Intervention de Dominique Lefebvre

Réunion du 3 novembre 2016 à 17h45
Commission élargie : finances - affaires économiques - développement durable - affaires étrangères

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDominique Lefebvre, rapporteur spécial pour la mission « Remboursements et dégrèvements » :

Monsieur le secrétaire d'État, monsieur le président, mes chers collègues, comme les années précédentes, la mission « Remboursements et dégrèvements » constitue la plus importante mission du budget général de l'État. Selon les prévisions du projet de loi de finances pour 2017, le montant des crédits s'élèvera en effet à 108,9 milliards d'euros, soit 25,5 % des dépenses brutes. Néanmoins, cette mission est particulière et ne peut être appréhendée de la même manière que les autres postes de dépenses de l'État. J'ai, du reste, tenu à rappeler dans l'introduction du rapport consacré à cette mission la réalité de celle-ci, ce qu'il faut en comprendre et ce qu'il ne faut surtout pas en comprendre.

Dotée de crédits évaluatifs et dépourvue de crédits de titre 2, cette mission regroupe les dépenses liées à des situations dans lesquelles l'État est amené à restituer des impôts, des taxes ou des contributions aux contribuables, ou dans lesquelles il ne recouvre pas certaines créances sur les contribuables. Les raisons pour lesquelles l'État est amené à effectuer ces opérations sont très diverses et peuvent être classées en trois catégories : tout d'abord, les sommes restituées en raison de la mécanique de l'impôt, pour plus de 70 % des crédits du programme ; ensuite, les sommes restituées en raison des politiques publiques, pour 16 % ; enfin, les raisons liées à la gestion de l'impôt, c'est-à-dire aux corrections, erreurs et litiges, pour 12 %.

En 2017, les remboursements et dégrèvements d'impôts d'État augmentent sensiblement ; ils s'établissent à près de 97 milliards d'euros, en hausse de 4,4 milliards par rapport à la prévision révisée pour 2016. Cette hausse s'explique principalement par l'effet de la montée en charge du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE), dont le coût au sein du programme 200 est estimé par l'administration fiscale à environ 3 milliards d'euros – mais il ne s'agit là que d'une partie de son coût. Cet effort en faveur de la compétitivité de nos entreprises constitue un axe fort de la politique du Gouvernement. Ce dispositif est efficace, légitime, et doit être poursuivi. Je précise, à ce propos, que l'examen de cette mission ne doit pas être, me semble-t-il, l'occasion d'étudier de manière approfondie les dépenses fiscales, car elle est essentiellement comptable.

Les remboursements et dégrèvements d'impôts locaux, quant à eux, sont en très légère diminution par rapport à 2016 ; ils devraient s'élever à 11,9 milliards d'euros en 2017.

Comme je le rappelle dans mon rapport, ces documents budgétaires ont vocation, non pas à fournir une analyse économique approfondie de l'ensemble des dispositifs fiscaux retracés dans la mission, mais, plus simplement, à permettre le respect du principe de sincérité budgétaire et à contribuer à la bonne information du Parlement par une présentation claire des montants des remboursements et dégrèvements venant en atténuation des recettes fiscales brutes.

Dans ce cadre, monsieur le secrétaire d'État, mes remarques porteront sur deux sujets qui me paraissent particulièrement importants.

Ma première inquiétude porte sur le risque financier associé aux contentieux fiscaux européens, qui me semble avoir fortement augmenté au cours des dernières années. Ainsi, l'ancien contre-rapporteur de l'acte de certification des comptes de l'État se rappelle qu'au 31 décembre 2012, la provision pour litiges fiscaux enregistrée dans le compte général de l'État, qui était de 12 milliards d'euros – elle faisait, du reste, l'objet de réserves qui ont depuis été levées – s'élève, trois ans plus tard, à 21 milliards d'euros.

Ces contentieux sont difficiles à prévoir. La complexité du droit, l'évolution de son interprétation et les changements de jurisprudence rendent en effet difficile l'évaluation du risque lors de l'adoption d'une disposition fiscale nouvelle. Néanmoins, l'adoption de dispositions fiscales contraires au droit de l'Union européenne a un coût pour les finances publiques. Ainsi, la contribution additionnelle à l'impôt sur les sociétés de 3 % a fait l'objet d'une décision récente de la part du Conseil constitutionnel et a également donné lieu à une saisine de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE). Cette affaire pourrait – mais cela n'est évidemment absolument pas certain – conduire l'État à rembourser des sommes importantes, car cette taxe a rapporté plus de 2 milliards d'euros en 2015.

Monsieur le secrétaire d'État, la Cour des comptes s'est plutôt félicitée de la manière dont votre administration suit les autres contentieux en cours, mais je souhaiterais que vous nous expliquiez les différentes solutions envisagées suite à la décision du Conseil constitutionnel et que vous nous indiquiez quelle option aurait la faveur du Gouvernement. De manière générale, pouvez-vous nous dire quel sera le coût estimé de ces contentieux en 2017 et quelles mesures pourraient être prises pour éviter de nouveaux contentieux à l'avenir ?

Ma seconde interrogation concerne la présentation budgétaire, qui pourrait être améliorée. Contrairement à des avis régulièrement exprimés, je considère que la présentation des actions relatives à la mécanique de l'impôt ainsi qu'aux politiques publiques est satisfaisante, tout comme leur présentation en atténuation de recettes dans le tableau d'équilibre du budget général. Si cette observation rompt avec certaines remarques faites par mes prédécesseurs, je considère, en revanche, que les remboursements et dégrèvements d'impôts locaux constituent de véritables dépenses de l'État : ces transferts aux collectivités territoriales ne devraient pas être présentés en déduction des recettes fiscales brutes, mais en dépenses, afin de mieux traduire l'effort de l'État en faveur des collectivités territoriales.

Je suis également favorable à l'alignement de l'architecture budgétaire des deux programmes et à la publication des informations relatives aux admissions en non-valeur et aux remises gracieuses dans les documents budgétaires, éléments qui sont régulièrement avancés par la Cour des comptes.

Monsieur le secrétaire d'État, quelle est la position du Gouvernement sur ces différentes recommandations ?

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