budgétaires ont été portés de 2,75 milliards d'euros en 2013 à 2,84 milliards aujourd'hui. Dans la fonction publique d'État, le nombre des contrats est passé de 700 à 10 000, ce qui est considérable. Par ailleurs, nous avons conclu, cet été, un partenariat avec M6 pour valoriser l'apprentissage. Quant aux écoles de production, j'en suis « fan » ! Nous avons voulu leur faire une place dans la loi « travail » ; les décrets d'application font actuellement l'objet d'une concertation.
On me dit qu'ils le seront dans les prochaines semaines, mais Clotilde Valter vous répondra plus précisément sur ce point.
Pour conclure, j'indique à ceux d'entre vous à qui je n'aurais pas répondu que je le ferai par écrit.
La réunion de la commission élargie s'achève à dix-sept heures vingt-cinq.
Le Directeur du service des comptes rendus des commissions,
Nicolas VÉRON© Assemblée nationale